Étiquette : Les Poètes


  • Louis Aragon | Le Discours à la première personne


    DISCOURS, 4
    (extrait)




    Je peux me consumer de tout l’enfer du monde
    Jamais je ne perdrai cet émerveillement
    Du langage
    Jamais je ne me réveillerai d’entre les mots
    Je me souviens du temps où je ne savais pas lire
    Et le visage de la peur était la chaisière aux Champs-Élysées
    Il n’y avait à la maison ni l’électricité ni le téléphone

    En ce temps-là je prêtais l’oreille aux choses usuelles
    Pour saisir leurs conversations
    J’avais des rendez-vous avec des étoffes déchirées
    J’entretenais des relations avec des objets hors d’usage
    Je ne me serais pas adressé à un caillou comme à un moulin à café
    J’inventais des langues étrangères afin
    De ne plus me comprendre moi-même
    Je cachais derrière l’armoire une correspondance indéchiffrable
    Tout cela se perdit comme un secret le jour
    Où j’appris à dessiner les oiseaux

    […]



    Louis Aragon, « Le Discours à la première personne », 4, Les Poètes, poème, éditions Gallimard, Collection Blanche, 1960 ; Collection Poésie/Gallimard, 1976, pp. 193-194. Texte revu et corrigé par l’auteur en 1968 et 1976.





    Aragon  Les poètes



    LOUIS ARAGON

    Aragon 2
    Source




    ■ Louis Aragon
    sur Terres de femmes


    → (sur Terres de femmes)
    Le Voyage d’Italie




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    8 avril 1973 | Mort de Pablo Picasso (+ poème « La Belle Italienne » de Louis Aragon)





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  • Louis Aragon | Le Voyage d’Italie


    LE VOYAGE d’ITALIE, 3
    (extrait)




    Il pleut La pluie italienne de septembre
    N’est ni jaune ni bleue il pleut sans éclipse il pleut plein les épaules pliées
    Il pleut Ni perles ni paroles ni paraphes d’épées
    Ni poussières ni claques ni paniques d’eau
    Ni passages de pétrels pétrole d’air
    Désespoir de nuées
    Il pleut tout simplement il pleut sans un pli sans une plaie
    Sans gifles aux palais plaquant Sans plomb de grêle
    Sans trombes de sel sur les places
    Il pleut sans plus
    Avec une persévérance égale et jamais lasse
    Et la paupière pâle et pauvre du ciel ne se relève nulle part sur ses pleurs
    Perpétuels on ne voit plus l’œil pur de l’été sur la vie
    On ne voit plus rien que la pluie
    Une pluie éparse ou épaisse
    Sur le piano plat des toits de par ici
    Un plasma tournoyant au platine des platanes
    Un plâtrage d’air une polarisation de poudre une précipitation
    De neige ou de plume un instant par l’espace perdue
    Une possession parallèle une obstination pathétique
    Il pleut pleut pleut sur la pensée il pleut

    […]




    Louis Aragon, « Le Voyage d’Italie », 3 [Les Poètes, Gallimard, Collection Blanche, 1960 ; Collection Poésie/Gallimard, 1976, pp. 71-72], in Marceline Desbordes-Valmore & Louis Aragon, Les Yeux pleins d’églises | Le Voyage d’Italie, éditions La Bibliothèque, Collection L’Écrivain Voyageur, 75017 Paris, 2010, pp. 111-112. Avant-propos de Jean Ristat. Introduction et notes de Claude Schopp.





    Aragon montage



    LOUIS ARAGON

    Aragon 2
    Source




    ■ Louis Aragon
    sur Terres de femmes


    → (sur Terres de femmes)
    Le Discours à la première personne (autre poème extrait des Poètes)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    8 avril 1973 | Mort de Pablo Picasso (+ poème « La Belle Italienne » de Louis Aragon)
    → (sur Les Lettres françaises N° 76)
    Voyages d’Italie, par Michel Bulteau





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