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  • 31 mars 1282 | « Les Vêpres Siciliennes »

    Éphéméride culturelle à rebours



    Rapisardi
    Michele Rapisardi, I Vespri Siciliani, 1864-1865
    Huile sur toile, 233 x 346 cm
    Catania, Museo Civico di Castello Ursino
    Source







    Le 31 mars 1282 a lieu à Palerme le massacre des Angevins en Sicile. Cet événement sanglant, déclenché la veille au soir, un lundi de Pâques, à l’heure des Vêpres, devant l’église du Saint-Esprit, à la suite de l’affront d’un soldat français envers une jeune palermitaine, prit par la suite le nom de « Vêpres Siciliennes ».


    Dans un élan de révolte spontané, la population insulaire, restée très attachée à l’empire (partito Ghibellino) et aux Hohenstaufen et jugeant la politique du roi de Sicile, Charles 1er d’Anjou (frère de Louis IX, dit Saint Louis), très oppressive, se retourne contre lui ainsi que contre son allié, le pape Martin IV (partito Guelfo). Il est en effet reproché au gouvernement angevin, outre une fiscalité excessive, la spoliation des terres en faveur des nobles français. Sans parler de vexations diverses et de violences. Fomenté par l’émigré sicilien Jean de Procida – soutenu par Pierre III d’Aragon –, le massacre commencé à Palerme se poursuit dans toute l’île et fait de nombreuses victimes (environ 4 000). Les Français se réfugient dans leur nid d’aigle normand, le château de Sperlinga (province d’Enna). En moins d’un mois, les rebelles se rendent maître de la Sicile. Le 31 août 1282, Pierre III d’Aragon débarque à Trapani et s’empare du pouvoir. Dans l’histoire de la Sicile, la période aragonaise succède à la période angevine (1266-1282).


    Dans Paradis de La Divine Comédie, le poète Dante Alighieri, qui, en 1295, avait rencontré à Florence Charles Martel donne la parole au petit-fils de Charles 1er d’Anjou. Dans le chapitre VIII, Charles Martel s’adressant à Dante, évoque sur quelques vers l’épisode des « Vêpres Siciliennes » :



    67
    « E la bella Trinacria (che caliga
          tra Pachino e Peloro, sopra ’l golfo
          che riceve da Euro maggior briga,
    non per Tifeo, ma per nascente solfo),
          attesi avrebbe li suoi regi ancora
          nati per me di Carlo e di Ridolfo;
    se mala signoria, che sempre accora
          li popoli suggetti, non avesse
          mosso Palermo a gridar: – Mora! Mora! –




    Dante Alighieri, La Divina Commedia, Paradiso, Rizzoli Editore, 1949, pagina 52. Note a cura di Lodovico Magugliani.




    Et Trinacrie* la belle, qu’ennuage
          non point Typhée**, mais le soufre naissant
          de Pachino à Peloro***, au bord du golfe
    que l’Eurus bat de son plus âpre souffle,
          aurait encore attendu ses monarques
          issus par moi de Rodolphe**** et de Charles,*****
    si un mauvais gouvernement, qui blesse
          toujours au cœur les peuples ses sujets,
          n’eût fait crier Palerme : « À Mort ! À mort ! »



    __________________________________________
    * Trinacrie : nom ancien donné à la Sicile
    ** Typhée : géant enfoui sous l’Etna
    *** Pachino et Peloro : capo Passero et capo Faro
    **** Rodolphe 1er de Habsbourg, beau-père de Charles Martel (1271-1295)
    ***** Charles 1er d’Anjou, aïeul de Charles Martel




    Dante, Œuvres complètes, La Pochothèque, 1996, page 914. Traduction nouvelle revue et corrigée, avec un index des personnes et des personnages, sous la direction de Christian Bec.






    La tragique fin du règne des Français en Sicile a également inspiré à Giuseppe Verdi l’opéra des Vêpres siciliennes (I Vespri siciliani).

    Composé entre 1853 et 1855, l’opéra en cinq actes des Vêpres siciliennes a été composé à partir du livret d’Augustin Eugène Scribe et de Charles Duveyrier. Premier opéra de Verdi écrit pour Paris, Les Vêpres siciliennes a été créé à l’Académie Impériale de Musique le 13 juin 1855. Lors des festivités organisées pour l’Exposition universelle. L’opéra remporta un vif succès et Verdi se mit au travail pour transposer son œuvre en italien. La version italienne d’I Vespri siciliani a été représentée pour la première fois à Parme, le 26 décembre 1855, sous le titre de Giovanna di Guzman.





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    27 décembre 1974 | I Vespri siciliani à l’Opéra de Paris





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  • 27 décembre 1974 | I Vespri siciliani à l’Opéra de Paris

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 27 décembre 1974, sous le mandat de Rolf Liebermann*, nouvellement nommé (1er janvier 1973) administrateur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux **, est représenté pour la première fois au Palais Garnier, à Paris, l’opéra de Giuseppe Verdi I Vespri siciliani, dans une scénographie de John Dexter. Un des grands chefs-d’œuvre de l’opéra que Rolf Liebermann a entrepris de ramener sur les devants de la scène pour que l’Opéra de Paris puisse recouvrer son faste d’antan.

    La direction musicale de l’opéra est assurée par Nello Santi. Ruggero Raimondi interprète le rôle de Procida. Placido Domingo celui d’Arrigo (Henri de Montfort). La soprano portoricaine Martina Arroyo interprète le rôle d’Elena.







    Verdi autographe

    Portrait de Verdi et autographe :
    « la brise souffle au loin plus légère et plus [pure
    Et de parfums plus doux l’air paraît embaumé] »
    [Romance d’Henri, Les Vêpres siciliennes, Acte V, Scène II]
    Londres, 23 juillet 1855
    Source







    LES VÊPRES SICILIENNES



    Créé à Paris le 13 juin 1855 à l’Académie Impériale de Musique de Paris (salle Le Peletier), en présence de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, Les Vêpres siciliennes (I Vespri siciliani) est un opéra en cinq actes, composé à partir d’un livret d’Augustin Eugène Scribe et de Charles Duveyrier, et de divertissements chorégraphiques de Marius Petipa. Avec Sophie Cruvelli dans le rôle d’Hélène, Louis Gueymard dans le rôle d’Henri, Louis-Henri Orbin dans le rôle de Procida.

    Commandée à Verdi à l’occasion de l’Exposition Universelle, écrite expressément pour la scène parisienne, cette œuvre ― premier opéra français de Verdi ― met en scène l’insurrection sicilienne du 31 mars 1282 (lundi de Pâques) conduite par Roger de Lauria et Giovanni da Procida, contre la politique oppressive de Charles 1er d’Anjou et contre l’occupant français.

    Cette insurrection a été déclenchée le jour même de la célébration du mariage de la duchesse Hélène avec Henri de Montfort, fils du gouverneur de l’île. Le signal d’alarme ayant été donné en sonnant les cloches, à l’heure des vêpres. Les Siciliens envahirent la cathédrale, massacrèrent les Français et se placeront dès lors sous la protection espagnole des Aragon.

    Giuseppe Verdi et ses librettistes, considérant cet événement historique sous l’angle contemporain de la montée des nationalismes en Europe, l’adaptent librement en mélangeant fiction et réalité. Notamment salué par Hector Berlioz, l’opéra Les Vêpres siciliennes remporte un vif succès. Verdi entreprend alors de le faire traduire en italien par Arnaldo Fusinato. La création de la première version italienne aura lieu à Parme le 26 décembre 1855 sous le titre Giovanna di Guzman. Version reprise en 1857 sous le titre Batilde di Turenna au théâtre San Carlo de Naples. Une autre version sera créée à La Scala de Milan le 4 février 1856, dans une nouvelle traduction d’Ettore Caimi. Il faudra attendre 1861 pour que l’œuvre recouvre son titre I Vespri siciliani.

    Malgré une tentative de reprise à Paris en juillet 1863, la partition française des Vêpres siciliennes tombe quant à elle dans l’oubli et ne connaît un véritable regain d’intérêt qu’à l’orée du XXIe siècle (Opéra de Paris-Bastille, juin 2003, sous la direction de James Conlon).

    Souvent tenue par les spécialistes pour un semi-échec, notamment sur le plan de la structure dramatique, cette œuvre de maturité est cependant un jalon déterminant dans l’évolution de la création verdienne. En particulier, l’emploi de la forme ternaire française ABA (structure similaire de la 1re et de la 3e partie), qui constitue un grand pas en avant et contribue à la libération et à l’épanouissement de l’art lyrique du compositeur, qui atteint son acmé avec Othello et Falstaff.

    Pour ce qui est des Vêpres siciliennes, un grand souffle lyrique culmine dans l’ouverture et dans de nombreux airs : acte II, dans l’air de Procida « Et toi, Palerme, ô beauté qu’on outrage », ou encore, acte III, dans l’air de Montfort « Au sein de la puissance » ; acte IV, dans le quatuor « Adieu, mon pays je succombe ». Dans la deuxième scène de l’acte V, le Boléro d’Hélène, « Merci, jeunes amies », dont la jovialité fait contraste avec les scènes hautement dramatiques, apparaît comme une réjouissante digression, tout comme les nombreux airs de danse (dont la tarentelle du deuxième acte et le ballet des Quatre Saisons du troisième acte) qui jalonnent la partition de la version française.

    En dépit de ses défauts, Les Vêpres siciliennes offre des moments de très grande beauté. L’alliance réussie de la mesure française et de l’impétuosité italienne, au service de l’expression des sentiments, a mis Giuseppe Verdi sur la voie de ses grands opéras à venir.


    Angèle Paoli





    __________________________________________________
    * À l’occasion du centenaire de la naissance de Rolf Liebermann (1910-1999), l’un des plus grands directeurs de théâtre du XXe siècle, la Bibliothèque nationale de France et l’Opéra national de Paris consacrent actuellement (du 14 mars 2010 au 13 mars 2011) une exposition à « l’ère Liebermann », dans les espaces de la Bibliothèque-musée de l’Opéra.
    ** La Réunion des théâtres lyriques nationaux, qui sera dissoute en 1978 au profit du Théâtre national de l’Opéra de Paris.





    ■ Giuseppe Verdi
    sur Terres de femmes

    5 février 1887 | Création de Otello de Verdi



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    31 mars 1282 | « Les Vêpres Siciliennes »
    → (sur le site officiel Giuseppe Verdi)
    le livret (en italien) des Vespri siciliani
    → (sur books.google.fr)
    le livret (en français) des Vêpres siciliennes
    → (sur YouTube)
    le Bolero (« mercè, dilette amiche », I Vespri siciliani, Acte V) interprété par Martina Arroyo (Live Opéra Garnier, Paris, 1976. Direction : Nello Santi)
    → (sur YouTube)
    « In alto mare/Deh! tu calma, O Dio possente » (I Vespri siciliani, Acte I) interprété par Martina Arroyo, enregistré à Londres en août 1973 (direction James Levine)
    → (sur YouTube)
    le Bolero (« mercè, dilette amiche »), interprété par Maria Callas
    → (sur YouTube)
    le même air interprété (en français) par June Anderson
    → (sur YouTube)
    Martina Arroyo et Placindo Domingo interprétant « Quale, o prode, al tuo corraggio » (I Vespri siciliani, Acte II) , enregistré à Londres en août 1973 (direction James Levine)
    → (sur YouTube)
    Martina Arroyo et Placindo Domingo interprétant « O sdegni miei, tacete Elena » (I Vespri siciliani, Acte IV), enregistré à Londres en août 1973 (direction James Levine)
    → (sur YouTube)
    l’ouverture des Vespri siciliani (direction : Claudio Abbado)
    → (sur le blog In Fernem Land)
    une note sur Les Vêpres siciliennes et quatre extraits (dont le Bolero)






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