Étiquette : Linda Maria Baros


  • Marta Petreu | En souvenir de la cruauté



    EN SOUVENIR DE LA CRUAUTÉ




    Touche-moi. Promène doucement tes doigts sur mon corps

    tâte ma peau par-dedans

    doucement vigoureusement avec pitié : c’est là-dedans

    que j’étais moi


    Oui. Moi. Rien que moi. Identique à moi-même


    Caresse ma peau par-dedans. Prends cette odeur humide
    de sang dans les mains
    ramasse le sang dans la paume de ta main comme dans
    un pot de terre
    goûte-le avec le bout de la langue :
    c’était mon sang à moi


    Rentre dans ma peau
    comme
    un soldat dans son armure
    Oh ! je sais qu’elle te serre
    Restes-y habite-la polis-la farde-la oins-la de crème
    défends-la contre les rides et la rouille
    donne-lui un corps donne-lui la vie : c’était ma peau à moi


    Oui. Fais en sorte que tes doigts enfilent la peau de mes
    mains
    comme un gant : cette forme-la c’était moi


    Quant à moi tu vois bien que je suis sortie de ma peau
    moi je suis partie moi je suis loin
    Écorchée vive ma chair découpe maintenant les lointains
    sépare la nuit de l’automne macule de sang l’horizon de
    l’au-delà


    Tu fais cette cérémonie
    en souvenir de l’amour
    (oh ! tu m’as aimée comme un jardinier qui creuse
    profondément son jardin avec une bêche) :


    donc en souvenir de la cruauté




    Marta Petreu, L’Apocalypse selon Marta, Éditions Caractères, 2013, in « À pleines mains, 71 Poètes », Bacchanales n° 48, Revue de la Maison de la poésie Rhône-Alpes, novembre 2012, page 126. Poème choisi et traduit du roumain par Linda Maria Baros.






    MARTA PETREU


    Marta Petreu
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Gattivi Ochja)
    un poème de Marta Petreu traduit en corse par Stefanu Cesari
    → (sur le site du cipM, centre international de poésie Marseille)
    une notice bio-bibliographique sur Marta Petreu (+ un poème dit par Marta Petreu)






    Retour au répertoire du numéro de janvier 2014
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Angela Marinescu | de ce couteau se déverse le métal

    din asfalt curg târfe
    Ph., G.AdC





    DIN CUŢITUL ACESTA CURGE METAL


    din cuţitul acesta curge metal
    când te iubesc
    din copacul nemişcat curge lemn
    când te iubesc
    din asfalt curg tîrfe
    când te iubesc
    din apă curge nămol
    când te iubesc
    şi te iubesc pentru că nu ştii că te iubesc
    pentru că nu ştii ceea ce îmi place la tine
    pentru că nu poţi să-ţi imaginezi
    ceea ce îmi imaginez eu când te privesc
    verde în faţă ca pe-un duşman
    pentru că mi-e greu să nu te ating
    dar nu te voi atinge niciodată
    nici măcar în iad şi nici măcar aici
    pe drumul atît de cunoscut
    încît poţi înnebuni
    pentru că eşti
    abia la-nceput
    eu sunt
    abia
    la sfîrşit


    Angela Marinescu
    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)






    De cet arbre immobile se d-verse le bois
    Ph., G.AdC





    DE CE COUTEAU SE DÉVERSE LE MÉTAL


    de ce couteau se déverse le métal
    quand je t’aime
    de cet arbre immobile se déverse le bois
    quand je t’aime
    de l’asphalte se déversent les putes
    quand je t’aime
    de l’eau se déverse la boue
    quand je t’aime
    et je t’aime parce que tu ne sais pas que je t’aime
    parce que tu ne sais pas ce qui me plaît en toi
    parce que tu ne peux imaginer
    ce que j’imagine quand je te regarde
    vertement dans les yeux comme si tu étais mon ennemi
    parce qu’il m’est difficile de ne pas te toucher
    mais jamais je ne te toucherai
    ni même en enfer, ni même ici
    sur ce chemin tellement familier
    qui peut te rendre fou
    parce que tu es
    seulement au début
    moi, je suis
    seulement
    à la fin


    Traduit du roumain par Linda Maria Baros
    Traduction inédite (D.R.)



    Note d’AP : ce poème est extrait d’un recueil à paraître (Je mange mes vers|Îmî mănănc versurile) aux éditions L’Oreille du Loup dans le courant de l’année 2011.



    ANGELA MARINESCU


    Angela marinescu
    Ph. D.R.



    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
    établie par Linda Maria Baros


        Basaraba-Angela Marcovici, dite Angela Marinescu, est née le 8 iuillet 1941 à Arad. Elle a fait des études de médecine à Cluj et des études de psychologie à l’Université de Bucarest. Depuis 1969, elle a publié quinze recueils de poèmes, parmi lesquels on peut citer : Sang bleu (Sânge albastru, 1969), La Cire (1970), Poèmes (1978), La Structure de la nuit (1979), Le Blindage final (1981), Chaux (1989), Le Parc (1991), Le coq s’est caché dans l’entaille (Cocoşul s-a ascuns în tăietură, 1996), Skanderbeg (1999), Des fougues postmodernes (Fugi postmoderne, 2000), Je mange mes vers (Îmi mănânc versurile, 2003), Le Langage de la disparition (Limbajul dispariţiei, 2006), Événements dérisoires de la fin (Întâmplări derizorii de sfârşit, 2006), Probleme personale, 2009. Sa poésie a été traduite en plusieurs langues et a reçu le Prix National Mihai Eminescu, le Prix Nichita Stanescu et le Prix de Poésie de l’Union des Écrivains de Roumanie.
        Angela Marinescu a également publié deux essais, Le Village à travers lequel je me promenais la tête rasée (Satul în care mă plimbam rasă în cap, 1996) et le Journal écrit dans la troisième partie de la journée (Jurnal scris în a treia parte a zilei, 2004).
        Dans le courant de l’année 2011 paraîtra en France, aux éditions L’Oreille du Loup, l’anthologie Je mange mes vers, qui regroupe des poèmes écrits par Angela Marinescu, dans une traduction de Linda Maria Baros.



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Books.google.fr)
    Douze poètes roumains.

    Retour au répertoire de mars 2010
    Retour au Sommaire de l’anthologie poétique Terres de femmes Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Linda Maria Baros | Nœuds de voies ferrées

    Des autres caresses pressantes- siamoises bis


    Ph., G.AdC


    Nœuds de voies ferrées                



    Dans les livres anciens sur les voies ferrées,
                on apprend que les rails demandaient toujours
                des caresses pressantes et de la chair humaine.

    Les cheminots perdaient la tête à l’appel des locomotives
               entrant dans les gares grouillantes,
               et se laissaient aussitôt enlever.

    À la maison, leurs femmes sentaient les traverses de voie ferrée.
    La nuit, sous les draps, étendues à leurs côtés,
    elles cachaient, contre la cuisse, une ombre effilée,
                                                            comme une plume de merle.
    Elles quémandaient des caresses et poussaient parfois
                               de longs cris déchirants dans leurs bras,
    pour les habituer déjà aux chants rusés, sifflés, de mort,
                  de la locomotive.
    Pour que leurs hommes, assoupis le jour,
                  ne puissent plus entendre son appel.
    Pour les détacher enfin des traverses de la voie ferrée
                  et des autres caresses pressantes, siamoises,
                  qui séparent la tête du corps
                              et la chair de la chair.

    Lorsqu’on feuillette les livres anciens sur les voies ferrées,
             on entend parfois des sifflements, de longs cris
                           qui s’élèvent par-dessus les remblais,
                           qui flottent par-dessus les forêts et les villes.
    On les entend comme s’ils venaient des cantons,
                           comme s’ils venaient des gares de triage,
                           comme s’ils prenaient garde à ne pas résonner

                                                         au travers d’une gare déserte
    .



    Linda Maria Baros
    D.R. Poème inédit de Linda Maria Baros
    pour Terres de femmes




    LINDA MARIA BAROS



    Linda3


    Voir aussi :


    – (sur Terres de femmes)
    Linda Maria Baros/La porte à visage d’oiseau ;

    – (sur Terres de femmes)
    Linda Maria Baros/Poivre dit de Séchouan (+ notice bio-bibliographique) ;

    – (sur Terres de femmes)
    Linda Maria Baros/Z ;

    – (sur le site du Printemps des poètes)
    la fiche bio-bibliographique de la Poéthèque consacrée à Linda Maria Baros ;

    – le
    site officiel de Linda Maria Baros ;

    – (sur Wikipedia) un
    article bio-bibliographique très précis.

    Retour au répertoire de février 2010
    Retour au Sommaire de l’anthologie poétique Terres de femmes
    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

    Retour à l’ index des auteurs