Étiquette : Lorand Gaspar


  • Lorand Gaspar | [Le jour enflé de fatigue cherche nos failles]


    [LE JOUR ENFLÉ DE FATIGUE CHERCHE NOS FAILLES]




    Le jour enflé de fatigue cherche nos failles
    l’argile fendu au fond de nos bouches
    la langue verte de notre humidité
    et comme il s’émeut de nos rires !
    L’épure d’une aile serrée dans le marbre
    la voix tranchée, clouée, oubliée.
    Quelque part pourtant court encore
    l’allégresse du chant qui d’un bond déplia
    l’espace à jamais du matin –
    les neuf voûtes célestes se penchent
    sur les fontaines taries de nos sèves.




    Lorand Gaspar, Sol absolu et autres textes, éditions Gallimard, 1972 ; collection Poésie/Gallimard n° 167, 1982, page 121.





    Lorand Gaspar montage




    LORAND GASPAR (1925-2019)


    Lorand Gaspar  portrait 3
    Source




    ■ Lorand Gaspar
    sur Terres de femmes


    Linaria
    Depuis tant d’années…
    Voici des mains
    James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde




    ■ Voir aussi ▼


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    une notice bio-bibliographique sur Lorand Gaspar





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  • Lorand Gaspar | Linaria



    Frank Widmann
    “lentement elle cherche son corps”
    Ph. Frank Widmann







    LINARIA



    Parfum de terre nue.
    Vingt maisons blotties au creux de la rocaille
    toutes fenêtres dehors
    Soir : le ciel sur l’eau appuyé
    des filles noires, des rires, des chuchotements.

    La nuit est un monde grand de vingt chambres
    penchées sur le halo des lampes à pétrole.



    Une chapelle blanche
    une vieille en noir
    y brûle de l’encens.

    Une taverne
    des bras d’hommes pèsent sur les tables,
    lourds de filets et de rames.
    Ombres immenses jetées sur les murs
    odeurs de poisson, des rires, des jurons —
    l’huile vivace court dans les membres,
    la danse !



    lentement elle cherche son corps
    son âme entre les bris de verre
    se tend tout à coup et jaillit dans l’or
    où se mêle le sang harponné.

    Les voix aussi se cassent
    les carafes brillent dans les yeux.

    Quelqu’un regarde au large —
    tant de nuit pour vingt regards à peine.




    Lorand Gaspar, Patmos et autres poèmes, Éditions Gallimard [2001], Collection Poésie/Gallimard, n° 390, 2004, pp. 53-55.






    Lorand Gaspar  Patmos et autres poèmes






    LORAND GASPAR


    Lorand_gaspar_portrait




    ■ Lorand Gaspar
    sur Terres de femmes


    [Le jour enflé de fatigue cherche nos failles] (extrait de Sol absolu)
    Depuis tant d’années…
    Voici des mains
    James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’IMEC)
    une notice bio-bibliographique sur Lorand Gaspar





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  • James Sacré, Lorand Gaspar |

    Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde



    Mouvemente 3
    Ph. © Lorand Gaspar,
    Mouvementé de mots et de couleurs,
    Le temps qu’il fait, 2003, page 17.







    Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde
    L’objectif d’un appareil pas visible sur la photo,
    Non plus que la concrétion de temps et de technique ainsi marchandée
    À beaucoup de sa vie difficile et fragile,
    Dans son regard entre une toile de tente et nulle part,
    On voit très bien le mouvement des yeux couleur de lointain
    De l’écrivain qui n’a pas su résister
    Au désir de photographier. Est-ce qu’on va comprendre vraiment
    Ce que cette femme a donné à l’amitié rusée
    De son geste ; même si elle n’a pas su
    Que l’appareil la regardait ? Tout un léger théâtre de presque rien ; et maintenant cette autre énigme : ce qui est échangé
    À travers ce qui est montré.




    James Sacré/Lorand Gaspar (photographies de), Mouvementé de mots et de couleurs, Le temps qu’il fait, 2003, page 16.






    JAMES SACRE LORAND GASPAR






    ■ Lorand Gaspar
    sur Terres de femmes


    [Le jour enflé de fatigue cherche nos failles] (extrait de Sol absolu)
    Linaria
    Depuis tant d’années…
    Voici des mains




    ■ James Sacré
    sur Terres de femmes


    [Dans la pointe exiguë d’un pays qui est de la campagne] (extrait d’Écrire pour t’aimer)
    [Il y a le menhir] (extrait d’Et parier que dedans se donne aussi la beauté)
    Le paysage est sans légende (lecture de Tristan Hordé)
    Dans le format de la page (extrait de Le paysage est sans légende)
    Figure 42 (poème extrait de Figures qui bougent un peu)
    Je t’aime. On n’entend rien
    Le désir échappe à mon poème
    Parfois



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  • Lorand Gaspar | Voici des mains

    «  Poésie d’un jour  »



    Le destin des couleurs en l-absence des yeux.
    Ph., G.AdC







    VOICI DES MAINS



    Voici des mains
    Pose-les dans une brève secousse de ton corps
    avec un pot de basilic
    et l’espace fouillé des oiseaux,
    quand l’aube sur nos corps mouillés
    les doigts sentent encore l’origan.

    Dans ma bouche les mots crèvent de froid
    Dans les grandes chambres inhabitées de ma voix
    Le blond friable des collines
    Personne ne sait
    Le destin des couleurs en l’absence des yeux.

    Tout s’arrête
    décembre désert
    les bras lourds.
    La lumière se cherche sur nos mains
    Et soudain tout est plume
    On s’envole comme une neige à l’envers.

    Je tiens ma vie comme
    Un morceau de pain
    Très fort
    Les cent grammes du prisonnier de guerre
    Et souvent j’ai si faim
    Qu’à peine il en reste
    Et les choses se colorent
    De peurs merveilleuses.







    Ἰδoύ τά χέρια



    δoύ τά χέρια
    Βάλε τα σ’ἓνα σύντομο τράνταγμα τοῦ κορμιοῦ σου
    μέ μιά γλάστρα βασιλικό
    καί τό διάστημα πού σκάβουν τά πουλιά,
    ὅταν αὐγή στά νοτισμένα σώματα μας
    τά δάχτυλα κρατοῦν άκόμη μυρωδιά ρίγανης.

    Στό στόμα μου τά λόγια πεθαίνουν ἀπ’τό κρύο
    Στίς μεγάλες κάμαρες τῆς φωνῆς μου τίς ἀκατοίκητες
    Тό ψαφαρό ξανθό τῶν λόφων
    Κανείς δέν ξέρει
    Τή μοίρα τῶν χρωμάτων ὃταν λείπουν τά μάτια.

    Ὃλα σταματοῦν
    ἔρημος Δεκέμβρης
    βαριά τά μπράτσα.
    Τό φῶς πάνω στά χερια μας ἀπόζητά τόν έαμυτό του
    Καί ξαφνιχά τά πάντα εῖναι φτερό
    Пετάει χανείς άνάστροφα σάν τό χιόνι.

    Κρατῶ τή ζωή μου ὠσαν
    ἓνα χομμάτι ψωμί
    Πολύ δυνατά
    Τά ἑκατό γραμμαρια τοῦ αἰχμαλωτου
    Συγνά τόσο πεινῶ
    Пού μόλις ἓνα ψύχουλο ἀπομένει
    Кαί τά πράγματα χρωματίζουναι
    Ἀπό φόβους ἐξαίσιους.



    Traduit en grec par Georges Séféris



    Lorand Gaspar, Le Quatrième État de la matière (extraits), in Lorand Gaspar, éditions Le Temps qu’il fait, Cahier seize, sous la direction de Daniel Lançon, avril 2004, pp. 72-73.





    LORAND GASPAR


    Lorand Gaspar
    Ph. Lorand Gaspar. Editions Jean-Michel Place
    Source






    ■ Lorand Gaspar
    sur Terres de femmes


    [Le jour enflé de fatigue cherche nos failles] (extrait de Sol absolu)
    Linaria
    Lorand Gaspar| Depuis tant d’années…
    James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde




    ■ Voir aussi ▼


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  • Lorand Gaspar | Depuis tant d’années…

    «  Poésie d’un jour  »
    choisie par Christiane Parrat


    Ciel_et_mer
    Ph., G.AdC






    DEPUIS TANT D’ANNÉES…


                                                                      pour Arpád Szénes


    Depuis tant d’années je lave mon regard
    dans une fenêtre où ciel et mer
    depuis toujours sont sans s’interrompre
    où leurs vies sont un, sont innombrables
    sont une fois encore dans mon âme
    un champ magnétique d’épousailles
    une goutte de lumière-oiseau.

    Depuis tant d’années je lave mon regard
    à la première couleur si fraîche
    sur les lèvres humides de nuit
    d’être la peau et d’être la pierre
    où mes doigts rencontrent le secret,
    ce savoir qu’ils sont et celui qui est
    des tonnes infinies de lumière.
    Du plus pâle au tranchant du plus sombre
    sans s’interrompre entre sang et pensée
    entre feuille pinceau étendue
    corps de liquide musique à jamais ―


    Lorand Gaspar, Cahier Lorand Gaspar, éditions Le Temps qu’il fait, Cahier Seize, sous la direction de Daniel Lançon, avril 2004, page 71.*




    ______________________________
    NOTE d’AP : ce poème a été publié en 2001 dans la collection Poésie/Gallimard : Lorand Gaspar, Sidi-Bou-Saïd, Patmos et autres poèmes, p. 43.






    Loran_gaspar_le_temps_qu_il_fait





    CAHIER LORAND GASPAR ― QUATRIÈME DE COUVERTURE


        « À la fin des années soixante, en pleine émergence des littératures contemporaines, un homme qui écrivait en hongrois dès l’âge de onze ans, décide, une dizaine d’années après l’achèvement de ses études de médecine en France, de rédiger ses réflexions de chirurgien et ses premiers poèmes en français. Des pages du futur Quatrième état de la matière paraissent à Londres et à Bruxelles et l’auteur est bientôt révélé à Paris. Depuis, les reconnaissances culturelles n’ont pas manqué, lui donnant rendez-vous avec l’histoire des Lettres françaises, et avec de nombreux lecteurs.
        Ce volume se voudrait l’illustration du parcours de ce Magyar vivant dans le monde arabe et en France, ayant porté très haut la relativité culturelle heureuse tout en étant resté constamment fidèle à ce qu’il y a de plus optimiste dans la relation de la francité à l’universalité possible. Lorand Gaspar attire dans la langue française le poème hongrois, grec, allemand ou anglais, la réflexion italienne, de même ses traducteurs l’introduisent-ils dans leurs nations littéraires. À rebours d’un cosmopolitisme fruit d’éclectismes qui ne sont bien souvent que des positions de confort socio-intellectuel, l’auteur maintient l’exigence d’un chant du monde en des lieux de souffrance, quotidienne, privée ou collective, position que l’on sait si difficile à tenir. »






    LORAND GASPAR


    Lorand_gaspar_portrait




    ■ Lorand Gaspar
    sur Terres de femmes


    [Le jour enflé de fatigue cherche nos failles] (extrait de Sol absolu)
    Linaria
    Voici des mains
    James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’IMEC)
    une notice bio-bibliographique sur Lorand Gaspar





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