Étiquette : Louis Calaferte


  • Louis Calaferte | Îles




    -LES
    Ph., G.AdC






                                                 ÎLES


                                          1 (EXTRAIT)



    Îles !
    aux escaliers de vos océans nègres qui braconnent le jade
    la galène et le gypse
    l’orpiment des parfums
    toutes les vélissures
    les amandes
    les miels
    caracoulant au creux de leur paume d’émail
    Il se noue des pâleurs il se meurt des palombes sous ces ventres arqués de sonnailles charnelles en lentes chapes bleues flagellées de plumages dont on ne verrait rien que l’écho
    qu’un éclat
    l’épée
    que la tonsure
    une luisance vierge
    Il se foule des vins il s’aiguise des dagues vives comme l’orvet qui givrent et qui meurent d’un même accouplement
    des bronzes
    des aciers
    des nudités femelles
    des nuques en sanglots
    des guimpes
    des griffures
    un désordre de foule alertée par l’oracle assassine les siens dans l’effroi de l’exode
    des verreries despotes
    des lacets
    des guipures
    des races d’organdi
    syncopes
    des rosaces comètes lissent leurs chevelures de cendre chamoisée qu’une écume jalouse écartèle en copeaux caparaçonnés d’or multitude d’archanges et d’yeux agonisants au récit du miroir que d’autres beautés neuves convoitent ardemment
    des communiants exsangues brandissent l’ossement vermoulu de leurs cierges ouvragés dans la nacre
    coiffes de dentellières
    canelles damassées
    des villes à cheval se fracassent entre elles après le jubilé de leurs bouquets de dômes aux filandres lunaires
    astres de cathédrales un instant balbutiés sur le déferlement des fourrures absinthes
    acropoles
    fontaines
    ogives
    colonnades
    palais grands !
    sanctuaires écussonnés d’aigrettes aux mains de ces pillards titubants qui déciment vos drapures vos dards vos fastes esquissés girandoles
    grelots
    et vos cuivres asiates
    huiles
    vos litanies
    vos câpres
    vos luzernes
    temples d’une vision profanée par la horde erratique des lames
    Il se cabre des lèvres noires et des gorges ourlées de bure dans ces lits turbulents où vous gémissez
    Îles !

    […]



    Louis Calaferte, Îles [1967], in Rag-Time, poèmes, Éditions Denoël, 1972, pp. 67-68-69.

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