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  • Luis García Montero | Los idiomas persiguen el desorden que soy


    [LOS IDIOMAS PERSIGUEN EL DESORDEN QUE SOY]



    A Elisa



    Mi nombre es Luis,
    soy español,
    vivo en Madrid,
    en el número uno, calle Larra,
    me dice usted la hora, por favor,
    ¿dónde ha nacido usted
    y cuántos años tiene?,
    buenos días, amigo,
    buenos días, mi amor, te quiero mucho.

    Confieso que no tengo
    facilidad para estudiar idiomas.
    He copiado mil veces las frases y procuro
    aprender de memoria, poco a poco,
    preguntas y respuestas.
    Pero me acabo siempre confundiendo
    y a los demás les digo
    ¿dónde está mi te quiero?,
    vivo en Luis
    y soy las doce y media de la noche.
    Nadie ha podido nunca pasear
    por el número uno
    sin romper el espejo de las horas
    y de su propio rostro.

    ¿Me dice, por favor, qué significan
    el tú y el yo, la edad y la palabra España?

    Los idiomas persiguen el desorden que soy,
    y así los predicados de altas temperaturas
    y los verbos de nieve
    me tratan sin piedad
    igual que a los sujetos derretidos.
    No me resulta fácil,

    pero a veces entiendo
    la nostalgia de orden que tienen mis poemas.







    [LES LANGUES SONT À L’IMAGE DU DÉSORDRE QUE JE SUIS]



    À Elisa



    Mon nom est Luis,
    je suis espagnol,
    je vis à Madrid,
    au numéro un, rue Larra,
    avez-vous l’heure, s’il vous plaît
    où êtes-vous né ?
    et quel âge avez-vous ?,
    bonjour, l’ami
    bonjour mon amour, je t’aime beaucoup.

    J’avoue que je n’ai pas
    de don pour apprendre les langues.
    J’ai copié mille fois les phrases et je m’efforce
    à apprendre de mémoire, peu à peu,
    questions et réponses.
    Mais je finis toujours par mélanger
    et je dis aux gens
    Où est moi je t’aime ?
    je vis au Luis
    et je suis minuit et demi.
    Personne n’a jamais pu se promener
    au numéro un
    sans briser le miroir des heures
    et de son propre visage.

    Dites-moi, s’il vous plaît, que signifient
    le toi, le je, l’âge et le mot Espagne ?

    Les langues poursuivent le désordre que je suis,
    et c’est ainsi que les attributs de hautes températures
    et les verbes de neige
    me traitent sans pitié
    comme ils traitent les sujets fondus.
    Ce n’est pas simple pour moi,

    mais parfois je comprends
    la nostalgie de l’ordre qu’ont mes poèmes.



    Luis García Montero, « Le Mot », Une mélancolie optimiste | Una melancolía optimista [Visor libros, Collection Visor de Poesía, 2019], anthologie bilingue espagnol-français, traduite par Françoise Dubosquet-Lairys, éditions Al Manar, Collection Méditerranées, 2019, pp. 31-34.






    Luis Garcia Montero  Une mélancolie optimiste



    LUIS GARCÍA MONTERO


    Luis_garcia_montero  portrait 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel de Luis García Montero
    → (sur remue.net)
    le poète Luis García Montero, par Annie Fiore
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur Une mélancolie optimiste






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