Étiquette : Luis Mizón


  • Luis Mizón | [Derrière la garde-robe]



    Philippe Hélénon
    Philippe Hélénon, « Tout est écrit dans le corps »








    [DERRIÈRE LA GARDE-ROBE]


    I


    Derrière la garde-robe il y a une ville
    à tiroirs
    où personne n’habite
    draps oreillers couvertures
    dessus dessous
    trousseau d’un fantôme
    enfermé dans l’armoire
    nappes et serviettes en abondance
    brodées d’initiales énigmatiques
    d’étonnants objets théâtraux

    tout est écrit par le corps
    sans que la main droite sache
    ce que fait la main gauche
    le linge immaculé raconte
    des histoires cryptées

    près de la flamme
    les taches deviennent visibles
    on voit la trace de la machinerie
    les effets spéciaux

    la scène sombre du balcon
    les aveux des amoureux
    les hésitations des comédiens
    les soupirs des jeunes poètes
    les traces de l’amour et de la haine

    l’oubli n’a rien effacé

    je respire dans les draps
    un parfum de falaise
    je vois les vagues se briser
    dans les criques et les anses muettes

    je caresse en toute liberté
    la peau sensuelle de l’oubli
    ses secrets dégagent
    une odeur de mousse
    grotte
    lumière et vide

    les mystères des genoux
    le coin de la chambre où le soleil
    cache ses bijoux

    le soleil

    je respire la nudité de l’oubli

    son odeur monte à mes narines
    et
    il
    m’est
    délectable

    le linge danse à la fenêtre
    l’armoire danse avec le vent

    j’écrase sur le mur
    le minuscule corps du délit
    où se cache le temps



    Luis Mizón, Corps du délit où se cache le temps, Éditions Æncrages & Co, Collection « voix de chants », 2014, s.f. Dessins de Philippe Hélénon.






    Luis Mizon, Corps du délit où se cache le temps.jpg 2





    LUIS  MIZÓN


    Luis Mizón
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    ■ Luis Mizón
    sur Terres de femmes

    L’exil
    La Maison du souffle
    Un troupeau de vaguelettes



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    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Luis Mizón
    → (sur le site de France Culture)
    Luis Mizón dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 23 novembre 2014)
    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Corps du délit où se cache le temps de Luis Mizón
    → (sur Images de la poésie)
    une lecture de Corps du délit où se cache le temps, par Laurent Albarracin





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  • Luis Mizón | Un troupeau de vaguelettes


    Les cris de la dernière vague
    Ph., G.AdC





    UN TROUPEAU DE VAGUELETTES


    6


    Un troupeau de vaguelettes
    et de petits lionceaux
    sont venus lécher tes orteils
    sous le regard attentif
    des poulpes en feu
    je souffle
    la braise d’un morceau de rire
    tombé entre les algues
    je frappe à plusieurs reprises
    cette matière souple
    sur mon enclume d’orfèvre
    ton rire est sensible au marteau de la lune
    je ramasse sous l’eau
    les cris de la dernière vague
    un murmure tissé par les nuages
    et l’écume
    d’une blancheur irréprochable



    Luis Mizón, L’Oreiller d’argile, poème 6, Al Manar, Collection Ultramarines, 2010, page 13.






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    [Derrière la garde-robe]
    L’exil
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  • Luis Mizón | L’exil

    «  Poésie d’un jour  »



    Je suis un murmure de la lumi-re
    Ph., G.AdC






    L’EXIL


    IV


    Je dissimule mon existence
    sous la forme timide du lichen
    de la méduse
    de ce qui pourrait être
    un regret vivant ou son contraire

    je nage dans l’eau profonde d’une grotte
    je suis un battement rouge dans le ciel
    la grossière lumière de l’aube
    me montre les sabres
    d’un tigre d’écume
    je nage dans la mer jusqu’à l’horizon

    je suis un murmure de la lumière
    je le sais
    un tremblement des mots
    une pierre vivante
    un œil à l’affût je le sais

    notre exil
    n’est point différent
    de celui des étoiles
    la parole qui nous sauve tombe
    toujours dans nos mains
    comme une pièce d’argent
    dans la main de l’enfant plongeur
    notre exil se referme
    comme les doigts de ma main sur la tienne.






    Sono  .la grossolana luce dell-alba
    Ph., G.AdC






    L’ESILIO


    IV


    Dissimulo la mia esistenza
    sotto la forma timida del lichene
    della medusa
    di ciò che potrebbe essere
    un rimpianto vivente o il suo contrario

    nuoto nell’ acqua profonda di una grotta
    sono un battito rosso nel cielo
    la grossolana luce dell’alba
    mi mostra le sciabole
    di una tigre di schiuma
    nuoto nel mare fino all’orizzonte

    sono un mormorio di luce
    lo so
    un tremito di parole
    una pietra vivente
    un occhio in agguato lo so

    il nostro esilio
    non è affatto diverso
    da quello delle stelle
    la parola che ci salva cade
    sempre nelle nostre mani
    come una moneta d’argento
    nella mano del bimbo tuffatore
    il nostro esilio si chiude
    come le dita della mano sulla tua.



    Luis Mizón, L’esilio, La casa del respiro [La Maison du souffle], Poesie, La Vita Felice, Milano, 2008, pp. 30-31-32. Traduzione dal francese di Mia Lecomte. Introduzione di Tahar Ben Jelloun.





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  • Luis Mizón | La Maison du souffle

    «  Poésie d’un jour  »


    Il m'attend aussi sur la montagne bleue comme la généalogie de la lumière
    Ph., G.AdC







       LA MAISON DU SOUFFLE


                   (EXTRAITS)

                           I

    Toute pierre digne de ce nom
    porte la lumière en soi

    la lumière fabrique un œil
    là où il n’y a rien
    l’œil mord le rien
    et le rien crie

    patine de silence
    farine de larmes
    la pierre habitée par le cri
    découvre le cœur de l’étincelle
    au milieu de sa patience

    à coups de pieds à coups de dents
    dehors dedans
    là où il n’y a rien
    il y a quelque chose qui brille

    grains de beauté
    tâches de rousseur
    rides du premier ciel
    caresses
    du premier rire
    du nouveau-né
    dans le four d’un lion doré
    je ferai un pain de cris
    et un pain de rires
    car je n’aime que les rêves
    que l’on peut partager




                        VI

    Notre secret est la surprise
    du sel dans la bouche
    le goût de l’incendie
    le chemin qui trace dans le ciel
    le cerf volant
    la caresse de la pastèque amoureuse

    je lèche la dentelle rouillée
    d’une méduse
    j’embrasse la bouche du silence

    l’horizon abrite le colibri
    parole et souffle apprivoisé
    il se nourrit dans ma main
    il picore de petits mots cassés
    dans le jardin infime de la mer

    le cri de la mouette se transforme
    en signe d’interrogation

    au milieu de mon silence
    un murmure est venu me chercher
    il m’attend sur la plage
    il m’attend aussi sur la montagne
    bleue
    comme la généalogie de la lumière
    ou un ami assis près de la mer
    devant un verre d’eau-de-vie



    Luis Mizón, La Maison du souffle, in « Partage des voix », Autre Sud, septembre 2008, N° 42, pp. 78 et 83.





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    Un troupeau de vaguelettes



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