Étiquette : Lyon


  • Christine Duminy-Sauzeau, Des choses simples



    Géraldine Dubois
    Ph. : Géraldine Dubois
    in Christine Duminy-Sauzeau, Des choses simples







    DES CHOSES SIMPLES
    (extrait)






    J’ai envie d’écrire des choses toutes simples,

    comme le papier peint de ma chambre :

    des feuilles vertes, de toutes petites feuilles vertes
    deux par deux accrochées,
    accolées plutôt, l’une à l’autre.




    Délicatement.
    L’une d’entre elles est légèrement plus grande et elle vient se poser,
    en se cambrant,
    à l’endroit précis où l’autre devient tige en s’amincissant à l’extrême.




    Est-ce que vous voyez cela ?





    Christine Duminy-Sauzeau, Des choses simples, Zinzinule Éditions, 69006 Lyon, 2019, s.f. Photographies : Géraldine Dubois.





    Christine Duminy-Sauzeau  Des choses simples






    CHRISTINE  DUMINY-SAUZEAU


    Duminy Sauzeau





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Encéphalogramme du spectacle)
    un entretien de Pauline Catherinot avec Christine Duminy-Sauzeau
    le site de Géraldine Dubois





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  • Marie-Ange Sebasti | Rue natale



    Ruelle Caravane








    RUE NATALE
    (extrait)





    À Benjamin Franklin,
    qui a donné son nom à ma rue natale





    Dans ma rue natale

    de vieux rêves chuchotent
    quand je passe

    Une voix lointaine
    récite lentement le futur
    et l’imparfait de l’indicatif

    Une joie enrouée
    m’accompagne






    Je marche toujours trop vite
    dans ma rue natale

    pour répondre à ces adresses
    qui savent mon nom

    toujours trop vite

    devant ces balbutiements
    ces pas trop petits

    pour mon impatience






    Mes questions insolentes
    n’obtiennent pas souvent
    des réponses satisfaisantes

    dans ma rue natale

    Je retiens les meilleures
    et les emporte vite

    entre mes doigts serrés





    Marie-Ange Sebasti, Rue natale [le fil de l’eau, Le Pont du Change éditeur, 2018] in La Caravane de l’orage, Jacques André éditeur, collection Poésie XXI n° 54, 2019, pp. 50-53.





    Marie-Ange Sebasti  La Caravanr de l'orage





    MARIE-ANGE SEBASTI


    Sebasti Guidu
    Image, G.AdC





    ■ Marie-Ange Sebasti
    sur Terres de femmes


    une fiche bio-bibliographique [BIO-BIBLIO] sur Marie-Ange Sebasti
    → une petite anthologie poétique de
    Marie-Ange Sebasti
    Cette parcelle inépuisable (note de lecture d’AP)
    Demain (extrait de Marges arides)
    → « 
    Notre héritage n’est pas forteresse »
    [On voudrait partager sans parole] (extrait de La Connivence du marchand de couleurs)
    Parlemente (extrait de La Porte des lagunes)
    Plage d’encre (extrait de Haute plage)
    Quand les îles pouffent de rire (extrait de Presque une île)
    [Un chemin de silence a gonflé ton chargement de mots] (extrait de Cette parcelle inépuisable)
    Une petite vieille en noir (extrait de Paroles pour une île)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ils étaient partis
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Marie-Ange Sebasti (+ un extrait de Paroles pour une île et de Corse, dans le chalut des jours)
    → (avec Monique Pietri)
    Bastia à fleur d’eau
    → (avec Monique Pietri)
    Villes éphémères (note de lecture d’AP)
    → (avec Monique Pietri)
    Garder infatigablement les yeux ouverts (extrait de Villes éphémères)





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  • Samantha Barendson, Le Citronnier

    par Angèle Paoli


    Samantha Barendson, Le Citronnier,
    Le Pédalo ivre, Collection poésie, Lyon, 2014.




    Lecture d’Angèle Paoli


    Histoire de sa vie ressemble à un « collage ». (2)
    Photocollage, G.AdC







    UNE ÉCRITURE QUI FAIT MOUCHE




    15 août 1978. Mort de Francisco Barendson à San Carlos de Bariloche, Argentine. Desaparecido?

    Elle tourne. Tourne. Tourne autour d’elle-même, litanies de phrases brèves enroulées à son histoire. Elle cherche, creuse cherche, remontée du temps au-delà du temps des souvenirs. Elle, c’est Samantha, la narratrice du Citronnier, texte autobiographique lié à la disparition du père, publié dans la collection « poésie » de l’éditeur lyonnais Le Pédalo ivre.

    Desaparecido? Non. Porté disparu après séquestration et tortures ? Non. Simplement retrouvé mort dans une chambre d’hôtel de Bariloche en Argentine alors que l’enfant avait à peine deux ans. De lui, de ce père si tôt disparu, elle ne possède que peu d’indices. Sur les origines italiennes de sa famille et sur l’exil. Sur les traversées de l’Atlantique. Sur les voyages du père. Son père était-il pilote ou représentant de commerce pour la firme automobile SEAT ? Était-il un héros — comme se plaît un moment à l’imaginer la narratrice – ou tout au contraire, un homme ordinaire installé dans ses vices de joueur, de fumeur et de coureur de jupons ? Sans doute ni tout à fait l’un ni tout à fait l’autre. Tout ce qu’elle sait de lui, elle le tient de ses oublis, de ses reconstitutions, de ses investigations, de ses suppositions :

    « Il aurait pu tomber dans la gueule du loup, il aurait pu mourir en victime, en héros, en martyr… » « Il aurait pu… / Mais il paraît… »

    Elle le tient aussi des autres. Du récit de ses grands-mères, avec points de suspension et silences, sur sa vie et sur sa mort : « Il paraît que, lorsqu’il est mort » / Il paraît que ça tient dans un vase… » / « Il paraît qu’ils sont allés en Espagne en bateau… » / « Il paraît qu’il aimait les femmes. Beaucoup. Trop. Il paraît qu’elle l’avait quitté… » / « Il paraît que son collègue de travail et lui ont été retrouvés morts dans le même lit… »

    De lui, il lui reste six photos — qui disent la ressemblance de la fille et du père — ressemblance confirmée par d’autres indices physiques ; il reste un article de journal faisant mention de sa mort, un extrait d’acte de décès, un enregistrement récemment découvert qui livre à la narratrice le secret de sa voix. La voix de celui dont elle cherche opiniâtrement à reconstituer la silhouette éclatée, dispersée. Par fragments — un fragment par page —, la jeune femme assemble les pièces du puzzle, complète, un élément après l’autre, l’image qu’elle se construit de lui. « Mon père a maintenant une voix, un regard, une chemise à carreaux, un avion et un vase mais sa vie ressemble à un tableau de Braque ». Et l’histoire de Samantha Barendson à un « collage ». Objets et visages se superposent, s’intercalent mais la silhouette improbable toujours se dérobe. Ce qu’il reste de lui, si peu de choses. Tout juste une liste d’objets. Dix en tout. « Pas de quoi remplir une valise, pas de quoi remplir une page. » Et, parmi les menus objets personnels, « le vase volé au Pérou ». Vase et cendres. Reste enfin le fameux citronnier du jardin de Recoleta.

    « Lui, Il ne dort pas au cimetière de Recoleta, il ne dort plus entre les pierres, il ne dort plus du tout, il pousse, au milieu du jardin de ma grand-mère, il est devenu grand et vert et parfois il fleurit ou donne des fruits, mon papa-citronnier enraciné à la terre de Buenos Aires, loin de moi, de l’autre côté de l’eau, sur l’autre hémisphère… »

    L’écriture aidant, au bout de quinze pages, la narratrice finit par écrire le mot « papa ». Et conclut le fragment par une phrase qui reviendra souvent par la suite : « Tu fais chier papa ».

    « Je ne dis jamais papa. Papa c’est enfantin, papa c’est quand il est là devant toi et que tu peux le toucher et lui dire tiens, regarde, papa, j’ai eu un vingt sur vingt en italien. Papa c’est pour lui dire je t’aime papa, pour lui dire tu fais chier papa. »

    Avec la disparition du père — une disparition qui n’en est pas vraiment une puisque le père est mort durant son sommeil —, l’enfant passe du statut de fille naturelle — fruit d’une liaison hors mariage — à celui d’orpheline. Au fur et à mesure que se dessinent les lignes d’un portrait possible — aussitôt démenti par un autre — se bousculent les questions concernant la vie du père, ses liaisons, ses amours. Questions brèves, introduites par la formule « est-ce que », dix-huit fois répétée, avec quatre variantes. Questions qui portent sur les goûts du père et sur son caractère, sur son éventuel amour pour sa fille.

    « Est-ce qu’il aimait cuisiner ? Est-ce qu’il savait danser ? Est-ce qu’il chantait sous la douche ? […] Est-ce qu’il fumait des pétards ? Est-ce qu’il jouait de la guitare ? […] Était-il sévère ? M’aurait-il laissé sortir ? M’aurait-il protégée des hommes ? Aurait-il effrayé les prétendants ? […] Est-ce qu’il m’aurait aimée ? »

    Questions sans réponses. Questions angoissantes que Samantha Barendson cherche à résoudre par l’écriture. Immortaliser le père. Et par-delà l’idéalisation un instant poursuivie, par-delà les interdictions et les interdits, tenter de lui restituer son vrai visage.

    La vraie [?] figure du père au cœur de l’incessante quête de Samantha Barendson. L’écriture au centre de la quête. L’une à l’autre chevillée. Intimement et intensément. Rythmée par les répétitions anaphoriques qui scandent la page, l’écriture du Citronnier, idéale pour l’oralité, surprend par sa vivacité et par son humour.

    « S’il n’était pas mort.

    S’il avait dit la vérité.

    S’il avait trouvé l’amour.

    J’aurais pu avoir deux papas.

    Pas grave.

    J’ai mon citronnier. »

    Toute de tendresse et de force, l’écriture « performative » de Samantha Barendson fait mouche. Elle séduit et emporte. Une écriture percutante pour crier — derrière le « tu fais chier papa » — un « je t’aime, papa » pas si enfantin que ça !



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Samantha Barendson, Le Citronnier




    SAMANTHA BARENDSON


    Samantha Barendson





    ■ Samantha Barendson
    sur Terres de femmes


    [ Il y a un poème qui meurt à Scoudouc](extrait de Tu m’aimes-tu ?)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Samantha Barendson
    → (sur Recours au poème)
    une page sur Samantha Barendson
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Samantha Barendson





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