Étiquette : MaelstrÖm ReEvolution


  • Ada Mondès | Orígenes | Origines


    Dans l’attente des choses inconnues Guidu
    Ph., G.AdC







    ORÍGENES





    Vengo de
    este país de sonrisas tácitas
    entre mujeres maestras de la noche
    piernas en el fuego
    que alumbraban con ojos de bruja
    en el nombre de la música de la luna llena de un
    ícono inventado
    o de los hombres fieles e infieles
    cujos hijos jugaban en lo oscuro de un techo abierto
    todas las luces allí el ruido el humo
    ladraban unos perros
    se rompía una botella de vez en cuando
    se calentaban los panes sobre las piedras de la fogata
    así pasaba la velada
    con el pelo ahumado
    las rodillas pacientes
    en la espera de las cosas desconocidas
    y todas sabían del tango
    del dolor y de la tierra
    esas heridas abiertas en el llanto
    sin quebrar el orgullo de la danza







    ORIGINES



    Je viens de
    ce pays de sourires tacites
    entre femmes maîtresses de la nuit
    les jambes dans le brasier
    qu’elles allumaient avec des yeux de sorcière
    au nom de la musique de la lune pleine d’une icône
    inventée
    ou des hommes fidèles et infidèles
    dont les enfants jouaient dans l’obscurité d’un toit
    ouvert
    toutes les lumières là-bas la fumée les bruits
    quelques chiens aboyaient
    une bouteille était brisée de temps à autre
    les pains se réchauffaient aux pierres du foyer
    la soirée passait ainsi
    l’odeur de feu dans les cheveux
    les genoux patients
    dans l’attente des choses inconnues
    et elles savaient tout du tango
    de la douleur et de la terre
    ces blessures qui s’ouvrent dans la plainte
    sans briser l’orgueil de la danse




    Ada Mondès, Le Droit à la Parole | El Derecho a la Palabra, poésie bilingue (textes translatés dans l’autre langue par l’autrice), MaelstrÖm ReEvolution, Collection Rootleg dirigée par Dante Bertoni, Bruxelles, 2020, pp. 24-25.






    Ada Mondès  Le Droit à la parole




    ADA MONDÈS


    Ada Mondès NB
    Ph. Source



    ■ Ada Mondès
    sur Terres de femmes


    J’écris pour vaincre les silences
    [Viajar con una hamaca] (extrait de Paysages cubains avec pluie)
    Puyo | El Valle (+ une notice bio-bibliographique sur Ada Mondès)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de MaelstrÖm ReEvolution)
    la fiche de l’éditeur sur Le Droit à la Parole | El Derecho a la Palabra
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Ada Mondès
    → (sur Terre à ciel)
    une sélection de textes





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  • Lawrence Ferlinghetti | [I am signaling you through the flames]




    Lawrence Ferlinghetti A
    Triptyque photographique, G.AdC







    [I AM SIGNALING YOU THROUGH THE FLAMES]



    I am signaling you through the flames.


    The North Pole is not where it used to be.


    Manifest Destiny is no longer manifest.


    Civilization self-destructs.


    Nemesis is knocking at the door.


    What are poets for, in such an age?
    What is the use of poetry?


    The printing press made poetry so silent it lost its song. Make it sing again.


    If you would be a poet, create works capable of answering the challenge of apocalyptic times, even if this means sounding apocalyptic.


    You are Whitman, you are Poe, you are Mark Twain, you are Emily Dickinson and Edna St. Vincent Millay, you are Neruda and Mayakovsky and Pasolini, you are an American or a non-American, you can conquer the conquerors with words.


    If you would be a poet, write living newspapers. Be a reporter from outer space, filing dispatches to some supreme managing editor who believes in full disclosure and has a low tolerance for bullshit.


    If you would be a poet, experiment with all manner of poetics, erotic broken grammars, ecstatic religions, heathen outpourings speaking in tongues, bombast public speech, automatic scribblings, surrealist sensings, streams of consciousness, found sounds, rants and raves—to create your own underlying voice, your ur voice.


    If you call yourself a poet, don’t just sit there. Poetry is not a sedentary occupation, not a “take your seat” practice. Stand up and let them have it.


    Have wide-angle vision, each look a world glance. Express the vast clarity of the outside world, the sun that sees us all, the moon that stews its shadows on us, quiet garden ponds, willows where the hidden thrush sings, dusk falling along the riverrun, and the great spaces that open out upon the sea… high tide and the heron’s call… And the people, the people, yes, all around the earth, speaking Babel tongues. Give voice to them all.


    You must decide if bird cries are cries of ecstasy or cries of despair, by which you will know if you are a tragic or a lyric poet.


    If you would be a poet, discover a new way for mortals to inhabit the earth.


    If you would be a poet, invent a new language anyone can understand.


    If you would be a poet, speak new truths the world can’t deny.


    If you would be a great poet, strive to transcribe the consciousness of the race.


    Through art, create order out of the chaos of living.


    Make it new news.


    Write beyond time.


    Reinvent the idea of truth.


    Reinvent the idea of beauty.


    In the first light, wax poetic. In the night, wax tragic.


    Listen to the lisp of leaves and the ripple of rain.


    Put your ear to the ground and hear the turning of the earth, the surge of the sea, and the laments of dying animals.


    Conceive of love beyond sex.


    Question everything and everyone, including Socrates, who questioned everything.


    Question “God” and his buddies on earth.


    Be subversive, constantly questioning reality and status quo.


    Strive to change the world in such a way that there’s no further need to be a dissident.




    Lawrence Ferlinghetti, Poetry as Insurgent Arts, A New Directions Book, New York, 2007, pp. 3-8.








    Ferlinghetti, Poetry as Insurgent Art









    Lawrence Ferlinghetti B
    Triptyque photographique, G.AdC







    [JE TE FAIS SIGNE À TRAVERS LES FLAMMES]



    Je te fais signe à travers les flammes.


    Le Pôle Nord a changé de place.


    La Destinée manifeste n’est plus manifeste.


    La civilisation s’auto-détruit.


    Némésis frappe à la porte.


    À quoi bon des poètes dans une pareille époque ?
    À quoi sert la poésie ?


    L’imprimerie a rendu la poésie silencieuse, elle y a perdu son chant. Fais-la chanter de nouveau !


    Si tu te veux poète, crée des œuvres capables de relever les défis d’une apocalypse, et s’il le faut, prends des accents apocalyptiques.


    Tu es Whitman, tu es Poe, tu es Mark Twain, tu es Emily Dickinson et Edna St Vincent Millais, tu es Neruda et Maïakovski et Pasolini, Américain(e) ou non, tu peux conquérir les conquérants avec des mots.


    Si tu veux être poète, écris des journaux vivants. Sois reporter dans l’espace, envoie tes dépêches au suprême rédacteur en chef qui veut la vérité, rien que la vérité, et pas de blabla.


    Si tu veux être un grand poète , expérimente toutes sortes de poétiques, grammaires érotiques barbares, religions extatiques, épanchements païens glossolaliques, et l’emphase des discours publics, les gribouillis automatiques, les perceptions surréalistes, les flots de conscience, sons trouvés, cris et récriminations — et crée ta voix limbique, ta voix sous-jacente, ta voix, la tienne.


    Si tu te dis poète, ne reste pas bêtement sur ta chaise. La poésie n’est ni une activité sédentaire, ni un fauteuil à prendre. Lève-toi et montre-leur ce que tu sais faire.


    Cultive une vision ample, que chacun de tes regards embrasse le monde. Exprime la vaste clarté du monde extérieur, le soleil qui nous voit tous, la lune qui nous jonche de ses ombres, les étangs calmes dans les jardins, les saules où chantent des grives cachées, le crépuscule tombant au fil de l’eau et les grands espaces qui s’ouvrent sur la mer… marée haute et le cri du héron… Et les gens, les gens, oui, tout autour du monde, qui parlent les langues de Babel. Donne-leur une voix à tous.


    Tu devras décider si les cris des oiseaux sont d’extase ou de désespoir. Alors tu sauras si tu es poète tragique ou poète lyrique.


    Si tu te veux poète, découvre une nouvelle manière pour les mortels d’habiter sur Terre.


    Si tu te veux poète, invente un nouveau langage que chacun puisse comprendre.


    Si tu te veux poète, prononce des vérités nouvelles que le monde ne pourra pas nier.


    Si tu veux être un grand poète, efforce-toi de transcrire la conscience de la race.


    Par l’art, crée l’ordre à partir du chaos vital.


    Rends les nouvelles neuves.


    Écris au-delà du temps.


    Réinvente l’idée de la vérité.


    Réinvente l’idée de la beauté.


    Aux premières lueurs, ose l’emphase poétique. La nuit, l’emphase tragique.


    Écoute le chuintement des feuilles et le clapotis de la pluie.


    Pose l’oreille sur le sol et entends la Terre tourner, la mer déferler, les animaux mourants se lamenter.


    Conçois l’amour par-delà le sexe.


    Mets tout et tout le monde en question, même Socrate, qui questionnait tout.


    Questionne « Dieu » et ses acolytes sur Terre.


    Sois subversive, remets sans cesse en cause réalité et statu quo.


    Efforce-toi de changer de monde, et qu’il n’y ait plus besoin d’être un dissident.




    Lawrence Ferlinghetti, Poésie, Art de l’Insurrection, maelstrÖm reEvolution, Bruxelles, 2012, pp. 13-14-15-16-17-18. Traduit de l’anglais (USA) par Marianne Costa.








    Ferlinghetti-art-de-l-insurrection




    LAWRENCE FERLINGHETTI (1919-2021)


    Ferlinghetti portrait
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une fiche bio-bibliographique sur Lawrence Ferlinghetti
    le site City Lights Booksellers & Publishers
    → (sur lemonde.fr) Lawrence Ferlinghetti, poète et éditeur de la Beat generation, est mort






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