Étiquette : Malcolm Lowry


  • Malcolm Lowry | No Still Path



    NO STILL PATH


    Alas, there is no still path in my soul,
    I being evil, none of memory;
    No path, untenanted by fiend or ghoul,
    Where those I have loved best touch wings and sigh,
    And passing enter silently the place
    Of dream, illumined by bright fruit, and light,
    That circles from the always brightest face
    Of love itself, and dissipates the night.
    There is no path, there is no path at all,
    Unless perhaps where abstract things have gone
    And precepts rise and metaphysics fall,
    And principles abandoned stumble on.
    No path, but as it were a river in spate
    Where drowning forms, downswept, gesticulate.



    Malcolm Lowry, Selected Poems of Malcolm Lowry, City Lights Books, San Francisco, 1962, p. 50. *



    * NOTE D’AP : poème repris (sans titre) dans The Collected Poetry of Malcolm Lowry, edited and introduced by Kathleen Scherf ; with explanatory annotation by Chris Ackerley. Published 1991, December, by University of British Columbia Press, Vancouver, BC, pp. 136-137.






    [PAS DE ROUTE CALME]



    Hélas il n’y a pas de route calme dans mon âme,
    Mauvais je suis, pas même de route dans ma mémoire ;
    Aucune qui ne soit aux mains de goule ou démon,
    Où mes meilleurs amis frottent leurs ailes et soupirent,
    Puis qu’ils prennent pour entrer en silence dans le lieu
    Des rêves, illuminé de fruits d’or, de lumière
    Auréolant la face toujours irradiée
    De l’amour en personne et qui dissout la nuit.

    Il n’y a pas de route, il n’y en a aucune,
    Hormis celle qui conduit à des choses abstraites
    Où les préceptes montent et la métaphysique
    Tombe, où les principes déchus vont en titubant.
    Nulle route, plutôt l’image d’une rivière en crue
    Où des formes de noyés se débattent au courant.



    Malcolm Lowry, Poésies complètes, Denoël & D’ailleurs, 2005, page 117. Traduit de l’anglais par Jacques Darras.





    Ci-dessous une autre traduction (inédite) de Lionel-Édouard Martin :



    Hélas, aucune route calme dans mon âme,
    – Je suis mauvais –, aucune dans mes souvenirs ;
    Aucune que ne tienne ou la goule ou le diable,
    Où mes amis touchent des ailes et soupirent,
    L’empruntant pour entrer en silence où le rêve
    A sa place embrasée de fruits d’or, de clarté
    Qui nimbe le visage irradié sans trêve
    De l’amour – l’amour-même – et troue l’obscurité.

    Il n’y a pas de route, aucune route, non
    Sauf celle peut-être où va l’abstraction,
    Où monte le précepte, où la métaphysique
    S’écroule, où, délaissés, les principes claudiquent.
    Aucune route, non, mais comme un fleuve en crue
    Où se noyant, traînées, des formes gesticulent.




    MALCOLM LOWRY


    Malcolm_lowry




    ■ Malcolm Lowry
    sur Terres de femmes

    Reading Don Quixote
    9 décembre 1947 | Malcolm Lowry, La Traversée du Panama





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  • 9 décembre 1947 | Malcolm Lowry, La Traversée du Panama

    Éphéméride culturelle à rebours



    Tsunami  - Cyril Namiech
    Ph. Cyril Namiech
    Source







    LA TRAVERSÉE DU PANAMA (extrait)


        9 décembre. ― Saloperie de temps ! Sombre, lente lumière du jour. Avec ses capuchons sur les hublots, l’électricité allumée à midi, la salle à manger déprimante et bruyante. La mer, en grondant, jette des tonnes d’eau contre l’étrave.
        Les pauvres petits Mai qui s’étaient blottis sur le pont, bras entrelacés, babillant comme de jeunes singes, sont maintenant tristes et ils souffrent du mal de mer. Ils n’ont rien pu avaler au déjeuner et, pour finir, tous s’allongent sur la banquette derrière la table.
        Seul, Gabriel est encore en bonne forme. « J’ai mangé pour cinq, pour six, pour huit, j’ai toujours très faim quand la mer est mauvaise. »
        Crac ! Le café, le lait et tout tombe sur les genoux de Primrose, puis sur le sol. Je crains qu’elle ne soit ébouillantée, ce qu’elle est en effet. Mais elle déplore seulement les taches sur les jolis slacks de velours côtelé rouge, tout neufs.
        Une nom de dieu de tempête vole vers nous en droite ligne. Si je me trompe, c’est pour rien que j’aurais été marin. En réalité, j’ai été marin pour presque rien, au train où vont les salaires, à notre époque.

                            Le Roi des Orages dont l’Éclat est Terrible.

        Lames énormes, montagnes coiffées de neige, mais le vent souffle à l’arrière, de sorte que c’est la mer qui nous suit. Le Diderot la chevauche magnifiquement (mais avec un roulis tel que dans la cabine tout se heurte avec fracas) comme un Nathaniel Hawthorne éparpillant ses feuillets çà et là dans l’espoir d’apercevoir le diable en manuscrit, ou comme un voilier courant devant le vent. Nous croisons un autre Liberty Ship qui file dans la direction opposée. Haut perché dans les cieux, impossible qu’il fasse plus de 20 milles par jour.
        Notre bateau de sauvetage ― qui vient à notre rencontre.
        Les hommes d’équipe, en suroît et chapeaux imperméables, luttent contre le vent et la pluie battante, tendant des lignes de sauvetage sur l’arrière-pont. Par-delà et en poupe, les vagues formidables. Par-delà le temps, et en poupe.
        Au coucher du soleil, fabuleux spectacle de lames et d’écume, explosant par-dessus le bateau ; la fumée noire qui s’échappe de la cheminée de la coquerie, droit vers bâbord, indique cependant que le vent tourne à l’ouest.


    Malcolm Lowry, « La Traversée du Panama » in Écoute notre voix, Ô Seigneur, in Romans, nouvelles et poèmes, Classiques modernes, Le Livre de Poche, La Pochothèque, 1995, pp. 784-785. Traduction de Clarisse Francillon et Georges Belmont.





    Lowry, Romans




    MALCOLM LOWRY


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    ■ Malcolm Lowry
    sur Terres de femmes


    No Still Path
    Reading Don Quixote





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  • Malcolm Lowry | Reading Don Quixote



    READING DON QUIXOTE



    A child, I thought summer would solve all things,
    But this illusion passed with unseen springs.
    The flowers that bloomed at home were dead at school,
    And youth was born to die in Liverpool,
    Or in Sierra Leone, with the shakes.
    The yearning reappeared as spring in books,
    The poem read in drugstore magazines,
    Half understood — the glass holds what it means —
    Then vanished with girls who never turned round,
    Fled palette faces sucked into the ground.
    The sea came then, cobalt or whisky brown,
    Always far, and by different name,
    Archangel, Surabay, or Tlalpam…
    The disued longing settled on a town
    And then I saw that death was all my search,
    But reigned up on the threshold of the church,
    Angry with hope that on secular dawn
    Would bring with it at last enlightened scorn.
    Yet for all this I am still at suckle :
    The tavern is the center of my circle.


    Malcolm Lowry, “Reading Don Quixote” in X, A Quarterly Review, 2, 2, 1961, August, p. 87.*



    * NOTE D’AP : poème repris dans The Collected Poetry of Malcolm Lowry, edited and introduced by Kathleen Scherf ; with explanatory annotation by Chris Ackerley. Published 1991, December, by University of British Columbia Press, Vancouver, BC.






    ML Poetry







    DON QUICHOTTE



    Enfant, je pensais que l’été résoudrait tout ;
    Cette illusion m’est morte d’avoir vu tant de printemps manqués.
    Les fleurs qui s’ouvraient à la maison se fermaient à l’école ;
    La jeunesse naissait pour mourir à Liverpool,
    Comme en Sierra Leone avec les séismes.
    La tentation revenait comme le printemps dans les livres,
    Un poème lu dans un magazine à deux sous,
    À moitié compris — la vitrine retenant le sens —
    Puis disparaissaient avec les filles qui jamais ne se retournaient,
    Pâles visages entrevus qu’aspirait le sol.
    Alors venait la mer, cobalt ou couleur de whisky,
    La vieille nostalgie se portait sur une ville
    Toujours au loin, sous un nom différent,
    Arkhangelsk, Surabaya, ou Tlalpam…
    Puis je compris que je ne cherchais que la mort,
    Mais je régnais au seuil du temple,
    Furieux de l’espoir qu’une aube séculaire
    Apporterait enfin la sérénité.
    Pour tout cela je suis encore l’animal qui tète :
    La taverne au centre de mon cercle.


    Malcolm Lowry, in Les Lettres Nouvelles, mai-juin 1970, page 87. Traduit de l’anglais par Serge Fauchereau.*




    * Note d’AP : l’œuvre poétique complète de Malcolm Lowry a fait l’objet en 2005 d’une publication chez l’éditeur Denoël. Cette édition rassemble près de 500 textes, traduits de l’anglais par Jacques Darras. Mais, hélas, cet ouvrage n’est pas une édition bilingue. Le poème ci-dessus y a été inclus parmi les Poèmes de Vancouver, sous le titre « Poème influencé par John Davenport et Cervantès ». Ci-dessous la traduction correspondante :






    Lowry Poésies complètes







    POÈME INFLUENCÉ PAR JOHN DAVENPORT ET CERVANTÈS



    Enfant, je croyais que l’été allait tout résoudre
    Mais l’illusion passa à longueur de printemps invisibles.
    Les fleurs qui fleurissaient chez nous étaient fanées à l’école ;
    La jeunesse naissait à Liverpool pour y mourir,
    Aussi bien qu’à Sierra Leone, d’une attaque de tremblote.
    Le désir reparut avec le visage du printemps dans les livres,
    Tel poème qu’on lisait dans les magazines de drugstore,
    À moitié compris — le verre, lui, contient sa signification pleine —
    Avant de s’évaporer avec les filles qui n’arrivaient jamais,
    D’échapper aux faces pareilles à des palettes sucées par le sol.
    Alors vint la mer, cobalt ou jaune whisky,
    Le désir inutilisé se posa sur une ville
    Toujours lointaine, au nom sans cesse changeant,
    Arkhangelsk, Surabaya, ou Tlalpam,
    Ou bien se fondit dans des emblèmes de liberté jamais
    Rachetés par la volonté, d’ailleurs ils ne le furent jamais,
    Je compris alors que la mort était ma seule quête,
    Mais qu’elle trônait très haut sur le seuil des églises,
    Espérant coléreusement voir telle matinée d’aube séculaire
    Lui faire enfin cadeau d’un mépris éclairé.
    En dépit de cela mon sevrage n’est pas prêt :
    La taverne demeurant le centre de mon cercle.


    Malcolm Lowry, 3. Poèmes de Vancouver, XXVI, Poésies complètes, Denoël & D’ailleurs, 2005, pp. 122-123. Traduit de l’anglais par Jacques Darras.




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