Étiquette : Margherita Guidacci


  • 19 juin 1992 | Mort de Margherita Guidacci

    ( précédemment mis en ligne le 19 juin 2005)

    Éphéméride culturelle à rebours



    Mort à Rome, le 19 juin 1992, de Margherita Guidacci.







    Guidacci
    Margherita Guidacci et L’Horloge de Bologne
    Image, G.AdC






    GUADO


    L’anno contiene quest’unico guado
    verso di te. Ogni volta
    lo trovo un poco più sommerso, l’onda
    più gonfia, la corrente
    più minacciosa. Eppure
    io t’ho raggiunto ancora, ed ogni breve
    istante che trascorro accanto a te
    diviene un  » sempre  » e se ne nutrirà
    anche il tempo deserto. Se una dura
    legge c’imporrà un  » mai « , noi condannati
    ed immobili sulle opposte rive
    intrecceremo tuttavia i richiami
    di un desiderio tramutato in splendore.
    Così la Tessitrice ed il Pastore
    si rispondono: Vega ed Altair
    tra cui si snoda l’alto
    stellato fiume.



    Margherita Guidacci, Anelli del tempo, Edizioni Città di Vita, Firenze, 1993 ; Le poesie, Le Lettere, Firenze, 1999, p. 476. A cura di Maura Del Serra.





    GUÉ



    L’an ne contient qu’un seul gué
    qui me conduit vers toi. À chaque fois
    je le retrouve submergé davantage, les eaux
    plus gonflées, le courant
    plus menaçant. Et pourtant
    pourtant je t’ai rejoint encore, et le moindre instant
    passé à tes côtés
    devient un « pour toujours ». Le temps désert
    en fera son aliment. Et si une dure loi
    nous imposait un « jamais », à nous condamnés
    immobiles sur des rives opposées,
    nous croiserons toutefois
    les échos d’un désir transmué en splendeur.
    Ainsi la Tisseuse et le Pâtre
    se répondent : Vega et Altair
    entre eux se dénoue haut perché
    le fleuve des étoiles.



    Margherita Guidacci, Les Anneaux du temps, in Po&sie, numéro 109, Trente ans de poésie italienne, I, Belin, 2004, page 138. Traduction de Martin Rueff.







    BIO-BIBLIOGRAPHIE



    Fille unique du célèbre avocat Antonio Leone Guidacci (mort en 1931) et de Nella Cartacci, originaires de Scarperia (près de Florence), Margherita Guidacci est née le 25 avril 1921 à Florence, dans la vieille maison souvent évoquée de Santa Reparata. Enfant solitaire, elle grandit parmi les livres. Imprégnée dès son plus jeune âge des classiques grecs et latins (une formation à laquelle contribue pour beaucoup son cousin, l’écrivain Nicola Lisi), elle construit sa vie de femme loin des modes et des mondanités. Et conduit une triple carrière d’universitaire (thèse de doctorat sur Ungaretti, sous la direction de Giuseppe De Robertis, soutenue en décembre 1943 ; professeur d’université à Macerata [1975-1981], puis à SS. Maria Assunta du Vatican), de traductrice et de poète. Son écriture rigoureuse et sensible est empreinte de mysticisme et d’intériorité. Ses travaux de traductrice la conduisent vers la littérature anglo-saxonne, notamment vers John Donne et T.S. Eliot pour la prose et Emily Dickinson et Elizabeth Bishop pour la poésie.

    Frappée d’hémiplégie en 1990 au retour d’un voyage à Paris, Margherita Guidacci compose son dernier recueil, Anelli del tempo (publication posthume, 1993), dans la plus grande solitude et meurt dans sa maison romaine (21, via Picco dei Tre Signori) le 19 juin 1992 *. Elle repose aux côtés des siens dans le petit cimetière de Scarperia.

    Les poésies de Margherita Guidacci ont été rassemblées par Maura del Serra dans le recueil Le poesie (Firenze, Le Lettere, 1999 ; ristampa 2010).



    ________________________________________
    * NOTE d’AP : c’est à tort que, sur la Toile, certaines biographies font mourir Margherita Guidacci en décembre 1992. Pour ma part, je me fonde sur la notice de Martin Rueff et sur les travaux de recherche de mon amie Maura del Serra (professeur de littérature comparée à l’Université de Florence, qui a coordonné l’édition de l’œuvre poétique complète [1999] de Margherita Guidacci pour la maison d’édition florentine Le Lettere, et a publié en 2005 l’essai Le foglie della Sibilla. Scritti su Margherita Guidacci, Edizioni Studium, Roma, 2005).






    BIBLIOGRAPHIE EN FRANCAIS :


    Neurosuite [Neurosuite, Venezia, Neri Pozza, 1970. Premio Il Ceppo 1971], Arfuyen, 1977, réédité en 1989, traduction de Gérard Pfister.
    Le Vide et les formes [extrait de Neurosuite, 1970 et de Il vuoto e le forme, 1977], Arfuyen, 1979, traduction de Gérard Pfister.
    Le Sable et l’ange [extrait de La sabbia e l’angelo, 1946], Obsidiane, 1986. Traduction de Bernard Simeone.
    Le Retable d’Issenheim [L’altare di Isenheim, 1980], Textes italiens n° 28, Arfuyen, 1987. Traduction de Gérard Pfister.
    Sibylles [extrait de Il buio e lo splendore, Garzanti, 1989], suivi de Comment j’ai écrit Sibylles, Textes italiens n° 77, Arfuyen, 1992. Traduction de Gérard Pfister.
    L’Horloge de Bologne [L’orologio di Bologna, Città di Vita, Firenze, 1981], Arfuyen, 2000, traduction de Gérard Pfister.






        ■ Margherita Guidacci
        sur Terres de femmes

    À l’hypothétique lecteur
    Cumana
    In corsa
    Tentation de saint Antoine
    → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Margherita Guidacci (+ un extrait de Neurosuite)






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  • Margherita Guidacci | Tentation de saint Antoine




    Tentation 2
    Source






    TENTAZIONE DI SANT’ANTONIO



    Confrontiamo
    i nostri terrori, Mathis: quale vogliamo scegliere?
    Gettiamo i dadi sul sonno
    della ragione e la sua veglia.

    Dormiente, come tu la temevi, essa lascia che spuntino
    teste d’uccelli rapaci su corpi umani, sia invasa
    di viscide ali, gusci, proboscidi, squame
    e velli immondi la nostra forma umiliata.

    Sveglia, nel freddo delirio che ormai conosciamo,
    perfezionato nei secoli che da te ci separano,
    non sentinella pigra né complice sbadata,
    ma è l’artefice stessa del nostro male :

    che, ordito nelle lucide camere della mente
    e non più in torbide anse del sangue,
    cresce in laboratorio e non nella foresta,
    ha per emblema non l’animale ma la macchina,

    per armi non più rostri, zanne, artigli,
    ma bombe, gas, elettrodi; per ultimo traguardo
    non la profonda notte a cui scendono dèmoni e belve,
    ma un gran sole mortale sul mondo scardinato.

    Qualche cosa non muta
    dall’antica alla nuova processione
    degli incubi : la furia
    con cui il male s’avventa, e la caduta
    riversa della vittima. Nel suo abbandono esangue
    noi ci riconosciamo:
    con Antonio anche noi chiediamo aiuto
    e come lui tendiamo
    lo sguardo in alto, a cercare
    in qualche angolo del cielo una risposta –
    così difficilmente leggibile.




    Margherita Guidacci, « Il terzo ciclo », in L’altare di Isenheim, Rusconi, Milano, 1980; Le poesie, Le Lettere, Firenze, 1999, p. 298. A cura di Maura Del Serra.






    TENTATION DE SAINT ANTOINE



    Confrontons
    nos cauchemars, Mathis : lesquels choisirons-nous ?
    Jetons le dé entre la veille
    et le sommeil de la raison.

    Dans son sommeil, telle que tu la redoutais,
    elle permet que croissent
    des têtes de rapaces sur des corps d’hommes,
    que soit envahie d’ailes, de coquilles, de trompes, d’écailles visqueuses
    et de toisons immondes notre forme humiliée.

    Dans sa veille, dans le froid délire
    qu’aujourd’hui nous connaissons,
    perfectionné par les siècles qui de toi nous séparent,
    ni sentinelle distraite ni complice égarée,
    elle est elle-même l’artisan de notre malheur:

    conçu dans les chambres éclairées de l’esprit
    non plus dans les méandres bourbeux du sang,
    il se développe en laboratoire et non plus en forêt,
    a la machine pour emblème et non plus l’animal,

    pour armes non plus becs, crocs et griffes
    mais bombes, gaz, électrodes ; pour ultime horizon
    non plus la nuit profonde où descendent les démons et les fauves
    mais un grand soleil de mort sur le monde écartelé.

    De l’ancien au nouveau cortège
    des cauchemars une chose reste
    inchangée : la fureur
    avec laquelle se rue le mal, et la chute
    de la victime renversée. Dans son abandon sans force
    nous nous reconnaissons :
    avec Antoine nous aussi nous crions au secours
    et comme lui nous tendons
    vers le ciel notre regard, y cherchant
    de tous côtés une réponse ―
    si difficile à lire.




    Margherita Guidacci, « Le troisième cycle », in Le Retable d’Issenheim, Textes italiens n° 28, Arfuyen, 1987, pp. 32-33-34-35. Traduit de l’italien par Gérard Pfister.




        « Le retable d’Issenheim est lié à une visite que je fis à Colmar avec deux amis allemands qui m’avaient invité à Fribourg. Le polyptyque de Grünewald me fit une impression si forte qu’il me semblait ne pouvoir en soutenir la vue. Je lui tournai le dos et me mis à regarder les tableaux de Schongauer tout autour de la grande salle du rez-de-chaussée du musée d’Unterlinden. Mais même ainsi je ne me sentais attirée que par le Grünewald qui en même temps m’effrayait. Il avait ébranlé en moi quelque chose que je devais rééquilibrer. C’est pour cela que j’écrivis le poème qui s’intitule Le retable d’Issenheim. Plus tard, je retournai à Colmar et ne regardai cette fois que le Grünewald. Je restai longtemps devant lui, sereinement. »

    Margherita Guidacci





    ■ Margherita Guidacci
    sur Terres de femmes

    À l’hypothétique lecteur
    Cumana
    In corsa
    19 juin 1992 | Mort de Margherita Guidacci (note bio-bibliographique)
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  • Margherita Guidacci | In corsa



    In corsa  ancora e sempre in corsa
    Ph., G.AdC






    IN CORSA


    In corsa ― ancora e sempre in corsa.
    Mi chiedi cosa inseguo. Come fai a non accorgerti
    che non inseguo ma sono inseguita?
    Nessuna mèta mi darebbe tanto affanno;
    corro così per sfuggire a un nemico,
    e inutilmente, perché già si confonde
    il martellar del mio cuore col rimbombo dei suoi passi,
    la sua ombra lambisce la mia ombra.
    Come puoi parlarmi
    di scopi, di ambizioni,
    di lunghe strade diritte ed aperte?
    La mia fu breve e curva,
    compiuta sotto la minaccia ―
    e sono giunta al punto dove il cerchio si salda.




    Margherita Guidacci, Neurosuite, Neri Pozza, Vicenza, 1970; Le poesie, Le Lettere, Firenze, 1999, pp. 214-215. A cura di Maura Del Serra.







    COURIR



    Courir ― encore et toujours courir.
    Tu me demandes ce que je cherche. Comment ne vois-tu
    que je ne poursuis rien, que je suis poursuivie ?
    Aucun but ne me mettrait ainsi hors d’haleine ;
    je cours pour fuir un ennemi
    et vainement, car déjà se confond
    le martèlement de mon cœur avec le heurt de ses pas,
    son ombre lèche mon ombre.
    Comment peux-tu me parler
    de buts, d’ambitions,
    de longues routes, droites et ouvertes ?
    La mienne fut courte et sinueuse,
    parcourue sous la menace ―
    et je suis parvenue au point où le cercle se referme.




    Margherita Guidacci, Neurosuite, Éditions Arfuyen, Textes italiens, 1989, pp. 40-41. Traduit de l’italien par Gérard Pfister.






        ■ Margherita Guidacci
        sur Terres de femmes

    À l’hypothétique lecteur
    Cumana
    Tentation de saint Antoine
    19 juin 1992 | Mort de Margherita Guidacci (notice bio-bibliographique)
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  • Margherita Guidacci | Cumana

    «  Poésie d’un jour  »



    Michelangelo, La Sibilla Cumana
    Michelangelo Buonarroti, La Sibilla Cumana
    fresque, 375 x 380 cm
    Chapelle Sixtine, Rome
    Source






    CUMANA


    I


    (Deìfobe, si de stessa)
    Del vaticinare con le foglie



           Io nullo scrivo sulle foglie. Vi leggo
          quel che le foglie recano già scritto
          in sé, nelle intricate nervature
          simili a vene sul dorso della mano
          o linee incise nel palmo. Il mio sguardo,
          che segue il biforcarsi di vie segrete,
          coglie ad incroci turgidi di linfa
          i nodi del signifcato. Così
          si fa più chiaro il messaggio.
          Ma quella che tu chiedi, e che tu chiami
          la mia risposta, non è mia, e neppure
          è una risposta. È la vita che parla
          in ogni cosa viva, mentre passa
          verso la morte. Vi pongo di mio
          soltanto un giusto angolo di sguardo.
          E il calmo gesto con cui, dopo averle
          lungamente scrutate, affido al vento
          queste mie foglie, e il vento se le porta,
          esso solo compiendo
          per un diritto immemorabile
          il sussurrante vaticinio.




    Margherita Guidacci, Sibyllae, in Il buio e lo splendore, Milano, Garzanti, 1989; Le poesie, Le Lettere, Firenze, 1999, p. 422. A cura di Maura Del Serra.





    CUMAINE


    I


    De la divination par les feuilles



           Je n’écris rien sur les feuilles. Je lis
          ce qu’en elles déjà elles portent,
          en ces nervures embrouillées pareilles
          aux veines sur le dos de la main
          ou aux lignes gravées dans la paume. Mon regard
          qui suit la fourche de voies secrètes
          saisit aux intersections gonflées de sève
          les nœuds du sens. Ainsi
          le message se fait plus clair.
          Mais ce que tu attends de moi, et que tu nommes
          ma réponse, n’est pas à moi, et pas même
          une réponse. C’est la vie qui parle
          en chaque chose vivante cependant qu’elle s’avance
          vers la mort. De moi je n’y mets
          que l’angle juste du regard.
          Et, quand longuement j’ai scruté ces feuilles,
          le calme geste par lequel je les confie
          au vent, et le vent les emporte,
          lui seul proférant
          par un droit immémorial
          le souffle de la prophétie.




    Margherita Guidacci, Sibylles, suivi de Comment j’ai écrit Sibylles, Arfuyen, 1992, pp. 42-43. Traduit de l’italien par Gérard Pfister.






        ■ Margherita Guidacci
        sur Terres de femmes

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