Étiquette : Marie Cosnay


  • 16 décembre 2019 | Marie Cosnay, La Malle d’Algérie

    Éphéméride culturelle à rebours


    Marie Cosnay sur les terrasses d’Alger BIS
    Marie Cosnay sur les terrasses d’Alger
    Source







    LA MALLE D’ALGÉRIE
    (extrait)



    À Chérif Aggoune,
    16 décembre 2019.



    […] On m’appelle. Je descends. Dans le jardin trône une malle, inattendue. Pour quelqu’un qui voulait en rester au souvenir pur, c’est raté. Il me semble que la malle de toujours trône au milieu de quelque chose, c’est l’apothéose de la malle dans les hortensias bleu vif. J’ouvre la malle. Si on veut on continue dans les hortensias mais je préfère la solitude de ma chambre : j’y feuillette les livres issus de la malle. Le fils du pauvre, Mouloud Feraoun, son journal. La statue de sel et Nedjma. Dib. Les livres de la malle m’étaient envoyés d’Algérie, ils avaient une mission. C’est du moins ce que j’ai cru. Ni fioritures ni arrangements, dit ma mère. C’est mal parti.

    C’était mal parti quand ça a continué plus mal encore. Soudain tout nous était retiré. 16 décembre. À travers les nuées des fumées de cigarettes, le sourire complice de Chérif, comme si on prenait le temps, savait les choses à venir. La grâce, mon ami, qui est venue, malgré ou sous le choc. Cette journée vent du sud et douceurs de l’océan dans le mois de décembre, ce ciel de sérénité. J’étais avec l’enfance et l’Algérie dans les hortensias, je suis devant l’océan avec la mort de Chérif qui a réussi ce petit tour de passe-passe : mourir à Paris où il sera inhumé, échappant à la cérémonie religieuse. Mon pays n’est pas à vendre, en février il prenait l’espoir dans les rues et sur les marches du TNA, sur une photo on le voyait voir, regarder dans l’objectif la ville et les jeunes dont montaient les désirs ; n’empêche, ça me faisait quelque chose que Chérif ne rentre pas à Alger. Je me disais : est-ce que je crois au corps, est-ce que je crois au lieu, le ciel atlantique s’adoucissait à mesure, je ne sais de quelle grâce était vêtue la mort, qui portait dans ses bras le cadeau du printemps en hiver, et si les pays se dérobaient tous à la suite de Chérif qui se dérobait en souriant ? Cadeau. Ce molleton blanc qui barre l’horizon, cadeau encore, c’est à vous maintenant, et j’en ai vu assez, sourire entendu qui prend son temps.

    C’est alors qu’un passant, le béret dans sa main droite, s’est arrêté. Droit comme un I il m’a posé une question : qu’est-ce qu’un moment ? Répondez donc, qu’est-ce qu’un moment ? Le passant était pressé et pressant. Le passant n’avait peut-être pas toute sa raison mais il tombait bien. Il a répondu lui-même, brusquement, à la question : le moment, c’est ce point où se rencontrent ceux qui sont là, vous et moi et celui à qui vous pensez. Pardon, je ne crois pas au présent, j’ai dit.



    Marie Cosnay, La Malle d’Algérie, revue littéraire Phœnix n° 34 Marie Cosnay, Cahiers littéraires internationaux, septembre 2020, pp. 47-48.






    Phoenix 34




    MARIE COSNAY

    Marie-Cosnay-1©-Michel-Durigneux-copie-vintage-886x500 sepia
    Ph.©Michel Durigneux
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    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Marie Cosnay
    → (sur Pays Basque Excellence)
    une page sur Marie Cosnay
    → (sur Terres de femmes)
    Ovide | Hermaphrodite (traduction de Marie Cosnay)
    → (sur Diacritik)
    un entretien de Marie Cosnay avec Emmanuèle Jawad





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  • Ada Mondès | J’écris pour vaincre les silences


    [J’ÉCRIS POUR VAINCRE LES SILENCES




    J’écris pour vaincre les silences
    où pointe mon squelette
    les traits sous le regard que la jeunesse maquille
    toutes les forêts brûlent le long des rails
    un chemin de plaintes
    hantée par les guerres lointaines
    je traverse les plaines
    du Nord comme un paysage refusé
    où ma langue s’abrite
    en dedans veille
    aux côtés des mutiques
    de retour du champ d’horreur

    au soir je ne pèse plus rien
    que mon courage d’aimer encore




    Ada Mondès, « Partage des voix », revue littéraire Phœnix n° 34 Marie Cosnay, Cahiers littéraires internationaux, 2020, page 86.






    Phoenix 34




    ADA MONDÈS


    Ada Mondès NB
    Ph. Source



    ■ Ada Mondès
    sur Terres de femmes


    Orígenes | Origines
    [Viajar con una hamaca] (extrait de Paysages cubains avec pluie)
    Puyo | El Valle (+ une notice bio-bibliographique sur Ada Mondès)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Ada Mondès
    → (sur Terre à ciel)
    une sélection de textes





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  • Ovide | Hermaphrodite



    HERMAPHRODITE



    Leuoconé a dit. L’histoire merveilleuse a captivé les oreilles :
    Des filles nient qu’elle ait pu avoir lieu, d’autres rappellent que les vrais
    dieux peuvent tout. Mais Bacchus n’est pas parmi eux.
    On réclame Alcithoé, ses sœurs se sont tues.
    De sa navette elle fait courir les fils sur sa toile dressée :
    « Je tairai, dit-elle, les amours du berger
    Daphnis, de l’Ida, qu’une nymphe en colère contre une rivale
    a changé en rocher : si grande la douleur qui brûle les amants.
    Je ne dirai pas qu’autrefois, sous une loi nouvelle de nature,
    Sithon a été ambigu, un peu homme, un peu femme.
    Je ne dirai rien de toi, maintenant diamant, autrefois très fidèle au petit
    Jupiter, Celmis. Des Curètes nés d’une large pluie
    ou du Crocus changé avec Smilax en petites fleurs,
    je ne dirai rien : je captiverai vos esprits d’une douce nouveauté.
    D’où lui vient sa mauvaise réputation, pourquoi dans ses eaux de mauvaise vigueur,
    Salmacis énerve et ramollit son corps qui y est plongé ?
    Écoutez. La cause est cachée, le pouvoir de la source est célèbre.
    Un enfant de Mercure et de la déesse de Cythère
    est nourri par les naïades sous les grottes de l’Ida.
    Il a un visage où mère et père
    peuvent être reconnus : son nom aussi il le tire d’eux.
    Il fait trois fois cinq années, il quitte
    les montagnes paternelles et laisse l’Ida nourricière,
    se réjouit d’errer en lieux inconnus, de voir des fleuves
    inconnus, le plaisir amenuise sa fatigue.
    Après les villes de la Lycie, celles de la Carie,
    voisines de la Lycie : il voit ici un étang d’eau
    diaphane jusqu’au fond du sol, ici ni roseaux de marais,
    ni algues stériles, ni joncs de pointe aigüe,
    mais une surface transparente : les bords du lac sont cerclés
    d’un gazon vif et d’herbes toujours bien vertes.
    Une nymphe y habite. […]



    Ovide, Les Métamorphoses, Livre IV, 271-302, Éditions de l’Ogre, 2017. Traduit du latin par Marie Cosnay. Texte latin établi par Georges Lafay. Préface de Pierre Judet de La Combe. Postface de Marie Cosnay. Prix de traduction Nelly-Sachs 2018.




    Ovide Sachs






    OVIDE




    ■ Ovide
    sur Terres de femmes


    Pretium vitae (extrait d’Amores)
    Héroïdes, Lettre de Didon à Énée
    Tristes Pontiques, traduit du latin par Marie Darrieussecq (note de lecture d’AP)
    Tristes Pontiques (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des Éditions de l’Ogre)
    la fiche de l’éditeur sur Les Métamorphoses d’Ovide (Traduction du latin par Marie Cosnay)




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    16 décembre 2019 | Marie Cosnay, La malle d’Algérie




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