Suites nantaises,
éditions La Chambre d’échos, 2017.
Lecture d’Angèle Paoli
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Marais salants, Guérande juin 2016
« Il faut ménager des blancs pour que le halo des brumes et le reflet des nuages y composent une atmosphère chargée de grandeur et de mystère ». François Cheng « L’illimité du blanc » « Que tout soit blanc afin que tout soit naissance ». Edmond Jabès
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Ce livre, Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo, se présente comme une sorte d’anthologie poétique autour de ce « contemporain capital » qu’est Nelson Mandela. Les éditions Panafrika | Silex-Nouvelles du Sud qui le publient se situent dans la continuité des publications des éditions Silex. Cette maison a été fondée à Paris en 1980 par le poète Paul Dakeyo. Celui-ci est un des premiers parmi les écrivains de langue française, à avoir livré, en 1977, une « parole en colère », dans le recueil Soleils fusillés consacré aux enfants massacrés de Soweto. Cette veine engagée se retrouve ici dans cet hommage où il réunit cinquante poètes de diverses générations et de divers pays d’Afrique noire, du Maghreb, des Antilles, comme de Belgique, de France et de Suisse. Cette somme poétique de 368 pages s’ouvre sur une introduction pleine de ferveur de Jean-Damien Roumieu. Viennent ensuite les « Regards croisés » de Marie-José Hoyet et de Pius Ngandu Nkashama, qui inscrivent ce livre dans son arrière-plan culturel et historique (tableaux de sang brûlants de Sharpeville, enfants martyrisés de Soweto, arrestations diverses, supplice de Steve Biko, le leader de Black Consciousness Movement). Le livre est ensuite construit autour des « Poèmes », chaque auteur étant présenté par une brève biographie. Le mérite de cette anthologie est de faire entendre des voix plurielles, généreuses, de poètes connus et d’autres peu connus ou ayant peu publié. Il en ressort une série de différents visages de Nelson Mandela qui s’emboîtent comme des poupées russes. Ainsi l’enfant du pays xhosa, l’étudiant formé à la culture européenne, l’avocat qui apprend le droit à Johannesburg, le dirigeant de la nation arc-en-ciel, l’acteur de la réconciliation, le sage imprégné de l’ubuntu, cet idéal xhosa qu’évoque Christophe Forgeot : « Je suis parce que nous sommes ». Sur le prisonnier de Robben Island, on lit, ému, le poème « Le Cap de Désespérance » du Mauricien Edouard Maunick. Et puis le superbe « J’appartiens au grand jour », où Paul Dakeyo fait revenir ce vers : « Envoyez-moi des nouvelles », refrain qui résonne dans le silence de la prison. Mais le fil directeur du livre tient à la grandeur de l’icône, porte-parole de tous les hommes de couleur bafoués, et finalement de tous les hommes. Bruno Grégoire rappelle le propos fondateur de Mandela : « Je me suis battu contre la domination blanche. Et je me suis battu contre la domination noire ». À travers des textes, pour certains datés, « Paris 1996 », « Dakar 1982 », « Lomé 2010 », il est touchant de voir mise en mots, au cœur du poème, la longue mise en souffrance et en épreuve de Mandela. Nelson Mandela est fait pour les puissantes images épiques, Gandhi, Luther King (Barnabé Laye), Malcom X (Edouard Maunick), Toussaint Louverture (Jean Métellus, Josué Guébo), Lumumba (Jean-Claude Awono), Victor Hugo (Philippe Cantraine), figure christique (Joachim Paulin). Une contribution d’un autre genre nous vient d’André Benedetto, pilier du off d’Avignon, qui nous livre ici une scène entre le président Botha et le chef Buthélézi. Texte de théâtre qui fait vivre l’invincible résistance de Mandela qui a toujours refusé de marchander sa libération. Tous les réseaux possibles d’images traversent les langues, les époques, les tragédies — la traite négrière des ports de Nantes et Bordeaux et les forfaits de la colonisation des Boers se font écho — et prennent les dimensions amplifiées de la planète entière. Mandela se voit assimilé dans l’imaginaire à un arbre puissant, « cèdre tutélaire » pour Jean-Damien Roumieu. Le poète Francis Combes le voit ainsi : « Un baobab est en prison
interdit de lumière
Mais dans l’ombre il grandit
il prend de plus en plus de place… » C’est la réserve de symboles et d’images de l’histoire des peuples noirs qui se trouve ainsi mise en avant. Yasmina Kadra élargit même la vision dans le poème « Afrique » aux maux de ce continent, « l’imposture… l’éloge des tyrans » qui ronge certains régimes du continent noir. Élargissement aussi à « la saison blanche et sèche » de l’écrivain André Brink, que convoque le poète Joachim Paulin. Pour faire pendant à l’horreur de l’apartheid et au combat de Mandela, il fallait ce flux pressant, puissant de l’oralité. Apostrophe, invocation, incantation pour dire la colère et la joie. Nombreux sont les poèmes qui prennent une forme parlée ou chantée, hymne à l’otage de Robben island (Aminata Barry), ode (Suzanne Dracius), « danse makossa », « chant haïtien », « chant en wolof », « ballade des shantis ». C’est la lutte infatigable de Nelson Mandela pour la liberté qui le rend fraternel à tous. L’aventure intérieure hors norme d’une figure à la fois héroïque et profondément humaine est ici restituée. Chercher l’homme sous l’icône, c’est ce que font les poètes Adamante et Aminata Barry. La première évoque cette vie qui manque à la vie, dans l’infini du temps geôlier : « loin des caresses
loin des émois
avec seule
la mémoire
brûlante » La poète guinéenne saisit, elle, la métamorphose qui se joue dans l’expérience immense de l’enfermement : « Robben Island, le châtiment ?
Non ! la discipline
Un lieu de transformation
D’élévation spirituelle […]
Tu n’as jamais été aussi libre que sur ce lieu hostile ». Une autre dimension est aussi présente dans plusieurs poèmes : une certaine musique triste. Le lyrisme des poètes qui ont quitté l’Afrique et leur propre pays, comme le poète togolais Jean-Jacques Dabla : « Tu aurais pu
Comme nous autres partir
Fuyards mutiques » Il faut alors entendre la mauvaise conscience, la blessure et le regret qui imprègnent ces poèmes. |
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Pablo Picasso, Maternité, Pastel, 65 x 50,5 cm 1905 Collection privée Source MATERNITÉ Publié aux éditions La Part Commune, Ma fille au ventre rond, le nouveau recueil de Pierre Tanguy, se situe dans la continuité d’une œuvre poétique riche d’une quinzaine de titres. Il reste fidèle à lui-même pour dire le simple et l’essentiel. Dans ces pages, le poète regarde sa fille enceinte. C’est à cette métamorphose du corps et de tout l’être que la parole poétique nous convie. Et à une venue au monde. Voici une trentaine de courts poèmes, illustrés par une dizaine de dessins de Mariano Otero, peintre qui a exposé un peu partout dans le monde. Les dessins sont au crayon ou au fusain, celui de la page de couverture en couleurs, jeune femme enceinte, un bras masculin posé sur son ventre. Car l’ensemble du recueil se centre sur la jeune femme qui porte l’enfant. Le lecteur se trouve ainsi devant une sorte de colloque intime où seront convoqués autour d’elle et de l’enfant porté, la mère de celle-ci, son compagnon qui a sa place dans cette attente et lui-même, père attentif et aimant. « Elle », « Il » : nous ne saurons rien de plus de chacun, le parti-pris de la simplicité et de l’universel étant manifeste. J’aime bien que le regard sur cette expérience de la grossesse soit celui d’un homme et, singulièrement, celui d’un père. C’est dire si l’on n’est pas dans L’Art d’être grand-père. Mais bien dans le livre de la fille devenue mère. Approche nouvelle, incarnée et audacieuse dans l’acuité sensuelle qui la sous-tend. Car, chez Pierre Tanguy, tout est sensation, émotion, dans chacun de ces instantanés traversés par le mystère de la vie. Il y a la vue, le corps de sa fille, ventre et seins qui se métamorphosent, il y a le toucher qui permet de sentir bouger l’enfant. Avec, dans chaque poème, la reprise en refrain de « Ma fille au ventre rond », nous entrons dans une sorte de ballade. Cette rondeur d’elle, corps assoupi en son fauteuil, que son père voit ou imagine, se modifiant mystérieusement en ses formes et en son sein devient pour lui l’emblème de la vie qui augmente. De la vie qui arrondit le temps, qui s’accorde au mouvement de la nature. Car le poète, familier du haïku, est sensible au passage des saisons, ici l’hiver, le printemps. Mais cette provision d’avenir n’est pas séparable de la peur, de l’inquiétude. Le poète donne la parole à sa fille, à ses interrogations, à ses certitudes heureuses : « Tous mes plants sont morts
Assommés par le vent et le froid
Même les plantes aromatiques
Dit ma fille au ventre rond
Mais aujourd’hui
J’ai bien quelqu’un qui vit
Au creux de mon corps » Dans un autre poème, sa fille se tourne vers sa mère pour savoir comment elle a vécu ce moment. Et que de projections déjà sur l’enfant à naître ! Le temps des verbes au futur s’ouvre à ces possibles, ainsi la chute des pétales de cerisier est l’occasion pour le poète de faire parler l’enfant : « De la neige tombe des arbres
Dira un jour l’enfant
Dans les bras de sa mère ». Touchante aussi est l’allusion aux ancêtres, suggérés dans les boutures des plus belles fleurs qu’ils ont jadis plantées, la vie ne cessant de continuer dans la ronde des jours. Et par magie, les années s’annulent entre la fille devenant mère et elle, nouveau-née en pleurs dans son premier bain, ou bien entre le poète jeune père et lui, aujourd’hui, attendant l’enfant de son enfant. L’émotion toujours là. Le poète nous restitue la beauté et la perfection de cette présence, renouvelée dans le mélange des âges : « Ma fille au ventre rond
Fut un petit enfant
Sorti d’un ventre rond ». Le présent accueille ainsi une fécondité plus grande que lui. Pierre Tanguy s’attache à dire de façon simple cette éclosion merveilleuse : « Majesté du ventre rond
Bonheur des femmes » C’est aussi le sens du petit post-scriptum, « L’enfant aux yeux tout ronds ». Maintenant, celui qui n’était pas encore tout à fait dans le monde est là, dans sa vie commençante. Interrogatif, étonné d’avoir perdu la maison bien à lui qu’était le ventre maternel. Et le recueil se clôt sur ce final où la rondeur se multiplie en d’heureux échos : « L’enfant ouvre ses yeux ronds
Quand il sent le lait de sa mère
Il referme ses yeux ronds
Quand il s’adosse à son sein rond » Sur la page d’en face, le très beau dessin de Mariano Otero saisit une mère qui allaite son enfant, dont le tracé et les formes rappellent celle de Picasso dans son tableau Maternité. La voix de Pierre Tanguy célèbre la venue à la vie, dans la mémoire des âges. Pas d’excès de mots et une extrême pudeur toujours chez lui. De cette expérience unique, souveraine, qui dépasse nos propres vies, le poète réussit à faire un pur moment de lumière.
Marie-Hélène Prouteau D.R. Marie-Hélène Prouteau pour Terres de femmes |
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Chroniques de femmes – EDITO/SOMMAIRE
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Chroniques de femmes – EDITO/SOMMAIRE
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Source LA CROISIÈRE IMMOBILE [#NANTES]
C’est un de ces moments qui font une trouée dans le quotidien. Quelle impulsion soudaine m’a entraînée au 32e étage de la Tour de Bretagne ? En haut, la passerelle circulaire donne une vue de 360 degrés sur Nantes. Il vente comme au sommet d’un phare. J’aime cette brusque élévation où je reçois la ville dans la paume des mains, tout étant à portée dans ces souffles d’altitude. Point de longue-vue grossissante. Il y a seulement le ciel immense, le vent. Dans ces promesses d’élans marins, la ville semble s’immerger pour une croisière immobile. À cent vingt mètres de haut, le changement d’échelle comprime d’un coup l’espace et le temps. Le port est aussi proche que le stade de la Beaujoire. J’éprouve un choc, il y a dans ces dimensions bouleversées un va-et-vient qui décentre et brouille ma perception familière. Je ne sais plus où sont le proche, le lointain, l’ancien, le nouveau. Sortilège de cette rêverie d’envol, je vois défiler les images, les Anneaux de Buren, la statue de Louis XVI, les tramways, la Cité radieuse du Corbusier, le monument dédié aux Cinquante otages, la Tour L.U. Je laisse aller mon attention flottante. Dans l’éloignement, des illusions d’optique se jouent, des escaliers ne mènent nulle part, des façades sont au bord du vide comme dans un dessin d’Escher. Bizarrement, le Château des Ducs de Bretagne est posé tout près du nouveau Palais de Justice. Il suffit d’un saut de puce pour traverser trois siècles, les Machines de l’Île côtoient la vieille prison dont la vue d’en haut fait ressortir la découpe panoptique. Comme si le Nantes qui m’est familier avait effacé ses repères habituels et m’offrait ceux d’une ville insolite de Delvaux. Les angles, les volumes s’écrasent, l’Hôpital a la taille d’une boîte d’allumettes. Je comprends la géométrie entre les vivants et les morts : il y a des lignes brisées qui vont tout droit et enjambent les fractures du temps. Un étrange cadastre s’établit sous mes yeux qui pratiquent le télescopage. Je perçois dans l’air de mystérieux appels, comme une injonction à prêter l’oreille. Au musée des Beaux-Arts, le Joueur de vielle de Georges de La Tour chante pour l’éternité la mélopée de la vie vulnérable des gens à la rue, au temps du Grand Siècle ou des agences de notation, qui sait. À la hauteur où je me trouve, la ville métamorphosée est à la taille de la petite géante et de ses compagnons inventés par Royal de Luxe, la troupe de théâtre de rue. Je vois maintenant la petite géante courir sur les quais avec un rire qui ouvre la porte de nos rêves. J’aperçois de minuscules points, les habitants. Des lilliputiens dont les princes sont ces géants mus par de savantes machineries. Quelle est l’échelle des vraies valeurs, des vraies grandeurs ? semblent-ils dire. Pris dans la poussière du temps, les drames, les déconfitures sont légères esquilles. Entre ciel et terre, Nantes respire à bonne hauteur, elle a vocation de patience. Son pas est lent, la ville fait la part des choses, indifférente aux emblèmes éphémères dont s’entiche la postmodernité. Elle a son temps à elle : celui de ses cathédrales, l’une de pierres où les anges font entendre leur petite musique incertaine, et l’autre, ruche laborieuse, emplie de limaille de fer et de savoirs ouvriers. Je crois entendre des voix venues de loin. Est-ce Feodor Atkine qui joue Othello dans l’« Atelier AP3 » ? C’est peu après la fin de la Navale. Des métallos ont accueilli la troupe de La Chamaille dirigée par Hervé Tougeron qui va donner une autre vie à ce lieu appelé la Fabrique des sourds où l’on martelait les tôles de la dure nécessité. C’est quelque chose d’inespéré ces voix de comédiens. Le chant de la vie sublimée. Tout est ambivalent et Nantes le sait mieux que n’importe quelle cité. Le souffle de l’océan dilate ses rues. La mer s’y laisse seulement deviner, comme une amante distante. L’amour de loin, celui qui fait rêver les coureurs d’aventures. À petits bruits, la marée pénètre deux fois par jour dans la ville. Elle diffuse un précipité d’effluves bizarres qui brouille l’esprit des gens et, signe d’insolente jeunesse de la ville, est le ferment d’une inventivité en ébullition. Telle celle de ce jeune médecin qui va en hâte à la clinique ophtalmique qu’il vient d’ouvrir : « Aux plus déshérités, le plus d’amour », dit-il. Ce n’est pas la devise du Samu social mais celle d’Ange Guépin, ce médecin nantais, célèbre philanthrope du XIXe s. Vers le port, un instant, j’ai cru sentir un tremblement de ciel. D’une des hautes fenêtres de la rue Kervégan me parvient un colloque ordinaire. Le riche armateur se penche vers le prélat de la paroisse : « Vous en convenez, mon père, ce Code Noir est une bonne chose. Soyez tranquille pour le toit de l’église ». C’est si banal, la traite. Mille ondes de douleur flottent des cales qui ont chargé au loin leur fret d’hommes au corps d’ébène. Quels visages leur donner ? Dans les trous noirs de la raison, les morts anonymes n’en ont pas, ceux qui montent de la fosse du passé, comme ceux qui agonisent sans papiers, dans les soutes des avions d’aujourd’hui. Qui sait si cette part d’ombre de Nantes n’a pas fait pleurer les statues du Jardin des Plantes ? Maintenant, je m’absorbe dans la féerie des toits où les gris battent la chamade. La livrée terne du tuffeau souillé et du ciment, dégradés sans poésie, invite à chercher les couleurs de la vie au-delà des méridiens. Ici, les couleurs se méritent, rapportées des confins avec les arbres aux fleurs inconnues. J’aperçois la fresque Le Toucan, rue Fanny Peccot, où explosent l’indigo et le rose indien. Il y a du Henry Thoreau chez Alain Thomas, le peintre ami des fleurs et des espèces menacées. Mais son Walden est un jardin des Tropiques aux couleurs exubérantes. C’est ainsi, dans cette ville qu’on dit grise, un oiseau de paradis aux fruits vermeils fait la vie plus belle. Ici et là, Nantes déjoue les tempêtes et pose des jalons qui rallument les étoiles. Il me semble entrevoir, au musée des Beaux-Arts, la petite chandelle du Songe de saint Joseph de Georges de La Tour et son clair-obscur qui fait palpiter l’espoir. Et puis il y a la voix du philosophe Paul Ricœur, au Temple protestant, qui lit un extrait de l’Édit de Nantes pour le 400e anniversaire de l’événement. J’accompagne mes étudiants. Si la mémoire est nécessaire, nous dit cette parole généreuse, les hommes ont aussi besoin de l’oubli, sinon ils demeurent enfermés dans les barbelés de la haine. Message bien peu accordé à notre époque. Au bout de mon extase paysagère, la ville me donne l’impression de prendre la tangente, corps de songe superbement immatériel. Ancrée au sol mais parée pour tous les départs, elle ne cesse de prendre le large. Indifférente à nos balbutiements, Nantes poursuit son chemin à sa hauteur. Par temps clair, on voit la mer.
Marie-Hélène Prouteau, « La croisière immobile », in revue Place Publique n° 40, Dossier « Nantes et Saint-Nazaire, les villes vues d’en haut », juillet-août 2013. |
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