Étiquette : Marilyse Leroux


  • Marilyse Leroux | [Livre ouvert]



    [LIVRE OUVERT]




    Livre ouvert
    sur les genoux
    le bleu de l’amandier
    racontait un autre bleu
    sa blancheur un autre blanc


    Il est tombé du soleil
    entre ses branches
    le temps l’a mélangé
    au jeu des couleurs


    Depuis le chant
    porte son nom.


    Certains arbres
    ont appris à veiller
    sur le sommeil des morts


    On leur pardonne leur silence
    pour ce qu’ils ont entendu.





    Marilyse Leroux, Nés arbres, éditions L’Ail des ours, Collection Grand ours n°1, 2019, pp. 26-27. Gravures de Thierry Tuffigo.






    Marilyse Leroux  Nés arbres  3





    MARILYSE LEROUX



    Marilyse Leroux





    ■ Marilyse Leroux
    sur Terres de femmes


    [Autour de nous le mouvant devient cercles] (extrait d’Ancrés)
    Le Sein de la terre (lecture d’AP)
    [Une goutte est la mer] (extrait du Temps d’ici)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Tu ouvres une brèche]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terre à ciel)
    une page consacrée à Marilyse Leroux
    le site de Thierry Tuffigo






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  • Marilyse Leroux, Le Sein de la terre

    par Angèle Paoli

    Marilyse Leroux, Le Sein de la terre,
    éditions La Lucarne des Écrivains, 2018.
    Prix Maram al-Masri 2018.



    Lecture d’Angèle Paoli




    LE CONTRE-CHANT DES AMANTS




    C’est au cœur de la terre, en son sein le plus secret, que s’abrite, intact, le voyage. Le voyage auquel nous sommes conviés dans ces pages est celui de l’amour. Marilyse Leroux en est l’égérie, et la coryphée qui conduit le dialogue poétique avec l’être aimé.

    Le Sein de la terre est un très bel ouvrage, superbement accompagné des peintures et aquarelles de Véronique Durruty. L’artiste compose un voyage onirique qui va l’amble avec les poèmes. Pluriel, coloré, léger, aérien. Dansant. L’échange entre les amants se joue sur le fil ténu d’horizons, floraux et végétaux, bercé par le mouvement des vagues et par celui des lèvres et des corps. Chaque page est une découverte. Un arrêt sur image. Un suspens. Poème et dessin alternent ; caractères romains et italiques également. Masculin/féminin. Sous les italiques se tissent les mots de la poète.

    La voix est assurée, mais elle est douce. Avec elle renaît l’espoir. D’un ailleurs, d’un autrement. L’autre voix est celle de l’amant que rend inconsolable la perte de la femme aimée. D’un poème à l’autre, la plainte sourd. Elle déroule au fil des pages son long ruban de désarroi. Ainsi dans la complainte ci-après où semblent devenus insaisissables mots et gestes de l’amant et tant perdu :

    « Je ne sais plus rien

    ton rire n’atteint plus

    le lit de la mer

    je ne l’entends plus rouler

    sur les pentes

    la peau de l’eau a changé

    ma langue ne la reconnaît plus. »

    Et l’amante de répondre par des mots qui ouvrent sur d’autres possibles :

    « Il faut partir

    sans te détourner du feu

    qui consuma nos corps

    Ce qui a été vécu

    tourne encore

    dans les chambres

    Autre magie autre rituel

    le silence reprend les gestes

    dans un autre phrasé. »

    Car l’amour est multiple, lui aussi — comme le voyage —, qui va de la passion jusqu’à la dissolution. Il laisse les amants désemparés, chacun cherchant l’autre à son aune. Un « filament » léger continue pourtant de courir de l’un à l’autre, d’unir les amants, par-delà les souffrances de la séparation.

    « Une force nous relie

    à tout le bleu en dessus ».

    À chaque souvenir évoqué dans la mélancolie d’un bien perdu, l’amante répond par des images énigmatiques. À chaque plainte, elle dispense un conseil. Le ton est souvent celui de l’injonction, tendre et confiante :

    « Laisse mûrir ta voix

    à l’ombre des portes

    tu connaîtras le voyage

    où les signes s’épousent »

    ou encore, plus loin :

    « Ouvre les yeux

    la lumière est ton collier ».

    Marilyse Leroux a placé son recueil sous l’égide du poète latin Ovide : « Omnia mutantur, nihil interit » | « Tout change, rien ne meurt. » Avec ces vers « lampedusiens » tirés des Métamorphoses s’entreprend la longue marche vers un inconnu dont seule la poète, comme jadis les pythonisses au temps des oracles, semble posséder les clés d’un renouveau :

    « Va ne crains rien

    la beauté rattrapera

    le long de la route

    à la lisière d’un bois

    d’une prairie ou d’un lac ».

    L’amant égaré s’obstine. Il se perd dans l’envers du miroir. Toute tentative de changement se mue en son contraire. De son côté, la sibylle poursuit la voie qui est sienne. Elle dans la clarté de la lumière ; lui dans la nuit qui l’obsède. Lui dans une errance sans boussole ; elle dans une sagesse inaccessible ; lui dans les mots du reproche ; elle dans la parole prophétique :

    « Tu avais un cœur de prophétie

    sur des lèvres d’amante

    pourquoi as-tu brisé mon chant

    me voici ombre avec mon ombre

    mon chemin reste long de toi. »

    L’aruspice répond en écho :

    « Je vois ton visage

    en découpe sur la grève

    le moment est venu

    de te retourner

    Rien n’est perdu

    si tes mots s’accrochent

    à d’autres pointes

    laisse le nuage

    confondre l’énigme. »

    Le dialogue amoureux se poursuit en un contrepoint continu de voix qui se cherchent et s’effleurent sans vraiment se rejoindre. Comme si les amants se situaient sur des courbes opposées d’une même ligne mélodique. Usaient de langages irréconciliables. Dans des univers de pensées si irréductibles que nulle image ne peut les ressouder.

    L’amante semble détenir un savoir antique, bâti sur une expérience unique, acquise de longue date. Lui, au contraire, poursuit son rêve bâti sur l’écume. L’impalpable éphémère dont il est impossible de se délivrer. Là où l’amant progresse en ressassant le passé, l’amante répond en regardant le futur.

    « Tu me disais

    jamais sans toi

    et je le croyais ».

    À quoi l’amante répond :

    « Avance amour

    lorsque tu me retrouveras

    ce ne sera pas le halo de la lune

    ce ne sera pas l’éclat de la mer

    mais ce qui brille de moi

    à l’intérieur de toi. »

    Ainsi se poursuit le dialogue des amants. Jusqu’au détachement ultime qui est celui de l’absolu de l’amour. Un superbe contre-chant que cette chanson mythique des amants.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Marilyse Leroux  Le Sein de la terre






    MARILYSE LEROUX


    Marilyse Leroux





    ■ Marilyse Leroux
    sur Terres de femmes

    [Autour de nous le mouvant devient cercles] (extrait d’Ancrés)
    [Livre ouvert] (extrait de Nés arbres)
    [Une goutte est la mer] (extrait du Temps d’ici)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Tu ouvres une brèche]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terre à ciel)
    une page consacrée à Marilyse Leroux






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  • Marilyse Leroux | [Autour de nous le mouvant devient cercles]



    [AUTOUR DE NOUS LE MOUVANT DEVIENT CERCLES]



    Autour de nous
    le mouvant devient cercles
    îlots concentriques

    les courants brassent les sables
    vers un centre possible

    Il faudra du temps
    avant la nacre




    Combien de balbutiements
    au ras de l’eau
    de conversations d’étoile à étoile
    pour habiter un caillou ?

    L’écume babille à la surface

    En-dessous
    la mer prépare ses relèves
    dans un recueillement de baptistère.




    Les courants sont multiples
    les mouvements d’aimer aussi

    Il arrive qu’une lumière
    se penche différemment
    sur nous

    Nous donne à voir
    une image détachée
    de ce que nous sommes.




    Marilyse Leroux, Ancrés, Éditions Rhubarbe, 89000 Auxerre, 2016, pp. 47-48-49. Gravures de Danielle Péan Le Roux.






    Marilyse Leroux, Ancrés






    MARILYSE LEROUX


    Marilyse Leroux




    ■ Marilyse Leroux
    sur Terres de femmes

    [Livre ouvert] (extrait de Nés arbres)
    Le Sein de la terre (lecture d’AP)
    [Une goutte est la mer] (extrait du Temps d’ici)
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    [Tu ouvres une brèche]





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  • Marilyse Leroux | [Une goutte est la mer]



    Les pas renouent les fils du paysage
    Ph., G.AdC







    [UNE GOUTTE EST LA MER]



    Une goutte est la mer
    un éclat tout le soleil

    Le jour est tout le jour
    pour qui avance
    le corps léger

    Les pas renouent
    les fils du paysage
    en quête de pierres
    et de lumières oubliées

    Les prés se donnent
    comme autrefois
    le velours d’une robe

    Du plus loin
    ou du plus proche
    l’œil remonte
    à la source.




    Marilyse Leroux, Le Temps d’ici, Éditions Rhubarbe, 2013, page 57. Prix Angèle Vannier de poésie 2014.






    MARILYSE LEROUX


    Marilyse Leroux





    ■ Marilyse Leroux
    sur Terres de femmes

    [Autour de nous le mouvant devient cercles] (extrait d’Ancrés)
    [Livre ouvert] (extrait de Nés arbres)
    Le Sein de la terre (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Tu ouvres une brèche]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Texture)
    une note de lecture de Michel Baglin sur Le Temps d’ici






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  • Marilyse Leroux | [Tu ouvres une brèche]



    [ TU OUVRES UNE BRÈCHE]



    Tu ouvres une brèche | dans l’épaisseur du monde | pour voir glisser le ciel
    Ph. angèlepaoli







    Tu ouvres une brèche
    dans l’épaisseur du monde
    pour voir glisser le ciel
    comme une aile
    sur l’horizon parfait

    Et c’est une joie
    toujours neuve et désirante
    que cette parole en voyage sur la mer

    L’infini n’est jamais si loin
    qu’entre deux portes.




    Marilyse Leroux
    Texte inédit (in Le Temps d’ici, recueil inédit)
    pour Terres de femmes (D.R.)






    MARILYSE LEROUX


    Marilyse Leroux




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    une page consacrée à Marilyse Leroux





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