Étiquette : Mario Benedetti


  • Mario Benedetti | [Ma tu lo sai che c’era?]



    [MA TU LO SAI CHE C’ERA ?]




    Ma tu lo sai che c’era?
    Siamo nati insieme, lui alla porta vicina.
    Se un giorno non lo avessi visto?
    In qualche posto ci sarebbe stato.
    Se il posto fossero altri visi
    con le loro facce, con la loro morte?
    È finita. Si resta a guardare,
    le parole scorrono insieme alle dita.
    Non devi più alzarti da te.
    Tanti passi, tanti sguardi, altri cieli.
    La tua vita, nessun commento.




    Mario Benedetti, Tutte le poesie, Casa Editrice Garzanti, Collana I grandi libri, 2017. A cura di Stefano Dal Bianco, Antonio Riccardi, Gian Mario Villalta.





    Mario Benedetti  Tutte le poesie 2







    [MAIS TU SAIS QU’IL ÉTAIT LÀ ?]




    Mais tu sais qu’il était là ?
    Nous sommes nés ensemble, lui la porte à côté.
    Si un jour je ne l’avais pas vu ?
    Il aurait bien été quelque part.
    Si l’endroit avait été d’autres visages
    Avec leurs visages, avec leur mort ?
    C’est fini. On reste là à regarder,
    Les mots passent ainsi que les doigts.
    Tu ne dois pas te lever tout seul.
    Tant de pas, tant de regards, d’autres cieux.
    Ta vie, aucun commentaire.




    Mario Benedetti, « Poésie italienne d’aujourd’hui », dossier dirigé par Jean-Charles Vegliante, Revue Siècle 21 n° 25, automne-hiver 2014, page 37. Traduit de l’italien par Jean-Charles Vegliante.





    Siecle 21  25





    MARIO  BENEDETTI (1955-2020)


    Mario Benedetti portrait
    Source




        Mario Benedetti est né à Nimis (Udine) le 9 novembre 1955 et mort à Piadena (Cremona) le 27 mars 2020. Il a passé son enfance dans le Frioul avant de s’établir à Milan. Diplômé en esthétique, il a publié plusieurs recueils, I secoli della Primavera (Sestante, 1992), Umana gloria (2004), Pitture nere su carta (2009), Tersa morte (2013), ainsi qu’un volume de réflexion Materiali di un’identità (Transeuropa, 2010). Il a collaboré à l’Almanacco dello Specchio (Mondadori) et a traduit plusieurs poètes français (Benoît Conort, Michel Deguy, Yves Bonnefoy…). Prix Brancati 2014 pour Tersa morte.





    ■ Mario Benedetti
    sur Terres de femmes


    [Sta solo fermo nella tosse] (poème traduit en français par Joëlle Gardes)





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au poème)
    une page sur Mario Benedetti (+ plusieurs poèmes extraits de Tersa morte, traduits par Jean-Charles Vegliante)
    → (sur Une autre poésie italienne)
    une page sur Mario Benedetti (+ plusieurs poèmes extraits de Pitture nere su carta)
    → (sur Poesia de Luigia Sorrentino)
    une page (en italien) sur Tersa morte de Mario Benedetti (+ plusieurs poèmes extraits de Tersa morte)
    → (sur Poesia de Luigia Sorrentino)
    Addio a Mario Benedetti (1955-2020)
    → (sur le site du Nouveau Recueil)
    In memoriam Mario Benedetti (PDF)





    Retour au répertoire du numéro de mai 2020
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Luigia Sorrentino | Hypérion, la chute




    IPERIONE, LA CADUTA



    nulla può crescere e nulla
    può così perdutamente dissolversi
    come l’uomo

    (F. HÖLDERLIN, Iperione)




    Coro 1


    tutto stava su di lei
    e lei sosteneva tutto quel peso
    e il peso erano i suoi figli
    creature che non erano ancora
    venute al mondo
    lei stava lì sotto e dentro

    questa pena l’attraversava ancora
    quando venne meno qualcosa

    le acque la accolsero

    e quando si avvicinò alla costa
    della piccola isola, tutti
    portava nel suo grembo




    Coro 2


    c’è una notte arcaica in ognuno di noi
    una notte dalla quale veniamo
    una notte piena di stupore
    quella perduta identità dei feriti
    si popola di volti,
    quell’abbraccio mortale

    in un tempo sospeso tra mente e cuore
    mai la notte fu così stellata

    gettati in mare ingoiarono acqua
    e pietre, e strisciarono sulla sabbia
    e furono in totale discordia
    ebbero passi pesanti
    e sparirono, sottoterra

    il cenno si dissolve
    da sé cade il fragile umano
    frutto effimero, del mortale




    Coro 3


    nella cintura d’acqua
    fluttuava immenso l’indistinto
    inattuato attaccava la nebbia
    melmosa, non era ancora luce ma
    notte continua, durava
    in quello spazio la non luce

    si volse la notte si volse
    bisognosa a noi che aprimmo
    lo sguardo alla forma sollevata

    solo questo gesto che vede
    qualcosa si schiarisce
    illumina e avvicina
    nell’istante posato
    negli occhi che egli chiude




    Coro 4


    si comportava da colosso
    come se dovesse stringersi
    inghiottito dal nero della pietra
    sul confine piantava bastoni inestirpabili

    ci sorpresero le lunghe impronte
    rifugio di mole e di potenza
    fissate
    lastre di pietra

    il volto nostro sovrastò la figura
    altissima,
    negli occhi si schiuse la forma inguainata
    con braccia e gambe saldate contro il corpo

    lo sguardo nostro entrò in quel suo essere
    infinitamente mortale




    Coro 5


    la luce si disperdeva,
    cadeva la massa corporea
    appoggiato alla densità della goccia
    egli era là nel suo confine
    il mutamento fu uno svanire
    arbitrario
    dal fondo del vento sprigionava
    trascinando fuori da sé
    qualcosa che lentamente appare

    così in esso
    ciò che ripetutamente arriva
    entra nel suo sguardo

    nel sollevarsi contro la nebulosa
    divenne la brezza distesa sull’acqua
    a lei si infranse perdutamente
    alla nettezza di lei che si apriva
    davanti a lei si lasciò cadere, infine
    Iperione




    Coro 6


    abbiamo perso tutto
    caduti in un eterno
    frammento
    la prima luce su noi
    infuocata ha bruciato tutto

    la prima creatura di umana
    bellezza è morta, ignota
    a se stessa
    i popoli appartengono alla città
    che li ama
    privi di questo amore ogni stato
    scheletrisce e annera
    la natura imperfetta non sopporta
    il dolore






    IL CONFINE



    Appariva gradualmente scendendo dai ripiani delle scale. Una parte di lei era visibilmente sommersa. La città nuova costruita sulla vecchia dentro l’acqua si rifrangeva, lasciando cadere su di sé l’immagine sfigurata dell’altra. La guardai morente e mutata… se ne andava, ma dove ? Quando mi voltai mi venne di fronte nel suo biancore una divinità decapitata. Dalla roccia il giovane indicava il confine delle’orizzonte terreno, il limite a cui pian piano approdavamo, gonfi di mare.








    HYPÉRION, LA CHUTE


    rien ne peut grandir,
    rien ne peut aussi irrémédiablement disparaître
    comme l’homme

    (F. HÖLDERLIN, Hypérion)




    Chœur 1


    tout reposait sur elle
    et c’est elle qui supportait tout ce poids
    et ce poids c’était ses enfants
    des créatures qui n’étaient pas encore
    venues au monde
    elle se tenait là dessous et dedans

    ce tourment la traversait encore
    quand quelque chose vint à s’évanouir

    les eaux l’accueillirent

    et lorsqu’elle s’approcha du rivage
    de la petite île, elle les portait
    tous dans son giron




    Chœur 2


    en chacun de nous demeure une nuit archaïque
    une nuit d’où nous venons
    une nuit pleine de stupeur
    cette identité perdue des blessés
    se peuple de visages,
    cette étreinte mortelle

    en un temps suspendu entre cœur et esprit
    jamais la nuit ne fut si étoilée

    jetés à la mer ils ingurgitèrent eau
    et pierres, et rampèrent sur la grève
    et furent en totale discorde
    leurs pas étaient lourds
    et ils disparurent, sous terre

    le signe se dissout
    tombe de lui-même le fruit humain
    fragile et éphémère, du mortel




    Chœur 3


    dans la ceinture d’eau
    l’indistinct flottait, immense
    inabouti il se fondait à la brume
    fangeuse, il ne faisait pas encore jour
    mais une nuit inachevée, se prolongeait
    dans cet espace la non-lumière

    se tourna la nuit se tourna
    besogneuse pour nous qui ouvrîmes
    les yeux sur la forme en suspens

    seul ce geste qui voit
    quelque chose se met à briller
    illumine et avoisine
    dans l’instant posé
    dans les yeux qu’il ferme




    Chœur 4


    il se comportait en colosse
    comme s’il eut dû se rapetisser
    englouti par le noir de la pierre
    sur le seuil il plantait des bâtons indéracinables

    nous surprirent les longues empreintes
    refuge de poids et de puissance
    fixées
    dalles de pierre

    la figure dépassa notre visage,
    très haute,
    dans nos yeux s’entrouvrit la forme engainée
    bras et jambes soudés au corps

    notre regard pénétra son être
    infiniment mortel




    Chœur 5


    la lumière se dispersait,
    chutait la masse corporelle
    appuyée à la densité de la goutte
    il se tenait là sur le seuil
    le changement fut un évanouissement
    arbitraire
    du fond du vent se dégageait
    traînant hors de lui
    quelque chose qui lentement apparut

    ainsi en lui
    ce qui ne cesse d’arriver
    entre dans son regard

    en se soulevant contre la nébuleuse
    il devint la brise étendue sur l’eau
    éperdu il se brisa contre elle
    contre la pureté de celle qui s’ouvrait
    devant elle il se laissa tomber, enfin
    Hypérion




    Chœur 6


    tombés dans un éternel
    fragment
    nous avons tout perdu
    la première lumière sur nous
    embrasée a tout brûlé

    la toute première créature à l’humaine
    beauté est morte, sans qu’elle le sût
    elle-même
    les peuples appartiennent à la ville
    qui les aime
    privé de cet amour chacun
    devient noir squelette
    la nature imparfaite ne supporte pas
    la douleur






    LA FRONTIÈRE



    Elle apparaissait descendant pas à pas les marches d’escaliers. Une partie d’elle était visiblement submergée. La ville nouvelle édifiée sur l’ancienne se réfléchissait dans l’eau, laissant tomber sur elle l’image déformée de l’autre. Je la regardai mourante et mouvante… elle s’en allait, mais où ? Quand je me retournai me fit face dans toute sa blancheur une divinité décapitée. Depuis son rocher le jeune homme pointait la ligne d’horizon de la terre, les confins auxquels nous abordions tout doucement, gonflés de mer.




    Luigia Sorrentino, Olympia, éditions Al Manar, 2019, pp. 60-72. Dessins de Giulia Napoleone. Traduit de l’italien par Angèle Paoli. Préface de Milo De Angelis. Postface de Mario Benedetti.






    Olympia





    LUIGIA SORRENTINO


    Luigia Sorrentino
    Source



    Originaire de Naples, Luigia Sorrentino est poète et journaliste. Son métier de journaliste la conduit à réaliser des interviews de personnalités aussi éminentes que les Prix Nobel Orhan Pamuk, Derek Walcott et Seamus Heaney. Productrice de programmes culturels radiophoniques, elle anime sur Rai Radio Uno l’émission Notti d’autore, « viaggio nella vita e nelle opere dei protagonisti del nostro tempo ».

    Poète, elle a publié plusieurs recueils de poésie : C’è un padre (Manni, Lecce, 2003) ; La cattedrale (Il ragazzo innocuo, Milano, 2008) ; L’asse del cuore (in Almanacco dello specchio, Mondadori, Milano, 2008) ; La nascita, solo la nascita (Manni, Lecce, 2009) ; Inizio e Fine, Cahiers de La Collana, Stampa, 2009 ; Varese, 2016 (trad. fr. par Joëlle Gardes, éditions Al Manar, 2018) ; Figure de l’eau | Figura d’acqua, éditions Al Manar, 2017 (traduit en français par Angèle Paoli), Olimpia (Interlinea edizioni, 2013) | Olympia, éditions Al Manar, 2019 (traduit en français par Angèle Paoli).

    En août 2013 a paru aux éditions Interlinea de Novare, le recueil poétique Olimpia (Olympia) préfacé par Milo De Angelis et postfacé par Mario Benedetti. Dans la préface de l’ouvrage, Milo De Angelis souligne l’importance de ce recueil qui touche à l’essentiel, « aborde en profondeur les grandes questions de l’origine et de la mort, de l’humain et du sacré, de notre rencontre avec les millénaires. » De la poète Luigia Sorrentino, il souligne le regard visionnaire : un « regard ample, prospectif, à vol d’aigle ». Mais aussi ses « immersions imprévues dans la flamme du vers ».

    Dans ce parcours initiatique qu’est le « livre orphique » Olympia — de la grotte de la naissance jusqu’à la pleine exposition de soi dans les forces telluriques —, le lecteur est confronté à une perte irrémédiable : celle de la condition humaine. Cette quête conduit à travers un hors-temps et un hors-espace à la recherche « d’époques de notre vie ». La rencontre se fait dans une Grèce — Olympie — démesurée qui, dans les pages du recueil, ressurgit « vivante, intérieure, palpitante ». D’autres rencontres ont aussi lieu : « avec les ombres des corps que nous avons aimés ; puis, parmi les ombres, […] avec nous-mêmes  ». Il importe alors « d’assumer [son] nouveau visage : celui du souffle, de la voix, du vent, des cigales, des rochers, des oliviers ».

    Ainsi, en dépit du fait que tout est désormais accompli, au milieu de notre existence dépouillée, « s’élève un cri d’éternité et d’amour ». Comme le souligne Milo De Angelis, « Olympia parvient à exprimer ce temps absolu, et le fait de manière admirable », avec une grande puissance architectonique mais aussi « avec les éclairs fulgurants de la vraie poésie. Un Temps absolu qui contient chaque temps. » Un recueil qui nous plonge de temps à autre dans diverses périodes de notre vie, comme si nous étions à la fois « des hommes de l’Antiquité et des adolescents, sûrs » de nous et tout à la fois « perdus », et que nous nous immergions « dans ce jour chargé d’attente et de révélation, sans cesse sur le seuil d’une découverte cruciale ».




    ■ Luigia Sorrentino
    sur Terres de femmes

    [tous les jours étaient tombés sur son visage] (extrait de Début et fin | Inizio e fine)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur le recueil Olympia
    → (sur le site des éditions Interlinea)
    une page sur le recueil Olimpia
    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    une recension (en italien) d’Olimpia par Alessio Alessandrini
    le blog Poesia de Luigia Sorrentino
    → (sur le blog Poesia de Luigia Sorrentino)
    Luigia Sorrentino lit un extrait du recueil Olimpia : “Giovane monte in mezzo all’ignoto” (+ une note de lecture de Diego Caiazzo)
    → (sur Sulla letteratura | On literature)
    un autre extrait d’Olimpia traduit en anglais par Alfred Corn
    → (sur PostPopuli)
    un entretien de Luigia Sorrentino avec Giovanni Agnoloni
    → (sur Poesia 2.0)
    une recension d’Olimpia par Chiara De Luca
    → (sur le blog du Corriera della sera)
    une recension d’Olimpia par Ottavio Rossani
    → (sur YouTube)
    a creatura perpetua (une vidéopoésie de Chiara De Luca sur un extrait d’Olimpia)





    Retour au répertoire du numéro de février 2014
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mario Benedetti | [Sta solo fermo nella tosse]

    « Poésie d’un jour

    choisie par Joëlle Gardes



    [STA SOLO FERMO NELLA TOSSE]



    Sta solo fermo nella tosse.
    Un po’ prende le mani e le mette sul comodino
    per bere il bicchiere di acqua comprata,
    come tanti prati guardati senza dire niente,
    tante cose fatte in tutti i giorni.
    Intorno ha una cassettiera con lo specchio,
    due sedie scure, un armadio, l’incandescenza minuscola di una stufa.
    Dei centrini, la stampa di una natività con il rametto di ulivo,
    un taccuino, dei pantaloni, delle cose sue.
    Davanti il cielo che è venuto insieme a lui,
    gli alberi che sono venuti insieme a lui. Forse una ghiaia di giochi
    e dei morti, che sono silenzio, un solo grande silenzio, un silenzio di tutto.
    A volte l’acqua del Cornappo era una saliva più molle,
    un respiro che scivolava sui sassi.
    A volte tutto era l’uccellino del freddo disegnato sul libro di lettura
    vicino a una poesia scritta in grande da imparare a memoria.
    A volte niente, venire di qua a prendere il pezzo di cioccolato
    e la tosse, quella maniera della luce di far tremare le cose,
    gli andirivieni, il pavimento stordito dallo stare male.




    Mario Benedetti, « Per mio padre », Umana Gloria, Mondadori, Collana Lo Specchio, 2004, pp. 27-28.





    Umana gloria 3









    [IL SE TIENT IMMOBILE DANS SA TOUX]




    Il se tient seul immobile dans sa toux.
    Il prend un peu ses mains et les met sur la table de nuit
    pour boire le verre d’eau achetée,
    comme tant de prés regardés sans rien dire,
    tant de choses faites jour après jour.
    Autour de lui il y a une commode avec miroir,
    deux chaises foncées, une armoire, la minuscule incandescence d’un poêle.
    Des napperons, sur une gravure la nativité avec un rameau d’olivier,
    un carnet, des pantalons, des choses à lui.
    Devant le ciel venu en même temps que lui,
    les arbres venus en même temps que lui. Peut-être les graviers d’un terrain de jeux
    et des morts, qui sont silence, un seul grand silence, un silence de tout.
    Parfois l’eau du Cornappo était une salive plus douce,
    une respiration qui glissait sur les cailloux.
    Parfois tout était le petit oiseau du froid dessiné sur le livre de lecture
    à côté d’une poésie écrite en gros pour qu’on l’apprenne par cœur.
    Parfois, rien, venir prendre le bout de chocolat
    et la toux, cette façon qu’a la lumière de faire trembler les choses,
    les allées et venues, le sol assourdi par la maladie.




    Traduit de l’italien par Joëlle Gardes
    Traduction inédite
    pour Terres de femmes





    MARIO BENEDETTI


    Mario Benedetti portrait
    Source




        Mario Benedetti est né à Nimis (Udine) le 9 novembre 1955 et mort à Piadena (Cremona) le 27 mars 2020. Il a passé son enfance dans le Frioul avant de s’établir à Milan. Diplômé en esthétique, il a publié plusieurs recueils, I secoli della Primavera (Sestante, 1992), Umana gloria (2004), Pitture nere su carta (2009), Tersa morte (2013), ainsi qu’un volume de réflexion Materiali di un’identità (Transeuropa, 2010). Il a collaboré à l’Almanacco dello Specchio (Mondadori) et a traduit plusieurs poètes français (Benoît Conort, Michel Deguy, Yves Bonnefoy…). Prix Brancati 2014 pour Tersa morte.





    ■ Mario Benedetti
    sur Terres de femmes


    | [Ma tu lo sai che c’era?]





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au poème)
    une page sur Mario Benedetti (+ plusieurs poèmes extraits de Tersa morte, traduits par Jean-Charles Vegliante)
    → (sur Une autre poésie italienne)
    une page sur Mario Benedetti (+ plusieurs poèmes extraits de Pitture nere su carta)
    → (sur Poesia de Luigia Sorrentino)
    une page (en italien) sur Tersa morte de Mario Benedetti (+ plusieurs poèmes extraits de Tersa morte)
    → (sur Poesia de Luigia Sorrentino)
    Addio a Mario Benedetti (1955-2020)
    → (sur le site du Nouveau Recueil)
    In memoriam Mario Benedetti (PDF)



    Retour au répertoire du numéro de mai 2015
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)



    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mario Benedetti | Anthologie poétique

    «  Poésies d’un jour  »
    choisies par Nathalie Vuillemin




    Mario Benedetti
    Source






    AHÍ NOMÁS


    En el manso dolor que te perturba
    cuando asumes lejano cómo vibra o jadea
    la inocencia del otro

    en la desolación convertida en crisálida
    en el silencio lleno de palabras nonatas
    en el hueco de llanto inmerecido
    en tu ausencia de dioses
    en la asunción de tus mejores miedos
    en tus cenizas de utopía
    en tu fe de a pesar / de sin embargo

    ahí nomás
    precisamente ahí
    se oculta / resiste / permanece
    la caverna profunda / inexpugnable
    que algunos / unos pocos
    dicen que es la conciencia


    Mario Benedetti, El olvido está lleno de memoria (1995), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 456.





    JUSTE LÀ


    Dans la paisible douleur qui te perturbe
    quand tu saisis au loin comment vibre ou halète
    l’innocence de l’autre

    dans la désolation muée en chrysalide
    dans le silence plein de mots non-nés
    dans le creux des pleurs immérités
    dans ton absence de dieux
    dans l’acceptation de tes meilleures peurs
    dans tes cendres d’utopie
    dans ta foi de malgré / de toutefois

    juste là
    précisément là
    se cache / résiste / demeure
    la caverne profonde / inexpugnable
    que certains / quelques-uns
    disent être la conscience

    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    NO SÉ QUIÉN ES


    Es probable que venga de muy lejos
    no sé quién es ni a dónde se dirige
    es sólo una mujer que se muere de amor
    se le nota en sus pétalos de luna
    en su paciencia de algodón / en sus
    labios sin besos u otras cicatrices /
    en los ojos de oliva y penitencia

    esta mujer que se muere de amor
    y llora protegida por la lluvia
    sabe que no es amada ni en los sueños
    lleva en las manos sus caricias vírgenes
    que no encontraron piel donde posarse /
    y / como huye del tiempo / su lujuria
    se derrama en un cuenco de cenizas


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 244.





    JE NE SAIS QUI ELLE EST


    Il est probable qu’elle vienne de très loin
    je ne sais qui elle est ni où elle se dirige
    c’est seulement une femme qui se meurt d’amour
    on le remarque à ses pétales de lune
    à sa patience de coton / à ses
    lèvres sans baisers ou autres cicatrices
    à ses yeux d’olive et de pénitence

    cette femme qui se meurt d’amour
    et pleure protégée par la pluie
    sait qu’elle n’est pas même aimée dans les rêves /
    elle tient dans ses mains ses caresses vierges
    qui ne rencontrèrent aucune peau où se poser /
    et / comme elle fuit du temps / sa luxure
    se déverse en une terrine de cendres.


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    PAPEL MOJADO


    Con ríos
    con sangre
    con lluvia
    o rocío
    con semen
    con vino
    con nieve
    con llanto
    los poemas
    suelen
    ser
    papel mojado


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 257.





    PAPIER MOUILLÉ


    par des fleuves
    par du sang
    par de la pluie
    ou de la rosée
    par du sperme
    par du vin
    par de la neige
    par des pleurs
    les poèmes
    ont coutume
    d’être
    du papier mouillé


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    RINCÓN DE HAIKUS
    (1999) (Extraits)


    1.
    si en el crepúscolo
    el sol era memoria
    ya no me acuerdo

    9.
    pasan misiles
    ahítos de barbarie
    globalizados

    11.
    las hojas secas
    son como el testamento
    de los castaños

    14.
    los sentimientos
    son inocentes como
    las armas blancas

    17.
    son manos locas
    de pianista o de herrero
    las que nos hablan

    19.
    los dos ladrones
    miraron a jesús
    y se miraron

    41.
    el exiliado
    se fue adaptando al tedio
    de la nostalgia

    43.
    la caracola
    me deja en el oído
    viejos pregones

    63.
    cuando anochece
    se estremecen los pinos
    y no es de frío

    76.
    por este puente
    transcurren ilusiones
    y contrabandos

    94.
    cuando uno viaja
    también viaja con uno
    el universo

    95.
    sólo el murciélago
    se entiende con el mundo
    pero al revés

    107.
    una campana
    tan sólo una campana
    se opone al viento

    122.
    nos van dejando
    sin árboles sin ubres
    sin fe sin ríos

    148.
    el árbol sabe
    de quién es cada paso
    de quién el hacha

    172.
    la poesía
    dice honduras que a veces
    la prosa calla

    188.
    sé de un ateo que en las noches rezaba
    pero en francés

    195.
    qué astuto el mar /
    si antes hubo sirenas
    quedan las colas

    201.
    cuántos semáforos
    para encontrar la senda
    del viejo crepúscolo

    219.
    llego alelado
    a este final de siglo
    qué encontraremos

    224.
    y aquí termino
    sin hacer sombra a nadie
    ni descuidarme


    Mario Benedetti, Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), pp. 153-197.





    LE COIN DES HAÏKUS


    1.
    si au crépuscule
    le soleil était mémoire
    déjà je ne m’en souviens plus

    9.
    des missiles passent
    rassasiés de barbarie
    globalisés

    11.
    les feuilles mortes
    sont comme le testament
    des marronniers

    14.
    les sentiments
    sont innocents comme
    les armes blanches

    17.
    ce sont des mains folles
    de pianiste ou de forgeron
    celles qui nous parlent

    19.
    les deux brigands
    regardèrent jésus
    puis se regardèrent

    41.
    l’exilé
    s’adapta à l’ennui
    de la nostalgie

    43.
    la conque
    me laisse dans l’oreille
    de vieux discours

    63.
    quand la nuit tombe
    et pas de froid

    76.
    par ce pont
    traversent des illusions
    et des contrebandiers

    94.
    quand on voyage
    voyage aussi avec nous
    l’univers

    95.
    seule la chauve-souris
    s’entend avec le monde
    mais à l’envers

    107.
    une cloche
    seule une cloche
    s’oppose au vent

    122.
    on nous laisse
    sans arbres sans nuages
    sans foi sans fleuves

    148.
    l’arbre sait
    de qui est chaque pas
    de qui la hache

    172.
    la poésie
    dit des profondeurs que parfois
    la prose tait

    188.
    je sais d’un athée
    qu’il priait la nuit
    mais en français

    195.
    quelle malicieuse, la mer /
    si autrefois il y eut des sirènes
    restent les queues

    201.
    combien de feux rouges
    pour rejoindre le sentier
    du vieux crépuscule

    219.
    j’arrive hébété
    à cette fin de siècle
    que rencontrerons-nous

    224.
    et je termine ici
    sans faire d’ombre à personne
    ni me négliger


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)






    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
    (établie par Nathalie Vuillemin)


    Mario Benedetti est né à Paso de los Toros (Uruguay) le 14 septembre 1920. Après avoir pratiqué divers petits métiers, il s’engagea parallèlement dans une carrière d’écrivain et de journaliste. Son premier recueil de poèmes (La visepra indeleble) est publié en 1945. Depuis, Mario Benedetti a publié plus de cinquante ouvrages : romans, nouvelles, théâtre, essais, et surtout poésie. Ce dernier genre est, pour Benedetti, l’expression de la vie quotidienne, dans ses interrogations les plus intimes comme dans les événements les plus concrets. La poésie de Benedetti témoigne notamment de l’expérience de l’exil qu’il subit pour des raisons politiques entre 1973 et 1986.

    Nombre de textes poétiques de Benedetti sont destinés à la chanson ; des artistes tels que Daniel Viglietti, Nacha Guevara, Joan Manuel Serrat, entre autres, les ont mis en musique. Convaincu que la poésie pouvait être un art vivant, adressé à toutes les générations et à tous les individus, quel que soit leur degré de formation, Benedetti fut également un poète-acteur et présenta des lectures de ses textes à de nombreuses occasions, aussi bien en Amérique latine qu’en Europe. En 1992, Eliseo Subiela a réalisé, sur un scénario construit à partir de poèmes de Benedetti, le film El lado oscuro del corazón, dans lequel le poète fait une brève apparition.

    Mario Benedetti est décédé le dimanche 17 mai 2009 à Montevideo. Le même jour, selon ses vœux, est née la fondation Mario Benedetti ; son objectif est de réunir et publier l’ensemble de son œuvre inédite, ainsi que de soutenir le travail des jeunes poètes de langue espagnole.



    Quelques œuvres :

    La víspera indeleble, 1945 (poésie).
    Quién de nosotros, 1953 (roman).
    La Tregua, 1960 (roman, traduit en français sous le titre : La Trêve).
    Montevideanos, 1959 (nouvelles).
    Noción de patria, 1963 (poésie).
    Letras del continente mestizo, 1967 (essai).
    La casa y el ladrillo, 1977 (poésie).
    Cotidianas, 1979 (poésie).
    Viento del exilio, 1981 (poésie).
    Primavera con una esquina rota, 1982 (roman).
    Geografías, 1984 (nouvelles).
    Las soledades de Babel, 1991 (poésie).
    Perplejidades de fin de siglo, 1993 (poésie).
    El olvido está lleno de memoria, 1995 (poésie).
    Andamios, 1996 (roman).
    El porvenir de mi pasado, 2003 (nouvelles).
    Canciones del que no canta, 2006 (poésie).





    MARIO BENEDETTI


    T_bene_139
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site A media voz)
    quelques poèmes de Benedetti lus par l’auteur 
    → (sur le site 8 Méridiens & Parallèles 8, consacré à l’Amérique latine)
    plusieurs articles sur Mario Benedetti






    Retour au répertoire du numéro de juin 2009
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes