Étiquette : Marseille


  • Lucien Becker | Passager de la Terre, I



    Becker des volets qui se ferment sur des rires d’enfants
    Ph., G.AdC






    PASSAGER DE LA TERRE, I



    Dans le quartier solitaire qu’on traverse en hâte
    des volets qui se ferment sur des rires d’enfants
    sur des voix très douces très proches

    La tête d’une femme dans le bocal des vitres
    aucun mouvement ne donne le sens de sa vie
    La dernière étoile tombe de la fenêtre

    comme une larme d’un œil clos
    Un enfant lance du papier au ciel
    crie dans le silence qui se fend

    Une fumée lace le ciel au toit
    le vent est si las
    qu’il se pose sur la main
    un baiser tombe de très haut
    décroche des feuilles dans les arbres
    une lampe s’éteint sans cri
    au tournant de la nuit




    Lucien Becker, Passager de la Terre (I) [revue Cahiers du Sud, H.C., Marseille, 1938 ; et Voix d’encre, Montélimar, 1993] in Rien que l’amour, Poésies complètes, La Table Ronde, Collection Vermillon, 1997, page 203. Édition établie et présentée par Guy Goffette.






    Lucien Becker  Rien que l'amour






    LUCIEN BECKER


    Lucien Becker
    Lucien Becker en 1955
    Collection particulière
    Source





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Les Hommes sans Épaules)
    une notice bio-bibliographique de Christophe Dauphin sur Lucien Becker
    → (sur le site du Matricule des anges)
    une lecture de Rien que l’amour par Thierry Guichard
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Rien que l’amour par Michel Baglin





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Claribel Alegría | Ultimo umbral



    ULTIMO UMBRAL



    Un paso más
    dos o tres quizá
    un mirar hacia atrás
    el vértigo
    el abismo
    y cruzar el umbral
    que me lleve hacia ti.






    DERNIER SEUIL



    Encore un pas
    deux ou trois peut-être
    un regard en arrière
    le vertige
    l’abîme
    puis franchir le seuil
    qui me conduira jusqu’à toi.




    Claribel Alegría, Saudade, Éditions L’atinoir, Collection L’atinair, Poésie bilingue hispano-américaine, Marseille, 2017, page 73. Traduction de Michelle Dospital. Préface de Claire Pailler.






    Claribel alegria  Saudade
    Annonce BnF






    CLARIBEL ALEGRÍA


    Claribel Alegria 3
    Source



    NOTE d’AP : la poète Claribel Alegría est décédée le 25 janvier dernier à Managua (Nicaragua) à l’âge de 93 ans. Elle venait de recevoir (à Madrid, en novembre dernier) le prestigieux Prix de Poésie ibéro-américain Reina Sofía. L’édition bilingue de Saudade est disponible en librairie depuis le 12 janvier 2018.




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Claribel Alegría
    → (sur le site du Washington Post)
    une notice nécrologique (2018, January 31) sur Claribel Alegría



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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Julien Simon | 1932 — Entre Odessa et Marseille



    1932 — ENTRE ODESSA ET MARSEILLE.



    ILS,
    lancent tout au long du voyage des petits cailloux
    blancs,
    De petits cailloux ramassés là-bas en Bessarabie.
    Regardent longtemps l’horizon, la mer puis la nuit.

    Plof.
    Après une lente descente, les petits cailloux blancs
    se déposent sur les fonds marins : sables, vasières,
    abysses. Quelques-uns sont gobés par des poissons et
    d’autres disparaissent, granulats de mémoire sous
    la couche de boue ou de limon.
    Là-bas au loin, les attend un train puis un autre train.
    Et le vent souffle.




    Julien Simon, Inventaire, un souffle, Éditions Isabelle Sauvage, Collection Chaos, 2016, page 11.







    Julien Simon, Inventaire, un souffle






    JULIEN SIMON


    Julien Simon




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Inventaire, un souffle de Julien Simon






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Corse_3 Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Corse, Éloge de la ruralité


    Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Corse, Éloge de la ruralité,
    Images en Manœuvres Éditions, Marseille, 2010.



    Lecture d’Angèle Paoli




    Tmp_3133 (1)
    Maddalena Rodriguez-Antoniotti,
    Capicorsu, circondu di Patrimoniu,
    Corse, Éloge de la ruralité, page 51
    Source








    DE LA FRAGILITÉ ORIGINELLE DE LA CORSE



    Serait-ce là, dans cet album de photographies signé Maddalena Rodriguez-Antoniotti, que se dévoile, cachée à nos vies empressées, la Corse insolite-secrète susceptible de déranger les habitudes de nos regards ?

    Rien dans Corse, Éloge de la ruralité qui entraîne l’imaginaire du côté des paysages grandioses qui font d’ordinaire la renommée de l’île. Rien de la beauté pure des montagnes ni des beautés fulgurantes de la mer. Rien de ces somptueuses découpes qui s’imposent d’elles-mêmes et que nul — autochtone ou touriste de passage — ne résiste à immortaliser dans ses prises de vue. Maddalena Rodriguez-Antoniotti s’est délibérément détournée des clichés qui font de la Corse sa réputation de joyau de la Méditerranée. Kallisté. La très belle.

    Tournant le dos aux plages de rêve, aux calanche, aux montagnes prisées pour leurs à-pics vertigineux et leurs piscines émeraude, la photographe débusque pour nous, au hasard de ses marches, de tout autres terroirs. Corse, Éloge de la ruralité est un univers de silence et de calme paisible. Qui offre de l’île un paysage insolite de champs et d’enclos enserrés dans un écrin de collines verdoyantes. Un univers qui parle sans tapage de la modestie agreste de terres cultivées, de vignobles, d’étendues (où paissent, depuis toujours, les troupeaux), de tombes anciennes que jouxtent les pacages. À l’abri de la turbulence du monde et loin des hommes pressés. Un univers virgilien fait de douceur, habillé de tendresse ; un monde du passé qui affleure encore, du nord au sud de l’île et d’est en ouest ; un monde qui parle de ce qui demeure de la ruralité d’antan. Ici et là, une barrière, des murets de pierre sèche, d’anciennes bergeries, des enclos entretenus. Le temps est suspendu entre les rondeurs boisées des collines, les miroitements d’un ruisseau, les feuillages roussis de l’automne, les prairies couvertes de fleurs des champs, les rangées de vignes bien alignées. Personne. Seul le regard pénétrant et doux de la marcheuse révèle la présence. La vie est impalpable mais la terre respire et la Corse se livre, dans sa simplicité et dans son authenticité.

    Infatigable, la photographe arpente les chemins creux de la plaine orientale ; s’arrête sur les enchevêtrements des sous-bois, capte la lumière dans la blondeur des châtaigneraies de la Castagniccia, surprend notre regard avec les « steppes » de la Balagne, ponctuées de troupeaux. Les arrondis toscans de la Conca d’Oro n’ont pas de secret pour elle ni les bocages du Sartenais ; pas davantage les oliveraies de Balagne. Tout dans ces paysages dit le lent et patient travail des hommes, leur obstination à dompter une nature rebelle. Bel ordonnancement des champs qui parle d’un lieu à vivre en accord avec le ciel et les nuages. En accord avec la respiration et la lumière. Loin de l’invasion anarchique des lotissements qui gagnent du terrain et imposent une uniformité d’une accablante laideur, là où jadis tout n’était que beauté naturelle et harmonie.

    Parfois l’œil accroche au passage la silhouette estompée d’un village arrimé à son piton rocheux. Vergers traversés par un chemin de terre, traces de sillons et traces des tracteurs, palmiers en bordure de propriétés patriciennes. Douceur saisie à la volée par un regard attentif à débusquer l’esprit du lieu, attentif aussi à ne pas le trahir ni le dénaturer.

    Rien dans ces photographies qui cherche à séduire au-delà de la beauté naturelle des champs des vignes des pâturages ; rien qui vienne détourner l’attention de l’authenticité du lieu. Le souci de la photographe de préserver cette authenticité se lit jusque dans le choix de l’appareil photo, un vieil argentique hérité d’un cousin du Niolu, « un Voigtländer datant de 1938 ». Émerveillée par le miracle que constitue pour elle la révélation de l’existence de tels paysages, la photographe se contraint à capter dans l’instant la fragilité originelle de la Corse. Pour accompagner chacune des prises de vue, un simple titre : « Plaine de la Casinca  / Piaghja di a Casinca » ; Région de Sartène, non loin de Mola / Rughjone di Sartè, vicinu à Mola ; Nebbio, plaine d’Oletta / Nebbiu, piaghja d’Oletta »… La déclinaison des images révèle l’esprit de l’ouvrage. Un éloge silencieux et profond. L’écriture d’une mémoire habitée par le respect. Une esthétique liée à la vie.

    « Tant qu’il y aura des paysages… » (tel est l’intitulé de l’avant-propos rédigé par Maddalena Rodriguez-Antoniotti) subsistera l’émerveillement. Un émerveillement qui transporte celui encore capable d’ouvrir les yeux et protège son regard de la sombre colère qui souvent gagne à la vue du désastre imminent qui mine la Corse. Si nul n’y prend garde.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Corse Maddalena







    MADDALENA RODRIGUEZ-ANTONIOTTI


    Maddalena Rodriguez-Antoniotti




    ■ Maddalena Rodriguez-Antoniotti
    sur Terres de femmes

    Bleu Conrad (note de lecture d’AP)





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  • Cinq rencontres autour de l’anthologie poétique pas d’ici, pas d’ailleurs :

    Ottawa, Marly-le-Roi, Tel Aviv, Paris, Marseille…



    AGENDA CULTUREL





    Pas d'ici pas d'ailleurs






    Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines

    Présentation et choix de Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli et Aurélie Tourniaire

    Préface de Déborah Heissler

    Une anthologie réalisée en partenariat avec Terres de femmes

    ÉDITIONS VOIX d’ENCRE (août 2012)







    AGENDA DES RENCONTRES
    (autour de l’anthologie pas d’ici, pas d’ailleurs)




    Le 13 juin 2013 à Marseille

    Lieu et heure : Bibliothèque de l’Alcazar (14h00-17h00). Coordination de l’événement : Françoise Donadieu.
    Descriptif : présentation et lecture-débat, avec d’ores et déjà la participation confirmée de Angèle Bassolé-Ouédraogo, Jeanine Baude, Claudine Bertrand, Geneviève Bertrand, Denise Desautels, Françoise Donadieu, Sylvie Durbec, Myriam Eck, Joëlle Gardes, Sabine Huynh, Béatrice Machet, Angèle Paoli, Diane Regimbald, Aurélie Resch, Hélène Sanguinetti, Roselyne Sibille.


    Le 7 juin 2013 à Paris

    Lieu : Marché de la Poésie, place Saint-Sulpice.
    Heure : 14h30-15h45
    Descriptif : présentation de l’anthologie par Sabine Huynh et Angèle Paoli et lecture sur le podium des poètes de l’anthologie, avec d’ores et déjà la participation de (dans l’ordre de lecture) : Angèle Bassolé-Ouédraogo, Béatrice Libert, Béatrice Machet, Catherine C. Laurent, Denise Desautels, Diane Régimbald, Emmanuelle Favier, Jacqueline Persini-Panorias, Josyane De Jesus-Bergey, Maria Desmée, Maria Maïlat, Marie-Ange Sebasti, Martine Morillon-Carreau, Myriam Eck, Nicole Gdalia, Tamirace Fakhoury, Anne-Marie Soulier, Brigitte Gyr, Cécile Cloutier, Colette Nys-Mazure, Françoise Lison-Leroy, Gabrielle Althen, Jamila Abitar, Mireille Fargier-Caruso, Sylvie Fabre G., Anne Mulpas, Claudine Helft, Hélène Sanguinetti, Julienne Salvat, Luce Guilbaud, Maïa Brami, Sabine Péglion, Sylvie Durbec, Anne Mounic, Bernadette Engel-Roux, Claudine Bohi, Anissa Mohammedi, Béatrice Brérot, Carole Darricarrère, Danielle Fournier, Sophie Loizeau, Anne Talvaz, Claudine Bertrand, Françoise Clédat, Françoise Coulmin, Jeanine Baude, Marie-Florence Ehret, Martine Jacquot, Renata Ada Ruata, Sylvie Latrille, Claude Ber, Déborah Heissler, Laure Cambau, Marielle Anselmo, Roselyne Sibille, Suzanne Dracius.


    Le 9 mai 2013 à Tel Aviv

    Lieu : Institut Français de Tel Aviv, Israël.
    Heure : en soirée, à préciser (sûrement vers 19h30)
    Descriptif : L’Institut Français de Tel Aviv, son directeur M. Olivier Rubinstein, et son attachée au livre Mme Roselyne Déry vous invitent à une soirée poétique qui aura lieu sur la magnifique terrasse de l’Institut. Une première partie sera consacrée à Esther Tellermann et à son immense travail poétique, et une seconde à l’anthologie pas d’ici, pas d’ailleurs. Avec Esther Tellermann, Sabine Huynh, Colette Leinman, Esther Orner, Angèle Paoli, Danielle Schaub, Roselyne Sibille…


    Le 4 avril 2013 à Marly-Le-Roi

    Lieu : Théâtre Jean Vilar, à Marly-Le-Roi, France.
    Heure : 20h00
    Descriptif : Dans le cadre du café-poésie animé par Sabine Péglion, qui se tient régulièrement à Marly-Le-Roi, dans les Yvelines (à l’ouest de Paris, à environ 20 min du centre-ville de Paris), nous vous invitons à une soirée dont la première partie sera consacrée aux poètes de l’anthologie poétique pas d’ici, pas d’ailleurs, et la seconde au travail de la poète Lydia Padellec. Avec Sabine Péglion, Gabrielle Althen, Sabine Huynh, Aurélia Lassaque, Lydia Padellec, Angèle Paoli…


    Le 8 mars 2013 à Ottawa

    Lieu : Café alternatif, Université d’Ottawa, Canada.
    Heure : 20h00
    Descriptif : À l’occasion de la Journée internationale de la femme et dans le cadre de la semaine de la Francophonie, l’Association des auteurs de l’Ontario français (AAOF) est heureuse de produire cet événement et d’offrir comme prix de présence un exemplaire de l’anthologie pas d’ici, pas d’ailleurs.
    Poètes présentes : Angèle Bassolé-Ouédraogo, Claire Boulé, Nicole V. Champeau, Cécile Cloutier, Margaret Michèle Cook, Denise Desautels, Martine Jacquot, Andrée Lacelle, Aurélie Resch, Lélia Young.
    Musique : Pierre-Luc Clément
    Pour toute question, merci de contacter l’AAOF.
    communications@aaof.ca



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  • Le Scriptorium | Portrait de groupe en poésie

    Le Scriptorium, Portrait de groupe en poésie,
    Éditions BoD, février 2010.



    Une balise particulière... un sémaphore plus lumineux...
    Image, G.AdC





    HISSEZ HAUT


        Il y avait déjà, pour les amoureux du septième art, Gruppo di famiglia in un interno et Portrait de groupe avec dame (Gruppenbild mit Dame). Il existait également quelques célèbres portraits d’artiste. En jeune homme, en saltimbanque, en jeune chien et en motocycliste. Il manquait à cette chatoyante composition d’œuvres cinématographiques, littéraires et artistiques, une mosaïque particulière façonnée par les mots et par le souffle du verbe.

        Réalisé par Valérie Brantôme et paru en février 2010 aux éditions BoD, Portrait de groupe en poésie vient compléter par une palette poétique originale et typée, le paysage déjà très riche du « portrait de groupe ». À la fois mémoire d’expériences partagées au cœur des mots, anthologie poétique et réflexions ouvertes sur le futur, le livre du Scriptorium retrace l’aventure vitale-viscérale et enthousiaste de ses membres et partenaires. Une aventure de dix ans d’âge que ce galion poétique, Le Scriptorium Marseille, fondé en 1999 par Dominique Sorrente, poète et grand timonier. Dix années se sont en effet écoulées depuis le lancement de l’association du « Scriptorium » jusqu’à ce printemps 2010. Dix années qui ont été marquées par la saisie au fil des mois de « coïncidences » propices à l’inventivité. Individuelle et collective. Et à la « poésie vécue ensemble ». Intervalles, Caravane, Transcontinentale, Poésie chorus, Jumelages (dont celui tout récent avec nos amis de Pistoia), Chapitres, sont autant de cairns qui ont jalonné le parcours pluriel du Scriptorium, depuis ses origines.

        Il fallait bien marquer d’une balise particulière cette date-charnière du Scriptorium. Le Scriptorium vient de fêter ses dix ans. Il fallait marquer d’un sémaphore plus lumineux encore dans le paysage poétique phocéen, cette épopée humaine de la parole et de l’écriture qu’est l’expérience vécue par le Scriptorium, au cours de la décennie 1999-2010.

        « Je tiens pour vrai ce voyage du poème
        et toutes les errances les routes
        où je marche avec lui »

    écrit Laurence Verrey dans le poème intitulé « Je tiens pour vrai ».

        La genèse de cette « traversée insolite » du temps, sa raison d’être, la philosophie sur laquelle elle repose, sont évoquées à différentes reprises par Dominique Sorrente dans Portrait de groupe en poésie. Dans « Parole première », texte fondateur, le poète invite chacun des scripteurs à se mettre à l’épreuve du langage de l’autre. Dans son avant-propos, en même temps qu’il réaffirme avec ferveur la nécessité « d’assouplir les ego pour les orienter vers plus qu’eux-mêmes dans une démarche où le collectif redevient possible », Dominique Sorrente dit sa passion pour une poésie « hors les murs qui remue au-dedans et déborde d’une frontière à l’autre ». Et si la Méditerranée et Marseille sont le point de départ de cette passion, son port d’attache, le poète n’en affirme pas moins le désir résolu de contribuer à bâtir l’Europe. Et peut-être, au-delà, avec les moyens modestes de la poésie, le monde. Car la poésie est de « tous lieux, de toutes mers ». Et Marseille, comme le disait le poète Saint-Pol Roux, est «  sœur du monde entier ».

        Quelques pages plus loin, mené par Marien Guillé, étudiant et poète-scripteur, l’« Entretien en eaux claires » met l’accent sur les motivations profondes qui animent Dominique Sorrente.

        « Saccageur est l’écran du monde. […] Si le Scriptorium doit confier à ses poètes une tâche, c’est bien celle-là : secouer le jour, étonner les yeux assoupis, foudroyer de son signe à venir la paroi de midi. Ne pas laisser le geste du poète comparse d’un brouillage ambiant ». Une manière pour le poète de rendre la poésie à son engagement, à sa subversivité, à son rôle de veilleur dans la cité.

        « Promesse autant que témoignage », le livre-sémaphore du Scriptorium, Portrait de groupe en poésie, donne espace et parole, généreusement, aux dix-neuf poètes qui composent la « Constellation ». Olivier Bastide, Geneviève Liautard, Jean-Marie Berthier, Dominique Sorrente, Rosalind Brackenbury, Geneviève Bertrand, Nicolas Rouzet, Françoise Donadieu, Jeannine Anziani, Emmanuel Dall’Aglio, Michèle Dujardin, Béatrice Machet, Marcel Migozzi,Valérie Brantôme, André Ughetto, Laurence Verrey, Patrick Druinot, François d’Alançon et moi-même.

        Au mitan de l’ouvrage, les Écrits de la Constellation regroupent des poèmes de tonalité, de formes, de registres et de thèmes très variés. Tous posent l’écriture au centre des interrogations qui habitent le poète. Tous ont à cœur une manière d’être au monde. De le dire et de le vivre en osmose avec la poésie. Symbiose du langage et de l’être-au-monde. Parfaite adéquation.

        Ainsi, par exemple, à travers les formes concises de sa prose poétique, Olivier Bastide ouvre-t-il la voie inattendue à la « Rencontre du vent et de l’os » :

        « Dans la pénombre fraternelle, j’accompagne l’arbre et le mot ».

    ou encore :

        « J’entre dans la langue des terres, familière au vent constant. J’apprends son sens inespéré par le retour des mots. Sur le chemin, je vagabonde à l’envers de l’étoile ».

        Dans un très beau poème « Parole 1, Le choc  » , Geneviève Liautard écrit :

        « Tu es entré dans mon silence
        par l’édifice de tes mots
        Bâti pour abriter la parole nocturne ».

        Plus loin, « aux marcheurs du Lieu-dit » (ainsi que Dominique Sorrente définit le Scriptorium et ses habitants), le poète adresse sa « Chanson dans la trame du vent » :

        « Nous marchons en reflets, perdus dans l’œil du double
        et quand je dis : clarté finale,
        tu me réponds : feuille d’instant. »

    et plus loin :

        « On est marcheur du bord,
        ignorant qu’on laisse des empreintes
        comme on retire un premier voile pour un récit à venir ».

        Invitation à percer le « monde secret du poème », Portrait de groupe en poésie offre au lecteur amoureux du langage et des rythmes, « un parcours polyphonique » où chacun trouve de quoi nourrir sa soif de l’insolite et de l’ailleurs. Multiples sont les traversées et les rencontres, facilitées par les Sept clés pour ouvrir la porte. Agrémentées et élargies par les Chroniques du Futur Antérieur. Où l’on retrouve la plume de nombreux scripteurs ― dont celle du poète toscan Paolo Fabrizio Iacuzzi, auteur de « Poésie sur les remparts », texte traduit par Valérie Brantôme.

        Dans la chronique qu’il a intitulée « Notre association est un méta-poème », André Ughetto rappelle la définition que Dominique Sorrente avait un jour donnée du poème :

        « Objet démuni. Palpitant. Toujours visant une ellipse de l’être. Un lieu où se rejoindre, se retrouver, s’étonner. »

        Étonnante poésie, assembleuse et tresseuse de liens au cœur même du complexe maillage des voix qu’elle convoque.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Portrait de groupe en poésie






    ■ Voir aussi ▼

    le site du Scriptorium de Marseille



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  • Jumelages poétiques du Scriptorium




    Jumelages poétiques


    du Scriptorium




    L’Isle-sur-la-Sorgue / Marseille / Pistoia

    du 13 au 17 avril 2010





    Jumelages poétiques du Scriptorium


    Pour en savoir plus
        voir aussi (sur le site du Scriptorium) ▼

    Jumelage poétique Toscane-Provence – 2e mi-temps





  • Sylvie Durbec, Marseille, Éclats & quartiers

    par Angèle Paoli

    Sylvie Durbec, Marseille, Éclats & quartiers,
    Éditions Jacques Brémond,
    Remoulins-sur-Gardon (Gard), 2009.
    Dessins de l’auteur.



    Lecture d’Angèle Paoli




    Durbec Marseille 4








    LA GRANDE FLEUR OÙ S’ORIGINE L’ÉCRITURE



    Éclats & quartiers. Le sous-titre est déjà en lui-même une invite à la plongée dans la mémoire. Mémoire d’une ville, mémoire de Marseille. « Éclats & quartiers », cela claque comme le vent dans les vergues des bateaux amarrés, cela résonne en rafales de mistral sur le pavé de la ville. Les éclats se rassemblent, se rejoignent en quartiers, la ville a un visage. Un nom. C’est Marseille. Le Marseille de Sylvie Durbec, « maître d’histoires » depuis la haute enfance. Conteuse. Cela dérange aussi, peut-être. Car Sylvie Durbec, à la fois éprise de la blancheur mystique d’Emily Dickinson et des splendeurs d’Orient, place Marseille, Éclats & quartiers sous l’égide de la grande poète américaine. Et choisit pour exergue le fameux « Fame is a bee ».

          Dès que l’on entre dans le livre, entrée au scalpel puisqu’elle réclame le coupe-papier, les éclats réapparaissent. Éclats de papier, éclats de quartiers, poèmes et proses, éclats de lignes aussi qui enchevêtrent leurs géométries pour recréer autrement « la cité achélème », sous la pointe du poète-dessinateur.

    Six quartiers en tout, depuis le quartier Saint-Jérôme, quartier des tout commencements où l’enfant de la cité achélème des Tilleuls, s’éblouit des magnolias de rêves dont le nom à lui seul enrichit la misère ; jusqu’au quartier des îles, les îles du Frioul, visitées un jour de tempête avec le père. Initiée par celui qui tint promesse et fut « l’homme-fée » de ce jour, l’adulte écrit :

    « Un jour entier

    j’ai été poète du bord de mer

    et me suis baignée

    dans l’eau des commencements

    celle qui permet le poème ! »

    Entre le quartier de Saint-Jérôme et le quartier des îles, d’autres quartiers encore. Celui de La Viste, « Envers du monde » qui semble hésiter entre « montagne et désert », celui, mitoyen, de Saint-Antoine, que la conteuse convoque de ses incantations. Afin qu’il lui accorde de retrouver « la fille-maître des histoires », envolée et perdue au seizième étage de l’achélème de La Viste. D’errance en errance, d’un quartier l’autre, peuplé de ses images propres, ce qui subsiste de Marseille, « gâteau cassé sur la toile cirée du café des Voyageurs », ce sont les « éclats et quartiers de fruits et de billes jetés. »

    Pourtant la vie de la conteuse « s’ouvre ». La fleur de magnolia s’agrandit pour laisser venir des quartiers nouveaux. Celui de Vauban et de Notre-Dame-de-la-Garde, lourds de mauvais souvenirs ; celui de la Plaine, « radeau envasé » qui regorge de secrets de mystères et de morts. La Plaine et ses alentours qui transforment la petite fille en « indien des grandes plaines » et faiseuse de pluie. Viennent enfin les quartiers du Port et de la Joliette, jadis ouverts sur les ardeurs d’Orient et sur ses travailleurs de la mer ; aujourd’hui blessés et avilis par les verrues de notre temps.

    D’autres textes ― cinq au total ― qui oscillent entre prose autobiographique et poésie, prolongent ce voyage à travers les quartiers de Marseille. D’autres mots pour dire, à même la peau de l’enfant, le commencement de Marseille. Et fondre, en une grande déesse-mère, protectrice et prometteuse, les figures tutélaires de l’enfance – le père et ses mystères –, les chimères qui sculptent la ville et les rêves de la magicienne.

    Poème des origines où s’origine l’écriture, Marseille, Éclats & quartiers a été récompensé par le Prix Jean-Follain 2008.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    SYLVIE DURBEC


    Sylviedurbec
    Source




    ■ Sylvie Durbec
    sur Terres de femmes


    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un court extrait de Marseille, Éclats & quartiers
    Carré music (extrait de Carrés)
    Conte oriental
    Sylvie Durbec | Déjanire Lucetta Frisa | Deianira
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pour García Lorca, te quiero verde




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Sylvie Durbec



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