Étiquette : Max de Carvalho


  • Nuno Júdice | Semiología



    SEMIOLOGÍA




    Digo: el amor. Hay palabras que parecen sólidas,
    al contrario de otras que se deshacen entre los dedos.
    Soledad. O también: miedo. Las palabras, podemos
    escogerlas, meterlas dentro del poema como
    si fuese una caja. Pero no esconderlas. Ellas
    quedan en el aire, invisibles, como si no necesitasen
    de los sonidos con los que las decimos.

    Ahora, el efecto de las palabras. Su rotación
    en la cabeza, y por las arterias, hasta el centro:
    el corazón. Otra palabra con que se dice: el
    amor. Pero no hablo de sinónimos; además,
    hay palabras que esconden lo contrario de lo que
    quieren decir, y solo las conoce quien ama, si
    la vida no lo llevó por caminos confusos.

    Te amo. También podría decir: la soledad
    con que te amo, o el miedo a amarte. A partir
    de una palabra todo se puede hacer, en una página,
    cuando lo que está en ella es un poema. Mientras,
    esas palabras me conducen a ti, esto es,
    te hacen vivir por dentro de ellas. Por eso
    todo se confunde: el amor, la soledad, el miedo,

    y hasta la vida, que también es una palabra.



    Nuno Júdice, o movimento do mundo, Quetzal Editores, 1996.






    SÉMIOLOGIE




    Je dis : l’amour. Certains mots semblent solides,
    lorsque d’autres sont friables entre les doigts.
    Solitude. Ou encore : peur. On peut choisir ses mots,
    les faire entrer dans les poèmes comme
    dans une boîte. Mais pas les cacher. Ils
    restent dans l’air, invisibles, comme s’ils passaient
    des sons avec lesquels nous les prononçons.

    Voyons maintenant leur effet. Comment les mots
    tournent dans la tête, les artères, jusqu’au centre
    le cœur. Cet autre mot par lequel on dit : l’amour.
    Mais laissons les synonymes ; du reste,
    certains mots masquent le contraire de ce qu’ils
    signifient, et seul l’amant les connaît, si la vie
    ne l’a pas égaré sur des chemins qui ne mènent nulle part.

    Je t’aime. Je pourrai aussi bien dire : la solitude
    avec laquelle je t’aime, ou la peur de t’aimer. En partant
    d’un seul mot tout devient possible sur une page,
    lorsqu’il s’avère qu’elle porte un poème. Pourtant,
    c’est à toi que ces mots me conduisent, car
    ils te font vivre en eux. C’est pourquoi
    tout se confond : l’amour et la solitude et la peur,

    et la vie même, qui elle aussi est un mot.



    Nuno Júdice, Le Nom de l’amour, anthologie (1975-2015) composée par Manuela Júdice [Tu, a quem chamo amor, Ediciones Hiperión, 2008], La Nouvelle Escampette éditions, Collection Poésie, 2018, page 17. Traduction du portugais par Max de Carvalho.






    Nuno Judice  Le Nom de l'amour





    NUNO JÚDICE


    Nuno_judice1
    Source




    ■ Nuno Júdice
    sur Terres de femmes

    Désir (poème extrait de Geometria Variável)
    Lisboaxaca (poème extrait de Guia de Conceitos Básicos)
    Deus (poème extrait de Meditação sobre Ruínas)
    Un thé dans la véranda (poème extrait de Naviguer à vue)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur BiblioMonde)
    une notice bio-bibliographique sur Nuno Júdice
    → (sur La Pierre et le Sel)
    une page sur Nuno Júdice
    → (sur lepetitjournal.com)
    un portrait de Nuno Júdice
    → (sur le site de la Fondation Calouste Gulbenkian)
    une bio-bibliographie (en portugais) de Nuno Júdice
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Nuno Júdice dits par l’auteur
    → (sur Recours au Poème)
    cinq poèmes de Nuno Júdice traduits du portugais par Béatrice Bonneville et Yves Humann



    Retour au répertoire du numéro de février 2018
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Herberto Helder | O Amor em Visita



    O AMOR EM VISITA (extracto)



    Dai-me uma jovem mulher com sua harpa de sombra
    e seu arbusto de sangue. Com ela
    encantarei a noite.
    Dai-me uma folha viva de erva, uma mulher.
    Seus ombros beijarei, a pedra pequena
    do sorriso de um momento.
    Mulher quase incriada, mas com a gravidade
    de dois seios, com o peso lúbrico e triste
    da boca. Seus ombros beijarei.

    Cantar? Longamente cantar,
    Uma mulher com quem beber e morrer.
    Quando fora se abrir o instinto da noite e uma ave
    o atravessar trespassada por um grito marítimo
    e o pão for invadido pelas ondas,
    seu corpo arderá mansamente sob os meus olhos palpitantes
    ele — imagem inacessível e casta de um certo pensamento
    de alegria e de impudor.
    Seu corpo arderá para mim
    sobre um lençol mordido por flores com água.

    Ah! em cada mulher existe uma morte silenciosa;
    e enquanto o dorso imagina, sob nossos dedos,
    os bordões da melodia,
    a morte sobe pelos dedos, navega o sangue,
    desfaz-se em embriaguez dentro do coração faminto.
    — Ó cabra no vento e na urze, mulher nua sob
    as mãos, mulher de ventre escarlate onde o sal põe o espírito,
    mulher de pés no branco, transportadora
    da morte e da alegria!

    Dai-me uma mulher tão nova como a resina
    e o cheiro da terra.
    Com uma flecha em meu flanco, cantarei.
    E enquanto manar de minha carne uma videira de sangue,
    cantarei seu sorriso ardendo,
    suas mamas de pura substância,
    a curva quente dos cabelos.
    Beberei sua boca, para depois cantar a morte
    e a alegria da morte.

    Dai-me um torso dobrado pela música, um ligeiro
    pescoço de planta,
    onde uma chama comece a florir o espírito.
    À tona da sua face se moverão as águas,
    dentro da sua face estará a pedra da noite.
    ― Então cantarei a exaltante alegria da morte.

    […]







    L’AMOUR EN VISITE (extrait)



    Donnez-moi une jeune femme avec sa harpe d’ombre
    et son arbuste de sang. Avec elle
    j’enchanterai la nuit.
    Donnez-moi, vivante, une feuille d’herbe, une femme.
    J’embrasserai ses épaules, la petite pierre
    du sourire d’un moment.
    Femme comme incréée, mais avec la gravité
    des deux seins, le poids lubrique et triste
    de la bouche. J’embrasserai ses épaules.

    Chanter ? Chanter longuement.
    Une femme avec laquelle boire et mourir.
    À l’heure où s’ouvre au-dehors l’instinct de la nuit
    que traverse un oiseau transpercé par un cri maritime,
    et où les vagues envahissent le pain –
    son corps brûlera doucement sous mes yeux palpitants.
    Lui – haute et vertigineuse image d’une certaine pensée
    de joie et d’impudeur.
    Son corps brûlera pour moi
    sur un drap que mordent fleurs et eau.

    En chaque femme il y a une mort silencieuse.
    Tandis que le dos imagine, sous les doigts,
    les refrains de la mélodie,
    la mort monte par les doigts, navigue le sang,
    se répand en ivresse dans le cœur affamé…

    Donnez-moi une femme aussi jeune que la résine
    et l’odeur de la terre.
    Avec une flèche dans le flanc, je chanterai.
    Et tandis qu’une vigne de sang jaillira de ma chair,
    je chanterai son sourire ardent,
    ses mammes de pure substance,
    la courbe chaude de ses cheveux.
    Je boirai sa bouche, pour ensuite chanter la mort
    et la joie de la mort.

    Donnez-moi un torse courbé par la musique,
    un léger cou de plante,
    là où une flamme commence à fleurir l’esprit.
    Sur son visage affleurera le mouvement des eaux,
    au creux de son visage sera gravée la pierre de la nuit.
    – Alors je chanterai la joie exaltante de la mort.

    […]



    Herberto Helder, L’Amour en visite (O amor em visita, Contraponto, 1959) in Le Poème continu, 1961-2008, Gallimard, Collection Poésie, 2010, pp. 29-30. Préface de Patrick Quillier. Traduit du portugais par Magali Montagné et Max de Carvalho.






    Helder poème continu





    HERBERTO  HELDER


    Vignette Herberto Helder
    Source



    ■ Herberto Helder
    sur Terres de femmes

    [Je lève les mains]



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Esprits nomades)
    plusieurs pages consacrées à Herberto Helder


    Retour au répertoire du numéro de mars 2015
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Max de Carvalho | Le reflux (ex-voto)



    Letincelante dérive du corail (1)
    Source







    LE REFLUX
    (ex-voto)




    Les marins de longue date
    péris en mer ont la couleur
    de la roussette au clair de lune.
    Ils retournent à la sauvagerie
    des côtes où ils s’échouèrent,
    aux laves primitives, aux caresses
    du vent, à l’étincelante dérive
    du corail, pâture d’écumes.




    Max de Carvalho, « Marines », Sélans, in Les Degrés de l’incompréhension, Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen, 2014, page 77. Photographie de couverture : Magali de Carvalho.







    Max de Carvalho, Les Degrés de l'incompréhension.jpg 2





    MAX  DE  CARVALHO


    Max de Carvalho
    Source



    ■ Max de Carvalho
    sur Terres de femmes

    Adresse de la multiplication des noms



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de BiblioMonde)
    une fiche bio-bibliographique sur Max de Carvalho
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une notice bio-bibliographique sur Max de Carvalho
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une page sur Les Degrés de l’incompréhension de Max de Carvalho





    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2014
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Max de Carvalho | Adresse de la multiplication des noms



    Combien d'années sans te revoir
    Source






    ADRESSE DE LA MULTIPLICATION DES NOMS



    Fantôme du pied de groseillier au fond du jardin,
    fantôme de la boucle de cerises encore dans l’arbre de printemps,
    sous le soleil,
    spectre sylvestre de chien,
    et toi, fantôme de la mèche de cheveux pour l’écrin refermé,
    substances tues,
    objets laissés sur la coiffeuse de la chambre la plus fraîche,
    en été,
    je vous invoque.


    Grand-mère, tu peux dresser la table maintenant,
    ton enfant vient dans la vie par un couloir aux murs de fleurs.
    C’est l’heure où il frôle les sombres tentures humides de sa nuit,
    qu’il s’avance dans l’obscurité, à tâtons, pour se lever enfin et paraître
    à la lumière des chandeliers.
    Tu as dressé la table à laquelle j’ai pris place
    dans ce passé qui est la vérité vivante.
    Tu seras tout ce que j’aime, qui ne peut répondre
    et qui ne répond pas.


    Nous voici deux enfin, réunis,
    ombres égales à la lueur d’une flamme unique.
    Combien d’années sans te revoir ? combien d’années ne nous sommes-nous parlé,
    depuis nulle part d’où je m’adresse, à toi, dans le nulle part ?
    Et nous voilà partout déjà achevant cette phrase oubliée,
    nous reprenons son cours sans avoir méconnu tes cheveux violets
    ni la gelée de fruits rouges que tu m’offrais chaque soir de la mer,
    sous le Tropique du Capricorne,
    moi nouveau-né assis près de la fenêtre à la tombée du jour,
    et toi debout, penchée, qui regardes le phare des Trois Récifs,
    lorsque du milieu indivis des eaux bat son heure.


    Souviens-toi, c’est ton fils des Grisons
    qui partit deux fois seul, aimé deux fois ;
    celui de Bastogne devant toi cette nuit à la terrasse de finisterre,
    dans le miracle de la multiplication des noms
    (lait d’Eisenach, rouille de Görlitz et Karl-Marx-Stadt, si ces villes existent encore,
    et jusqu’au jour où elles existeront de quelque façon que ce soit),
    traversant des places sombres, coupant par des rues désertes.


    C’est ton enfant changé, méconnaissable,
    mais dans le cœur tel un stigmate la prédication de ta
    pureté aïeule.



    Max de Carvalho, Adresse de la multiplication des noms, Obsidiane, Collection Les Solitudes, 1997, pp. 13-14.





    MAX DE CARVALHO


    Max de Carvalho
    Source



    ■ Max de Carvalho
    sur Terres de femmes

    Le reflux (ex-voto)[poème extrait des Degrés de l’incompréhension]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de BiblioMonde)
    une fiche bio-bibliographique sur Max de Carvalho
    → (sur le site lectio-adfinitas)
    une recension d’Adresse de la multiplication des noms, par Paul Farellier (note de lecture parue dans La Revue de Belles-Lettres, n° 3 – 4, 1997)






    Retour au répertoire du numéro d’avril 2013
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes