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  • Erri De Luca | Due voci


    DUE VOCI





    Dicono : siete sud. No, veniamo dal parallelo grande,
    dall’ equatore centro della terra.

    La pelle annerita dalla più dritta luce,
    ci stacchiamo dalla metà del mondo, non dal sud.

    A spinta di calcagno sul tappeto di vento del Sahara,
    salone di bellezza della notte, tutte le stelle appese.

    L’acqua sopra una spalla, il fagotto sull’altro
    mantello, camicia e libro di preghiere.

    Il cielo è dritto, un cammino segnato,
    più breve della terra saliscendi.

    A sera ricuciamo il cuoio dei sandali col filo di budello
    e l’ago d’osso, ogni arnese ha valore, ma di più il coltello.

    Signore del mondo ci hai fatto miserabili e padroni
    delle tue immensità, ci hai dato pure un nome per chiamarti.





    Erri De Luca  Solo andata 2







    DEUX VOIX





    On dit : vous êtes le Sud. Non, nous venons du grand parallèle,
    de l’équateur centre de la terre.

    La peau noircie par la plus directe lumière,
    nous nous détachons de la moitié du monde, non pas du Sud.

    Par poussée de talon sur le tapis de vent du Sahara,
    salon de beauté de la nuit, toutes les étoiles en suspens.

    L’eau sur une épaule, le baluchon sur l’autre,
    manteau, chemise et livre de prières.

    Le ciel est droit, un chemin tracé,
    plus court que la terre vallonnée.

    Le soir nous recousons le cuir de nos sandales avec du fil de boyau
    et une aiguille en os, chaque outil a une valeur, mais le couteau plus encore.

    Seigneur du monde, tu nous as faits misérables et maîtres
    de tes immensités, tu nous as même donné un nom pour t’appeler.




    Erri De Luca, Aller simple [Solo andata, Giangiacomo Feltrinelli Editore, Milano, 2005], édition bilingue, éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2012, pp. 16-17 ; Collection Poésie/Gallimard, 2021, pp. 18-19. Poèmes traduits de l’italien par Danièle Valin.





    Erri De Luca  Aller simple





    Erri De Luca  Aller simple  Collection Poésie Gallimard



    ERRI DE LUCA


    Erri De Luca  portrait





    ■ Erri De Luca
    sur Terres de femmes


    Le plus et le moins (lecture de Martine Konorski)
    Considero valore (poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Qui a étendu ses bras au large (autre poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Volti (autre poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Piero della Francesca (poème issu du recueil L’Ospite incallito)
    Statua di Caino (autre poème issu du recueil L’Ospite incallito)
    Première heure (lecture d’AP)
    Le Tort du soldat (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Paysages écrits)
    une lecture d’Aller simple d’Erri De Luca par Marie-Hélène Prouteau
    le site de la fondation Erri De Luca (en italien)





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  • Elio Pecora | Lo spessore dell’ombra

    « Poésie d’un jour
    choisie et traduite par Irène Dubœuf



    OMBRES  Pecora
    « Chaque histoire est un enchevêtrement d’innombrables histoires,
    une accumulation d’élans et de départs. »
    Ph., G.AdC








    LO SPESSORE DELL’OMBRA
    (estratto)




    «L’aria è piena di anime» avverte Pitagora. E l’anima
    è un vento che parla e la parola è corpo, gesto, cammino.
    Ogni storia è groviglio di innumerevoli storie, cumulo
    di abbrivi e di partenze. Non è perdita l’addio
    se lascia tracce nelle stanze aperte del cuore.
    Così, nel variare dei verdi, nel trasmutare dell’ora,
    lui che ha volte si teme disperso, ombra lui stesso
    d’inconsistenza, sa infine di stare nel poco che è molto,
    di seguitare abitato da quanto ancora pulsa
    e ripete un copione tutto da ampliare e da leggere meglio:
    spettacolo interminabile con diversi attori e fondali
    da cambiare di continuo. Ombre alle ombre si aggiungono,
    hanno lo stesso spessore di quelli avidi e confusi
    che vagano nel recinto brulicante dei vivi,
    ma raffrenate queste da un patto concluso.

    Non è uno spazio appartato, né uno stretto giardino:
    recinto di fiori, di arbusti (la tuia, il loto, l’ortensia,
    il gigantesco agrifoglio). È la sponda di un sogno
    e tocca il cuore se il battito rallenta, abbuia le pupille
    se è un altro vedere. In un tempo che esclude le ore
    di un’estate fra tante, recide il presente, accosta
    quel che sembrava perduto e lo fa chiaro e segreto,
    ancora da intendere. Non è la discesa in un Ade
    improbabile, non un viaggio nel paese dei Cimmeri.
    È inadeguato chiamare ombre queste che si appressano
    se all’ombra annettiamo il riflesso di una parvenza.
    Non sono larve, frammenti. Hanno mani, hanno piedi,
    e nomi e gesti. Abitatori di un mondo senza peso
    si rendono alla durata. Scaglie di una lacerazione
    si ritraggono all’ordito.

    Alle domande mute mute rispondono.

    Non abitano inferni vigilati da mostri
    né paradisi sorvolati da angeli pazienti:
    restano in mezzo a noi queste ombre, ci chiamano.
    Hanno lasciato le loro carni a marcire
    dentro loculi angusti o sotto strati di terra scura,
    sono uscite dai corpi vuoti, senza respiro.
    Tornano sciolte, leggere, nel rumore dei giorni,
    niente del mondo potrà mai più toccarle.
    Pare a volte di udirne la voce, ne ascolti la frase
    che ti confortò o che ti offese. A volte ne scorgi
    le mani irrequiete, il colore degli occhi.
    A volte spostano una sedia, un libro,
    un cuscino ricamato; a volte
    ti precedono in una strada affollata
    e nemmeno si voltano.
    Ferme alle porte di una città senza nome
    attendono solo che tu gli vada incontro
    per un saluto breve.



    Elio Pecora, “Lo spessora dell’ombra”, Rifrazioni, Mondadori Libri, Collezione Lo Specchio, Milano, 2018, pp. 82-84.






    Elio Pecora  Rifrazioni








    L’ÉPAISSEUR DE L’OMBRE
    (extrait)




    «L’air est rempli d’âmes » prévient Pythagore. Et l’âme
    est un vent qui parle et la parole est corps, geste, voyage.
    Chaque histoire est un enchevêtrement d’innombrables histoires, une accumulation
    d’élans et de départs. L’adieu n’est pas une perte
    s’il laisse des traces dans les chambres ouvertes du cœur.
    Ainsi, dans la fluctuation des verts, dans la transmutation de l’heure,
    celui qui parfois craint d’être dispersé, lui-même ombre
    de l’inconsistance, sait finalement qu’il réside dans le peu qui est beaucoup,
    qu’il persiste, habité par ce qui bat encore,
    et répète un scénario à développer complètement et à mieux lire :
    un interminable spectacle avec des acteurs différents et des toiles de fond
    qu’il faut sans cesse changer. Des ombres s’ajoutent aux ombres
    elles ont la même épaisseur que ceux-là mêmes qui errent
    avides et confus dans l’enceinte grouillante des vivants,
    mais limitées qu’elles sont par un pacte conclu.

    Ce n’est pas un espace à part ni un étroit jardin :
    un enclos de fleurs, d’arbustes (le thuya, le lotus, l’hortensia,
    le gigantesque houx). C’est le bord d’un songe
    qui touche le cœur quand son battement ralenti, assombrit les pupilles
    si l’on regarde autrement. Dans un temps qui exclut les heures
    d’un été parmi d’autres, coupe-court au présent, s’approche
    de ce qui semblait perdu et le rend clair et secret,
    encore à concevoir. Ce n’est pas la descente dans un Hadès
    improbable, pas plus qu’un voyage au pays des Cimmériens
    il est impropre d’appeler ombres celles qui s’approchent
    si l’on prête à l’ombre une apparence extérieure.
    Ce ne sont pas des fantômes, des fragments. Elles ont des mains, elles ont des pieds
    et des noms et des gestes, habitantes d’un monde sans poids
    elles s’en remettent à la durée. Éclats d’une déchirure
    elles se retirent dans la trame originelle.

    Aux demandes muettes, muettes elles répondent.

    Elles n’habitent pas des enfers gardés par des monstres
    ni des paradis survolés d’anges patients :
    ces ombres-là restent au milieu de nous, elles nous appellent.
    Elles ont laissé pourrir leur chair
    dans des niches funéraires ou sous des couches de terre obscure
    sont sorties des corps vides, sans respiration.
    Elles reviennent, légères, se fondent dans le bruit des jours
    plus rien de ce monde ne pourra les toucher.
    On dirait que parfois on entend leur voix, on perçoit la phrase
    qui réconforta ou offensa. Parfois on aperçoit
    leurs mains agitées, la couleur de leurs yeux.
    D’autres fois elles déplacent une chaise, un livre,
    un coussin brodé, il arrive
    qu’elles vous précèdent dans une rue emplie de monde
    et elles ne se retournent même pas.
    Immobiles aux portes d’une ville sans nom,
    elles attendent simplement que vous alliez à leur rencontre
    pour échanger un rapide bonjour.



    Traduction en français inédite d’Irène Dubœuf
    pour Terres de femmes




    ELIO PECORA


    Elio-pecora
    Source






    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Italian Poetry)
    une notice bio-bibliographique sur Elio Pecora
    → (sur raiplay.it)
    Pino Strabioli incontra Elio Pecora, con cui parla della sua raccolta di poesie Rifrazioni (14/03/2018)





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  • Alda Merini, La Folle de la porte à côté

    par Angèle Paoli

    Alda Merini, La Folle de la porte à côté
    (La pazza della porta accanto, Bompiani, 1995),
    suivi de La poussière qui fait voler,
    conversation avec Alda Merini,
    éditions Arfuyen, Collection « Les Vies imaginaires », 2020.
    Traduit de l’italien par Monique Baccelli. Préface de Gérard Pfister.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Alda Merini  portrait Guidu
    Image, G.AdC







    « LA GRANDE OBSESSION DES MOTS »





    « J’ai toujours écrit dans un état somnambulique », affirme Alda Merini dans La Folle de la porte à côté. Entre éveil et sommeil ? Sous l’emprise des drogues ? Ou de la douleur ? Sans doute. Mais peut-être aussi sous l’emprise d’un état inné d’exaltation permanent. La parole d’Alda Merini, ombrée par les volutes de fumée de ses cigarettes Marlboro, est celle d’une pythie.

    Foncièrement rebelle, contradictoire, survoltée, oscillant entre l’appel de la vie conventuelle et les fulgurances amoureuses, la poète milanaise proclame haut et fort ce qui lui tient à cœur et ce qu’elle pense. Cruelle, violente, passionnée, l’infatigable Alda Merini s’insurge. Contre la misère, contre la folie, la sienne et celle des autres, contre les convenances et les paillettes imposées par une société qui refuse les antagonismes, qui impose à chacun des voies uniques, des surfaces lisses et planes. Des itinéraires dont la Merini n’a que faire et auxquels elle ne se plie pas. Dans le récit intime qu’elle livre en 1995 — La pazza della porta accanto, Bompiani, Milan (La Folle de la porte à côté) — l’effrontée de soixante-quatre ans présente d’elle un portrait lucide, authentique, dérangeant. Émouvant et drôle. Plein d’humour et d’invectives ! Celui d’une femme débordante. Au physique et au moral. Une femme hors norme. Alda Merini est insaisissable. Insaisissable le personnage qui s’émeut, se défend, accuse, s’insurge. Insaisissable aussi l’écriture, qui demeure souvent énigmatique et échappe à une classification immédiate. Ainsi la poète se tient-elle à l’écart de toute tentative d’enfermement. « Je ne suis pas une femme domesticable », écrit-elle dans Aphorismes et magies. Il est certes possible de tracer à la volée quelques traits dominants. Innombrables et tourmentées, les amours d’Alda Merini firent couler beaucoup d’encre ; la naissance des quatre filles, suivie de l’expérience douloureuse de l’arrachement des deux dernières, Barbara et Simona ; la folie et les séjours répétés en hôpital psychiatrique. La torture de l’internement, électrochocs et hystérectomie. La douleur. De cette expérience « infernale, humaine et déshumanisante » naîtront les quarante poèmes de La Terra Santa, œuvre majeure d’Alda Merini, publiée chez Scheiwiller en 1984. Ainsi la poète écrit-elle, dans le poème qui donne son titre au recueil, ces vers terribles et tellement puissants [Ho conosciuto Gerico]&nbsp:

    « J’ai connu Jéricho,

    j’ai eu moi aussi ma Palestine,

    les murs de l’hôpital psychiatrique

    étaient les murs de Jéricho

    et une mare d’eau infectée

    nous a tous baptisés.

    Là-dedans nous étions Hébreux

    et les Pharisiens étaient tout en haut

    et il y avait aussi le Messie

    perdu au milieu de la foule :

    un fou qui hurlait au Ciel

    tout son amour en Dieu. » *

    Et pourtant, paradoxalement, Alda Merini affirme que « la folie est l’une des choses les plus sacrées qui existent sur terre. » Un paradoxe qui prend tout son sens à la lumière de l’explication qu’elle donne.

    « C’est un parcours de souffrance purificatrice, une souffrance comme quintessence de la logique. »

    La Folle de la porte à côté se déploie sur quatre chapitres d’une prose éblouissante : L’amour/La séquestration/La famille/La douleur. Chacun de ces chapitres est introduit par un poème en lien étroit avec la thématique abordée. À quoi vient s’ajouter une « Conversation avec Alda Merini », « La poussière qui fait voler ». C’est sur cette image inattendue, si belle et si émouvante, que se clôt la confession non impudique et magnifique de la poète :

    « Je ne sais pas si le papillon a des ailes, mais c’est la poussière qui le fait voler.

    Tout homme a les petites poussières de son passé, qu’il doit sentir sur lui et qu’il ne doit pas perdre. Elles sont son chemin. »

    Cigarette à la bouche, bouteilles de Coca-Cola à portée de main, Alda Merini préside. Dans son appartement milanais du Naviglio Grande où règne un désordre indescriptible et où s’amoncellent en piles instables livres et documents, elle reçoit. Journalistes, éditeurs, amis, poètes. Couverte de bijoux et colifichets, colliers de perles en sautoir, bagues énormes aux doigts et ongles peints, œil pétillant et langue acérée, elle reçoit. Pose nue, poitrine abondante et ventre rebondi, elle reçoit et se livre. Odalisque au regard de braise. Provocatrice et tendre. Elle évoque, intarissable, ses deux maris, celui de sa jeunesse, Ettore Carniti, père de ses filles et boulanger de son état ; celui de sa maturité, Michele Pierri, médecin et poète de Tarente qu’elle épouse en 1984. Elle évoque ses chers amants, tous plus beaux et plus fous les uns que les autres. L’étrange Titano, clochard vagabond, « grand personnage du Naviglio » qui suivait la poète dans ses « longues et complexes pérégrinations mentales ». Le père Richard, « impérieux, jeune, agressif et superbe », qu’Alda Merini aime d’un amour absolu. Alberto Casiraghi, éditeur des Aforismi (« Aphorismes ») de Merini ; et le grand-prêtre de la nouvelle avant-garde Giorgio Manganelli. Pour ne citer que quelques noms. Évoquant sa relation avec Manganelli, Alda Merini écrit :

    « Tous deux spécialistes du Trecento, et tous deux ardents dans la passion comme dans l’existence, nous avons toujours poussé à l’extrême notre amitié. Jusqu’à la faire devenir comme le chant de la neige. Un élément d’une élection visionnaire qui aurait fait envie à Gabriele D’Annunzio. »

    Ardente, Alda Merini l’est en toutes circonstances et dans tous les domaines. Y compris dans celui de sa folie. Elle est du côté des extrêmes. Troubles bipolaires ? Schizophrénie ? Alda Merini se définit comme telle. Ainsi explique-t-elle sa double personnalité antithétique :

    « Il y a en moi l’âme de la putain et de la sainte.

    Parce que je peux changer quand je veux et, comme une schizophrène, je peux aller me promener, dormir, faire mes courses comme si tout était normal. Il m’est facile de tromper mon prochain.

    Le fait d’être une histrionne est aussi un élément positif, car, derrière le masque aux mille apparences, il y a un inconnu qui ne veut pas être reconnu. »

    Troubles de la personnalité et dédoublements ? Alda Merini semble être à elle-même son propre bourreau comme en témoignent ces lignes extraites d’une lettre qu’elle adresse à l’éditeur Armando Curcio :

    « La fièvre. J’ai eu de très fortes températures que je n’ai jamais prises, mais c’était davantage une grande rébellion, et avant tout une conspiration contre moi seule, très ardente, contre l’unique barreau du souvenir. J’ai beaucoup aimé ce barreau, tu sais, et il m’a semblé la puissante tige d’une fleur. »

    Dans la même lettre, elle se dit prisonnière « de la folle de la porte à côté. » Est-ce d’elle qu’elle parle ? Est-ce d’une voisine ? D’une autre ? Le fou est toujours l’autre. Mais pour les autres, pour les habitants du Naviglio, pour ceux qui la croisent dans la rue, l’observent, la lisent, l’écoutent, la folle, c’est bien elle. Il lui arrive de lancer à ceux qui la reconnaissent :

    « Alda Merini, ce n’est pas moi, je suis son sosie ».

    Ailleurs, elle se défend en se définissant comme « normale ». La clochardise était un choix de Titano. Le sien était la folie. La folie est son piège, sa cage, son labyrinthe cerné de murs. Et c’est du Naviglio, ce quartier de Milan hanté par la drogue, où Alda Merini a choisi de « poser » ses « ailes fatiguées », qu’émane la « calomnie » de sa folie.

    La Folle de la porte à côté est son double métaphorique, comme l’est aussi le concierge de son immeuble qui lui cause « d’effroyables insomnies ». Personnage inquiétant mais bien réel, il a pris une signification secrète dans l’esprit d’Alda Merini.

    « C’était moi, mon moi le plus obscur. Une figure magique, jamais identifiable parce qu’elle était la peur même. La peur de l’injustice, de l’hôpital psychiatrique, de la misère. »

    Dans cette narration qui tient de la confession – publique/privée —, le flux de la parole se libère. Chaque page rend compte de cet état de transe permanent.

    Ainsi de ce paragraphe emprunté à la section « Séquestration » :

    « Je commence à comprendre qu’il y a eu un malentendu ; je n’étais pas poète, j’ai dû être un grand fakir, un sage. J’ai supporté des choses ignobles sans piper, en cherchant les raisons du mal. J’ai compris que le mal n’existe pas, comme le bien n’existe pas. C’est alors que je suis devenue nihiliste : le matin je prends ma tension, je me tâte le pouls et je me demande combien il me reste d’heures avant de monter sur cet échafaud qu’est la vie. J’offre ma tête à mes éditeurs pour qu’ils me laissent tranquille encore une fois.»

    Et l’écriture ? Et la poésie ? Elles ont à voir avec la passion amoureuse. Ainsi de sa passion amoureuse pour le père Richard (« un prêtre qui avait touché les cordes de [s]on âme »), Alda Merini confie-t-elle :

    « C’était l’une de ces passions qui déchirent, avec la peau écorchée qui vous tombe du corps, mais des passions qui font écrire. »

    La passion de l’écriture et des poèmes a elle-même très tôt commencé pour Alda Merini. La violence de son père, Nemo Merini, envers sa fille, déchirant sous ses yeux la critique élogieuse du critique Spagnoletti, aurait pu briser dans l’œuf l’élan créatif de la jeune fille. Le père a sans doute été un premier obstacle. Qu’Alda Merini a surmonté, mettant le geste paternel sur le compte du bon sens. Il y eut sans doute beaucoup d’autres obstacles. Devant lesquels elle ne recula pas. Car « pour le poète les obstacles sont inévitables, cette grande obsession des mots est devenue un chemin. » Comme l’amour et comme la folie :

    « Tu ne sais pas combien de fois je baise les grilles de ma maison qui ne s’ouvrent que si j’appelle à l’interphone la folle de la porte à côté. Et elle me laisse dehors comme une mendiante. Mais moi je sers sa nudité, son avarice et son évangile assassin. » (Incipit de La Folle de la porte à côté).



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    _________________
    * Alda Merini, La Terra Santa, Oxybia éditions, 2013, page 91. Traduction française de Patricia Dao.






    Alda Merini  La Folle de la porte à côté




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    [È un petalo la tua memoria] (extrait de La Folle de la porte à côté)
    Après tout même toi | Dopo tutto anche tu
    Ma poésie est vive comme le feu
    Mare
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la fiche de l’éditeur sur La Folle de la porte à côté d’Alda Merini
    le site officiel Alda Merini, créé par les quatre filles d’Alda Merini
    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes d’Alda Merini (avec leur traduction en français)





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  • Alda Merini | [È un petalo la tua memoria]


    Alda Merini  portrait Guidu
    Image, G.AdC







    [È UN PETALO LA TUA MEMORIA]



    È un petalo la tua memoria
    che si adagia sul cuore,
    e lo sconvolge.
    Addio, come ogni sera,
    oltre le fratture c’è un cadavere
    eretto di discorso,
    sembra un frammento di un’eutanasia
    ma tu mi uccidi come sempre, amore,
    e riapri i miei eterni giacimenti.
    I sepolcri del Foscolo, gli addii
    di certe mani che non sono sepolte
    ed emergono futili dal nulla
    a chiedere giustizia di parole.







    [TON SOUVENIR EST UN PÉTALE]



    Ton souvenir est un pétale
    qui se couche sur mon cœur
    et le ravage.
    Adieu, comme chaque soir,
    au-delà des fractures il y a un cadavre
    érigé de parole,
    on dirait le fragment d’une euthanasie,
    mais tu me tues comme toujours, amour,
    et tu rouvres mes éternels gisements.
    Les sépulcres de Foscolo, les adieux
    de certaines mains qui ne sont pas ensevelies
    et émergent futilement du néant
    pour demander justice aux mots.




    Alda Merini, « L’amore | L’amour », La Folle de la porte à côté [La pazza della porta accanto, Bompiani, Milano, 1995 ; rééd. 2019], suivi de La poussière qui fait voler, conversation avec Alda Merini, éditions Arfuyen, Collection « Les vies imaginaires », 2020, pp. 24-25. Traduit de l’italien par Monique Baccelli. Préface de Gérard Pfister.






    Alda Merini  La Folle de la porte à côté




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    La Folle de la porte à côté (lecture d’AP)
    Après tout même toi | Dopo tutto anche tu
    Ma poésie est vive comme le feu
    Mare
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel Alda Merini, créé par les quatre filles d’Alda Merini
    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes d’Alda Merini (avec leur traduction en français)





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  • Paolo Febbraro | [Di notte]



    La mort est sans abord
    « la mort est sans abord et nous laisse interdits »
    Ph., G.AdC








    [DI NOTTE]





    Di notte, la chiave nella toppa
    rientrando a passi fiochi, con i libri
    nel corridoio a bisbigliarmi
    un saluto, più saggio ognuno
    di chi tutti li ha letti;
    il bicchier d’acqua, il bagno, lo
    spazzolino e lo specchio, sempre
    letterario, a variare l’identica
    versione: e solo entrando
    in camera, sordo al tuo sonno
    piccolo e odoroso, immune
    dai tuoi zoccoli lasciati al buio
    per via, allora solo mi saprò
    indurevole, perso al mentre poiché
    la morte è inaccostabile e ci proibisce.

    A quanto so, così dovrebbe andare:
    la fine è rimanere, non spostare.





    Paolo Febbraro, « L’ospite », Il bene materiale, Libri Scheiwiller, Collana Prosa e poesia, Milano, febbraio 2008, pagina 71. In Traduzionetradizione, Quaderno internazionale di traduzione poetica, 16, Press Point, Abbiategrasso (Milano), settembre 2019, pagina 9.





    Paolo Febbraro  Il bene materiale 2






    [AT NIGHT]





    At night, the key in the lock,
    creeping softly in, the books
    along the corridor whispering
    a welcome, each of them wiser
    than anyone who’s read them all ;
    the glass of water, bathroom,
    toothbrush, and the mirror still
    literary, making variations on a theme :
    and only when I go into the bedroom,
    deaf to your light and perfumed sleep,
    not tripping over your clogs
    abandoned in the dark, only then
    will I know how transitory I am,
    lost in the interim since death
    is unapproachable, forbiding.

    As far as I can tell, it goes like this :
    the end is staying, never moving.





    Paolo Febbraro, in Traduzionetradizione, Quaderno internazionale di traduzione poetica, 16, Press Point, Abbiategrasso (Milan), septembre 2019, page 9. Traduit de l’anglais par Adam Elgar.





    TTraduzionetradizione






    [DE NUIT]





    De nuit, la clé dans la serrure
    rentrant à pas feutrés, les livres
    dans le couloir me chuchotant
    un bonsoir, chacun d’entre eux plus sage
    que celui qui les a tous lus ;
    le verre d’eau, les toilettes, la
    brosse à dents et le miroir, toujours
    littéraire, jouant des variations sur un même
    thème : et seulement en entrant
    dans la chambre, sourd à ton sommeil
    léger et parfumé, sans craindre
    tes sabots délaissés là
    dans le noir, alors seulement je prendrai conscience
    que je ne suis que de passage, perdu dans l’instant puisque
    la mort est sans abord et nous laisse interdits.

    Pour autant que je sache, cela devrait se dérouler ainsi :
    la fin consiste à rester là, à ne pas bouger.




    Traduction en français inédite d’Angèle Paoli





    PAOLO FEBBRARO


    Paolo_febbraro Luigia
    Ph. Dino Ignani
    Source





    ■ Paolo Febbraro
    sur Terres de femmes


    [Di notte] (poème extrait de La danza della pioggia)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Italian Poetry)
    À Hiroshima (+ plusieurs poèmes extraits d’Il bene materiale)
    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    Paolo Febbraro (autoritratto)





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  • Milo De Angelis | Milano lì davanti



    Lambrate_Albo
    Source






    MILANO LÌ DAVANTI



    Milano lì davanti, lì davanti
    come un’idea a perpendicolo
    o uno sbocco di sangue
    nel centimetro più lungo tra le tempie
    guardiamo i pianeti della fortuna,
    le scatolette che ci danno un confine
    finché una strada ci conduce
    nel colloquio straniero
    mendicanti di hotel
    con l’idea e lo scisma nell’idea.





    Milo De Angelis, « L’oceano intorno a Milano », I, Biografia sommaria (1999), in Tutte le poesie, 1969-2015, Mondadori Libri, Collezione Lo Specchio, Milano, 2017, pagina 249.





    Milo De Angelis  Tutte le poesie







    MILAN LÀ-DEVANT



    Milan là-devant, tout devant
    comme une idée perpendiculaire
    ou un crachat de sang
    dans le plus long centimètre qui soit entre les tempes
    nous observons les planètes de la bonne fortune,
    les cases qui délimitent une frontière
    jusqu’à ce qu’un chemin nous conduise
    pour un entretien à l’étranger
    mendiants d’hôtel
    avec l’idée et dans l’idée la dissidence.




    Traduction inédite d’Angèle Paoli






    MILO DE ANGELIS



    Milo De Angelis Viviana
    Photo © Viviana Nicodemo
    Source





    ■ Milo De Angelis
    sur Terres de femmes


    6 juin 1951 | Naissance de Milo De Angelis
    Mercoledì (poème extrait de Linea intera, linea spezzata)
    Il morso che ti spezza (autre poème extrait de Linea intera, linea spezzata)
    Sala Venezia (autre poème extrait de Linea intera, linea spezzata)
    L’oceano lì davanti (autre poème extrait de L’Océan autour de Milan)
    [Inquadratura](poème extrait d’Incontri e agguati)
    [A volte, sull’orlo della notte] (poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP)
    [Era buio] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite de Sylvie Fabre G.)
    [Nessuno riposa] (autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 1]
    [Mi attendono nascosti] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP)[Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 2]
    [È qui] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 3]
    [Ecco l’acrobata della notte] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 4]
    [Ho saputo, amica mia…] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 5]
    Thème de l’adieu (traduction d’extraits par AP ― février 2009 + notice de Martin Rueff)
    Thème de l’adieu (lecture de Tristan Hordé)
    Tutto era già in cammino (extraits du Thème de l’adieu, éditions NOUS, 2010)
    “T.S.”, II (extrait de Somiglianze)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur YouTube)
    un portrait vidéo de Milo De Angelis par Viviana Nicodemo





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  • Milo De Angelis | “T.S.”, II





    “T.S.”, II*





    E poi avrete sentito, almeno una volta
    quando il liquido, delicatissimo,
    esce dalla bocca, scorre giallo nel lavandino
    e la sonda e le sirene sempre più lontane.
    il respiro si appanna, finisce, riprende
    quanta pace nella spiaggia gelata dal temporale:
    una canoa va verso l’isola corallina
    e sotto l’oceano si accoppiano le cellule sessuali
    non ci sono eventi irreparabili
    ma solo le spugne cicliche, gli insetti
    che hanno coperto l’aria:
    ecco un colore di madreperla, una roccia nella sabbia,
    i passi, ecco la mamma,
    l’accapatoio che toglie con un solo gesto
    solennità della luce, la meraviglia, la prima
    e la femmina del pellicano
    chiama la nidiata sparsa nella tempesta
    e forse vede qualcosa, tra gli scogli,
    qualcosa che si muove
    domani correrà con i suoi bambini
    mescolata, per respirare
    nel turchese profondo della marea
    che sale in superficie, sta rinascendo adesso
    e trova una terra diversa, un’altra voce.





    Milo De Angelis, ˝I. L’ascolto (1974-1975) ”, Somiglianze (Guanda, I Quaderni della Fenice di Guanda, Milano, 1976 ; nouvelle édition revue par l’auteur, Guanda, 1990), in Milo De Angelis, Tutte le poesie, 1969-2015, Mondadori, Collezione Lo Specchio, 2017, pp. 11-12.




    ________________________
    NOTE d’AP : *“T.S.” (Tentato Suicidio)






    Somiglianze








    “T.S.”, II





    Et puis vous avez dû connaître, au moins une fois
    cet instant où le liquide, très délicat,
    passe les lèvres, s’écoule jaune au creux du lavabo,
    sonde et sirènes perdues au loin.
    La respiration faiblit, s’interrompt, reprend,
    quelle paix sur la rive gelée de l’orage :
    un canoë glisse vers l’île coralline
    et les cellules sexuelles s’accouplent dans l’océan,
    il n’y a pas de faits irréparables,
    rien que les éponges cycliques, les insectes
    qui recouvrent l’air :
    voici une couleur de nacre, un rocher dans le sable,
    le peignoir qu’elle enlève d’un geste,
    la solennité de la lumière, la merveille initiale.
    La femelle du pélican
    appelle sa nichée éparse dans la tempête
    et peut-être voit-elle quelque chose, parmi les récifs,
    quelque chose qui bouge,
    demain elle courra au milieu
    de ses petits, pour respirer
    dans le bleu profond de la marée
    qui monte à la surface, renaît maintenant
    et trouve une terre différente, une autre voix.





    Milo De Angelis, Ressemblances in Lingua, La jeune poésie italienne, anthologie bilingue publiée sous la direction de Bernard Simeone, éditions Le temps qu’il fait, 1995, page 153. Traduction de Jean-Baptiste Para.







    Lingua






    MILO DE ANGELIS


    Milo VivianaSource





    ■ Milo De Angelis
    sur Terres de femmes


    6 juin 1951 | Naissance de Milo De Angelis
    Mercoledì (poème extrait de Linea intera, linea spezzata)
    Il morso che ti spezza (autre poème extrait de Linea intera, linea spezzata)
    Sala Venezia (autre poème extrait de Linea intera, linea spezzata)
    [Inquadratura](poème extrait d’Incontri e agguati)
    Milano lì davanti (poème extrait de « L’oceano intorno a Milano » in Biografia sommaria, 1999)
    L’oceano lì davanti (poème extrait de L’Océan autour de Milan)
    [A volte, sull’orlo della notte] (poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP)
    [Era buio] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite de Sylvie Fabre G.)
    [Nessuno riposa] (autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 1]
    [Mi attendono nascosti] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP)[Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 2]
    [È qui] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 3]
    [Ecco l’acrobata della notte] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 4]
    [Ho saputo, amica mia…] (un autre poème extrait de Quell’andarsene nel buio dei cortili + traduction inédite d’AP) [Anthologie poétique TdF | Milo De Angelis, 5]
    Thème de l’adieu (traduction d’extraits par AP ― février 2009 + notice de Martin Rueff)
    Tutto era già in cammino (extraits du Thème de l’adieu, éditions NOUS, 2010)
    Thème de l’adieu (lecture de Tristan Hordé)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    Luigia Sorrentino disant “T.S.” de Milo De Angelis
    → (sur Lyrikline)
    Milo De Angelis disant plusieurs poèmes extraits de Tema dell’addio
    → (sur YouTube)
    un portrait vidéo de Milo De Angelis par Viviana Nicodemo





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sandro Penna | [Nuit : rêve de fenêtres]




    Nuit - rêve de fenêtres
    Image, G.AdC





    [NOTTE : SOGNO DI SPARSE]



    Notte : sogno di sparse
    finestre illuminate.
    sentir la chiara voce
    dal mare. Da un amato
    libro veder parole
    sparire… ‒ Oh stelle in corsa
    l’amore della vita !






    [NUIT : RÊVE DE FENÊTRES]



    Nuit : rêve de fenêtres
    éparses illuminées.
    entendre la voix claire
    venue de la mer. D’un livre
    aimé voir des mots
    disparaître… ‒ Oh étoiles en fuite
    l’amour de la vie !




    Sandro Penna, « Poèmes, Poesie, 1927-1957 » in Croix et délice et autres poèmes [Croce e delizia, Mondadori Libri, Milano], Ypςilon, éditeur, 2018, pp. 100-101. Traduction de Bernard Simeone.






    Sandro Penna  Croix et délice






    SANDRO PENNA


    Sandro_Penna 3
    Source




    ■ Sandro Penna
    sur Terres de femmes


    L’automne me parle déjà
    Chroniques de printemps (+ notice bio-bibliographique)
    [La vie… c’est se souvenir d’un réveil]
    Un’estate




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur italialibri)
    une bio-bibliographie (en italien) sur Sandro Penna
    → (sur le site des Lettres françaises, n° 136, Nouvelle série, 14 avril 2016)
    d’autres poèmes de Sandro Penna, traduits par René de Ceccatty [PDF]





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 29 janvier 1987 | Mort de Carlo Cassola

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 29 janvier 1987 meurt à Montecarlo (région de Lucca) en Toscane, l’écrivain italien Carlo Cassola.


    Né le 17 mars 1917 à Rome, Carlo Cassola meurt à l’âge de 69 ans. Carlo Cassola est l’auteur de nombreux récits et romans. Parmi lesquels Fausto e Anna (Einaudi, 1952), La Coupe de bois (Il taglio del bosco, Fabbri, Milano, 1953), Un cœur aride (Un cuore arido, Einaudi, 1961), Le Chasseur (Il cacciatore, Einaudi, 1964), Anna de Volterra (Paura e tristezza, Einaudi, 1970), …


    Son œuvre la plus connue, La ragazza di Bube (Einaudi, 1960), publiée en français en 1962 (éditions du Seuil) sous le titre La Ragazza, dans une traduction de Philippe Jaccottet, a été récompensée par le prix Strega. Le roman a inspiré à Luigi Comencini le film éponyme (La Ragazza, 1963). Avec Claudia Cardinale dans le rôle de Mara.







    Claudia Cardinale dans la Ragazza







    Ci-dessous, un extrait de La ragazza di Bube [+ la traduction en français par Philippe Jaccottet]


    [Au lendemain de la Libération, Mara tombe amoureuse du partisan Bube, héros de la Résistance]



    [ANDIAMO?]


    «Andiamo?» disse tendendogli la mano.

    «Dove?»

    «Al torrente. All’affluente» e si mise a ridere. «A lavarci il musino.»

    «Oh, si, ne sento proprio il bisogno di darmi una lavata.»
    Rientrarono a prendere la roba: il sapone, gli spazzolini, il dentifricio: involtarono tutto nell’asciugamano. Bube lo diede a tenere a lei: «Dimenticavo una cosa».

    Mara lo vide che si affannava intorno allo zaino. La rivoltella gli scintillò nelle mani; se la mise nella tasca di dietro. E Mara sentì come un malessere dentro… Ma fu un attimo; e mentre scendevano quasi correndo per il viottolo, non c’era che un sentimento in lei, il piacere di trovarsi in campagna, libera di fare quello che voleva, e l’eccitazione di esser sola col fidanzato.

    Il torrento era come una strada incassata tra due argini alti, sopra cui cresceva rigogliosa la macchia; che in qualche tratto stendeva i suoi rami nel mezzo, fino quasi a coprire la vista del cielo. Un po’ più su c’era una cascatella, e fu lì che si lavarono.

    Bube si sbrigò in un minuto e risalì nel campo, perché lei potesse fare il suo comodo.

    «Bubino. Non guardi mica, eh? Perché sono nuda.»

    Era nuda fino alla cintola, infatti: si lavò il petto e le spalle, quindi si tirò su la maglia di cotone e la sottana, e tornò a infilarsi il reggipetto e la camicetta, che aveva appeso a un ramo.

    Bube era sdraiato ai piedi di un gigantesco ciliegio al cui tronco era abbarbicata una vite, che arrivata all’altezza dei rami ricadeva all’indietro.

    «Bubino, questo ciliegio e questa vite… a che cosa ti fanno pensare?» Egli non capì, e lei : «A me, a due innamorati. Lui è il giovanotto, e lei, la ragazza.»

    «Lui chi?»

    «Lui il ciliegio. Vedi, lei vorrebbe abbracciarlo, e lui la respinge.»

    Bube aveva afferrato l’idea:

    «Si potrebbe anche dire il contrario: lui la abbraccia, e lei gli sfugge.»

    «No, è come dico io. Sono come io e te» aggiunse improvvisamente. «Tu mi respingi sempre, Bubino.»

    «Dici così per via di ieri? Ma c’erano quelli a caricare la ghiaia…»

    «Ora però non c’è nessuno. Perchè non mi abbracci?»

    Bube la guardò, incerto:

    «Ora sto fumando.»

    «Vedi, una scusa la trovi sempre.»



    Carlo Cassola, La ragazza di Bube, Seconda Parte, capitolo III [Einaudi, Torino, 1960], Mondadori Libri, I edizione Oscar Moderni, maggio 2016, Milano, pp. 78-79.






    Carlo Cassola  La ragazza di Bube






    [ON Y VA ?]


    « On y va ?

    — Où ça ?

    — Au torrent. À l’affluent, précisa-t-elle en riant. Nous laver le museau.

    — D’accord. J’en ai rudement besoin. »

    Ils rentrèrent prendre leurs affaires : le savon, les brosses à dents, la pâte dentifrice. Ils enveloppèrent le tout dans l’essuie-main, que Bube passa à Mara :

    « J’oubliais quelque chose. »

    Mara le vit s’affairer autour du sac. Le revolver lui brilla dans les mains : il le glissa dans sa poche de derrière. Mara en éprouva un vague malaise, mais qui ne dura pas. Tandis qu’ils dévalaient en courant le sentier, il n’y avait plus en elle que le plaisir d’être à la campagne, libre de faire ce qu’elle voulait, et l’excitation d’être seule avec son fiancé.

    Le torrent avait l’air d’une route encaissée entre deux hautes berges sur lesquelles poussaient de vigoureuses broussailles ; celles-ci, parfois, formaient au-dessus du cours d’eau une voûte si touffue que le ciel n’était plus visible. L’eau était rare au point qu’elle suffisait tout juste à mouiller la terre jaunâtre. Un peu plus haut, elle formait une petite cascade : ce fut là qu’ils se lavèrent.

    Bube eut terminé presque aussitôt et remonta dans le champ pour que Mara pût faire toilette à son aise.

    « Bubino. Tu ne regardes pas, surtout ! Je suis toute nue. »

    Elle était nue jusqu’à la ceinture. Elle se lava le torse et les épaules ; puis elle remonta sa camisole de coton et son jupon ; enfin, elle remit son soutien-gorge et sa blouse qu’elle avait accrochés à une branche.

    Bube était étendu au pied d’un gros cerisier ; au tronc était accrochée une vigne qui, arrivée à la hauteur des branches, retombait en arrière.

    « Bubino, ce cerisier et cette vigne… à quoi te font-ils penser ? »

    Comme il ne comprenait pas, elle poursuivit :

    « Moi, à deux amoureux. Lui c’est le garçon, elle la fille.

    — Lui qui ?

    — Le cerisier. Tu vois, elle voudrait l’étreindre, et lui la repousse ? »

    Bube avait compris l’idée :

    « On pourrait aussi dire le contraire : il l’étreint, et elle se dérobe.

    — Non, c’est comme je te dis. Ils sont comme toi et moi, ajouta-t-elle brusquement. Tu me repousses toujours, Bube.

    — Tu penses à hier ? Mais il y avait ces ouvriers qui chargeaient le gravier…

    — Aujourd’hui il n’y a personne. Pourquoi ne m’embrasses-tu pas ?

    Bube la regarda, hésitant :

    « Je suis en train de fumer.

    — Tu vois, tu trouves toujours des excuses. »



    Carlo Cassola, La Ragazza [éditions du Seuil, 1962], Éditions Cambourakis, Collection Letteratura, 2015, pp. 121,122,123. Traduit de l’Italien par Philippe Jaccottet.






    Carlo Cassola  La Ragazza






    CARLO CASSOLA


    Carlo-cassola 2





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Cambourakis)
    la fiche de l’éditeur sur La Ragazza de Carlo Cassola






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    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • Attilio Bertolucci | Piccolo autoritratto (Caffè Greco)



    PICCOLO AUTORITRATTO (CAFFÈ GRECO*)






    Caffè Greco
    Source





    Non potevano tanti anni, diviso
    ognuno in mesi i mesi in giorni,
    i giorni in ore, minuti, attimi,
    alterare più giustamente un viso,

    il mio, che guarda in uno specchio scuro
    dell’antico caffè dove impietosa
    si scatena la moda ultima, io,
    da questa escluso forse per il puro

    lampo degli occhi e intenerito riso
    della bocca alla consunta ferita
    di un amore vittorioso su anni
    e adipe, oh non esigente narciso.





    Attilio Bertolucci, « I Pescatori » in Viaggio d’inverno, Garzanti Editore, Collezione di poesia, Milano, 1971.






    Attilio Bertolucci  Viaggio d'inverno 6







    PETIT AUTOPORTRAIT (CAFÉ GRECO)




    Tant d’années ne pouvaient, chacune
    divisée en mois, les mois en jours,
    les jours en heures, minutes, instants,
    altérer plus justement un visage,

    le mien, qui regarde dans le miroir obscur
    du vieux café où, impitoyable,
    se déchaîne la dernière mode, et moi
    j’en suis exclu peut-être par le simple

    éclair des yeux et le sourire attendri
    de la bouche— blessure consumée
    d’un amour victorieux des années
    et de la graisse, oh ! Narcisse content de peu.



    Attilio Bertolucci, « Les Pêcheurs » in Voyage d’hiver, édition bilingue, Éditions Verdier, Collection « Terra d’altri », 1997, page 41. Traduit de l’italien par Muriel Gallot. Préface de Bernard Simeone.



    ______________________________________________
    * Caffè Greco : Café historique et littéraire situé via Condotti, à Rome.


    Attilio Bertolucci, Voyage d'hiver






    ATTILIO BERTOLUCCI


    Attilio Bertolucci
    Source




    ■ Attilio Bertolucci
    sur Terres de femmes

    Crépuscule (un autre extrait de Viaggio d’inverno)
    18 novembre 1911 | Naissance d’Attilio Bertolucci (+ un extrait de Verso le sorgenti del Cinghio)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Verdier)
    une bio-bibliographie écrite par Bernard Simeone
    → (sur YouTube)
    un hommage (en italien) à Attilio Bertolucci à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète, en présence de Giuseppe et de Bernardo Bertolucci (Festivaletteratura di Mantova 2011, INEDITA ENERGIA, Omaggio ad Attilio Bertolucci, sabato 10 settembre 2011 alle 11:00, Palazzo Ducale)





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