Étiquette : Miró


  • 21 janvier 1940 | Miró, première des Constellations


    Éphéméride culturelle à rebours



         Le 21 janvier 1940, dans la villa « Clos des Sansonnets » qu’il loue depuis l’été 1939 à Varengeville-sur-Mer, Joan Miró achève la réalisation de la première gouache (Le Lever du soleil) de la suite des Constellations. Varengeville-sur-Mer en Haute-Normandie, haut lieu du surréalisme (« un lieu où souffle l’esprit »), où Miró se rendait régulièrement depuis 1938, notamment dans la villa que lui avait prêtée son voisin parisien, l’architecte Paul Nelson.
        Quelque treize ans plus tôt, en 1927, « c’est sous ce même ciel, très découvert et d’une grande douceur », dans le Manoir d’Ango, « qu’avaient été conçus deux ouvrages, Traité du style [d’Aragon,] et Nadja » (André Breton *)…, récit onirique d’André Breton, publié en 1928.







    Joan Miró, Le Lever du soleil. Reproduction au pochoir du premier tableau des Constellations. Album édité par Pierre Matisse en 1959.
    Miró, Le Lever du soleil (21 janvier 1940)
    Source







    LA NUIT, LA MUSIQUE ET LES ÉTOILES


        Composé d’œuvres de même format et réalisé avec des matériaux identiques ― des petits formats sur toile de sac ―, l’ensemble des Constellations est une série de 22 gouaches. Une suite à la fois scientifique et musicale, prolifération de rythmes et de formes, dont les neuf premiers tableaux ont été exécutés à Varengeville, deux par mois, à partir de janvier 1940. Contraint de fuir le 20 mai, alors même que les troupes allemandes viennent d’envahir la France, Miró s’installe provisoirement à Palma de Majorque où il poursuit son œuvre et la termine le 12 septembre 1941, dans la ferme de Montroig, en Catalogne. Tendue entre ces deux dates et ces deux lieux, la trajectoire du peintre reste la même, fidèle à l’esprit qui a présidé à la naissance de l’œuvre. « N’importe où, hors du monde et du temps », pourvu que puisse se dire « l’idée de passage et de transmission à tout prix qui vaut, à la fois, pour la nature et pour le mythe ». L’Échelle de l’évasion [2], Personnages dans la nuit guidés par les traces phosphorescentes des escargots [3], L’Étoile matinale [6], Le Chant du rossignol à minuit et la pluie matinale [11], Le 13 l’échelle a frôlé le firmament [12], La Poétesse [13], Le Réveil au petit jour [14], Femmes au bord du lac à la surface irisée par le passage d’un cygne [17], Le bel oiseau déchiffrant l’inconnu au couple d’amoureux [20], Le Passage de l’oiseau divin [22]. Les titres poétiques donnés par Miró aux compositions qui jalonnent les différentes étapes de sa vision, témoignent, chez le peintre, de sa « volonté passionnée d’exploration ».

        « Les premières Constellations sont encore peuplées de grandes figures reconnaissables, d’astres dominants. Puis les cadences se mettent en branle, les lignes bougent, s’enchevêtrent, tissent un réseau qui s’étend comme une toile d’araignée. Des signes d’une géométrie sensible se multiplient. Les profils étranges des personnages se rapetissent et une sorte d’égalité intervient entre les éléments humains, ou célestes, ou complètement inventés de cette création. Quelques motifs cependant reviennent avec insistance, l’échelle par exemple. Parfois aussi les personnages se trouvent devant tout un jeu de trappes, de signes magiques, de flèches, d’étoiles, comme les bêtes sur les murs des cavernes de la préhistoire.
        Les couleurs peu nombreuses ont une netteté, un éclat, une force inexorables et plus encore les noirs qui se divisent selon une répartition rigoureuse. Leurs combinaisons donnent une impression de richesse et de multiplicité. Elles baignent dans une clarté nocturne à demi-phosphorescente. » **

        « La nuit, la musique et les étoiles commencèrent à jouer un rôle majeur dans la suggestion de mes tableaux ».

        Du 19 novembre 1941 au 11 janvier 1942 a lieu au Museum of Modern Art de New York la première rétrospective Miró, organisée par James Johnson Sweeney (conservateur-en-chef du MoMA de 1935 à 1946). Exposées à la Pierre Matisse Gallery de New York en 1945, les Constellations de Miró sont le premier message d’ordre artistique à parvenir d’Europe outre-Atlantique, depuis le début de la guerre. Un message d’amour et de liberté.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    _______________________________________________
    * André Breton, « Introduction et 22 proses parallèles », Album Miró, Constellations, édité par Pierre Matisse en 1959.
    ** Jacques Lassaigne, Miró, Éditions Skira, 1963, page 88.






    JOAN MIRÓ


    Joan Miró, Autoportrait, 1937, Fundació Joan Miró, Barcelona
    Source



    ■ Joan Miró
    sur Terres de femmes

    12 juin 1925 | Première exposition Miró à Paris
    Étreintes



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Weinstein Gallery)
    les 22 pochoirs réalisés en 1959 pour un album (tiré à 350 ex. sur Vélin d’Arches) édité par Pierre Matisse (à partir des 22 tableaux de la série Constellations) et préfacé (page manuscrite) par André Breton
    → (sur le site du MoMA)
    les pages de l’exposition Joan Miró (Painting and Anti-Painting 1927-1937) qui s’est achevée le 12 janvier 2009





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  • 12 juin 1925 | Première exposition Miró à Paris

    Éphéméride culturelle à rebours



        Du 12 au 27 juin 1925 a lieu, Galerie Pierre, 13 rue Bonaparte, à Paris, la première exposition Miró. Organisée par Jacques Viot. La préface du catalogue de l’exposition est signée par Benjamin Péret et l’invitation par tous les surréalistes. Sont exposés trente et une peintures et quinze dessins de Joan Miró. Dont Le Chasseur (1923-1924, toile acquise par André Breton lors de l’exposition et conservée aujourd’hui au MoMA) et La Ferme (1921-1922), qui sera achetée par Ernest Hemingway.






    Ferme_2
    Miró, La Ferme (1921-1922),
    Huile sur toile, 123,8 x 141,3 cm
    Ancienne collection Ernest Hemingway (La Havane)
    National Gallery of Art, Washington, D.C.






    LA FERME


        Commencée à Montroig — la montagne rouge —, poursuivie à Barcelone et achevée à Paris, cette toile « détailliste » témoigne du « bonheur d’atteindre dans le paysage à la compréhension du brin d’herbe. »
        « Ce qui m’intéresse par-dessus tout », déclare alors le peintre, « c’est la calligraphie d’un arbre ou des tuiles d’un toit, feuille par feuille, rameau par rameau ». De fait, ce qui frappe dans la toile de La Ferme, c’est, au tout premier plan, le maïs aux feuilles chantournées et l’eucalyptus exubérant, mains ramifiées lancées vers le ciel. Un ciel d’un bleu presque trop éclatant, qui fige la lune blanche dans l’espace immobile. C’est aussi l’époque où Miró se livre à un inventaire minutieux de l’univers de la ferme catalane de Montroig, propriété de ses parents où l’artiste aime à séjourner. De cet univers observé avec la plus grande précision, La Ferme offre un exemple ordonnancé. Où alternent intérieur et extérieur. Le cheval dans l’étable ou la fermière à son lavoir. Les dépendances offrent au regard leurs murs lézardés, grignotés par le temps ou donnent à voir leurs étagements secrets — échelles et escabeaux, étagères et poutres ; greniers et mansardes, chèvre et coq, lapins et tourterelles. Tous présentés de dos ou de profil. Jusqu’aux outils et aux menus objets laissés aux abords des sillons du potager et aux menus habitants de la Terre, dispersés entre les mottes de terre et les légumes en cours de germination.

        Fortement individualisés, ces détails, isolés les uns des autres et figés au cœur même de l’énumération qui les rassemble, se posent d’ores et déjà comme « signes plastiques purs ». L’inventaire de La Ferme signe la fin de l’époque réaliste de Joan Miró. Et annonce par la schématisation et la stylisation des objets, le répertoire poétique et onirique des formes de demain.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    ■ Miró
    sur Terres de femmes

    21 janvier 1940 | Miró, Constellations
    Étreintes





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