Étiquette : Montréal


  • Pierre Peuchmaurd | Iris Cascade



    CASCADE
    Ph., G.AdC






    IRIS CASCADE


    à Guy Cabanel           



    Je vivais au pied de la cascade
    j’étais jeune et humide
    tous les mille ans je changeais d’ombre
    je mangeais des loirs et des papillons
    Et puis rien n’est venu

    Les pierres roulaient dans le soleil
    Il y avait du soleil une ou deux fois par nuit
    et des bêtes prolongées avec des rires de femmes
    il y avait des femmes une ou deux fois par rêve
    Je ne sais pas ce que c’est

    L’hiver, caravanes caravelles
    attendaient qu’on invente les mots
    pour passer devant moi
    Une mousse orange couvrait le ciel
    Je me réveillais tard

    Les soirs d’été
    je pariais sur l’onagre, sur les truites électriques
    sur l’impatience du rouge
    Je pariais sur mes peaux dans les forêts naissantes
    L’iris poussait dans l’œil du diable




    Pierre Peuchmaurd, « L’Océan du lavoir et même la rouille est bleue » [éditions Myrddin, Brive-la-Gaillarde, 1996], Autres achèvements, in Parfaits dommages et autres achèvements, éditions L’Oie de Cravan, Montréal, 2007, pp. 65-66. Avec dix photographies de Nicole Espagnol.






    Pierre Peuchmaurd  Parfaits dommages





    PIERRE PEUCHMAURD


    Pierre Peuchmaurd portrait NB
    Source




    ■ Pierre Peuchmaurd
    sur Terres de femmes


    Fleur blanche (autre poème extrait d’Autres achèvements)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Pierre Mainard)
    une notice bio-bibliographique sur Pierre Peuchmaurd





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2021
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Pierre Peuchmaurd | Fleur blanche


    FLEUR BLANCHE



    Je ne sais plus écrire
    Je sais la fleur blanche du désastre
    Les lances du pur amour
    La lumière de ton corps
    Fait un nœud dans ma gorge
    Illumine l’ombre
    Fait un nœud dans ma gorge
    Illumine même le jour
    Fait un nœud dans ma gorge
    La lumière de ta gorge
    Fait un nœud de lumière
    L’ombre vaste de ton corps
    Illumine même le jour
    Ton corps de biche plus grande
    De biche par-dessus l’eau
    De biche dans l’air des poudres
    Ton corps sanglant de marbre
    Ton corps repousse les mots
    D’un haussement de lumière
    Fait un nœud dans la nuit
    Où se forment les mots
    À la source des mots
    Elle pose un lien de soif
    Le puits de ta lumière
    S’ouvre dans mon silence
    Et ton bâillon de plume, de poil
    Et de poison,
    Ton bâillon d’incendie
    Est la pierre du silence




    Pierre Peuchmaurd, « Le soir je vais aux eaux » [« Ça rêva », Parfaits dommages et autres achèvements, éditions L’oie de Cravan, Montréal, 2007, pp. 85-86. Avec dix photographies de Nicole Espagnol], Revue Europe, novembre-décembre 2020, n° 1099-1100, pp. 291-292.






    Pierre Peuchmaurd  Parfaits dommages





    PIERRE PEUCHMAURD


    Pierre Peuchmaurd portrait NB
    Source




    ■ Pierre Peuchmaurd
    sur Terres de femmes


    Iris Cascade (autre poème extrait d’Autres achèvements)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Pierre Mainard)
    une notice bio-bibliographique sur Pierre Peuchmaurd





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2021
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Louise Dupré | [Comment écrire depuis le cœur qui souffre animal ?]




    [COMMENT ÉCRIRE DEPUIS LE CŒUR QUI SOUFFRE ANIMAL ?]


    Comment écrire depuis le cœur qui souffre animal ? Tu reviens à la rudesse des langues velues, tu voudrais parler chien ou chat, savoir ce qu’on ressent quand une femme ferme la cage qui nous conduira à notre éternité, tu voudrais savoir si, le dernier matin, la brise prend l’odeur des feuillages ou des cendres. Tu voudrais décomposer la détresse en nanosecondes, l’avaler, la fixer dans tes os, qu’elle accueille l’ombre du poème comme une deuxième chance, un tremblement apeuré en toi, une âme indigne dont tu apprendrais à t’approcher sans mépris. Tu pourrais alors écrire je, comme si ce pronom se creusait enfin, devenait caverne, pierre poreuse qu’il suffirait de caresser de la paume pour que surgisse de l’oubli la forme des fossiles.




    […]




    [TON TERRITOIRE S’EST CONSTRUIT MALGRÉ TOI]


    Ton territoire s’est construit malgré toi sur une plaie à ciel ouvert, il inquiète les jours et leurs ailes, les nuits et leurs ailes, c’est sans repos où tu habites, un guet permanent. Tu voudrais délivrer du mal tous les oiseaux, tu attaches des clochettes au cou des chats, et tu te promènes la tête dans la grisaille des nuages en rêvant que ton geste ridicule puisse empêcher la ville de sombrer. Tu ne sauveras que quelques passereaux, mais tu agis, tu oses agir avec l’espoir d’alléger un rien la détresse, puisque la détresse risque de t’emporter. Juste un geste, et ce mot tout droit sorti d’un autre siècle, charité, que tu récupères en cherchant une posture pour vivre adossée à l’abîme.




    [ADOSSÉE À L’ABÎME]


    Adossée à l’abîme, tu apprends à squatter un peu d’air pour ta survie, ça pénètre dans ton ventre avec la poussière du sol, ça te fait pierres au foie, pierres aux reins, tu apprends à parler minéral, comme si tu voulais apprivoiser les fossiles déposés en toi, reliques des morts trop morts pour renaître au printemps. Tu portes un temps qui n’a plus souvenir des semailles ni des herbes affolées par le vent, te voilà revenue aux balbutiements d’un monde sans leçons à donner, sans terres à défendre. Tu aurais beau posséder toute la science de ton siècle, connaître des centaines de langues, aucune ne pourrait te soulager. Tu es un deuil qui se casse sans cesse contre la faille des continents, une humiliation quotidienne. Tu es là, preuve parfaite que Dieu ne sait pas exister.




    Louise Dupré, La Main hantée [éditions du Noroît, Montréal, 2016], éditions Bruno Doucey, Collection Soleil noir, 2018, pp. 36, 70, 71.






    Louise Dupré  La Main hantée






    LOUISE DUPRÉ

    Louise Dupré NB2
    Source




    ■ Louise Dupré
    sur Terres de femmes

    Jusqu’à la fin (extrait)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur L’île, l’infocentre littéraire des écrivains québécois)
    une notice bio-bibliographique sur Louise Dupré
    → (sur le site des éditions Bruno Doucey)
    la fiche de l’éditeur sur La Main hantée





    Retour au répertoire du numéro de juin 2019
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Fabio Scotto, “Musée Thyssen Bornemisza Madrid”, Jacob Isaacksz Van Ruisdael




    Ruisdael
    Jacob Isaacksz VAN RUISDAEL,
    Chemin à travers champs de blé dans le Zuiderzee, v. 1660-1662
    Huile sur toile, 44,8 x 54,6 cm
    Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid
    Tous droits reserves
    Source








    JACOB ISAACKSZ VAN RUISDAEL,
    Camino entre campos de trigo cerca del Zuider Zee, 1660-1662





    Due sentieri s’incontrano
    nella piana che sale
    Sole che filtra
    tra le nubi
    Lontani
    una casa
    un mulino
    una cattedrale
    Mucche al pascolo
    un viandante
    un cane
    Il grigio minaccia l’azzurro
    Chissà dov’è
    Lo Zuider Zee…



    Fabio Scotto, « Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid », Bocca segreta, Poesie 2004-2007, Bagno a Ripoli (Firenze), Passigli Poesia, 2008, p. 48.







    JACOB ISAACKSZ VAN RUISDAEL,
    Chemin à travers champs de blé dans le Zuiderzee, 1660-1662





    Deux sentiers se rejoignent
    dans la plaine qui monte
    Soleil qui filtre
    entre les nuages
    Au loin
    une maison
    un moulin
    une cathédrale
    Des vaches en pâture
    un vagabond
    un chien
    Le gris menace l’azur
    Qui sait où c’est
    le Zuiderzee…



    Traduction inédite d’Angèle Paoli
    pour Terres de femmes (décembre 2008)







    JACOB ISAACKSZ VAN RUISDAEL,
    Camino atraversando campos de trigo cerca de Zuider Zee, 1660-1662





    Deux sentiers se rejoignent
    dans la plaine qui monte
    Soleil qui filtre
    entre les nuages
    Lointains
    une maison
    un moulin
    une cathédrale
    Vaches en pâturage
    un passant
    un chien
    Le gris menace l’azur
    Qui sait où est
    le Zuider Zee…



    Fabio Scotto, “Musée Thyssen Bornemisza Madrid” in Bouche secrète, Éditions du Noroît, Montréal (Québec), 2016, page 40. Traduit de l’italien par Francis Catalano.






    Fabio Scotto  Bouche secrète





    FABIO SCOTTO


    Fabio Scotto
    Source




    ■ Fabio Scotto
    sur Terres de femmes


    A riva | Sur cette rive (note de lecture d’AP)
    Regard sombre (extrait de A riva | Sur cette rive)
    Je t’embrasse les yeux fermés (poème issu du recueil Le Corps du sable)
    Le Corps du sable (note de lecture d’AP)
    Ces paroles échangées (poème issu du recueil L’intoccabile)
    China sull’acqua… (traductions croisées)
    Tra le vene del mondo (extrait de La Grecia è morta e altre poesie)
    La Peau de l’eau (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Venezia — San Giorgio-Angelo (extrait de La Peau de l’eau)
    Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid (onze « poèmes peints » traduits en 2008 par AP)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de l’écrivain Claude Ber)
    un dossier Fabio Scotto (dimanche 27 février 2011)
    → (sur Lyrikline)
    Fabio Scotto disant dix de ses poèmes





    Retour au répertoire du numéro de septembre 2017
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Louise Warren, Tricots





    A  MONTREAL
    Ph., G.AdC







    TRICOTS




    c’est très court une maille
    ça n’appartient pas à la nuit

    l’air glisse à l’envers

    un jardin sur les genoux
    calme à l’endroit
    la maille dans le jour





    une averse tombe
    une fatigue s’épuise
    vaste et légère
    près du cœur





    tout est muet
    dans la bouche
    le jour se vide
    creuse un trou

    on recommence plus serré





    prendre la mesure de l’air
    un apaisement
    entre les arbres et les semaines
    les inquiétudes, les manches défaites





    sans fin la chaleur
    les vitesses, les variations

    ce qui va dessus
    dessous
    ce qui veille




    Louise Warren, Tricots in Anthologie du présent, poésie, suivi de Le Premier Lecteur, une conversation avec André Lamarre, Les Éditions du passage, Montréal, 2012, pp. 53-54-55-56-57.








    LOUISE WARREN


    Louise Warren
    Ph. Richard Gravel, 2006
    Source




    ■ Louise Warren
    sur Terres de femmes

    Apparitions
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Louise Warren + [Chaque lac a ses secrets] (extrait d’Anthologie du présent)



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Louise Warren
    → (sur le site des éditions L’Hexagone)
    une fiche bio-bibliographique sur Louise Warren
    → (sur remue.net)
    Louise Warren / September song
    → (sur remue.net)
    Bleu inédit © Louise Warren
    → (sur le site de L’ÎLE, Centre de documentation virtuel sur la littérature québécoise)
    une notice bio-bibliographique sur Louise Warren





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2013
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Violaine Forest | [Je suis frégate de bois]





    Je laisse filer les heures et me joins au temps pour célébrer ta lumière
    « je laisse filer les heures
    et me joins au temps
    pour célébrer ta lumière
    »
    Ph., G.AdC








    [JE SUIS FRÉGATE DE BOIS]




    JE SUIS frégate de bois sur la lande
    en plein vent
    je suis marais d’eau douce
    je suis d’hermine et de bleu
    je sarcle autour
    entre le drap et la jetée
    l’espace de velours
    je suis d’arrivage, de mer
    et de salin
    je suis ornières à rebours
    je guette les bateaux
    les vaisseaux de cailloux
    je suis frégate de bois
    sur ta peine ensablée
    je laisse filer les heures
    et me joins au temps
    pour célébrer ta lumière
    j’accoste un continent
    chargé de robes blanches


    In extenso
    la mia volontà




    Violaine Forest, Magnificat, Mémoire d’Encrier, Montréal, octobre 2012, page 72.







    Magnificat
    VIOLAINE FOREST


    Violaine Forest
    Ph. © Robert Etcheverry



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Mémoire d’Encrier)
    une page sur Magnificat de Violaine Forest
    → (sur le site des éditions de l’Hexagone)
    une notice bio-bibliographique sur Violaine Forest
    → (sur Voix d’ici, répertoire audio de la poésie québécoise)
    une fiche bio-bibliographique (+ un poème de Violaine Forest dit par l’auteure)





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2013
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Salah Stétié | Tranchant de l’aube

    « Poésie d’un jour »
    dédiée à Sabine H.



    Deux hommes seulement, mais représentatifs de beaucoup
    « Deux hommes seulement, mais représentatifs de beaucoup »
    Source







    TRANCHANT DE L’AUBE


    À Naïm Kattan



    Cet homme nous vient du fond des terres, du fond des âges,

    Cela fait des milliers d’années qu’il est Juif

    Et cela fait des siècles qu’il est Arabe,

    Il vient de Bagdad entre Tigre et Euphrate sous les palmiers, de Bagdad ville abasside, ville éternelle…

    Il écrivit d’abord en arabe et, parce que Paris est Paris et que la France est ce qu’elle est :

    Le cœur de la culture, le cœur du monde,

    Il écrivit ensuite en français, comme tous ceux, venus de l’Ailleurs, pour qui cette langue est l’Ici et l’Ailleurs, et dont le cœur bat au rythme du monde,

    En français, il écrivit en français, et il continue d’écrire dans cette langue,

    Ainsi qu’un nouveau flux de sang doublant le beau sang rouge de l’origine,

    Idées, souvenirs, enfance, personnages, poésie et rêve de poésie, tout lui arrive toujours comme tout lui est arrivé sur un demi-siècle d’étalement créateur

    Dans cette langue, la sienne à jamais, et la mienne,

    Sans que ni lui ni moi n’ayons renié ni lui sa judéité ni moi mon arabité à l’horizon de cette langue qui nous est convergence,

    Et dans la convergence, il y a l’amitié et la foi, la confiance dans ce qui va venir, dans ce qui doit venir :

    La paix dans le cœur et l’esprit, la fraternité inaltérable, au-delà de la stupidité des massacres,

    Parce que la vérité et la justice sont plus fortes et plus conséquentes que le déchirement, le délabrement des consciences, et la brutalité de tous ceux dont la mâchoire est lourde et le front bas,

    Et que la main de l’homme juste ne peut reposer que dans la main de l’homme juste, pour que s’arrêtent le cactus des barbelés et l’affreux crachat des canons,

    Abraham-Ibrahim, l’Ami de Dieu dans ton cœur, Naïm Kattan du Québec, et dans mon cœur aussi, moi qui suis fils d’un Liban dont nous est venue la Fiancée,

    Abraham pleure sur la Palestine en deuil, et qui resplendira plus tard nécessairement, parce que, parmi d’autres, deux hommes d’amitié ont vécu, rêvé, et souffert en même temps,

    Et qu’ils n’ont pas perdu, pour autant, la confiance l’un dans l’autre,

    Hommes seulement présents à la vérité de l’Esprit qui est une et indéfectible, quand elle existe, là où elle existe,

    Deux hommes seulement, mais représentatifs de beaucoup, qui croient comme eux, avec eux, que la parole est fondement, fondation et refondation,

    Et qui attendent du salut promis et donc en marche,

    Nécessairement en marche, l’achèvement de la longue nuit stérile

    Et la sortie, au vif tranchant de l’aube et du Livre, du premier jumeau délivré.




    Salah Stétié, “Tranchant de l’aube”, in Revue littéraire Les Écrits, n° 136, novembre 2012, Montréal, pp. 89-90.






    Ecrits  136





    ___________________
    NOTE d’AP : le 7 décembre 2012 à 18h30, vernissage de l’exposition « Stétié et les peintres » au musée Paul-Valéry de Sète. Cette exposition est ouverte au public du 8 décembre 2012 au 31 mars 2013.



    SALAH STÉTIÉ (1929-2020)


    Salah Stétié portrait
    Source




    ■ Salah Stétié
    sur Terres de femmes


    Méditation sur la mort d’une figue (extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Mes oiseaux, mes enfants (autre extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Une lampe sous l’orage (contribution de Nathalie Riera sur En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009)
    Le Voyage d’Alep, XII




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel de Salah Stétié





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Danielle Fournier | Luce Guilbaud
    [Dis-moi plutôt ce qui nous réunit]



    Danielle fournier luce guibaud
    Montage photographique, G.AdC






    Dis-moi  plutôt ce  qui nous réunit et non ce qui nous sépare, les lieux où nous marchons, les pièces habitées.

    Un enfant frappe à ma fenêtre. Il est dehors, habillé d’automne  et  d’hiver. Son baiser me ramène alors que.
    Alors que.

    Sans résistance devant la violence de ce qui ne peut être évoqué du bout des doigts, nous restons les gardiennes du jour en nos mains.

    Blanche, m’écriras-tu beaucoup plus tard.
    Danielle Fournier, Iris, in Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris, Éditions de l’Hexagone, Montréal, 2012, page 53.







    Sur les trottoirs petits pas de fougères et de hostas
    le mouvement des mots d’hiver
    toutes les filles ont des mères à quitter
    des terres à découvrir
    avec des yeux définitifs
                   elle va recoudre ses écailles
                   planter d’autres motifs
                   plus loin que le fleuve.





    Luce Guilbaud, « Le printemps des homards », in Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris, Éditions de l’Hexagone, Montréal, 2012, page 79.






    Danielle Fournier   Luce Guilbaud, Iris, Éditions de l’Hexagone





    ■ Danielle Fournier
    sur Terres de femmes

    Le chaos des flammes
    toi
    ton prénom
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pas de mots dans les mots
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un Portrait de Danielle Fournier (+ un poème extrait du recueil Il n’y a rien d’intact dans ma chair)




    ■ Luce Guilbaud
    sur Terres de femmes


    [L’ombre amoureuse] (extrait de Débordé pourpre)
    Demain l’instant du large (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [Le haut le bas l’envers l’endroit] (extrait de Demain l’instant du large)
    [il y a eu des pluies] (extrait de Nuit l’habitable)
    Mère ou l’autre (note de lecture d’AP)
    [Mon enfance] (extrait d’Où la chambre d’enfant)
    [les ombres envahissent] (extrait de Pas encore et déjà)
    [mon père m’offre des animaux] (extrait de Vent de leur nom)
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime (chronique de Marie-Hélène Prouteau)
    Luce Guilbaud | Amandine Marembert | Renouée (extraits de Renouées)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Le corps penche




    ■ Danielle Fournier | Luce Guilbaud
    sur Terres de femmes


    Iris (note de lecture d’AP)
    Iris (autre extrait d’Iris)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur L’île, l’infocentre littéraire des écrivains québécois)
    une notice bio-bibliographique sur Danielle Fournier
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    la fiche bio-bibliographique de la Poéthèque consacrée à Luce Guilbaud
    → (sur YouTube)
    Sophie Ducharme lit un extrait d’Iris de Danielle Fournier et Luce Guilbaud (21 mars 2012)





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Louise Warren, Apparitions



    A  Les rêves aussi sont des apparitions.
    Ph., G.AdC






    APPARITIONS
    (extrait)




    Le fragment : l’art du périmètre.


    Le jardin de la chaise. (Il s’agit du lierre qui court au-dessus d’une chaise ancienne recouverte elle-même d’un tissu aux motifs végétaux.)


    La pensée aime l’action. Le sécateur, la cuillère de bois, le râteau.


    Même face au livre, j’ai besoin d’affirmer mon indépendance. L’entente de la vie dans la création, c’est cela qui m’intéresse.


    Sur la route, je vois souvent des mots qui n’existent pas. Cela m’arrive aussi dans les livres. Tout à coup, un i s’allonge et devient un l. Ce nouvel alphabet entretient l’étonnement.


    La blessure de cette carrière abandonnée que j’ai visitée n’est pas dans les trous de dynamite laissés dans le granit, mais dans un plan d’eau stagnante où la rouille fuit, se décompose tout au fond, remonte en un sang noir à la surface. Un étang qui garde prisonniers les reflets des roseaux, les nuages. L’étang de la mort dans une carrière de granit.


    Les rêves aussi sont des apparitions.


    Dans mon rêve, je disais : J’ai dormi dans un lit d’ombre. Je me suis éveillée avec la sensation d’avoir dormi profondément.


    Fin de l’automne. Vols d’oiseaux déchirés en petits morceaux.


    S’asseoir dans un parc. Visiter l’heure au complet.




    Louise Warren, Apparitions (extrait) in Les Écrits (revue littéraire), août 2012, n° 135, Montréal, page 61.





    B Les rêves aussi sont des apparitions. (1)
    Ph., G.AdC





    LOUISE WARREN


    Louise Warren
    Ph. Richard Gravel, 2006
    Source




    ■ Louise Warren
    sur Terres de femmes

    Tricots (extrait d’Anthologie du présent)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Louise Warren + [Chaque lac a ses secrets] (extrait d’Anthologie du présent)



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Louise Warren
    → (sur le site des éditions L’Hexagone)
    une fiche bio-bibliographique sur Louise Warren
    → (sur remue.net)
    Louise Warren / September song
    → (sur remue.net)
    Bleu inédit © Louise Warren
    → (sur le site de L’ÎLE, Centre de documentation virtuel sur la littérature québécoise)
    une notice bio-bibliographique sur Louise Warren





    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris [lecture d’AP]

    Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris,
    Éditions de l’Hexagone,
    Montréal, 2012.



    Lecture d’Angèle Paoli





    « LA COULEUR MAUVE DES MOTS »




          Poésie migratoire, partage entre deux femmes, deux poètes, Iris est un recueil à deux voix que l’Océan sépare. Lieuses de mots entre deux continents, deux langues proches mais différentes, deux sensibilités et deux écritures, Danielle Fournier et Luce Guilbaud tressent avec Iris un ciel de répons tendu entre mer fleuve et horizon, chants de sable et de pages.


    Il faut pourtant attendre longtemps, presque la fin du recueil, pour qu’« iris » se manifeste. Seule la section poétique de Luce Guilbaud, la seconde dans l’ordre d’apparition des poètes, retient Iris, disséminé dans l’un ou l’autre poème. S’agit-il de la fleur ? De l’iris arc-en-ciel, déesse éphémère « aux doigts de rose » ? Iris de couleur de lumière, « les iris jaunes rapides » sont signes avant-coureurs du partage des mots. Masculine la fleur, féminine la déesse arc-en-ciel qui relie les espaces, Iris la mystérieuse, lumineuse et légère, est passagère en transit entre deux rives, « cette envolée pollen » qui traverse la mer pour rejoindre l’autre en son pays :


          « Iris traversière avec couleurs accompagnées
          Iris passagère ses rêves sur ordonnance
     ».


    Qui est la voix qui parle, de l’une à l’autre, toutes deux décalées dans l’espace et le temps ?


          « ma nuit va vers ton jour », écrit Luce Guilbaud dans la section intitulée « Le printemps des homards ».


          « Quand elle marche, j’écris son nom dans l’espace », écrit de son côté Danielle Fournier.


    Ailleurs, plus proche de la prière, la poète québécoise « chuchote une parole inédite, pleine de mansuétude et miséricordieuse dans laquelle la Voix de Dieu est Verbe et Épiphanie ». L’une imagine l’autre, sa terre et son jardin, son univers fait de bonheurs simples, de juvénile fantaisie et de liberté :


          « C’est une femme libre dans la ville, qui marche la ville. Sa jupe légère suit son pas, un pas vif qui sait qu’il ne va nulle part. Vers nulle rencontre.
          Elle marche vers sa liberté, chaussures plates qui ne sont pas assorties à son sac à main. Elle regarde le monde comme si c’était la première fois. »


    Ou, à l’opposé, de l’autre côté de l’Atlantique, quelque part entre Royan et le Bois des Fées, la « femme de mer » évoque l’amie québécoise :


          « Frontières subtiles des quartiers
          ta ville ta vie de femme avec repères
          tes larmes d’amour tes maisons tes jardins
          Montréal où l’avenir infiniment
                       puisque les pas peuvent changer
                       d’autres regards se croiser
                       à l’endroit d’un jour neuf… »


    Chacune écrit dans son espace, l’une avec l’autre décalée, pourtant complices et complémentaires, même si tellement différentes :


          « Nous disons des mots sages pour repousser la mort et
          présentons nos mains à la chaleur pour que cesse et s’arrête en nous ce froid glacial. »


    Composés de paragraphes brefs, souvent interlignés de blanc ― espace de silence ―, les poèmes de Danielle Fournier expriment une mélancolie profonde, un mal que rien ne semble pouvoir apaiser, pas même la « tranquille tranquillité » de l’autre dont elle espère pourtant une « éclaircie ». Que lui manque-t-il, que lui manque-t-elle ? Il y a toujours un espace autre dans l’espace nommé, une « autre absence derrière l’absence, et un autre silence derrière le silence », inclusions qui nomment la difficulté d’adhérer au monde. Survient au cœur du poème la perte d’une certaine Blanche, qui laisse entre les mots sa trace de mystérieuse disparue.


    Parfois, un mot isolé s’échappe, dialogue fragmenté de la poète avec elle-même, avec l’autre. « Je, fuyant ». Mais toujours, dans chacun des textes qui forment l’ensemble de l’Iris de Danielle Fournier, apparait une phrase en italiques, parfois deux ou davantage. À les lire séparément, détachées de leur contexte, il se construit un texte autonome de phrases en flottaison de part et d’autre d’une phrase unique occupant le centre de la page :

          « Nous entrons dans la solitude et le deuil de l’amour. »


    Et avant ? N’était-ce pas déjà ainsi ? « Cette lutte pour vivre », la poète l’exprime en continu. Comment habiter son corps dans un monde construit sur l’horreur, quand « une seule mort » suffit à faire « basculer le monde » ? Comment se défaire de « ce vide d’existence » ? Comment trouver un sens à cet « univers déshabité » ? « Comment dire cette foi et son absence, l’ivresse et la mélancolie ? » Peut-être tracer ― comme elle ― une « géographie du désir », s’en tenir aux menues choses, « matériel d’écriture, de peinture, l’encre, une plume, un cahier ouvert, une page blanche ». Un oiseau posé sur une clématite en fleur.


    De l’autre côté du monde, il y a l’autre, ses vers en italiques, ponts tendus entre les fleuves, ses marches à travers les marais vendéens, ses joies simples, son désir d’« oiseaux tisserands » qui allégeraient ce qui sépare et fait frontière entre les terres, cet appel « d’un nom à l’autre/d’une solitude à d’autres solidarités ». De l’une à l’autre, il y a le manque, générateur de rêve : « Nous rêvons de la folie du rêve ». Et l’écriture, toujours, semeuse de « cailloux blancs », « à suivre dans le temps de ses pages le livre double. »


    Car seul écrire importe. Tracer à travers mots « sa route d’errance », monde ouvert sur le monde. De ce partage naît « la couleur mauve des mots ».


    « Il y a enfin de l’eau dans l’eau », écrit Danielle Fournier au terme de son itinéraire.


          « je compte aussi sur les rosiers
          un livre veut rassembler la terre
                       les digues aussi et l’horizon ouvert. »

    , conclut de son côté Luce Guilbaud.


    Et pour nous, cet Iris ondoyant à deux voix : un moment de bonheur.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Danielle Fournier   Luce Guilbaud, Iris, Éditions de l’Hexagone





    ■ Danielle Fournier
    sur Terres de femmes

    Le chaos des flammes
    toi
    ton prénom
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pas de mots dans les mots
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un Portrait de Danielle Fournier (+ un poème extrait du recueil Il n’y a rien d’intact dans ma chair)



    ■ Luce Guilbaud
    sur Terres de femmes

    Demain l’instant du large (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [Le haut le bas l’envers l’endroit] (extrait de Demain l’instant du large)
    [il y a eu des pluies] (extrait de Nuit l’habitable)
    Mère ou l’autre (lecture d’AP)
    [Mon enfance] (extrait d’Où la chambre d’enfant)
    [les ombres envahissent] (extrait de Pas encore et déjà)
    [mon père m’offre des animaux] (extrait de Vent de leur nom)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Le corps penche
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime (chronique de Marie-Hélène Prouteau)
    Luce Guilbaud | Amandine Marembert | Renouée (extraits de Renouées)



    ■ Danielle Fournier | Luce Guilbaud
    sur Terres de femmes

    Iris (extrait d’Iris)
    [Dis-moi plutôt ce qui nous réunit](autre extrait d’Iris)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur L’île, l’infocentre littéraire des écrivains québécois)
    une notice bio-bibliographique sur Danielle Fournier
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    la fiche bio-bibliographique de la Poéthèque consacrée à Luce Guilbaud
    → (sur YouTube)
    Sophie Ducharme lit un extrait d’Iris de Danielle Fournier et Luce Guilbaud (21 mars 2012)





    Retour au répertoire du numéro de juin 2012
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes