Étiquette : Nathalie Vuillemin


  • Mario Benedetti | Anthologie poétique

    «  Poésies d’un jour  »
    choisies par Nathalie Vuillemin




    Mario Benedetti
    Source






    AHÍ NOMÁS


    En el manso dolor que te perturba
    cuando asumes lejano cómo vibra o jadea
    la inocencia del otro

    en la desolación convertida en crisálida
    en el silencio lleno de palabras nonatas
    en el hueco de llanto inmerecido
    en tu ausencia de dioses
    en la asunción de tus mejores miedos
    en tus cenizas de utopía
    en tu fe de a pesar / de sin embargo

    ahí nomás
    precisamente ahí
    se oculta / resiste / permanece
    la caverna profunda / inexpugnable
    que algunos / unos pocos
    dicen que es la conciencia


    Mario Benedetti, El olvido está lleno de memoria (1995), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 456.





    JUSTE LÀ


    Dans la paisible douleur qui te perturbe
    quand tu saisis au loin comment vibre ou halète
    l’innocence de l’autre

    dans la désolation muée en chrysalide
    dans le silence plein de mots non-nés
    dans le creux des pleurs immérités
    dans ton absence de dieux
    dans l’acceptation de tes meilleures peurs
    dans tes cendres d’utopie
    dans ta foi de malgré / de toutefois

    juste là
    précisément là
    se cache / résiste / demeure
    la caverne profonde / inexpugnable
    que certains / quelques-uns
    disent être la conscience

    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    NO SÉ QUIÉN ES


    Es probable que venga de muy lejos
    no sé quién es ni a dónde se dirige
    es sólo una mujer que se muere de amor
    se le nota en sus pétalos de luna
    en su paciencia de algodón / en sus
    labios sin besos u otras cicatrices /
    en los ojos de oliva y penitencia

    esta mujer que se muere de amor
    y llora protegida por la lluvia
    sabe que no es amada ni en los sueños
    lleva en las manos sus caricias vírgenes
    que no encontraron piel donde posarse /
    y / como huye del tiempo / su lujuria
    se derrama en un cuenco de cenizas


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 244.





    JE NE SAIS QUI ELLE EST


    Il est probable qu’elle vienne de très loin
    je ne sais qui elle est ni où elle se dirige
    c’est seulement une femme qui se meurt d’amour
    on le remarque à ses pétales de lune
    à sa patience de coton / à ses
    lèvres sans baisers ou autres cicatrices
    à ses yeux d’olive et de pénitence

    cette femme qui se meurt d’amour
    et pleure protégée par la pluie
    sait qu’elle n’est pas même aimée dans les rêves /
    elle tient dans ses mains ses caresses vierges
    qui ne rencontrèrent aucune peau où se poser /
    et / comme elle fuit du temps / sa luxure
    se déverse en une terrine de cendres.


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    PAPEL MOJADO


    Con ríos
    con sangre
    con lluvia
    o rocío
    con semen
    con vino
    con nieve
    con llanto
    los poemas
    suelen
    ser
    papel mojado


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 257.





    PAPIER MOUILLÉ


    par des fleuves
    par du sang
    par de la pluie
    ou de la rosée
    par du sperme
    par du vin
    par de la neige
    par des pleurs
    les poèmes
    ont coutume
    d’être
    du papier mouillé


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    RINCÓN DE HAIKUS
    (1999) (Extraits)


    1.
    si en el crepúscolo
    el sol era memoria
    ya no me acuerdo

    9.
    pasan misiles
    ahítos de barbarie
    globalizados

    11.
    las hojas secas
    son como el testamento
    de los castaños

    14.
    los sentimientos
    son inocentes como
    las armas blancas

    17.
    son manos locas
    de pianista o de herrero
    las que nos hablan

    19.
    los dos ladrones
    miraron a jesús
    y se miraron

    41.
    el exiliado
    se fue adaptando al tedio
    de la nostalgia

    43.
    la caracola
    me deja en el oído
    viejos pregones

    63.
    cuando anochece
    se estremecen los pinos
    y no es de frío

    76.
    por este puente
    transcurren ilusiones
    y contrabandos

    94.
    cuando uno viaja
    también viaja con uno
    el universo

    95.
    sólo el murciélago
    se entiende con el mundo
    pero al revés

    107.
    una campana
    tan sólo una campana
    se opone al viento

    122.
    nos van dejando
    sin árboles sin ubres
    sin fe sin ríos

    148.
    el árbol sabe
    de quién es cada paso
    de quién el hacha

    172.
    la poesía
    dice honduras que a veces
    la prosa calla

    188.
    sé de un ateo que en las noches rezaba
    pero en francés

    195.
    qué astuto el mar /
    si antes hubo sirenas
    quedan las colas

    201.
    cuántos semáforos
    para encontrar la senda
    del viejo crepúscolo

    219.
    llego alelado
    a este final de siglo
    qué encontraremos

    224.
    y aquí termino
    sin hacer sombra a nadie
    ni descuidarme


    Mario Benedetti, Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), pp. 153-197.





    LE COIN DES HAÏKUS


    1.
    si au crépuscule
    le soleil était mémoire
    déjà je ne m’en souviens plus

    9.
    des missiles passent
    rassasiés de barbarie
    globalisés

    11.
    les feuilles mortes
    sont comme le testament
    des marronniers

    14.
    les sentiments
    sont innocents comme
    les armes blanches

    17.
    ce sont des mains folles
    de pianiste ou de forgeron
    celles qui nous parlent

    19.
    les deux brigands
    regardèrent jésus
    puis se regardèrent

    41.
    l’exilé
    s’adapta à l’ennui
    de la nostalgie

    43.
    la conque
    me laisse dans l’oreille
    de vieux discours

    63.
    quand la nuit tombe
    et pas de froid

    76.
    par ce pont
    traversent des illusions
    et des contrebandiers

    94.
    quand on voyage
    voyage aussi avec nous
    l’univers

    95.
    seule la chauve-souris
    s’entend avec le monde
    mais à l’envers

    107.
    une cloche
    seule une cloche
    s’oppose au vent

    122.
    on nous laisse
    sans arbres sans nuages
    sans foi sans fleuves

    148.
    l’arbre sait
    de qui est chaque pas
    de qui la hache

    172.
    la poésie
    dit des profondeurs que parfois
    la prose tait

    188.
    je sais d’un athée
    qu’il priait la nuit
    mais en français

    195.
    quelle malicieuse, la mer /
    si autrefois il y eut des sirènes
    restent les queues

    201.
    combien de feux rouges
    pour rejoindre le sentier
    du vieux crépuscule

    219.
    j’arrive hébété
    à cette fin de siècle
    que rencontrerons-nous

    224.
    et je termine ici
    sans faire d’ombre à personne
    ni me négliger


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)






    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
    (établie par Nathalie Vuillemin)


    Mario Benedetti est né à Paso de los Toros (Uruguay) le 14 septembre 1920. Après avoir pratiqué divers petits métiers, il s’engagea parallèlement dans une carrière d’écrivain et de journaliste. Son premier recueil de poèmes (La visepra indeleble) est publié en 1945. Depuis, Mario Benedetti a publié plus de cinquante ouvrages : romans, nouvelles, théâtre, essais, et surtout poésie. Ce dernier genre est, pour Benedetti, l’expression de la vie quotidienne, dans ses interrogations les plus intimes comme dans les événements les plus concrets. La poésie de Benedetti témoigne notamment de l’expérience de l’exil qu’il subit pour des raisons politiques entre 1973 et 1986.

    Nombre de textes poétiques de Benedetti sont destinés à la chanson ; des artistes tels que Daniel Viglietti, Nacha Guevara, Joan Manuel Serrat, entre autres, les ont mis en musique. Convaincu que la poésie pouvait être un art vivant, adressé à toutes les générations et à tous les individus, quel que soit leur degré de formation, Benedetti fut également un poète-acteur et présenta des lectures de ses textes à de nombreuses occasions, aussi bien en Amérique latine qu’en Europe. En 1992, Eliseo Subiela a réalisé, sur un scénario construit à partir de poèmes de Benedetti, le film El lado oscuro del corazón, dans lequel le poète fait une brève apparition.

    Mario Benedetti est décédé le dimanche 17 mai 2009 à Montevideo. Le même jour, selon ses vœux, est née la fondation Mario Benedetti ; son objectif est de réunir et publier l’ensemble de son œuvre inédite, ainsi que de soutenir le travail des jeunes poètes de langue espagnole.



    Quelques œuvres :

    La víspera indeleble, 1945 (poésie).
    Quién de nosotros, 1953 (roman).
    La Tregua, 1960 (roman, traduit en français sous le titre : La Trêve).
    Montevideanos, 1959 (nouvelles).
    Noción de patria, 1963 (poésie).
    Letras del continente mestizo, 1967 (essai).
    La casa y el ladrillo, 1977 (poésie).
    Cotidianas, 1979 (poésie).
    Viento del exilio, 1981 (poésie).
    Primavera con una esquina rota, 1982 (roman).
    Geografías, 1984 (nouvelles).
    Las soledades de Babel, 1991 (poésie).
    Perplejidades de fin de siglo, 1993 (poésie).
    El olvido está lleno de memoria, 1995 (poésie).
    Andamios, 1996 (roman).
    El porvenir de mi pasado, 2003 (nouvelles).
    Canciones del que no canta, 2006 (poésie).





    MARIO BENEDETTI


    T_bene_139
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site A media voz)
    quelques poèmes de Benedetti lus par l’auteur 
    → (sur le site 8 Méridiens & Parallèles 8, consacré à l’Amérique latine)
    plusieurs articles sur Mario Benedetti






    Retour au répertoire du numéro de juin 2009
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes