Étiquette : New York


  • Galway Kinnell | Vente aux enchères


    THE AUCTION



    My wife lies in another dream.
    The quilt covers her like a hill
    of neat farms, or map of the township
    that is in heaven, each field and pasture
    its own color and sufficiency,
    every farm signed in thread
    by a bee-angel of those afternoons,
    the tracks of her inner wandering.
    In this bed spooled out of rock maple plucked
    from the slopes above the farm, saints
    have lain side by side, grinding their
    teeth square through the winter nights,
    or tangled together, the swollen
    flesh finding among the gigantic
    sleep-rags the wet vestibule, jetting
    milky spurts into the vessel
    as secret as that amethyst glass
    glimpsed once overlaid with dust
    in the corner of an attic.



    Galway Kinnell, “The Auction”, I, When One Has Lived a Long Time Alone, Alfred A. Knopf Inc., New York, NY 10019, 1990, p. 12.






    Galway Kinnell  When One Has Lived a Long Time Alone







    VENTE AUX ENCHÈRES



    Ma femme se repose dans un autre rêve.
    L’édredon la recouvre, forme une colline
    aux fermes proprettes, évoque la carte d’un village
    au paradis : chaque champ, chaque pâturage,
    est doté de couleurs et de ressources siennes,
    chaque ferme signée du fil d’une tisseuse —
    ange-abeille de ces après-midi-là —
    suit le tracé de ses déambulations intérieures.
    Sur ce lit, fruit d’un érable à sucre abattu
    sur les pentes en amont de la ferme, des saints
    se sont allongés côte à côte, serrant très fort
    les dents pendant les nuits d’hiver,
    ou enchevêtrés l’un dans l’autre, la chair
    tumescente se frayant un chemin parmi d’infinis
    lambeaux de sommeil jusqu’au vestibule humide,
    faisant jaillir sa giclée lactée dans un vaisseau
    aussi mystérieux que ce verre améthyste
    aperçu un jour, tout recouvert de poussière,
    dans le coin d’un grenier.



    Galway Kinnell, Quand on a longtemps vécu seul, La Nouvelle Escampette éditions, Collection Poésie, 2017, page 27. Traduit de l’américain par Pascale Drouet.






    Galway Kinnel  Quand on a longtemps vécu seul






    GALWAY KINNELL


    Galway kinnell 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    le site Galway Kinnell
    → (sur le site Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell
    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Pierre Voélin | [Être dans le pas des chevaux] [To Follow The Horses’ Hoof Steps]


    [ÊTRE DANS LE PAS DES CHEVAUX]



    Être dans le pas des chevaux
    et leurs crinières blanchies par le froid
    et leurs pas plus lents sur les prés mouillés

    ou le longe des lisières immobiles
    avec le loir ou le soleil chauve

    à naître
    à disparaître
    dans la courbe des étoiles ocellées
    Père de toute fin et des commencements

    à l’abri d’une clairière là-bas
    avec les colchiques et l’herbe rase
    dans le tintement grêle des sonnailles
    au plus lointain de la mémoire des feuilles



    Pierre Voélin, « Dans la langue des fougères » in La Lumière et d’autres pas, La Dogana, Collection « Poésie », Genève, 1997, page 58.







    Voelin_lumiere








    [TO FOLLOW THE HORSES’ HOOF STEPS]



    To follow the horses’ hoof steps
    and their manes whitened by the cold
    and their slower gait over the wet meadows

    or along the motionless edges of woods
    with the dormouse or the bald sun

    to be born
    to vanish
    in the curve of the eyelike stars
    Father of every end and all beginnings

    in the shelter of a clearing down there
    with the autumn crocuses and the mowed grass
    in the shrill jingling of the bells
    in the remote reaches of the memory of leaves



    Pierre Voélin, “In the Language of Ferns”, Light and Other Footsteps/La Lumière et d’autres pas, in To each unfolding leaf, Selected poems: 1976-2015, The Bitter Oleander Press, New York, 2017, page 181. Translated from the French by John Taylor.







    Pierre Voélin  To Each Unfolding Leaf






    _______________________
    Le 13 novembre 2017, à Lausanne, la Fondation Pierrette Micheloud remettra son Grand Prix de Poésie 2017 à Pierre Voélin, pour l’ensemble de son œuvre.






    PIERRE VOÉLIN


    Voelin-nb
    Ph. © ladogana.ch
    Source





    ■ Pierre Voélin
    sur Terres de femmes

    Le nom des pluies (extrait de Sur la mort brève)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la Fondation Rilke)
    une notice bio-bibliographique sur Pierre Voélin
    → (sur empreintes.ch)
    une fiche de Nathalie Riera sur To each unfolding leaf, Selected poems: 1976-2015 [PDF]
    → (sur le site de la Radio Télévision Suisse francophone)
    Pierre Voélin : « Des Voix dans l’autre langue » (Entre les lignes, 7 août 2016)





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Robert Creeley | Words

    « Poésie d’un jour


    traduite par Sabine Huynh



    WORDS



    You are always
    with me,
    there is never
    a separate

    place. But if
    in the twisted
    place I
    cannot speak,

    not indulgence
    or fear only,
    but a tongue
    rotten with what

    it tastes – There is
    a memory
    of water, of
    food, when hungry.

    Some day
    will not be
    this one, then
    to say

    words like a
    clear, fine
    ash sifts,
    like dust,

    from nowhere.



    Robert Creeley, “Words”, in Words: poems [Rochester, Michigan: Perishable Press, 1965; enlarged as Words, New York: Scribners, 1967], in The Collected Poems of Robert Creeley 1945-2005, edited by Benjamin Friedlander, University of California Press, Berkeley and Los Angeles, California, 2006; reed, 2008, p. 103.






    Words







    Creeley Selected Poems







    MOTS



    Vous êtes toujours
    avec moi,
    jamais
    à part

    ailleurs. Or si
    dans le lieu
    altéré je
    ne peux parler,

    celle de l’indulgence
    ou de la peur seulement,
    mais juste une langue
    corrompue par

    ce qu’elle a goûté – Perdure
    un souvenir
    d’eau, de
    nourriture, quand on a faim.

    Un jour
    ne sera pas
    celui-ci, où
    dire

    des mots aussi
    clairs, habiles
    que la cendre séparera,
    comme la poussière,

    tombée de nulle part.



    Traduction inédite de Sabine Huynh pour Terres de femmes





    ROBERT CREELEY


    Robert Creeley
    Source



    ■ Robert Creeley
    sur Terres de femmes

    21 mai 1926 | Naissance de Robert Creeley (notice bio-bibliographique + extrait de L’Insulaire [The Island, 1963], Éditions Gallimard, 1972)
    The Return | Intervals



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur PennSound)
    le poème “Words”, dit par Robert Creeley (reading at the Unterberg Poetry Center, 92nd Street Y, New York City, October 24, 1966)
    le site de Robert Creeley
    → (sur Poetry Foundation)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Robert Creeley
    → (sur PoemHunter.com)
    un grand nombre de poèmes (en anglais) de Robert Creeley
    → (sur PennSound)
    un grand nombre de poèmes de Robert Creeley dits par lui-même
    → (sur Culture, le magazine culturel de l’Université de Liège)
    un article (en français) de Gérald Purnelle sur Robert Creeley





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Kenneth Rexroth | [Once I shone afar]


    Kenneth
    Ph., G.AdC







    [ONCE I SHONE AFAR]




    LII


    Once I shone afar like a
    Snow-covered mountain.
    Now I am lost like
    An arrow shot in the dark.
    He is gone and I must learn
    To live alone and
    Sleep alone like a hermit
    Buried deep in the jungle.
    I shall learn to go
    Alone, like the unicorn.



    Kenneth Rexroth, The Love Poems of Marichiko, New Directions Publishing Corporation, New York, NY 10011, 2003.







    [AUTREFOIS JE SCINTILLAIS AU LOIN]




    LII


    Autrefois je scintillais au loin comme une
    Montagne enneigée ;
    Maintenant je suis perdue comme
    Une flèche décochée dans le noir.
    Il est parti et je dois apprendre
    À vivre seule et
    À dormir en ermite
    Ensevelie au plus profond de la jungle.
    J’apprendrai à aller
    Seule, comme la licorne.



    Kenneth Rexroth, Les Poèmes d’amour de Marichiko, éditions Érès, collection PO&PSY princeps, 2016, s.f. Édition bilingue. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Joël Cornuault, dessins de Katsushika Hokusai.






    Rexroth (pochette)







    KENNETH REXROTH


    Kenneth-rexroth
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site New Directions)
    une page sur Kenneth Rexroth
    → (sur le site des éditions Érès)
    une page sur Kenneth Rexroth





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Maria Desmée | [No way to sleep this night]




    [NO WAY TO SLEEP THIS NIGHT]



    No way to sleep this night
    un cœur bat dans la ville
    une ville bat dans le cœur
    une lumière qui ne s’éteint plus
    les      paupières    sont     devenues
    transparentes
    je vois à travers
    du fond du cœur à l’infini

    Une absence ne se défait pas
    elle s’enracine dans l’écorce
    et délave les couleurs
    la main se vide
    geste sans trajectoire
    elle caresse le vide

    La nuit pour poser les mots justes
    sur le bord des fenêtres
    les retrouver    au matin     restitués



    Maria Desmée, De l’autre côté de l’océan, Paris, New York, Cleveland, Éditions Henry, Collection La main aux poètes, 2015, pp. 24-25. Préface de Vénus Khoury-Ghata.






    Maria Desmée





    MARIA  DESMÉE

    Maria Desmée
    Source




    ■ Maria Desmée
    sur Terres de femmes

    À l’infini (extrait de De quelle nuit)
    [La forme que prend le mot] (extrait de Diagonale du désir)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions soc & foc)
    une notice bio-bibliographique sur Maria Desmée





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • William Cliff | New York



    NEW YORK




    Affalé sur mon lit, affalé dans ma vie,
    affalé sur mon siège, affalé dans mon piège,
    affalé dans le bruit qui monte de N.Y.,
    affalé d’insomnie, de tête vide et vaine.

    Affalé d’avoir eu ce que j’ai désiré,
    saturé du désir de désirer encor
    et savoir qu’à N.Y. la page est toujours prête
    à se laisser écrire et très vite effacer.

    Six heures de perdues, six heures de gagnées
    à rester dans ce ciné Huitième Avenue,
    six heures répandues dans une vie perdue
    ou gagnée à poursuivre une image impossible,

    l’éternité à la lueur d’un vieil écran,
    le rêve de fuir à jamais la vie réelle :
    l’amour règne au milieu de toute vie mortelle
    et lui fait croire qu’elle aura toujours l’amour.

    Platon tu t’es trompé, tu fais mentir Socrate,
    oui le rêve de l’homme est dans la grotte étroite
    mais sur l’écran le vrai bonheur est présenté
    à des esclaves dont les bras sont déchaînés.

    On me glisse un billet de banque sur le ventre,
    que dois-je faire ? On veut me payer pour aimer,
    le billet doucement me glisse sur les glandes :
    Je croyais à l’amour ? Je suis prostitué.



    William Cliff, Amour perdu, Le Dilettante, 2015, pp. 21-22.






    William Cliff, Amour perdu



    WILLIAM  CLIFF


    Cliff_William






    ■ William Cliff
    sur Terres de femmes


    Cape Cod, 7 (extrait d’America)
    Lahore, 7 (extrait d’En Orient)
    [Réquiem pour l’enfance] (extrait de Matières fermées)
    Au printemps (extrait du Temps)
    30 mai 2003 | William Cliff, Le Pain Quotidien
    10 novembre 2003 | William Cliff, Le Pain Quotidien




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la SGDL)
    une bio-bibliographie de William Cliff





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Lorenzo Calogero | Già pallide chiome




    Ritratto-di-stival-a-lorenzo-calogero
    Giuseppe Stival, Portrait de Lorenzo Calogero, vers 1960
    Source







    GIÀ PALLIDE CHIOME



    Già pallide chiome
    su ripidi abissi muovono
    le isole dei vulcani
    e il fresco capelvenere
    nasconde le alme contrade.

    Conosco il riposo dei riflessi rettilinei
    e un fuoco nel grembo si accende
    come una nuvola nell’immenso.

    Tu soffri gli arsi richiami
    che ti manda dallo spazio
    un effluvio verde e tracci
    gli aspri rami della vita nel silenzio
    in un gomitolo che si sperde.



    Lorenzo Calogero, Ma Questo… (1950-1954), ed. Maia, 1955, in Opere poetiche 2, Lerici editori, 1966, pagina 14.





    Calogero Lerici 2






    ALREADY PALE TRESSES



    Already pale tresses
    on steep abysses are moving
    the volcanic islands
    and the fresh maidenhair fern
    is hiding the life-giving lands.

    I’m enjoying the respite of rectilinear reflections
    and a fire in the womb flares up
    like a cloud in the immensity.

    You are suffering from the burn-up beckoning
    that a green fragrance is sending you from space
    and you trace
    the bitter branches of the silent life
    in a ball of wool going astray.



    Lorenzo Calogero, Ma Questo…, 1955, in An Orchid Shining in the Hand, Selected poems 1932-1960, bilingual edition, Chelsea Editions, New York, 2015, p. 134. Translated from the Italian by John Taylor.






    Calogero






    DÉJA DE PÂLES CHEVELURES



    Déjà de pâles chevelures
    sur des abysses abrupts déplacent
    les îles des volcans
    et le frais capillaire de Vénus
    recouvre les contrées fertiles.

    Je connais le repos des reflets rectilignes
    et au giron s’allume un feu
    comme un nuage dans l’immensité.

    Tu souffres des appels ardents
    que t’envoie de l’espace
    une verte fragrance et tu traces
    les âpres ramifications de la vie-silence
    dans une pelote qui se perd.


    Traduction (en français) d’Angèle Paoli







    LORENZO CALOGERO


    Lorenzo-Calogero3
    Source



    « Médecin de campagne, poète, suicidé. Sèches formules qui suffiraient à donner un profil minimal de Lorenzo Calogero (1910-1961), de celui qui disait avoir « vécu sa profession comme en écrivant des vers ». La vie, le texte, en un seul élan. Presque un demi-siècle après Campana, il publie lui aussi à ses frais une unique plaquette, Ma questo… (1955), qu’il tente en vain de faire connaître et diffuser. Quelques autres tentatives suivront, dont l’échec le convaincra de renoncer pour un temps à la poésie. Malgré le soutien de Sinisgalli, qui ira en son nom retirer le prix Villa San Giovanni – seule reconnaissance littéraire reçue de son vivant, pour Come in dittici ; et quelques signes d’amitié (Betocchi ou Giuseppe Tedeschi), Calogero connut la solitude absolue, à la fois individuelle et socio-historique, de nombre d’intellectuels du grand sud de l’Italie, avant le « miracle » des années 1960. Et parfois après. Interné à plusieurs reprises dans la maison de repos de Villa Nuccia – où il devait écrire ses plus intenses poèmes (les Cahiers de Villa Nuccia donnèrent leur titre au recueil édité par R. Lerici, lequel avait programmé trois volumes d’Œuvres poétiques dont seuls deux virent le jour) –, démis d’une charge médicale officielle, cherchant un refuge provisoire auprès de sa mère (décédée en 1956), à l’étroit dans le bourg de Melicuccà, en Calabre, ainsi que Leopardi avait pu l’être à Recanati, mais incapable de s’en affranchir, Lorenzo Calogero n’assista pas à l’espèce de « cas littéraire » que la sortie du premier tome des Œuvres, en 1962, allait déchaîner. On ne manqua pas de le définir un « Rimbaud italien », oubliant au passage qu’il laissait une masse considérable d’inédits, toujours en attente d’éditeur. Le poète s’était donné la mort dans sa maison familiale de Melicuccà, où son corps sans vie fut retrouvé le 25 mars 1961. Près de sa dépouille, ce billet : « Je vous prie de ne pas m’enterrer vivant ». Il parlait, croyons-nous, surtout de son œuvre poétique. […] »

    Jean-Charles Vegliante [Source]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    Lorenzo Calogero & John Taylor
    → (sur le site de Chelsea Editions)
    une page sur Lorenzo Calogero, An Orchid Shining in the Hand, Selected poems 1932-1960, translated from the Italian by John Taylor
    le site lorenzocalogero.it
    → (sur le site CIRCE)
    une anthologie PDF des poèmes de Lorenzo Calogero, réalisée par Jean-Charles Vegliante et CIRCE (Sorbonne Nouvelle-Paris III) [© Librairie Italienne Tour de Babel, Paris, 2014]
    → (sur le site lorenzocalogero.it)
    de nombreux poèmes (51 fragments) de Lorenzo Calogero, traduits en français par CIRCE et Jean-Charles Vegliante
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    trois poèmes de Lorenzo Calogero en double traduction (en anglais par John Taylor, et en français par Valérie Brantôme)





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • José-Flore Tappy | [Même par poignées les allumettes]



    [MÊME PAR POIGNÉES LES ALLUMETTES]



    Même par poignées les allumettes
    n’éclairent plus, à peine si
    elles tiennent debout,
    dressant autour de toi
    un vague abri,
    hutte de bois tendre et
    calciné pour nous dire,
    nous rappeler de ne pas
    s’approcher

    car la distance est aujourd’hui
    le seul lien sûr, le seul tracé
    qui s’ouvre et qui précède
    mes pas




    Loin des nuits explosives
    et sous les pierres,
    loin, très loin de leur empilement,
    sous les pieds nus et sous les bruits,
    à l’écart de toute lumière,
    dans un lieu qu’aucune étoile
    ne peut rejoindre ni troubler,
    tu dors, recouvert de plumes,
    de pellicules d’ombre, de couches
    et de couches d’ombre, édredon
    de pétales noirs




    laisse-le partir








    [EVEN HANDFULS OF MATCHES]



    Even handfuls of matches
    no longer shed light, can hardly
    even stand, raising
    round you
    a makeshift shelter,
    a hut made of tender wood and
    burnt to a crisp to tell us,
    remind us,
    not to approach

    for today distance is the only
    sure bond, the only trail
    opening up ahead
    of my footsteps




    Far from the explosive nights
    and below the stones,
    far, very far from where they are stacked,
    below the naked feet and below the noises,
    off to the side, far from any light,
    in a place no star
    can reach or disturb,
    you are sleeping, covered with feathers,
    thin skins of shadow, layers
    and layers of shadow, a black-petal
    eiderdown




    let him go




    José-Flore Tappy, Tombeau [éditions Empreintes, Lausanne, 2013] in Sheds/Hangars: Collected Poems, 1983-2013, The Bitter Oleander Press, Fayetteville, New York, 2014, pp. 208-209. Translated from the French by John Taylor.






    Sheds





    JOSÉ-FLORE TAPPY


    Tappyp-a-grisoni
    Ph. © P-A Grisoni
    Source





    ■ José-Flore Tappy
    sur Terres de femmes

    [elle transpire l’humide la verte terre] (poème extrait de Lunaires)
    [Qui se penche] (poème extrait de Hangars)
    [Tandis qu’un nom dans ma tête chantonne] (poème extrait de L’île in Terre battue)
    Tombeau (lecture de Bernadette Engel-Roux)
    Les pylônes (poème extrait de Trás-os-montes)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur culturactif.ch)
    une fiche bio-bibliographique sur José-Flore Tappy (+ de nombreux poèmes)
    → (sur asymptote)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) de John Taylor sur José-Flore Tappy (+ plusieurs poèmes)
    → (sur Le Courrier)
    un article de Marc Gueniat sur José-Flore Tappy (au lendemain de la remise du Prix Schiller)
    → (sur lecourrier.ch)
    une page sur sur José-Flore Tappy [PDF]





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • José-Flore Tappy | [Qui se penche]



    Désert de vent
    Ph., G.AdC







    [QUI SE PENCHE]



    Qui se penche
    sur le ciel
    ne verra que houle
    et désert de vent

    mais là-haut
    tout vertige s’oublie

    de vague en vague
    le vide nous porte
    sur son dos

    jusqu’aux premières
    lueurs

    quand les distances
    se calment
    près d’un lit de rivière








    Wind deserts
    Ph., G.AdC







    [WHOEVER BENDS OVER]



    Whoever bends over
    the sky
    sees only heavy swells
    and wind deserts

    but up there
    all dizziness is forgotten

    from wave to wave
    emptiness carries us
    on its back

    to the first
    gleams

    when the distances
    calm down
    near a riverbed



    José-Flore Tappy, “Gravier” I, in Sheds/Hangars, Collected Poems, 1983-2013, The Bitter Oleander Press, Fayetteville, New York, 2014, pp. 178-179-180-181. Translated from the French by John Taylor.







    Sheds





    JOSÉ-FLORE TAPPY


    Tappy
    Ph. © Yvonne Böhler
    Source





    ■ José-Flore Tappy
    sur Terres de femmes

    [elle transpire l’humide la verte terre] (poème extrait de Lunaires)
    [Même par poignées les allumettes] (poème extrait de Tombeau)
    [Tandis qu’un nom dans ma tête chantonne] (poème extrait de L’île in Terre battue)
    Tombeau (lecture de Bernadette Engel-Roux)
    Les pylônes (poème extrait de Trás-os-montes)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur culturactif.ch)
    une fiche bio-bibliographique sur José-Flore Tappy (+ de nombreux poèmes)
    → (sur asymptote)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) de John Taylor sur José-Flore Tappy (+ plusieurs poèmes)
    le site des éditions The Bitter Oleander Press






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Lawrence Ferlinghetti | [I am signaling you through the flames]




    Lawrence Ferlinghetti A
    Triptyque photographique, G.AdC







    [I AM SIGNALING YOU THROUGH THE FLAMES]



    I am signaling you through the flames.


    The North Pole is not where it used to be.


    Manifest Destiny is no longer manifest.


    Civilization self-destructs.


    Nemesis is knocking at the door.


    What are poets for, in such an age?
    What is the use of poetry?


    The printing press made poetry so silent it lost its song. Make it sing again.


    If you would be a poet, create works capable of answering the challenge of apocalyptic times, even if this means sounding apocalyptic.


    You are Whitman, you are Poe, you are Mark Twain, you are Emily Dickinson and Edna St. Vincent Millay, you are Neruda and Mayakovsky and Pasolini, you are an American or a non-American, you can conquer the conquerors with words.


    If you would be a poet, write living newspapers. Be a reporter from outer space, filing dispatches to some supreme managing editor who believes in full disclosure and has a low tolerance for bullshit.


    If you would be a poet, experiment with all manner of poetics, erotic broken grammars, ecstatic religions, heathen outpourings speaking in tongues, bombast public speech, automatic scribblings, surrealist sensings, streams of consciousness, found sounds, rants and raves—to create your own underlying voice, your ur voice.


    If you call yourself a poet, don’t just sit there. Poetry is not a sedentary occupation, not a “take your seat” practice. Stand up and let them have it.


    Have wide-angle vision, each look a world glance. Express the vast clarity of the outside world, the sun that sees us all, the moon that stews its shadows on us, quiet garden ponds, willows where the hidden thrush sings, dusk falling along the riverrun, and the great spaces that open out upon the sea… high tide and the heron’s call… And the people, the people, yes, all around the earth, speaking Babel tongues. Give voice to them all.


    You must decide if bird cries are cries of ecstasy or cries of despair, by which you will know if you are a tragic or a lyric poet.


    If you would be a poet, discover a new way for mortals to inhabit the earth.


    If you would be a poet, invent a new language anyone can understand.


    If you would be a poet, speak new truths the world can’t deny.


    If you would be a great poet, strive to transcribe the consciousness of the race.


    Through art, create order out of the chaos of living.


    Make it new news.


    Write beyond time.


    Reinvent the idea of truth.


    Reinvent the idea of beauty.


    In the first light, wax poetic. In the night, wax tragic.


    Listen to the lisp of leaves and the ripple of rain.


    Put your ear to the ground and hear the turning of the earth, the surge of the sea, and the laments of dying animals.


    Conceive of love beyond sex.


    Question everything and everyone, including Socrates, who questioned everything.


    Question “God” and his buddies on earth.


    Be subversive, constantly questioning reality and status quo.


    Strive to change the world in such a way that there’s no further need to be a dissident.




    Lawrence Ferlinghetti, Poetry as Insurgent Arts, A New Directions Book, New York, 2007, pp. 3-8.








    Ferlinghetti, Poetry as Insurgent Art









    Lawrence Ferlinghetti B
    Triptyque photographique, G.AdC







    [JE TE FAIS SIGNE À TRAVERS LES FLAMMES]



    Je te fais signe à travers les flammes.


    Le Pôle Nord a changé de place.


    La Destinée manifeste n’est plus manifeste.


    La civilisation s’auto-détruit.


    Némésis frappe à la porte.


    À quoi bon des poètes dans une pareille époque ?
    À quoi sert la poésie ?


    L’imprimerie a rendu la poésie silencieuse, elle y a perdu son chant. Fais-la chanter de nouveau !


    Si tu te veux poète, crée des œuvres capables de relever les défis d’une apocalypse, et s’il le faut, prends des accents apocalyptiques.


    Tu es Whitman, tu es Poe, tu es Mark Twain, tu es Emily Dickinson et Edna St Vincent Millais, tu es Neruda et Maïakovski et Pasolini, Américain(e) ou non, tu peux conquérir les conquérants avec des mots.


    Si tu veux être poète, écris des journaux vivants. Sois reporter dans l’espace, envoie tes dépêches au suprême rédacteur en chef qui veut la vérité, rien que la vérité, et pas de blabla.


    Si tu veux être un grand poète , expérimente toutes sortes de poétiques, grammaires érotiques barbares, religions extatiques, épanchements païens glossolaliques, et l’emphase des discours publics, les gribouillis automatiques, les perceptions surréalistes, les flots de conscience, sons trouvés, cris et récriminations — et crée ta voix limbique, ta voix sous-jacente, ta voix, la tienne.


    Si tu te dis poète, ne reste pas bêtement sur ta chaise. La poésie n’est ni une activité sédentaire, ni un fauteuil à prendre. Lève-toi et montre-leur ce que tu sais faire.


    Cultive une vision ample, que chacun de tes regards embrasse le monde. Exprime la vaste clarté du monde extérieur, le soleil qui nous voit tous, la lune qui nous jonche de ses ombres, les étangs calmes dans les jardins, les saules où chantent des grives cachées, le crépuscule tombant au fil de l’eau et les grands espaces qui s’ouvrent sur la mer… marée haute et le cri du héron… Et les gens, les gens, oui, tout autour du monde, qui parlent les langues de Babel. Donne-leur une voix à tous.


    Tu devras décider si les cris des oiseaux sont d’extase ou de désespoir. Alors tu sauras si tu es poète tragique ou poète lyrique.


    Si tu te veux poète, découvre une nouvelle manière pour les mortels d’habiter sur Terre.


    Si tu te veux poète, invente un nouveau langage que chacun puisse comprendre.


    Si tu te veux poète, prononce des vérités nouvelles que le monde ne pourra pas nier.


    Si tu veux être un grand poète, efforce-toi de transcrire la conscience de la race.


    Par l’art, crée l’ordre à partir du chaos vital.


    Rends les nouvelles neuves.


    Écris au-delà du temps.


    Réinvente l’idée de la vérité.


    Réinvente l’idée de la beauté.


    Aux premières lueurs, ose l’emphase poétique. La nuit, l’emphase tragique.


    Écoute le chuintement des feuilles et le clapotis de la pluie.


    Pose l’oreille sur le sol et entends la Terre tourner, la mer déferler, les animaux mourants se lamenter.


    Conçois l’amour par-delà le sexe.


    Mets tout et tout le monde en question, même Socrate, qui questionnait tout.


    Questionne « Dieu » et ses acolytes sur Terre.


    Sois subversive, remets sans cesse en cause réalité et statu quo.


    Efforce-toi de changer de monde, et qu’il n’y ait plus besoin d’être un dissident.




    Lawrence Ferlinghetti, Poésie, Art de l’Insurrection, maelstrÖm reEvolution, Bruxelles, 2012, pp. 13-14-15-16-17-18. Traduit de l’anglais (USA) par Marianne Costa.








    Ferlinghetti-art-de-l-insurrection




    LAWRENCE FERLINGHETTI (1919-2021)


    Ferlinghetti portrait
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une fiche bio-bibliographique sur Lawrence Ferlinghetti
    le site City Lights Booksellers & Publishers
    → (sur lemonde.fr) Lawrence Ferlinghetti, poète et éditeur de la Beat generation, est mort






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