Étiquette : Nohad Salameh


  • Nohad Salameh, Marcheuses au bord du gouffre

    par Angèle Paoli

    Nohad Salameh, Marcheuses au bord du gouffre,
    Onze figures tragiques des lettres féminines,

    éditions de La Lettre volée, collection Essais, 2017.



    Lecture d’ Angèle Paoli



    Unemaleediction  un cri de douleur
    « L’écrivain est atteint de toutes les formes
    du déséquilibre : une malédiction, un cri de douleur
    s’élèvent de ses livres. » (Virginia Woolf)
    Image, G.AdC








    FEMMES SOUS LE SIGNE DE L’APOCALYPSE




    Onze. Elles sont onze femmes à se partager les pages d’un même essai. Onze funambules dont la vie n’a cessé de frôler la mort. Onze figures tragiques des lettres féminines, comme le précise le sous-titre de l’œuvre. Marcheuses au bord du gouffre. Poètes artistes traductrices égéries ayant subi les horreurs de leur temps et l’ayant marqué, chacune avec son talent propre, par leur révolte et leurs écrits, elles ont retenu l’attention et ont aiguisé le talent de Nohad Salameh. Elles auraient pu être plus nombreuses à partager le même espace littéraire. Nohad Salameh, poète et essayiste, s’en explique dans « Le féminin singulier », l’avant-propos qui ouvre son livre :

    « Première approche, non exhaustive, de ce cortège de Sibylles enfin échappées des sombres grottes/ghettos où elles furent si longtemps reléguées, Marcheuses au bord du gouffre montre avant tout ce qu’il en coûte de vivre et de penser hors des sentiers battus. Chacune au long des millénaires dut payer la note rubis sur l’ongle — pas de rabais ni de non-lieu. »

    En amont de toutes ces femmes qui retiennent ici notre lecture et en préambule de cet avant-propos, Virginia Woolf, dont Nohad Salameh retranscrit cette phrase extraite d’Une chambre à soi :

    « L’écrivain est atteint de toutes les formes du déséquilibre : une malédiction, un cri de douleur s’élèvent de ses livres. »

    Ainsi le lecteur est-il d’emblée averti de la matière qui compose l’essai de Nohad Salameh (à qui l’on doit aussi Le Livre de Lilith).

    Incarnations de toutes « les formes du déséquilibre », ces « calcinées » de l’Histoire contemporaine ont abordé dans la création une part de cet Idéal qu’elles ont cherché à atteindre, et qui, sans cesse, s’est dérobé à leur emprise. Les onze insoumises ont pour nom Emily Dickinson, Else-Lasker-Schüler, Renée Vivien, Nelly Sachs, Marina Tsvetaïeva, Edith Södergran, Milena Jesenskà, Annemarie Schwarzenbach, Unica Zürn, Ingeborg Bachmann, Sylvia Plath.

    Le nom de chacune d’elles est abouté d’une expansion qui les qualifie : « l’emmurée » / « l’épouse tragique de la nuit » / « l’ange androgyne » / « la poupée écartelée ». Ou encore : « la cantilène de la mal-aimée » / « berceuse des morts » / « comme un oiseau pris dans les phares » / « celle qui voulut être Dieu ».

    Porteur de tous les antagonismes, le couple amour | mort occupe dans ces syntagmes une place privilégiée : « l’agonie amoureuse avec Kafka » / « au coin le plus doux de la mort » / « l’amour, la démesure ».

    Ainsi réunies sous la plume sans concession de Nohad Salameh, ces « rôdeuses à la lisière d’un royaume sans lumière » forment un long cortège de femmes malmenées par le destin qui a été le leur, qu’elles l’aient subi ou qu’elles l’aient en partie forgé elles-mêmes. Abus de drogues dures et d’alcool, maladies incurables, tortures, violences et viols, enfermement, folie, tentatives de suicide, et suicide…, tel fut leur sort. Mais elles ont d’abord eu en commun l’exil. Exil volontaire pour Emily Dickinson, morte-vivante, emmurée vive dans ses amours fantasmées, dans son silence et dans sa solitude, exils volontaires à travers drogues, fuites et voyages insatiables pour Renée Vivien et Annemarie Schwarzenbach, exil au sein de sa judaïté pour Else Lasker Schüler, la « « clocharde céleste » du Berlin des années 1900 » ; exil géographique — loin de l’Allemagne — qui sera pour Nelly Sachs le ferment de sa poésie. Une poésie dont l’écriture, « à la fois flamboyante et ascétique », sera « consacrée à la célébration des victimes du désastre ». Exil aux abords de « la délinquance » pour Milena Jesenskà. « Actes excentriques, vie désordonnée, errances nocturnes dans les parcs où se cueillent les fleurs du mal. » Exils pluriels pour Marina Tsvetaïeva qui écrit : « Toute maison m’est étrangère/Pour moi tous les temples sont vides. » Exil intérieur le plus souvent. Exil dans la démence, l’encre noire et l’écriture anagrammatique pour la poupée désarticulée et percée de clous, Unica Zürn, prisonnière de cercles labyrinthiques, « [m]oi menacé » par les exubérances et fantasmes désordonnés de son amant Hans Bellmer. Exil encore, celui de Sylvia Plath, tout de détresse et d’angoisse, qui nourrit les poèmes d’Ariel avant de conduire la poétesse vers le suicide. Exil marqué, pour Edith Södergran, par la perte, le deuil, la souffrance extrême liée à la maladie ; exil douloureux d’Ingeborg Bachmann l’Autrichienne, torturée par le traumatisme que son père, « nationaliste forcené », a durablement ouvert en elle. Un exil intérieur qui la conduira sur la route de Paul Celan, autre grand exilé avec lequel, d’une solitude l’autre, elle tissera un amour rempli de folie et de fureur, aimantation et rejet, jusqu’à la séparation finale et au suicide du grand poète roumain.

    Autant d’exils qui présentent cependant, par-delà la noirceur dominante qui les caractérise, une force régénératrice. Laquelle a permis à chacune de ces femmes de rencontrer les plus grands poètes, personnalités, écrivains, créateurs de leur génération. De se frotter à eux, à leur sensibilité, à leurs idées et combats, à leur écriture. Chacun connaît et défend les écrits de l’autre. Ainsi s’établissent des liens puissants, même si douloureux et voués à l’échec dans la plupart des cas. Mais, à travers les relations qu’entretient Nohad Salameh avec ces femmes de lettres, ce sont des pans entiers de l’Histoire contemporaine qui reviennent sur les devants de la scène et que la poétesse nous invite à revisiter.

    Amoureuses passionnées, ces femmes de lettres révoltées volent insatisfaites d’une liaison à l’autre, espérant continûment découvrir dans les hauteurs de l’Idéal une réponse à leur quête. Leurs poèmes, leur correspondance, leurs dessins rendent compte de cette recherche inassouvie de ce qui pourrait être l’amour. Les amours se forgent dans les correspondances, creuset inépuisable. C’est aussi là que ces amours se défont. Les revirements et les échecs, les ruptures, loin d’éradiquer les tensions, projettent certaines d’entre elles sur la voie du mysticisme. Ainsi de la créatrice de Styx, Else Lasker Schüler, que les déceptions amoureuses et les morts tragiques de certains de ses proches et amis (la mort, notamment, de Peter Hille, « fondateur d’un cénacle littéraire, homme de théâtre, poète, romancier »…) conduisent à amorcer « une ascension intérieure vers les cimes mystiques ». Grande provocatrice, grande séductrice, excessive et excentrique, Else Lasker Schüler « fascine par son regard qui perce les apparences et dégage en toutes choses l’invisible. » Surnommée par Peter Hille le « cygne noir d’Israël », la poétesse, toujours à la recherche de nouveaux langages, confie sa détresse et ses utopies dans les Ballades hébraïques (1913). Grande lectrice d’Else Lasker Schüler, Edith Södengran, fascinée par l’écriture de la juive allemande, aspire à s’élever au plus haut degré de la création poétique. « Une poésie métaphysique, rythmée par la mort mûrit en elle. » Sa poésie exaltée et prophétique, fécondée d’images hardies, déroute la critique et les éditeurs. Mais, avec l’édition posthume du recueil Le Pays qui n’existe pas (1925), Edith Södergran accède enfin « au rang de poétesse nationale » dont « l’œuvre dialogue avec d’autres voix », celles notamment « du poète français d’origine lituanienne Milosz, ou du Slovène Srecko Kosovel »… Pour Renée Vivien, égérie de « l’amazone » Natalie Clifford Barney, les tourments sapphiques et mystiques inaugurés dès l’adolescence aux côtés de Violet Shillito, s’accompagnent d’un curieux mêlement d’ascétisme, de jeûnes, de contrition, de somnifères et d’alcools. Un cocktail maléfique qui, à 32 ans, la conduit vers la mort à laquelle elle aspire. La poétesse au cœur innombrable laisse derrière elle de nombreux admirateurs et de ferventes admiratrices. Ainsi que des « recueils de Poèmes financés par la baronne Hélène de Zuylen », rassemblés dans les Œuvres complètes publiées en ce début du XXIe siècle.

    Dans ce parcours au féminin qu’elle conduit avec brio, Nohad Salameh élève celles pour qui elle nourrit la plus haute estime, au-dessus de leur sort de « calcinées ». Cheminant au côté de chacune de ces femmes profondément meurtries par les maux et catastrophes du siècle — misère torture effondrement moral souffrances de tous ordres —, elle hisse celles qu’elle aime et admire au-dessus de tous les gouffres, de tous les goulags, mettant en lumière leurs voix prophétiques, les accents de leurs combats. Elle les porte par sa propre incandescence, généreuse et lumineuse, à travers les pages d’un essai nourri par une connaissance intime et approfondie des œuvres de chacune. Mais, au-delà, elle les présente telles qu’elles furent. Déchirées, dépravées, maudites, écartelées, malmenées. Voire méprisées, salies. De bout en bout, Nohad Salameh tient le lecteur en haleine sans que jamais fléchisse l’acuité de la lecture. Précise, concrète, ne craignant pas de nommer les choses par leur nom, Nohad Salameh ne cède jamais à la facilité ni aux tentations du larmoiement. Son écriture est puissante, sa ténacité à nommer et à creuser, d’une constance exemplaire. Par sa force de conviction et par son engagement, elle ranime les flammes auxquelles ces insoumises, révoltées au caractère farouche, anges foudroyés, se sont brûlées. Jusqu’à la mort. Une mort choisie et anticipée pour nombre d’entre elles.

    Maudites sont les femmes qui tentent de se hisser au-dessus de leur condition. Maudites sont-elles de désirer s’échapper des griffes de leurs maîtres ou de vouloir défier les tyrans de leur époque. Maudites aussi sont-elles de rivaliser dans la création avec les hommes qu’elles aiment ; dont elles attendent une reconnaissance. Assoiffées sont-elles d’un Idéal qui ne cesse de se dérober au fur et à mesure qu’elles avancent, insoumises-insatisfaites, sur la voie de la création. Nohad Salameh passe outre. Pour mettre au jour leur talent. Par sa propre voix, claire précise audacieuse, et émouvante, elle les rend à la pleine lumière. Lumière cruelle dure incisive que toutes ont côtoyée en se brûlant les ailes.

    Arthur Rimbaud avait prédit que le temps viendrait où la femme acquerrait sa plénitude « créatrice dans le verbe ». Nohad Salameh rappelle à notre mémoire cette prophétie qui dirige le projecteur sur les « traits de la Voyante » :

    « Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme — jusqu’ici abominable — lui ayant donné son renvoi, elle sera poétesse, elle aussi ! La femme trouvera l’inconnu ! Ses mondes d’idées diffèreront-ils des nôtres ? — Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses. » (Rimbaud in « Le féminin singulier »).

    Une prophétie qui se vérifie sous la plume ailée de Nohad Salameh, qui offre ici un livre magnifique. Un hommage vibrant à toute une constellation de femmes hors du commun transfigurées dans leurs combats par la puissance de l’écriture et de l’art. Une lignée que Nohad Salameh fait sienne par la vibration empathique de sa parole. Aussi intense que singulière. De haute tenue.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Marcheuses au bord du gouffre



    ________________________________________
    NOTE : ouvrage disponible en librairie le 17 janvier 2018.






    NOHAD SALAMEH


    Nohad Salameh





    ■ Nohad Salameh
    sur Terres de femmes

    L’écoute intérieure
    L’envol immobile
    L’intervalle (+ notice bio-bibliographique)
    Les nudités premières
    Plus neuve que la mort (poème extrait du Livre de Lilith)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Nohad Salameh
    → (sur exhibitionsinternational.org)
    « Le féminin singulier », avant-propos de Marcheuses au bord du gouffre de Nohad Salameh [PDF]






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  • Nohad Salameh | Plus neuve que la mort




    PLUS NEUVE QUE LA MORT



    Tu résides dans le noyau dur du temps
    puisant des étincelles
    dans l’entrechoquement des cailloux lunaires.

    Tu élis domicile au centre du miroir
    et ton espace se resserre
    projetant un sable d’ombre
    dans les interstices de ta peau.

    Femme épouvantée
    proche de toute rupture
    menacée à la fois par la cendre et la flamme
    méfie-toi des passagers sans paroles
    qu’attisent tes angoisses
    toi qui demeures à jamais
    plus neuve que la mort.



    Nohad Salameh, Le Livre de Lilith, L’Atelier du Grand Tétras, 2016, page 49. Avec deux lavis de Colette Deblé.





    NOHAD SALAMEH


    Nohad Salameh




    ■ Nohad Salameh
    sur Terres de femmes

    L’écoute intérieure
    L’envol immobile
    L’intervalle (+ notice bio-bibliographique)
    Marcheuses au bord du gouffre (lecture d’AP)
    Les nudités premières



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Nohad Salameh








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  • Nohad Salameh | L’envol immobile



    L’ENVOL IMMOBILE




    Elle naquit — chant oppressé par le silence.
    Elle mourra : plus fugace qu’une phrase.
    Son nom la concentre
    la condense/l’écrase
    au creux d’une paume :
    mouette, clairière des vocalises.

    Elle surgit — stupeur crayonnant le crépuscule
    sur la paresse des eaux.
    Érotique
    elle troue la pulpe du flot secoué de spasmes
    avant de procurer l’inceste du mouvement
    aux ondes orphelines.

    Inlassable promeneuse aux crêtes du délire
    flagellée par sa course
    déchue des hauteurs
    quel présage assombrit son œil maritime
    de familière des fins du monde ?
    elle réintègre la substance de l’enfance
    terrassée par l’indocilité des ailes
    qui revendiquent l’air
    tissant d’autres exploits.

    Vaillance de mourir à l’issue d’un envol immobile
    repue d’archipels et de criques !
    Elle descend le versant des sommets
    et choisit sous la ronce un lieu de sépulture
    face à l’Orient.







    STILL FLIGHT




    She was born—song choked by silence.
    She will die—more fleeting than a phrase.
    Her name centers
    condenses/crushes her
    in a palm’s hollow:
    seagull, clearing of voice exercises.

    She surfaces—daze scribbling the twilight
    on the idleness of the waters.
    Erotic
    she pierces the flesh of the convulsing flow
    before delivering the incestuous movement
    to the orphaned waves.

    Tireless walker at delirium’s crest
    lashed by her journey
    fallen from the heights
    what omen darkened her maritime eye
    familiar to the ends of the world?

    Dancer left behind by the dance
    she returns to childhood’s substance
    struck down by the unruliness of wings
    that claim the air
    weaving other exploits.

    Valor of dying at the still flight’s egress
    filled with archipelagos and inlets!
    She descends the slopes of summits
    and chooses under the brambles a burial place
    facing the Orient.


    Translated by Youna Kwak




    Nohad Salameh in La Traductière, Revue Internationale de poésie et art visuel, n° 33, 2015, pp. 59-60.







    Traductiere33





    NOHAD SALAMEH


    Nohad Salameh 3




    ■ Nohad Salameh
    sur Terres de femmes

    L’écoute intérieure
    L’intervalle (+ notice bio-bibliographique)
    Marcheuses au bord du gouffre (lecture d’AP)
    Les nudités premières



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    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une notice bio-bibliographique sur Nohad Salameh
    → (sur le site de la revue La Traductière)
    le sommaire du n°33/2015






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  • Nohad Salameh | L’écoute intérieure


    Peuple sans signature ni généalogie dépourvu d’alphabet
    Source






    L’ÉCOUTE INTÉRIEURE



    Quelquefois
    des dieux dans la fleur de l’âge
    venus de la lumière de minuit
    par des chemins d’éclairs
    s’envolent en toi
    dans un silence de châtaigne.

    Peuple sans signature
    ni généalogie
    dépourvu d’alphabet
    ils ne sont plus personne :
    sinon des matelots de l’air
    ramant vers l’infini.

    Ils pénètrent dans la mesure du songe
    tel un été tardif.
    De leurs voix semblables au vol
    ils t’emplissent de signes
    de labyrinthes
    et de doute.




    Nohad Salameh, poème inédit in Voix de femmes, anthologie, poèmes et photographies du monde entier, Éditions Turquoise, 2012, page 159. Poèmes choisis pas Lionel Ray. Sous la direction de Erhan Turgut.





    NOHAD SALAMEH


    Nohad Salameh 3




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    Les nudités premières
    Plus neuve que la mort (poème extrait du Livre de Lilith)



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    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
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  • Nohad Salameh | Les nudités premières



    Cache-cache
    Diptyque photographique, G.AdC






    LES NUDITÉS PREMIÈRES



    Rendez-moi les clefs de verre
    Et la blancheur de vos mouchoirs
    ― Que j’avance à bord d’une barque de feuillages
    Vers la maison où se penche une plage
    Lavée de mes opacités !

    Versez la source sur les parures et les fards
    ― Que je remonte aux nudités premières.
    Ne jetez ni le dehors, ni le dedans :
    Je reviens me mêler à ma propre naissance
    Sans témoin qui m’attende
    Hormis le temps.

    Évitez de pêcher au fond de mes miroirs
    Les fossettes d’une fille qui mûrit en bordure de son âge :
    L’ange et le démon y jouent à cache-cache
    Comme un serpent qu’apprivoise une pomme.




    Nohad Salameh, L’Épiphanie du retour in La Revenante, Voix d’Encre, 2007, s.f. Encres de Nadia Saïkali.




    La Revenante





    NOHAD SALAMEH

    Nohad Salameh 3




        « Comme en d’autres temps Nerval ou Germain Nouveau, j’étais parti pour l’Orient dans l’espoir d’y retrouver mon Aurélia /Lou/ Nadja aimée, puis perdue dans quelque destinée antérieure à laquelle je n’avais plus accès. Et cette femme, Nohad Salameh, poète et poème, m’attendait en personne, fidèle au rendez-vous, aussitôt identifiée à la Dame protectrice de Byblos.
        Nul n’ignore le rôle joué par cette très ancienne cité quant à la formation de l’écriture ; n’a-t-elle pas donné son nom à la Bible et, par extension, au livre ? Au milieu de ce cimetière de lettres s’acharnant désespérément à renouer leurs jambages sous la terre afin de reconstituer mots, phrases, livres, je reconnus le sourire de l’ange dans l’entrebâillement de la porte d’ombre d’où filtrait une indescriptible clarté. Les trois volumes des Alphabets du Feu sont le fruit de ce choc initial inlassablement médité et traduit en poèmes.
        Des années plus tard, je retrouverai Nohad à Paris, grâce à un enchaînement de miracles (« Celui qui ne croit pas aux miracles n’est pas réaliste…), et nous accomplirons ensemble d’autres voyages initiatiques, notamment à Ninive, Babylone (« la porte de Dieu ») et Bagdad. Dans l’intervalle, la guerre civile avait éclaté au Liban, et Beyrouth, divisée en secteurs ennemis, percée de meurtrières, était devenue un lieu de mort « saignant à la une au fond de l’encre des journaux », comme je l’avais noté dans Le Livre des amants, recueil vécu, écrit et imprimé à la lueur des tirs, durant mes séjours aux côtés de Nohad. »

    Extrait d’un entretien de Daniel Leuwers avec Marc Alyn, in Dossier Marc Alyn rassemblé par André Ughetto, Revue de poésie et de littérature Phœnix, cahiers littéraires internationaux, janvier 2011 ― N°1, pp. 31-32.




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    Plus neuve que la mort (poème extrait du Livre de Lilith)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
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    → (sur le site de l’éditeur Voix d’Encre)
    la page consacrée au recueil La Revenante de Nohad Salameh




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