Étiquette : Noms prénom


  • Xavier Dandoy de Casabianca, Noms prénom

    par Bernadette Engel-Roux

    Xavier Dandoy de Casabianca, Noms prénom,
    éditions Materia scritta, 2020.



    Lecture de Bernadette Engel-Roux.


    XDdC



    Tout livre où s’énonce une prétention ou une intention autobiographique peut être susceptible d’une part, avouée ou non, de fiction, lisible sous la trame du texte ; de même que tout texte qui se donne comme fiction peut révéler, cachée ou non, une trame autobiographique, que l’auteur la revendique ou pas. Les formules célèbres de nos écrivains nous ont persuadés depuis longtemps que « Je est un autre » ou « Madame Bovary, c’est moi » ne nous dit rien de plus que ce que leurs quatre mots conjoignent. Il n’appartient pas au lecteur de démêler les fils d’un texte, il n’en a d’ailleurs pas la possibilité ou le pouvoir. Peut-être l’auteur n’en a-t-il pas davantage, tant il est vrai que le livre brûle ce qu’il invente comme ce qu’il confie et que celui qui l’écrit – auteur signifie conducteur et responsable, celui qui conduit le texte et celui qui peut en répondre – finit par se prendre ou se perdre dans son rêve écrit.

    Ce mêlement au démêlage impossible est plus troublant lorsqu’il s’agit d’un livre qui se donne comme un livre de poèmes, la poésie n’étant pas la forme dans laquelle s’inscrit le plus couramment le propos autobiographique. Et c’est bien comme recueil de poèmes qu’apparaît le livre que XDdC, Xavier Dandoy de Casabianca, vient de publier aux éditions Materia scritta, sises en Corse. Le titre, Noms prénom, inverse la formule connue des fiches où l’on décline son identité : Nom, prénoms, puisque nous sommes tous supposés n’avoir qu’un patronyme et un ou plusieurs prénoms. Il arrive qu’un livre publié inclut, hors du texte lui-même, une notice « bio » qui renseigne sur son auteur. Or, ici, le texte intitulé « Bio » appartient au corps même du recueil, et il n’en est pas la dernière page imprimée à titre d’information. Plus troublant encore lorsque le poème « Bio » prononce :

    « a coutume de signer XDdC

          a coutume de dire : j’ai cinq enfants – deux filles,

          deux garçons, une maison d’éditions.

    était dans le ventre de sa mère quand l’homme a

          marché sur la Lune.

    a marché, dans la lune, en pleurant sa mère

    n’a pas su se nommer pendant longtemps – il

          aurait été plus juste de s’appeler Dansoy que

          Dandoy

    revit en Corse

    est devenu moins mélancolique, plus matinal –

          n’espère plus un arc-en-ciel un soir de grêle

    après de longues disparitions, retrouve des mots

          qui s’écrivent ».

    Qui, en XDdC, trouve ici « plus juste de s’appeler Dansoy – dans soi – que Dandoy » ? Qui, en XDdC, « retrouve des mots qui s’écrivent » ? Qui prononce : « silence, Xavier » ? Et qui, deux pages plus haut, retrouve le souvenir confus d’une plage au très loin d’ici, nommée comme sur les cartes de géographie, réelle donc, bien réelle, où s’est inscrite quelle enfance ?

    Et ces adresses plus que troublantes à « l’ancêtre », évocations émouvantes vraiment :

    « Ancêtre, je ne t’imagine pas. Je te sais avoir pensé et avoir construit pour moi. […]

    Tu as forcément enfanté puisque je suis père. »

    Le recueil est souvent ponctué d’interrogations ou d’affirmations relatives à l’incertitude non de l’existence ou de la réalité mais de l’identité personnelle :

    « Il me faudra

    tout justement

    et exactement

    le reste de ma vie

    à venir

    pour mieux me connaître en fin. »

    Ou ceci, très bref :

    « Tu nais chaque jour

    en plusieurs de tes endroits ».

    Enfin, il est peu probable que les marques graphiques laissées ici ou là sur les pages n’aient qu’un rôle décoratif. Mais lorsqu’une barre oblique raye le poème ci-dessus (Il me faudra…) qui dit le cheminement vers ce qui pourrait être une connaissance de soi, on en vient à se demander si cette rayure annule comme impossible la connaissance envisagée.

    Et c’est sur cette infime particule personnelle « soi » que s’achèvent le dernier poème et le recueil entier, dont la lecture nous aura laissés inquiets.

    Dans la rubrique « Du même auteur » qui clôt tous les livres de qui a déjà publié, lirons-nous vraiment comme un titre seulement

    Le bruit court que je suis mort ?


    Bernadette Engel-Roux
    (janvier 2021)

    D.R. Texte Bernadette Engel-Roux
    pour Terres de femmes







    Xavier Dandoy de Casabianca  Noms prénoms




    XAVIER DANDOY DE CASABIANCA


    Xavier Dandoy de Casabianca denim
    Source




    ■ Xavier Dandoy de Casabianca
    sur Terres de femmes


    Juillet 2009 | Xavier Dandoy de Casabianca, Cahier noir




    ■ Voir aussi ▼


    le site des éditions Éoliennes (la maison d’édition de Xavier Dandoy de Casabianca)





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