Étiquette : Nostalgie blanche


  • Marie-Hélène Prouteau | Nostalgie blanche. Livre d’artiste avec Michel Remaud





    Prouteau Nostalgie blanche  1 P1070447 (1)









    NOSTALGIE BLANCHE








    Marais salants, Guérande juin 2016

    « Il faut ménager des blancs pour que le halo des brumes et le reflet des nuages
    y composent une atmosphère chargée de grandeur et de mystère ».


    François Cheng


    « L’illimité du blanc »
    « Que tout soit blanc afin que tout soit naissance ».


    Edmond Jabès







    Prouteau Nostalgie  2 P1070449 (1)







    Un ciel avec juste assez de bleu pour apprivoiser quelques nuages blancs
    des masses indécises et brouillées jouent leur lente dérive
    la lumière crue de mer ajoute de la transparence au gris tremblé de la saline
    parfois un brasier d’étincelles sur l’eau
    un héron cendré posé sur ce miroir
    idéogramme contemplatif
    qui rature le vide.
    La couleur de nacre de l’eau m’appelle
    je tiens dans le regard ces prodiges familiers
    happée par le travail de l’éphémère marin
    dans la présence-absence de la mer
    les yeux écarquillés je contemple les grands ateliers de la mer du vent du soleil
    le cheminement de l’eau
    qui se déploie vannes ouvertes dans le fin réseau de canaux


    patience des jours






    Ici le vent éparpille un friselis sur l’œillet couleur lilas
    là-bas à vif, craquelures ocres, peaux écaillées, grises gerçures
    tout est calme
    rien qu’un cri rauque
    un oiseau blanc
    dans cette marée de silence


    quelque chose ici se décante
    promesse venue du lointain des vagues.






    Sur le tas de sel, le râteau long et fin
    balancier qui ramène les draperies ondulantes
    le geste rituel
    épouse la connivence de la mer et du limon
    remuement depuis deux mille ans
    patience des jours
    Le sel est le grand maître du royaume blanc
    sa magie opère
    multitude de cristaux et particules de mes rêves
    je vois le monde dans cette couleur
    amenée jusqu’au degré d’incandescence


    pleine pâte d’une saveur
    à aiguiser ma soif.






    Entre moi et le nuage plus le moindre écart
    la joie bégaie au-dedans
    la saline exhale une lumière intérieure
    le marais salant s’évapore dans les nuages
    je rêve
    au milieu de cette solitude liquide


    demeurer dans la vision
    de ce poème chinois.



    Marie-Hélène Prouteau
    Livre d’artiste avec Michel Remaud







    Prouteau Nostalgie 3 P1070450



    Retour au répertoire du numéro de novembre 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes