Étiquette : oiseaux


  • Corinne Le Lepvrier | [Je me suis arrêtée, je tourne à vide]




    Le ciel transpercé de nuages
    « Où est-ce que ça vit ce qu’on écrit ? »

    Image, G.AdC








    [JE ME SUIS ARRÊTÉE, JE TOURNE À VIDE]





    Je me suis arrêtée, je tourne à vide.



    Ciel et oiseau qui traînent.



    C’est eux certaines fois qui m’empêchent de dormir.



    Où les phrases sont tout à la fois détachées et solidaires
    les unes des autres.



    Plus aucune visibilité, plus visible à moi-même.



    Les statistiques sont là : nous mourrons davantage
    lorsque le temps est mauvais.



    Avec ce vent de mer j’ai peine à t’entendre.



    On n’a pas pris la précaution que tu me montres où
    sont les autres morts.



    Où est-ce que ça vit ce qu’on écrit ?



    Je trouve pas : je cherche quelques mots qui diraient
    encore plus grand que ta vie : quoi papa ?



    Je pressentais ce lien indicible entre aimer et mourir ;
    je l’avais lu.



    C’est avec retenue que j’évoque les oiseaux : je ne
    voudrais pas me tromper.



    Nous n’écrirons jamais (plus loin) que la feuille, que la
    vie ; lits où nous aimons, où nous mourrons.



    La mémoire incertaine et volatile.



    Le ciel transpercé de nuages ; ce moment où ça parle
    (de toi) sans toi.




    Corinne Le Lepvrier, Pourquoi la vie est si belle ? (avec Néo et un peu d’oiseaux —pour aider—), Éditions LansKine, 2013, pp. 24-25.





    CORINNE LE LEPVRIER


    Corinne Le Lepvrier 2
    Source




    ■ Corinne Le Lepvrier
    sur Terres de femmes


    Compte de femmes (lecture d’AP)
    Sophie Eustache, Corinne Le Lepvrier | El blâd el medina le pays la ville (extrait des Allantes)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Corinne Le Lepvrier
    → (sur le site de la Mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Corinne Le Lepvrier





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  • « Oiseaux », Thαumα, Revue de philosophie et poésie

    Thαumα, Revue de philosophie et poésie, « Oiseaux », n° 6,
    La Compagnie des Argonautes, 2010.

    Lecture de Tristan Hordé


    6e livraison de Thauma.
    Ph., G.AdC





    QU’ILS SOIENT AIGLES OU MOINEAUX…



          À la fin de son introduction à L’Oiseau (1856), Michelet affirmait : « Tant qu’il y aura une France, son alouette et son rouge-gorge, son bouvreuil, son hirondelle seront insatiablement lus, relus, redits » (p. XLIII). Il faut se réjouir de cette nouvelle lecture dans la 6e livraison de Thauma. À quelques exceptions près, l’ensemble est constitué de poèmes, accompagnés de nombreuses encres d’Isabelle Raviolo ; responsable de la revue, elle a retenu voix vives et voix d’hier sans se limiter à la France, en mêlant les contributions, du Japon à la Croatie, du Paraguay à la Russie, le plus souvent en présentant aussi la version originale vis-à-vis de la traduction. Il ne faut pas chercher d’unité dans cette brassée de poèmes mais plutôt la diversité des symboles, parfois contradictoires, liés à l’oiseau.

         Qu’il soit aigle ou moineau, c’est l’image de l’envol, de la légèreté qu’évoque d’abord l’oiseau, en relation explicite ou non à l’homme attaché au sol : « Oiseau, si tu voles, je rampe », écrit Bertrand Goyet. La symbolique concerne n’importe quel oiseau qui « fond […] dans le bleu du ciel » (Jean-Pierre Chambon) :

         « Celui qui à son ombre a mélangé l’oiseau
         S’en est allé dans la lumière de l’esprit »

         (Salah Stétié)

         Le mouvement vers le haut est associé à l’accès possible au ciel. Le glissement de l’esprit au sacré est vite opéré et, par exemple, la colombe est aussi bien la représentation de l’esprit saint que de la pureté liée au divin ; on se souvient que, dans la Cantilène de sainte Eulalie (878), la jeune fille, après son martyre, devient une colombe (« […] sous la forme d’une colombe elle monta au ciel »). L’aspiration à quitter le sol fait souligner une proximité de l’oiseau et de la figure religieuse de l’ange : « J’aurais voulu m’envoler dans l’éther / Tenir autant que toi de l’ange » (B. Goyet). Intermédiaire entre les hommes et Dieu, les dieux, l’oiseau, et la colombe par excellence, est l’image de la paix : « Savais-tu bien que la paix / est cet oiseau d’air blanc sur ton épaule ?  » (Gabrielle Althen).
         La colombe n’est pas la seule à qui est accordé un rôle particulier. Si le coucou est généralement perçu comme le messager du printemps, dans plusieurs traditions, on pense que le nombre de ses cris donne celui des années qui nous restent à vivre — ce dont se souvenait Anna Akhmatova : « J’ai demandé au coucou / Combien d’années je dois vivre ». Quant au merle, il est pour beaucoup l’image même de l’harmonie dans la nature, comme le rappelle Pierre Dhainaut :

         Accord du soir et du matin
         dans l’espace des arbres,
         jamais on ne cherche à le voir
         le merle qui chante.


         Mais, à nouveau, on ne distingue plus entre les espèces quand on oppose leur insouciance (« Ô entre /les bienheureux, heureux ! », Umberto Saba) à la mélancolie humaine ; ils semblent, toujours dans le chant, sans attache, être à la fois le symbole de la liberté (« Nous courions, enfants des libertés d’oiseaux », Béatrice Douvre) et de l’épanouissement (« Ces oiseaux volent dans leur joie », Kathleen Raine). Cependant, le vol des migrateurs vers des lointains, l’impression que disparaissant de la vue ils ne reviendront plus, ont construit de l’oiseau une image négative. Messager du ciel, oui, mais aussi de la mort. Cette fonction est surtout assurée, en Occident, par tout oiseau noir — parfois symboliquement opposé à la couleur blanche (« Et tu as traversé la mort / comme en la neige l’oiseau / toujours noir scellant l’issue », Nelly Sachs) — , mais elle ne lui est pas réservée, et l’oiseau le plus commun peut être associé à la disparition : le passereau « tourne autour de la table des morts » écrit Béatrice Bonhomme, qui lie avec l’oiseau Éros et Thanatos : « Il passe oiseau éphémère comme la précarité de l’amour ».

         On n’en finit pas d’explorer une symbolique si complexe qu’elle n’a cessé d’inspirer écrivains, peintres et musiciens. La variété des chants, justement, a fasciné un Messiaen qui les a notés ; elle a également suscité des tentatives de les transcrire verbalement. On connaît les Litanies des oiseaux de Pichette [1] et, aujourd’hui, les jeux jubilatoires de Jacques Demarcq autour de ces chants [2] ; il est présent ici avec un poème à propos d’une espèce éteinte, le huia : « L’oiseau s’envole huhurlant ffoudouhouille ah ». Les essais de « traduction », si heureux soient-ils, laissent toujours échapper ce qui peut-être importe :

         inlassables les mélodies
         comment mettre sous syllabes
         en couleurs en notes en mots
         les sons échappent dérobent leur sens
         aux sentiments inépuisables
         pépites d’or

         (Angèle Paoli)

         Tout aussi indéchiffrables paraissent le mouvement des groupes d’oiseaux, « Criblant le grand ciel de l’été / D’une écriture on ne sait quelle » (Maximine). Qui a observé le rassemblement de migrateurs quelques jours avant le départ, a rêvé de lire les figures régulières indéfiniment répétées avec quelques variantes, comme s’il s’agissait d’inscrire un repère dans les airs. On peut imaginer ici que des « voyelles lumineuses s’élèvent comme des ballons » (Sylvia Plath), et là que « treize colombes écrivent / dans le ciel un mot » (Christine Lavant). C’est cette relation particulière entre le vol et l’écriture que donnent à voir les encres d’Isabelle Raviolo, et qu’analyse Aurélie Loiseleur : « On croirait de loin des lettres. D’abord on découvre ces arabesques étranges d’un alphabet qui n’existe pas, mais qui signifie par lui-même et d’encre en encre ».

         Les hommes ont prêté à la gent ailée mille caractères dans les contes dont on a aujourd’hui un impressionnant corpus [3]. Cette veine orale s’est tarie alors que la poésie n’a pas cessé d’explorer la symbolique de l’oiseau ; le lecteur en a un bel exemple dans cette livraison de Thauma, dont on a donné une vue incomplète du riche sommaire. Il faut souhaiter une large diffusion à cette excellente revue animée depuis son premier numéro par Isabelle Raviolo [4].


    Tristan Hordé
    D.R. Texte Tristan Hordé
    pour Terres de femmes




    1. Henri Pichette, Litanies des oiseaux, in Cahier Henri Pichette 2, « Les enfances », 1995.
    2. On lira, paru récemment, « Exquis disent », in Nervaliennes, José Corti, 2010.
    3. Fabienne Raphoz en a recueilli et annoté un grand nombre dans L’Aile bleue des contes : « l’oiseau », José Corti, 2009.
    4. Pour joindre Thαumα : Isabelle Raviolo, Revue Thαumα, 28, rue de Beaubourg, 75003 PARIS (ysacoromines[@]yahoo.fr).






    ■ Voir aussi ▼

    le site de la revue de poésie et de philosophie τhαumα, animée par Isabelle Raviolo
    → (sur Terres de femmes)
    Isabelle Raviolo, Les Bruits dans l’eau
    → (sur Terres de femmes)
    Isabelle Raviolo, Soleils noirs
    → (dans l’anthologie poétique de Terres de femmes)
    Isabelle Raviolo, Ô mère
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    le Portrait d’Isabelle Raviolo
    → (sur Terres de femmes)
    Judith Chavanne/Une goutte de vie


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  • Corse_3 Inlassables…

    Le clocher -gr-ne ses heures. vagues de chaleur le silence soudain . drosse le maquis
    Ph., G.AdC






    INLASSABLES…



    Le chant crépite dans sa gorgée
    friselis de froissement d’ailes
    ferveur fébrile sous les feuilles
    la vie fugitive doigts feutrés


    inlassables les mélodies
    comment mettre sous syllabes
    en couleurs en notes en mots
    les sons échappent dérobent leur sens
    aux sentiments inépuisables
    pépites d’or


    les oiseaux et la tour
    le cliquetis d’armes dans les meneaux
    quatre notes sous silence
    quatre notes sans portée
    la même intensité insoluble
    du désir bruissant d’herbes folles


    le clocher égrène ses heures
    chant de l’été frondaisons douces
    l’immobilité du soleil
    dans le chemin des branches
    le mâle est-ce lui qui lance ses trilles
    à la croisée
    nul ne répond
    si ce n’est un chien isolé dans son aire
    vagues de chaleur le silence soudain
    drosse le maquis


    l’oiseau solitaire se tait
    la tour oscille sous le ciel
    pavois mouvant âge figé
    dans les gemmes moussues
    un milan plane
    glanant des signes indicibles
    les hauts tourbillons de cercles nus
    un papillon danse blanc dans les cistes
    corolles dépliées tendres frissons


    les lansquenets de l’amiral
    ferraillent en toi
    Doria mystérieux épris
    d’éclairs de sang de feu
    tu dessines les chants d’ici


    les lamenti émaillés
    de graminées


    de pleurs
    de miel




    Angèle Paoli, in Thαumα, Revue de philosophie et poésie, n° 6, « Oiseaux », La Compagnie des Argonautes, 1er trimestre 2010, pp. 46-47.




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  • Judith Chavanne | Une goutte de vie



    UNE GOUTTE DE VIEL--treinte- la lumi-re- et le dessaisissement.



    Notre lieu désormais est,
    comme les oiseaux juchés, à l’équilibre ;
    eux sur la branche, nous sur l’arête
    d’un partage aléatoire et fragile.

    Pour un éclat des lampes, des lueurs dans la nuit,
    nous nous sommes ensemble exclamés ;
    l’étreinte fut de nos voix, elle eut
    la durée d’une inflexion.

    Rien des grands embrassements
    — quand nous nous serrions, ou l’enfant,
    désirant la durée —, un pur instant accentué.

    L’étreinte, la lumière, et le dessaisissement.


    Judith Chavanne, in Thαumα, Revue de philosophie et poésie, « Oiseaux », n° 6, La Compagnie des Argonautes, 1er trimestre 2010, page 27.





    JUDITH CHAVANNE


    ■ Judith Chavanne
    sur Terres de femmes


    L’enfant était à venir
    Un rire quelque part


    Voir aussi ▼
    → (sur Terres de femmes) « Oiseaux », Thαumα, Revue de philosophie et poésie (lecture de Tristan Hordé)
    → (sur Poezibao)
    une fiche bio-bibliographique


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