 Ph., G.AdC
UNE VIE
Aura-t-elle eu le temps de feuilleter des souvenirs ? Elle était
en façade fort peu versée vers le passé ; il y aurait alors eu
l’odeur d’étable et de cuisine à la ferme natale,
des pains frottés d’huile d’olive l’été dans les monts du Lyonnais,
des bals de promotion, des cafés à Dijon noyés de cigarettes,
les nuits à lire à l’internat, une lampe cachée sous les draps,
un triste rendez-vous en Suisse, quand seule et mineure,
elle avait en vain tenté d’avorter – l’aube blanche en Champagne,
toutes les teintes d’une terre arpentée par goût revanchard du voyage,
la mort d’un frère au fond d’un ravin, la souffrance
ordinaire de ce qu’on perd : parents, vieux amis, un mari
diminué qu’on s’obstine un temps à sortir, puis en dernière image
au loin entre les cils brûlés de sel et de soleil sur fond tremblant de mer
à jamais j’en suis sûr le profil d’un enfant.
Olivier Barbarant, « Une vie », Élégies étranglées, Champ Vallon, Collection recueil, 2013, page 51.
______________________________________
NOTE d’AP : Élégies étranglées fait partie de la sélection du Prix des Découvreurs 2013-2014.
|
Retour au répertoire du numéro de juin 2013
Retour à l’ index des auteurs