Étiquette : Pascal Commère


  • Pascal Commère | Sur la poussière



    SUR LA POUSSIÈRE



    Entre les vitres certains jours et les fumées,
    les yeux hésitent un instant. Savent-ils que les jardins,
    avec leurs tas de cendre et les touffes des herbes
    — et le verre certains jours est poussière.
    Lente dans les yeux la poussière disperse ses maisons.
    où se glissent les chats, sont du verre pilé
    Des maisons grises et leurs toits, mais les maisons
    ont toutes peur du soir, et leurs couleurs s’éloignent.
    Les yeux certains jours habitent nulle part, ni les jardins
    en bas qui rôdent autour des herbes. Et quand la lumière penche
    quelque chose des yeux, ou une main qui bouge,
    un instant se dessine sur la poussière.




    Pascal Commère, Et nous ne savons pas in Amandine Marembert, Pascal Commère, Éditions des Vanneaux, Collection Présence de la Poésie, 2018, page 127.






    Pascal Commère Vanneaux








    PASCAL COMMÈRE


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    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes

    [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)
    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terre à ciel)
    une page consacrée à Pascal Commère (nombreux extraits + notice bibliographique)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Pascal Commère
    → (sur le site de France Culture)
    Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)





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  • Pascal Commère, Territoire du Coyote

    par Angèle Paoli

    Pascal Commère, Territoire du Coyote,
    Tarabuste Éditeur, Collection Doute b.a.t. Poésie, 2017.



    Lecture d’ Angèle Paoli



    L’ÉTRANGE VOIX DU MONDE



    Étrange territoire poétique que celui qu’habite et investit Pascal Commère dans Territoire du Coyote. Territoire peu ordinaire, en effet, à la fois mystérieux et déroutant. Déroutant parce que la poésie qui compose cet ensemble de poèmes ne « donne » pas dans la facilité. Sur le plan de l’écriture et de la forme, elle présente nombre de particularités qui peuvent déconcerter. Notamment cet écart qui se lit entre le monde-matière du poème et le travail mis en œuvre pour parvenir à le cerner et à le rendre habitable. C’est que la palette de Pascal Commère est vaste. Richesse de la langue et variété des registres ; spécificité du vocabulaire ; jeux de langage et jeux sur les sonorités ; lyrisme noble ; tonalité qui mêle épique, mélancolie et humour… Le poète explore tout ce que l’art poétique contemporain offre de ressources.

    Mystérieux et énigmatique, le territoire l’est d’emblée. Par le titre, lequel semble une invitation au voyage en terres lointaines. Tout au long de cette traversée en treize épisodes, la question demeure. Quel territoire ? Pour quel Coyote ?

    Le Coyote, on l’imagine spontanément être la figure du poète lui-même. Quant au territoire, il est vraisemblable que ce soit le territoire poétique de Pascal Commère, habité des matériaux qui lui sont propres ou familiers. La campagne, la vie paysanne, ses hommes et ses engins, la neige, le froid, la trace. Le temps… La table finale et les titres qu’elle révèle valident cette première impression. L’hiver y tient une place importante. À quoi il faut ajouter une pluralité de mondes : le monde des plantes : « Du côté des Marcottes » / « Anthère » / « L’Ortie veille » ; celui des bêtes : « Prédominance des Taureaux » / « Jars » ; celui de la mémoire : « Mémoire du Nombre » / « Survivance des Rituels ». D’autres intitulés gardent le secret de leur contenu… Il faut donc patienter.

    Plusieurs exergues ouvrent des pistes. Le plus éloquent d’entre eux est sans doute le premier, celui sur lequel s’ouvre l’ensemble du recueil et qui le recouvre tout entier. Il est emprunté à l’artiste allemand Joseph Beuys dont Pascal Commère propose une citation : « I like America and America likes me. » Entre le « Coyote » et l’Amérique du Nord, la relation s’établit tout aussitôt. Avec deux entrées possibles et complémentaires : le dieu ou héros de la mythologie indienne et l’animal (un canidé proche du loup) qui lui est associé et avec lequel il se confond. Parmi les signes distinctifs de cet animal sauvage, citons son aptitude à ruser pour déjouer les pièges tendus par les chasseurs. Dans la mythologie amérindienne, Coyote est ce héros anthropomorphe prompt à se rebeller contre les conventions sociales. Le poète va-t-il entraîner son lecteur sur les pistes épiques de la geste indienne, exterminations des tribus et des coyotes, rituels chamaniques de réconciliation entre les Blancs dominateurs et les animaux ? Peut-être pas. Sans doute va-t-il alors l’entraîner sur ses propres traces, qui sont celles d’une forme de protestation. Car on peut aussi être Coyote dans les terres rurales de la vieille France, laquelle est soumise à toutes sortes de destructions et d’abandons. Quant à Joseph Beuys, invité à New York en mai 1974 pour présenter, galerie René-Block, une performance artistique, il arrive sur les lieux en ambulance, sur une civière, emmitouflé dans une couverture de feutre, afin de ne pas poser les pieds sur le sol américain et de s’en protéger. Tenue qu’il ne quittera pas durant tout son séjour. Il vivra ainsi accoutré trois jours durant dans un espace grillagé qu’il partagera avec un coyote sauvage, récemment capturé, lequel s’acharnera à vouloir dépecer la tenue de camouflage de son compère. Partage d’un même territoire par l’homme et par l’animal sauvage, partage également des différents matériaux qui composent l’espace : paille, feutre, cage. Déchets et déjections. Dont l’artiste allemand entend explorer la matérialité. Une manière à lui, par ailleurs, très engagée et poussée à l’extrême, de manifester sa totale désapprobation de la guerre au Viêt Nam.







    Beuyscoyote09
    Joseph Beuys, I Like America and America Likes Me
    (Performance, NYC, 1974)
    Source







    Prenant l’artiste allemand pour fil conducteur de sa propre réflexion, Pascal Commère explore son propre territoire avec les mots et les corps qui le constituent. Châssis roues calandres pylônes éoliennes… ou encore compost fumures orties terreau thalle saprophytes…

    Je rapprocherais volontiers la section d’ouverture « Un froid qui serre » et la onzième, intitulée « D’hiver, disait-elle ». Composés en caractères italiques, centrés sur la page, les poèmes de ces deux sections (très brèves) sont resserrés, comme le froid qui recouvre l’univers du poète et la terre qui l’habite/qu’il habite. Pascal Commère tente de dire et le fait avec talent, avec peu de mots, dans des vers minimalistes (à l’exemple d’André du Bouchet), ce resserrement de l’hiver et de l’être, pris entre ombres et gel. Un respir à peine, un glissé pour écrire le rien qui demeure, ce peu de choses qui vit encore dans la faille. Et qui vibre dans les interlignages. Rien pour retenir rien pour demeurer. Ainsi se dessine le « territoire de coyote » de Pascal Commère, un tremblé dans « nos mains pauvres. »

    Et le poème pour viatique :

    « Ce qu’il nous faut porter

    de cela qui est vivre »

    La terre prise dans l’étau de l’hiver ne livre que ce peu auquel la voix du poète s’attache. Pourtant, le territoire poétique de Pascal Commère présente de multiples formes d’expression et l’on voit s’allonger les poèmes, pris dans une densité soudaine, inattendue, un flot resserré de mots pour dire un monde autre, un hors-temps fait de neige, d’ornières d’arbres et de grumes, d’engins laissés à l’abandon dans les champs ou immobilisés dans les quinconces d’un parking, l’autoroute proche, malgré tout, les traces et entailles laissées par les roues des tracteurs bétaillères et camions, tous d’engeance taurine, qui retiennent l’attention d’un Coyote paysan, aux semelles alourdies par les boues, un Indien solitaire, égaré parmi des silhouettes sans visages, dans sa réserve vide. Un décor peut-être emprunté, dans sa matérialité, à ceux que l’on rencontre chez certains poètes américains. Et pourtant c’est bien de nos campagnes qu’il est question, abandonnées, livrées à la destruction progressive et concertée ainsi qu’au vide existentiel. Il se dégage des poèmes de « Parking de camions près d’un restaurant routier en semaine l’hiver », ou plus avant dans le recueil, dans la section finale des « Éoliennes sur champ de neige », une atmosphère reconnaissable entre mille et qui étreint. Les paysages de campagne pris dans l’immobilité de l’hiver, leurs « vignes tirées à quatre épingles », leurs absents d’« un an tout juste » qui ponctuent le temps de leur disparition, la vie qui perce malgré tout, « de loin crochetée au revers/d’un talus », c’est tout ce qui reste d’un temps qui n’est plus, ces menues choses de peu de poids que le vide enveloppe de même que la brume :

    « […] traînées

    de neige en attend d’autres, lever du jour

    une brume ramasse

    dans l’épaisseur ce qui persiste

    à être une trochée d’aulnes réchappée

    du vide, ce qu’il est sans qu’on sache

    quoi persiste du monde et surgit dans

    la trouée des phares… »

    Ce qui reste, dans ce « paysage toujours à reprendre et qui demeure/au bord du vide », ce sont les éoliennes, leur retour entre les poèmes du début du recueil et ceux de la fin :

    « […] des éoliennes dans l’air

    qui tournent, la neige, une éclaircie,

    un abri de bus — froid ».

    Une ponctuation ailée, permanence silencieuse, pareille à celle des oiseaux qui sillonnent le ciel. « Éternels étourneaux » qui procurent un « vertige unique » à lever le nez vers les nuages. Oiseaux/arbres, qui ancrent leurs racines dans le sol gelé, la boue des sillons et déploient leurs ailes dans les airs pourvoyeurs d’un « vent immatériel ».

    Le poème d’ouverture d’« Éoliennes sur champs de neige » — on croit lire le titre d’une toile d’un peintre à venir —, très beau poème métaphorique, construit sur des strophes irrégulières, va crescendo : deux alexandrins, puis dix-sept/dix-huit syllabes ; et retour à un hexasyllabe. Le rythme prend de l’ampleur, s’enfle et grossit à mesure que le poème se déploie en images et que les éoliennes impriment sur le paysage leur mouvement d’oiseaux géants et de mâtures. Puis se pose :

    « Les oiseaux reviennent. Grandes ailes au loin

    brassant l’air sans relâche, tournant, que seul signale

    l’ampoule rouge du phare tout en haut qui clignote, jette

    autour sur le ciel l’éclat d’un vin clairet qui ne tache pas au sol

    la neige amoncelée. »

    Avec « Du côté des Marcottes », un titre à mi-chemin d’un titre de Proust ou de Michaux, sacré tour de passe-passe (ou clin d’œil malicieux), avec « Anthère » aussi et avec « L’ortie veille », le poète entraîne son lecteur dans le monde des macérations lentes et des cycles invisibles, compost et déchets, décompositions et pourrissement. « Le beau, on le trouve en remuant les décombres », écrit Antonio Porchia à qui Pascal Commère cède la voix avant d’ouvrir la section « Chasseur dyslexique ».

    Poèmes au vocabulaire précis où le petit monde rural est vu sous la focale du gros plan ou du plan rapproché, comme pris sous l’œil d’un monocle ou le verre grossissant d’une loupe (ainsi le suggère, semble-t-il, l’illustration de la première de couverture), monde secret où se vivent le travail silencieux de la nature et la geste invisible de la sève et de la reproduction.

    « — L’ordure mère des composts : maturation des pulpes

    denrées & matière putréfiées, particules. Le ventre

    de la terre en travail dans l’épais du monde,

    la procédure sombre, le pourrissement. »

    Marcottage surgeons branches bourgeons se fraient un passage dans les vers ; de même les vivaces le plantain les mâches les rhizomes et l’ortie, qui, à elle seule, donne son titre à la section « L’ortie veille ». Magnifiée par le poème d’Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz proposé en exergue :

    « […] Mais le cœur de la terre m’attristait

    Déjà ; et je savais qu’il bat non sous la roseraie

    Choyée, mais là où croit ma sœur ortie,

    obscure, délaissée. »

    Avoisinant l’embrouillamini des halliers, le lierre le gui et la cenelle, l’ortie qui dissémine, discrète, sa présence

    « […] l’ortie

    du soleil ras entre les interstices

    D’ailes »

    culmine dans la métaphore de la mort :

    « […] s’agitant une dernière fois

    signe ultime, l’ortie de la mort singulière— ses crocs

    dans la chair tendre. »

    Et toujours, quelle que soit la forme que prend le poème (par exemple les sizains anaphoriques d’ « Anthère », section implicitement consacrée aux champignons), la nature engourdie par le froid côtoie le rien côtoie la mort.

    « Entre les mots de l’herbe — difficile

    qui dit et ne dit rien de l’opacité

    dont se pare l’imprévisible,

    dans l’angle mort

    où ricane la bouche d’ombre — jetées

    à l’abandon salive et sanies, l’or noir bilieux. »

    « […] Mots, morts tel hiver. »

    Bien des choses restent à explorer dans ce recueil poétique où l’on entend bruire « [l]’étrange voix du monde ». Je laisse à d’autres que moi le soin de prendre le relais. Quoi qu’il en soit, par-delà le dépérissement et la disparition lente mais permanente des êtres et des choses demeure d’ores et déjà ce peu de poussière qui dépose sa trace dans les vers ultimes de ce très beau Territoire du Coyote :

    « […] Joie

    d’être vivant avant la nuit, un parmi tous chacun

    partie vivante en vol du sommeil de la terre. »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Pascal Commère  Territoire du Coyote








    PASCAL COMMÈRE


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    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes

    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    Sur la poussière
    [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur reflets de lumière)
    Joseph Beuys – Coyote
    → (sur Terre à ciel)
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    Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)





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  • Pascal Commère | [La courbe des fumées là-bas]


    [LA COURBE DES FUMÉES LÀ-BAS]



    La courbe des fumées là-bas, vignes
    tirées à quatre épingles maintenant
    qu’a cessé la pluie ses traits roides.
    Traversé au matin le petit pays tourne
    comme les ailes des éoliennes entre les arbres,
    paysage toujours à reprendre et qui demeure
    au bord du vide ; on brûle
    les sarments de pré-taille — brouettes
    adéquates : bidon en fait sur châssis
    qu’on pousse entre les rangs, la pensée
    qu’un d’ici — un an tout juste… Visage
    soudainement qui rejaillit, vague espoir
    après les séances de rayons, les vrilles
    autant de fois qu’il faut tirer pour déprendre
    le rameau sec des fils dans le jour
    tant et tant de gris à travers quoi, implacable
    écueil, la vie de loin crochetée au revers
    d’un talus — la neige, ce qui subsiste
    de l’oubli d’une saison, la sécheresse
    à venir. Un matériel à l’écart : limons
    jetés au cœur des rouilles.




    Pascal Commère, « Parking de camions près d’un restaurant routier en semaine l’hiver » in Territoire du Coyote, Tarabuste Éditeur, Collection Doute b.a.t. Poésie, 2017, page 25.






    Pascal Commère  Territoire du Coyote








    PASCAL COMMÈRE


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    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes

    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)
    [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    Sur la poussière
    [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)



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  • Pascal Commère | [Blanche, la gelée aux quatre coins]



    Mais qui suis-je au plus bas du monde
    Ph., G.AdC






    [BLANCHE, LA GELÉE AUX QUATRE COINS]




    Blanche, la gelée aux quatre coins — surprend le monde !



    Attendant
    la houle grande du printemps, la foule
    des orges qui épieront. Des quatre pieds, comme figure
    toute gloire drapée de boue et d’or. Et qu’importent
    les mouches affairées dans le trop-plein d’air moite — ô dissidentes !
    Mais qui suis-je au plus bas du monde ? Anxieux
    de l’herbe qui tarde en sa pousse fébrile, résigné
    dans l’attachement fier au finage illusoire.



    Pascal Commère, « Songe du petit cheval déplacé en terre franque », Bouchères, Obsidiane, 2003, in Des laines qui éclairent, Une anthologie, 1978-2009, Obsidiane & Le temps qu’il fait, 2012, page 286.








    PASCAL COMMÈRE


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    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes


    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    Sur la poussière
    [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)



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  • Pascal Commère | [Crayonné paysage]







    Crayonné paysage. Krzysztof Browko,  Sony World Photography Awards 2012
    « Crayonné paysage, les lignes
    emmêlées qui repassent, s’acceptant
    se niant. »

    Ph. Krzysztof Browko, Sony World Photography Awards 2012
    Source








    [CRAYONNÉ PAYSAGE]



    Crayonné paysage, les lignes
    emmêlées qui repassent, s’acceptant
    se niant. Qui modèle,
    quel souffle toujours s’use, toujours tempère
    l’érosion diurne, qui assiège ?
                                                         Et l’orbe
    de l’eau en bas par-dessus les maïs.




    Pour quelles bêtes de trop loin vues, ou seulement
    la cambrure d’une échine au sol, sait-on
    de quel monde le vent les chasse ou si la terre
    n’est autre qu’une grande morsure avec le bleu
    du ciel et son genou blessé, si seule
    qu’une herbe en la touchant s’y brise.




    Pascal Commère, « Sur une ligne de crête en Toscane », De l’humilité du monde chez les bousiers, Obsidiane, 1996, in Des laines qui éclairent, Une anthologie, 1978-2009, Obsidiane & Le temps qu’il fait, 2012, page 232.






    Une grande morsure avec le bleu du ciel
    Triptyque photographique, G.AdC








    PASCAL COMMÈRE


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    Source




    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes

    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Sur la poussière



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  • Pascal Commère, Mémoire, ce qui demeure

    Pascal Commère, Mémoire, ce qui demeure,
    Tarabuste, Collection Reprises,
    Saint-Benoît-du-Sault (Indre), 2012.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Images entraperçues à travers la vitre embuée d'une fenêtre
    Ph., G.AdC






    « OUBLI, SAVANTS DÉCOMBRES »




    Voix sans tain échos sans voix, Mémoire, ce qui demeure est poésie du silence. Partition pour voix éteintes, voix des êtres et voix seules, interrogation sur le chevauchement et le glissement des unes sur les autres, le recueil de Pascal Commère est une lente et longue litanie d’hommes de la campagne de bêtes et de « choses » appartenant à un passé depuis longtemps révolu. De ce monde muet, douloureux, et comme absent à lui-même, Pascal Commère tente de restituer les contours et les bruits à travers les trois sections réunies sous un même titre qui oriente la lecture, du côté de la mémoire, « pédalier grippé » qui laisse trace dans la poussière. De sorte que coucher des mots sur ce silence est entreprise délicate, voire improbable. Essayons, tout de même, sotto voce, de couler notre voix dans les « brisures » ouvertes par le poète.

    Emprunté aux deux premiers vers du poème d’ouverture de la troisième section ― « D’une voix tue, brisures » ―, le titre de l’ouvrage ― Mémoire, ce qui demeure ― ancre la poésie de celui qui revient en ses terres, dans un cheminement patient le long du sentier de halage de la mémoire.

    « Mémoire ― ce qui demeure,
         tremblante main.
     »

    De ces deux vers se diffuse le mystère d’une poésie née du tremblé des mots, images entraperçues à travers la vitre embuée d’une fenêtre. S’ouvre alors un monde rural aux tesselles indistinctes, « Fragments d’espace, détachés / d’un cadastre en soi connu de tous. » Un univers de guingois prend place de page en page, villages aux maisons penchées où hommes et bêtes se meuvent dans leur ombre, femmes vouées à leurs travaux de lingères et à leurs sangs. Monde obscur, replié sur ses gestes et ses silences : « (les fenêtres sont petites servent si peu) ». Qui sont-ils ? – « corps de femme sur la brique / corps de ferme ». D’où issus ? Les anciens sans doute, tous ces êtres familiers qui ont précédé en ce lieu-même celui qui parle et qui revient, ce fils à qui la mère écrit, au seuil du recueil, « d’une encre qui retient la cendre / d’une blessure. » Lui, dont le retour ajoute une ombre aux autres ombres.

    Pourtant, « d’un angle mort sous le papier » surgissent les « mots qui serrent ». Pour nommer quoi, interroge le poète, sinon « le crépitement chuinté du lait / contre la paroi du seau. ― La cloche de sept heures, sans beaucoup plus de sens. » Et le poète s’obstine : « Les répéter, ciel et salive ensemble. » Ainsi, qu’il s’agisse des poèmes de « Terre – Alors, et Alentours » (première section), « D’une voix tue, brisures » (troisième section) ou des courtes proses de la seconde section ― « Fenêtres La Nuit vient » ―, le poète tire-t-il de l’enfouissement – « oubli, savants décombres » ― le monde qui fut celui des siens. Par fragments et par variations autour du même, il recompose le monde passé. Comme suspendue entre les parenthèses qui émaillent chaque poème, la vie est là, à l’identique, dans ses formes simples :

    « (Les enfants ne pèsent pas, l’averse / les soulève des marelles) » ou encore « (Les saisons sont des femmes / en froid avec leurs sangs) ». Plus loin : « (il pleut. Des mains de cuir manœuvrent / près des ― salines) » ou bien : « (Leurs voix-cassées, maisons les ramassent) ». Ou encore : « (Les villages pendent derrière les pluies) ».

    Ailleurs, dans la seconde section, solitaires sur la page de gauche (en bas de la page), les phrases en italiques semblent une fenêtre ouverte sur la page de droite :

    « Fagots d’écorce une ficelle autour, rien
    ne se perd le soir les façades penchent
     »

    ou encore :

    « Une femme appuyée en bas
    sur la brouette de son ventre
     »

    Les mêmes menus objets, les mêmes marques sur le visage – « les verrues sous les paupières » ―, le même chien jaune, la même vacuité, traversent le recueil. Au long de cette variation sur l’identique, quelque chose bouge, un tremblé à peine, qui passe par l’inventaire des formes et des lieux, trouve ses liens dans la couleur (rouge, jaune, bleu, noir) ainsi que dans la présence obsédante des mains et des yeux. Vides, absents ou aveugles, pareils à des boutons cousus, les yeux se détachent du visage, vivent leur vie propre :

    « Leurs yeux alors, / sortent-rentrent plus tard qu’eux ». De même les mains. Bleuies par les lessives et par le froid, les mains « s’occupent seules ». Elles « vont devant dans les journées », indépendantes, « remisées / dans la pièce aux outils. », le soir. « La nuit, retour au ventre. » Un même détachement gagne peu à peu le poète, signe sans doute de son appartenance à ce monde, de sa grande proximité avec lui :

    « Tes yeux, se couchent loin de toi. »

    Une même étrangeté le questionne et l’étreint :

    « Où commencent
    les yeux. S’ils finissent ?

    Ce qui reste étranger malgré soi,
    Cette part de nous.

    Les mains.
     »

    Des « yeux germés » aux « mains serrées », « l’os règne », impose son ordre, identique pour tous, hommes et bêtes, liés qu’ils sont « au destin des bêtes de boucherie. »

    Dans cet univers immobile et rude où hommes et bêtes se rejoignent (« Les hommes ont rentré leur bêtes leur visage »), le temps est à la lenteur, au presque rien qui s’amenuise dans la brisure, voix et visage cassés. Brisées, elles aussi, les phrases se serrent sur leurs ellipses :

    « Chemin lentement, les choses / un peu de gris le soir – ou rien, mouchoir bleu. »

    « En quoi/ se reconnaître ? » interroge Pascal Commère. « Où être ? » Et que faire de tout cela qui tourmente la mémoire, blessure et « cicatrice, déjà » ? Quel sens donner à ce qui persiste encore « dans les intervalles »?

    Peut-être oser les mots, même si la phrase trébuche, puisqu’on revient toujours et que les mains, gardiennes de la mémoire, « savent » ? Se remettre à l’ouvrage et, patiemment,

    « crocher dans le bris des
    phrases les mots, qui
    tiennent chaud

    sans brûler. 
    »

    Et de cette geste humble de poète, aborder doucement « le sommeil long, l’hiver ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    PASCAL COMMÈRE


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    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes

    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)
    [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Sur la poussière
    [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terre à ciel)
    une page consacrée à Pascal Commère (nombreux extraits + notice bibliographique)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Pascal Commère
    → (sur le site de France Culture)
    Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)





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  • Pascal Commère | Lettre de la mère



    C'est écrit, que les cours des fermages s'en vont grimper
    Ph., G.AdC







    LETTRE DE LA MÈRE



    C’est presque le printemps, c’est écrit
    dans la lettre


    que les poulains sevrés (qui vont prendre
    une année) ont des poux dans le poil
    et de mauvais aplombs.


    C’est écrit,


    que les cours des fermages s’en vont
    grimper ― qu’il faut compter,


    économiser l’eau, préserver
    l’herbe. Livrer combat.


    (Mais où le fils ?)


    Inventorier les créances passées,
    refaire l’enclos, payer le scieur


    et donner sciure aux chattes
    qui mettent bas au fond des coffres.


    (― Et parti sur quelles routes,
    comme si c’était utile)


    Près du lavoir caler la planche,
    est-ce donc si difficile, l’empreinte
    des genoux restée marquée depuis le gel.


    Tout ça,


    d’une encre qui retient la cendre
    d’une blessure.― Ou si c’est colère,


    cette part de nous que
    n’éteint pas la neige.




    Pascal Commère, « Lettre de la mère » in Mémoire, ce qui demeure, Tarabuste Éditeur, Collection Reprises, 2012, page 13.





    PASCAL COMMÈRE


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    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes

    [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d’AP)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Sur la poussière
    [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terre à ciel)
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    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Pascal Commère
    → (sur le site de France Culture)
    Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)





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