Étiquette : Patmos


  • Andrès Sánchez Robayna, Patmos (extrait)




    PATMOS (extrait)



    Au commencement, un nom, sa muette résonance.

    Rien d’autre qu’un nom ? Tu sais bien qu’ainsi commence,

    et peut-être ainsi finit,
    la vibration du soleil sur le versant, dans le couchant

    de septembre,
    sur la couleur du chardon,
    une couleur indistincte,
    entre l’acceptation et l’abandon, comme si
    dans l’aubépine brillait la lumière finissante,
    que personne ne contemple. Ainsi le commencement.

    Le commencement. Un nom, deux syllabes qui jaillissent
    comme la langue de l’eau sur le rivage.
    Elles glissent ainsi que deux petites vagues
    sur cette plage déserte,
    et font tinter des galets,
    s’entrechoquer des cailloux sous la lumière du temps.

    Le nom. Ne glisses-tu pas, toi, à l’intérieur de l’ombre,
    entre noms et rivages, entre les noms véritables
    et la lumière qui sauve ?
    Mais ne dis pas qu’un nom n’est rien d’autre qu’un nom,
    il contient le matin, et le soir qui s’éteint, tamisé

    par le temps,
    deux syllabes s’enflammant dans le brasier de juillet.
    Le vent s’agite en elles, et dans la canne sifflante.

    Le nom te convoquait. Tu connaissais le signe.

    Il n’y a peut-être rien d’autre que tu connaisses,
    ce son obscur des noms, les paroles

    obscures,
    les archétypes,
    comme sur la page d’Hölderlin,
    lue en juillet,
    quand le soleil est un ravissement.

    Va aux syllabes
    indestructibles.

    C’est le son obscur qui convoque ainsi
    dans les montagnes de l’île.



    […]




    Andrès Sánchez Robayna, Patmos, in Europe, Revue littéraire mensuelle, novembre-décembre 2018 n° 1075-1076, pp. 242-243. Traduit de l’espagnol par Claire Laguian.





    ANDRÉS SÁNCHEZ ROBAYNA


    Andres-Sanchez-Robayna
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur la plateforme Vimeo en ligne)
    Patmos. Ainsi le commencement (vidéo-poème)
    → (sur YouTube)
    Patmos, lu par Andrés Sánchez Robayna (2012)
    le site d’Andrès Sánchez Robayna





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  • Lorand Gaspar | Linaria



    Frank Widmann
    “lentement elle cherche son corps”
    Ph. Frank Widmann







    LINARIA



    Parfum de terre nue.
    Vingt maisons blotties au creux de la rocaille
    toutes fenêtres dehors
    Soir : le ciel sur l’eau appuyé
    des filles noires, des rires, des chuchotements.

    La nuit est un monde grand de vingt chambres
    penchées sur le halo des lampes à pétrole.



    Une chapelle blanche
    une vieille en noir
    y brûle de l’encens.

    Une taverne
    des bras d’hommes pèsent sur les tables,
    lourds de filets et de rames.
    Ombres immenses jetées sur les murs
    odeurs de poisson, des rires, des jurons —
    l’huile vivace court dans les membres,
    la danse !



    lentement elle cherche son corps
    son âme entre les bris de verre
    se tend tout à coup et jaillit dans l’or
    où se mêle le sang harponné.

    Les voix aussi se cassent
    les carafes brillent dans les yeux.

    Quelqu’un regarde au large —
    tant de nuit pour vingt regards à peine.




    Lorand Gaspar, Patmos et autres poèmes, Éditions Gallimard [2001], Collection Poésie/Gallimard, n° 390, 2004, pp. 53-55.






    Lorand Gaspar  Patmos et autres poèmes






    LORAND GASPAR


    Lorand_gaspar_portrait




    ■ Lorand Gaspar
    sur Terres de femmes


    [Le jour enflé de fatigue cherche nos failles] (extrait de Sol absolu)
    Depuis tant d’années…
    Voici des mains
    James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’IMEC)
    une notice bio-bibliographique sur Lorand Gaspar





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