Étiquette : Paul de Brancion


  • Paul de Brancion | Cheval aquacole





    [CHEVAL AQUACOLE]



    Cheval          aquacole
    cavernicole
    tu tiens ta place
    les oreilles attentives
    légèrement tournées vers moi
    la tête placée
    le dos rassemblé

    moi

    je rêve

    ailleurs

    très lentement
    une fissure s’est inscrite
    entre moi et l’esprit
    du centaure

    à cause d’une duperie
    d’enfance
    amour effréné
    pour la mère de ma mère
    aveuglements
    et aveuglement

    le passé rattrape
    s’ouvre une échéance
    tu pourras peut-être…

    le cheval est une totalité
    qui va de l’herbe au foin

    de l’avoine au soigneur
    de l’exercice le plus simple
    au maître
    du cheval à la faille de l’homme…



    Paul de Brancion, Rupture d’équilibre, éditions La Passe du Vent, Collection Poésie, 2017, page 39. Illustrations d’Hervé Borrel.






    Paul de Brancion  Rupture d'équilibre






    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
    Source



    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes

    [Il y a cette pluie] (extrait de Concessions chinoises)
    Ma Mor est morte (lecture d’Evelyne Morin)
    Ma Mor est morte (lecture d’AP)
    Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu (extrait du Marcheur de l’oubli)
    Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Tristesse du soir] (extrait de Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre)



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Paul de Brancion





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  • Paul de Brancion | [Il y a cette pluie]



    [IL Y A CETTE PLUIE]





    Il y a cette pluie

    dans les arbres

    au loin derrière les vitres

    couché au milieu de la nuit

    choc des gouttes

    contre la terrasse

    son sec de l’eau

    découvrant l’inanité destructrice

    attendre l’écroulement
    des parapets avec                    anxiété

    non

    sans indifférence
    la forêt du passé

    comme un souverain déchu

    frappe derrière les émaux

    de la lampe nocturne



    Paul de Brancion, Concessions chinoises, Éditions LansKine, Collection l’Instantané, 2016, page 62. Photographies de l’auteur.






    Concessions chinoises 3






    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
    Source



    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes


    Ma Mor est morte (lecture d’Evelyne Morin)
    Ma Mor est morte (lecture d’AP)
    Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu (extrait du Marcheur de l’oubli)
    Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Tristesse du soir] (extrait de Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre)
    Cheval aquacole (extrait de Rupture d’équilibre)



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    → (sur YouTube)
    Paul de Brancion lisant des extraits de Concessions chinoises





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  • Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre

    par Isabelle Lévesque

    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre,
    Éditions Lanskine, 2013.



    Lecture d’Isabelle Lévesque



    Qui pourra accuser
    ce qui n’a laissé
    aucune trace visible




    C’est un mot d’ordre qui ouvre le livre ou ferme la vie : Qui s’oppose à L’Angkar1 est un cadavre. Terrain proverbial qui énonce au présent d’éternité une atteinte condamnant toute opposition, formule imparable à l’allure d’un axiome. Paul de Brancion choisit en énonçant de dénoncer : poète, contre la réduction à l’uniformité.

    C’est aussi une vérité tautologique qui s’établit, la proposition suggère, avant la lecture des poèmes, une équivalence entre l’opposition et la mort, allant jusqu’à présenter le cadavre comme le résultat incontournable et terrible de l’expression d’une idée contraire. Condamnation avant la lettre : il suffit de… pour… .

    L’ancrage est clair. Rouge – sang. Terre du Cambodge charriée longtemps ailleurs qu’en son fleuve, le Mékong, dans sa mémoire : vie des êtres réduits au silence. Alors se dresse en armes (en vers) le poète, non pour brandir la vengeance mais pour restituer, par la parole, la mémoire. Agir par le flux des poèmes que l’on tend, que l’on offre contre l’oubli. Longtemps l’Angkar a agi impunément « tuant / torturant les enfants / empalant décapitant / affamant les hommes » 2. Au participe présent, l’accumulation qui juxtapose les actes barbares en ce premier texte du livre, écrit en italiques, pour situer l’action : réplique de ce qui fut, scandale du silence du monde face au génocide. Théâtre rouge des Khmers : inversion fatale des fonctions vitales, jusqu’en 1979 le crible et l’horreur.

    Des images vives s’opposent, celles d’une terre avenante que l’on retourne : paradis avant l’ « [a]utomutilation ». Sourire khmer changé en plomb. Toute saison, celle des pluies, avalées par les rizières, et la couleur gris vert d’une photographie pour qu’un jour cette « nonchalance » soit « ponctuée de sang ».

    Juxtaposition du noir aux couleurs mêlées, le vert, le blanc contre « l’eau noire du puits ». Que garde-t-elle, cette eau putride ? Quel cadavre vidé de son sang a remplacé le son clair d’eau puisée, remontée pour irriguer les rizières ? La terre rouge (naturellement rouge) du Cambodge, sur laquelle glisse la saison des pluies, porte des « immondices », fruits de quelle « délation », langue qui a dénoncé ? Le coupable est-il celui dont la langue fourche les noms ? Face au bourreau sans visage, l’effacement de son nom prend un autre sens, celui de l’animalité révélée :


    « les adversaires sont là

    déposés deux à deux

    macaques

    qui furent un jour libérés de leurs cages ».


    Aucun silence pour taire : le Cambodge immuable laisse les moines psalmodier, parallèles au chant du coq, dans les rites, rien ne bouge des innocents mutilés :


    « Regardé les arbres

    fraîchement coupés

    dans la forêt

    après tous les désastres


    ils sont étendus comme des morts ».


    Nature lue dans le sens de l’Histoire et seul debout le désespoir. Un poème centré (page 18) comme un monument aux morts sur la page puis :


    « quelques oiseaux

    pierre de latérite noire

    érigée sculptée ».


    Vers aériens, libérés de la ponctuation. Monument invisible, éphémère, vol déchiffré dans le ciel pour lire. Le nom ? Celui du bourreau du centre de détention S21 3, habile bourreau, Douch4, qui cache dans son nom ses victimes – elles résonnent pourtant, anonymes et vivantes, dans les vers du poète. Elles se voient, soulevant ce qui nous anime d’humanité pour rejoindre le cri du poète. Or le chant s’élève non dans l’immédiateté de l’action (en 1979, la barbarie khmer rouge cesse), mais des années après, dans le voyage du poète, sans doute devenu pèlerinage pour un peuple martyr qui n’est pas relevé.

    Le poème consacré à Douch pose la question de notre humanité. L’homme devient-il si facilement inhumain ? Douch, ancien professeur de mathématiques. Pol Pot, professeur de littérature française à Phnom Penh, Ieng Sary, professeur d’histoire-géographie… Des personnes cultivées (ayant lu des poètes…) ont voulu détruire la culture en tuant les personnes qui la portent. « Être humain » a-t-il un sens ? 5



    Du passé, le Cambodge n’en est pas coupé, contrairement aux silhouettes qui hantent les poèmes, mutilées, arbres sans noms (ou « dalle rêche simple mot/ souvenir des morts »), visages au destin brisé. Le silence les entoure d’oubli consciencieusement. Travail du poète qui déterre les mots, racines, comme la main tenant pour écrire une plume dérisoire et nécessaire :


    « une fissure

    lente

    aigüe

    pénétrante ».


    En marches d’escalier, les vers : descente en enfer d’un peuple condamné dont les traces se dissolvent dans les pluies diluviennes qui ne lavent qu’apparemment le sang. Des mots pauvres ponctuent le texte, répétés en psalmodie :


    « mon pauvre petit

    mon pauvre petit »,


    est-ce que les moines répètent dans leurs chants les adresses du peuple disparu ?

    Après les poèmes, le livre continue avec un livret d’opéra mettant en scène une mère, Kim Hourn (qui donne son nom à l’ouvrage), ancienne danseuse royale, son fils, Sarang, et le chef Khmer rouge du village, Soar.

    L’histoire contée montre comment l’Angkar efface l’amour filial, déshumanise l’enfant, réprime les désirs humains et fait disparaître tout ce qui pourrait contrarier la machine dans son avancée qui semble inarrêtable. Le livret qui suit les poèmes ne nous offre pas de partition musicale : opéra sans musique, n’entendre que le silence. Pas sans voix – l’indicible de la langue.

    L’enracinement est constant dans les gestes ou les objets qu’évoque Paul de Brancion : « nous referons le toit de palme », les pluies, les rizières, les moines, le bétel que « mâchent les femmes », le fleuve et la vie précaire des familles qui pêchent en barque, les temples, Angkor ou d’autres, « ces monuments admirables » étouffés par « les grands arbres étrangleurs », ou encore le spectacle des passagers sur les mobylettes :


    « Ils sont cinq sur une moto japonaise

    concentrés vers l’avant

    un seul porte le casque »


    Projection métaphorique d’un pays vers le futur, le Cambodge évoqué assez précisément pour qu’il soit reconnu, apparaît dans son identité, celle perdue des massacrés « basculant l’envers de la nuit ». Image encore de l’action des arbres pour « mettre à bas les temples ».

    Alternent en tête de vers deux types d’amorce ; certaines, elliptiques, laissent en suspens ce qui s’est passé avant, avant le retour au calme, lors des violences :


    « Pas aimé

    attendu l’heure

    du repentir pardon

    du geste caressé


    toujours pas venu ».


    D’autres poèmes, au contraire, se fondent sur une syntaxe déployée à l’attaque du texte, raisonnement sans faille, démantèlement d’une logique du massacre :


    « Des cerbères dérangés

    jusqu’à l’écœurement

    érigent des interprétations

    fallacieuses

    et sans fondement

    comme vérité d’évangile ».


    Entre le participe passé coupé de son référent (« aimé », « attendu » renvoyant sans doute à ce « je », poète-narrateur présent et retiré du texte, et à l’auxiliaire « avoir » qui n’apparaît pas) et le flux d’une parole qui décrit (décrypte) la réalité cambodgienne présente et passée, le lecteur se trouve soumis à deux types de progression dont la cassure et la section ne sont pas absentes. La douleur qu’un peuple ensevelit entre la mémoire et l’oubli apparaît dans le morcellement des mots lancés sur la page : difficulté à énoncer pleinement, mémoire faillible dans la volonté d’oubli. Deux syntaxes coexistent de ce fait : mitraille ou psalmodie. Le participe passé passif d’ailleurs n’occulte pas la soumission à l’ordre rouge et imparable (« dégagé de cette souffrance », « engoncé dans cette fatigue »).

    Le poète renverse une fatalité. Chantre de mémoire, il fait entrer dans son texte un épisode crucial et terrible de l’histoire du peuple khmer, essayant de percevoir dans la douceur d’aujourd’hui la douleur d’hier. Voix double : le présent porte le passé dans des séquences de langue meurtrie dont le chant s’empare en sauvegardant sa mémoire.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque





    _________________________________________
    1. L’Angkar : L’Organisation.
    La machine dépersonnalisée. Dirigée par des numéros : Frère Numéro Un (Saloth Sar, alias Pol Pot), Frère Numéro Deux (Nuon Shea)…
    Machine dépersonnalisante. Chaque personne est un simple rouage de la machine. Si le rouage se grippe, on le détruit. Son ultime utilité : enrichir le sol pour augmenter la production de riz.
    2. En quatre ans, deux millions de Cambodgiens (un sur quatre) ont disparu.
    3. S21 était le principal centre de détention à l’époque du Kampuchea Démocratique. C’est un ancien lycée de Phnom Penh. Près de 17 000 prisonniers y ont été torturés, interrogés puis exécutés entre 1975 et 1979. Sept seulement ont survécu.

    Dans un terrible documentaire, S21, la machine de mort Khmère rouge (2003), Rithy Panh, qui a tant œuvré pour le souvenir par ses livres, ses films et son enseignement, fait témoigner les trois seuls survivants qu’il confronte à leurs bourreaux.
    4. Le Monde / 03-02-2012

    « Douch, directeur de la prison de Phnom Penh sous le régime cambodgien des Khmers rouges, où 15 000 personnes ont été torturées et exécutées, a été condamné en appel à la perpétuité vendredi 3 février par le tribunal parrainé par les Nations unies dans ce qui est le premier verdict définitif de la juridiction.

    L’ex-chef de Tuol Sleng ou S21, la prison centrale de la capitale entre 1975 et 1979, avait été condamné en première instance à trente ans de prison en juillet 2010 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Mais la chambre de la cour suprême du tribunal a porté cette peine à « la prison à vie » estimant que le premier jugement n’était pas à la hauteur des crimes du tortionnaire, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef d’un établissement dans lequel quelque 15 000 personnes sont mortes. « Les crimes de Kaing Guek Eav ont compté indubitablement parmi les pires jamais enregistrés dans l’histoire. Ils méritent la peine la plus élevée possible« , a déclaré Kong Srim, président de la cour. La peine de mort était exclue par le règlement du tribunal.

    Douch, 69 ans, vêtu d’une chemise blanche et d’un blouson crème, n’a prononcé aucune parole ni montré aucune émotion à l’énoncé de la sentence. Il s’est levé, a salué la cour dans la tradition cambodgienne, les deux mains jointes devant le visage. Puis a été emmené dans la cellule attenante à la cour, en banlieue de Phnom Penh, où ses juges ont décidé qu’il devrait finir ses jours. […] »
    5. Le poème consacré à Douch (pp. 18-19), nous le citons entièrement. Ironique écho d’une logique tortionnaire et fatale. Humanité défaillante et crimes aboutis :

    « Pas de remords donc pas de pardon

    Douch
    tortionnaire de talent
    grand manipulateur
    monade intelligente
    fermée sur elle-même
    absorbée sur une logique implacable
    jusqu’aux crimes perpétués

    la question
    celle de notre humanité
    dont on peut craindre
    qu’elle ne soit affublée
    d’oripeaux
    puants

    opprobre

    s’accepter
    prédateur, tortionnaire,
    assassin indifférent à la souffrance de l’autre
    préoccupé de
    pousser jusqu’au bout un projet coûte que coûte
    suivre une ligne de force
    jusqu’à la dévastation du monde

    cette question est bien la nôtre »







    Paul de Brancion, Qui s'oppose a l'Angkar est un cadavre








    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
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    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes

    [Il y a cette pluie] (extrait de Concessions chinoises)
    Ma Mor est morte | lecture d’Evelyne Morin
    Ma Mor est morte | lecture d’AP
    Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu (extrait du Marcheur de l’oubli)
    [Tristesse du soir] (extrait de Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre)
    Cheval aquacole (extrait de Rupture d’équilibre)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site de Paul de Brancion



    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Paul de Brancion | [Tristesse du soir]



    Cambodge-enfants-nageant-dans-le-mekong
    Source






    [TRISTESSE DU SOIR]




    Tristesse du soir

    aux nuages gris

    sur les rizières


    les phares s’allument sur la route numéro 7
    qui mène à Kompong Cham


    avons chanté la Marseillaise
    entre deux zébus entravés
    devant les enfants du village


    stupéfaits


    trois femmes mâchent le bétel


    le soleil peut-il se coucher sur le Cambodge
    sans évoquer le sang
    des hommes noirs


    il n’y a plus de singes
    dans la forêt noyée


    Vie lacustre
    Mékong
    loin du renversement de la mousson
    l’eau haute
    la pêche possible


    habillés de lin blanc

    sur un vieux bateau de bois coloré


    les liserons d’eau dansent
    les enfants sautent dans le fleuve
    nudité ambrée
    père mère grand frère
    surveillent les filets
    bouteilles de plastique
    en flotteurs de fortune


    deux mondes se croisent


    « à la saison humide
    les poissons mangent les fourmis
    à la saison sèche
    les fourmis mangent les poissons »

    disent les Khmers de l’eau


    les enfants saluent

    en criant


       sautant de joie

         les plus âgés
                                         vérifient sans mot dire
                                      l’équilibre de leur barque

        que le remous

           va chahuter




    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre, suivi de Kim Hourn, livret d’opéra, Éditions Lanskine, 2013, pp. 55-56-57.






    Paul de Brancion, Qui s'oppose a l'Angkar est un cadavre





    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
    Source



    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes

    [Il y a cette pluie] (extrait de Concessions chinoises)
    Ma Mor est morte | lecture d’AP
    Ma Mor est morte | lecture d’Evelyne Morin
    Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu
    Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (lecture d’Isabelle Lévesque)



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  • Paul de Brancion, Ma Mor est morte |
    lecture d’Angèle Paoli (2)

    Paul de Brancion, Ma Mor est morte,
    Éditions Bruno Doucey, 2011.




    Lecture d’Angèle Paoli


    LA VÉRITÉ AU RISQUE DU MEURTRE




    Comment, même morte, peut-on venir à bout de sa propre « Mor » ? Mor ? Maman, en danois. C’est avec la mort de « min Mor » que Paul de Brancion a rendez-vous dans son dernier ouvrage : Ma Mor est morte. Avec la mort de sa mère. Dès le texte liminaire, l’auteur de Ma Mor est morte pose la question du meurtre. Murder of the mother. Le meurtre de la mère. L’avant-texte en italique livre en effet une clé linguistique déterminante : « mord », en danois, signifie « meurtre ». De quel meurtre s’agit-il au juste ? Celui de la mère ? Celui du fils ? Des deux sans doute, intimement et inextricablement mêlés. Jusqu’au dégoût, jusqu’à la répulsion. Et jusqu’à l’excès de la passion.

    Perdu depuis l’enfance, « fortabt i de store dybder, lost and nearly dead i mørket/perdu au-dessus des grands fonds, perdu, presque mort dans l’obscurité », depuis la naissance en mal d’amour de ses parents, le fils ne tente-t-il pas, en rôdant autour de la mort de sa mère, en la malaxant avec ses mots et ses « souvenirs déchus », en triturant la peur de sa Mor à travers langues, de tuer en lui l’enfant ? Et dans le même temps, par une sorte de prouesse, de mettre au monde une autre Mor. Non pas un double de la Mor haïe/aimée mais une Mor inattendue, face inverse de la « bordélique Mor ». Une troublante mère enfant, une « petite Mor » inconnue, « éternelle petite fille » qui entraîne avec elle, dans la perte, le fils. Étrange constat. Contradictoire, comme les sentiments incompréhensibles et incohérents dont souffre le narrateur. Double deuil, double doler. « Ainsi Mor est morte comme une enfant. En la perdant, j’ai aussi perdu un enfant (ma mère), et pour ma part je me suis perdu. Je dois me retrouver. Nécessairement. »

    De quelle cuisante morsure, de quel honteux remords, le fils est-il la proie ? Contre toute attente, la mort de « min Mor » s’accompagne d’une souffrance dont la force échappe au langage, que les mots d’une langue unique sont impuissants à dire. Il faut trois langues au fils de Mor, parfois quatre, pour venir à bout de sa Mor. Mais au bout du compte, que reste-t-il ? Reste le terrible aveu :

    « Je suis né et mort le jour où je suis devenu père. »

    « Et le constat final qui clôt Ma Mor est morte :

    « Déjà les enfants partent alors qu’on est à peine advenu. »

    Entre ces deux extrêmes, « la vie s’avance », et avec elle, advient le texte.

    En soixante chapitres de longueur inégale (parfois en un seul paragraphe), le fils affronte sa mère. En trois langues et en deux versions. Page de gauche, la version originale. Page de droite la version française. L’auteur (comment le disjoindre de celui qui dit « je » ?) affronte la réalité fastidieuse et fascinante de « min Mor », dans l’enchevêtrement de l’anglais, du danois et du français. Les images qui collent au corps et à la mémoire nécessitent le maillage des trois langues pour que le fils parvienne à s’approprier Mor, à l’apprivoiser et à la mettre à juste distance, hors de portée de nuire. À l’aimer. « La vérité au risque du meurtre » passe par la fusion babélienne des deux langues maternelles ―  l’anglais et le français ― avec le danois, langue de l’exil, « la troisième langue du chant des mots » :

    « Massive Mor er vaek nu. Det trøster mig ikke. My pledge is devant moi. Je suis extremly surprised by my emotion. I do nearly cry. Comment puis-je pleurer ainsi cette femme qui a si furieusement ødelagt alt omkring her ? » (version originale)

          « Maman massive est partie maintenant. Cela ne me console pas. Ma tâche est devant moi. Je suis extrêmement surpris par mon émotion. Je pleure presque. Comment puis-je pleurer ainsi cette femme qui a si furieusement détruit tout autour d’elle ? » (version française)

    Avec elle et derrière elle, Mor entraîne dans son sillage, outre son monde de vieilleries obscènes et ce petit dernier aux airs de fille qu’elle malmène, ses cinq filles et son pâle époux. « Min far, mon père » ne bénéficie pas, comme Mor, d’une majuscule mais il se voit affubler par ce fils qu’il « prend pour une bille » d’expressions peu glorieuses. « Le vieux panard… le vieux caleçon, den gamle røv ». Pourtant la vengeance a ses limites et s’il est incongru et intolérable de poser son imagination, ne serait-ce qu’un bref instant, sur les copulations du couple parental, in-envisageables, une tendresse insoupçonnée surgit, qu’il est difficile de refouler, comme il est difficile d’éradiquer la primitivité érotique de min far et de min Mor. La question brûlante de Ma Mor est morte réside bien dans les « ravages » que Mor a imprimés dans la chair de son fils par l’intermédiaire de son robuste corps maternel, seins sueur sexe. Ravages dont seule l’écriture, salvatrice, peut venir à bout.

    « Je suis convaincu que sans l’écriture et sa pratique quotidienne je serais déjà Mor d’elle, d’eux. Écrire a sauvé ma vie, sauvé ma vie avec ou sans lecteur car je suis le premier lecteur de moi-même », écrit Paul de Brancion au chapitre 28.

    Un soir de 14 juillet, à la Vaccaja de Pigna, en Balagne, Paul de Brancion lit des extraits de Ma Mor est morte. Je me souviens avec émotion de sa voix portée par le métissage multicolore des langues. Et de la fascination exercée par ce tressage serré de l’une à l’autre. Avec dans le tissé des phrases le retour des « or », comme autant de pépites semées sur l’ourlet de la vague. Mor, mort, mord, for, Fortabt, store, hvorfor, foreign, derfor, nor, encore, door, « Château d’or ». More. Never Mor. Polysémique Mor. Polymorphe mère « cauchemère ». Je la retrouve ici, au cœur des phrases, pareille à une divinité effrayante et mouvante. Émouvante. Vivante toujours, à travers l’écriture de son fils. Au-delà, un très beau texte, animé par un souffle intérieur qui tient en haleine. Et m’a rendu attachant le « fils de Mor ». Vulnérable et audacieux.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Paul de Brancion, Ma Mor est morte






    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
    Source



    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes

    [Il y a cette pluie] (extrait de Concessions chinoises)
    Ma Mor est morte (lecture d’Evelyne Morin)
    Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu (extrait du Marcheur de l’oubli)
    Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Tristesse du soir] (extrait de Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre)
    Cheval aquacole (extrait de Rupture d’équilibre)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site de Paul de Brancion
    → (sur le site de France Culture)
    Mor est morte, dans Pas la peine de crier, par Marie Richeux (émission du 5 janvier 2012)
    → (sur le site des éditions Bruno Doucey)
    un entretien vidéo où Paul de Brancion parle de la naissance de son recueil Ma mor est morte
    → (sur YouTube)
    Paul de Brancion lit un extrait de son recueil Ma mor est morte
    → (sur YouTube)
    un extrait du film Musique et poésie à Aubaron, le film de la soirée, avec les participations de Paul de Brancion et de Jacques Estager





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  • Paul de Brancion, Ma Mor est morte |
    lecture d’Évelyne Morin (1)

    Paul de Brancion, Ma Mor est morte,
    Éditions Bruno Doucey, 2011.




    Lecture d’Évelyne Morin


    LETTRE, ENTRE MASQUE ET MANQUE



    Ma Mor est morte, dit le titre.

    Homophonie qui ouvre le jeu, en même temps que l’œuvre.

    Ma mort est morte, pourrait-on entendre.

    Avec la lettre manquante t dont la béance ouvre sur tous les possibles : si « ma Mor est morte », « ma mort » l’est-elle aussi ? Est-ce que je peux vivre enfin ? Me donner naissance ?

    Par la délivrance de l’écriture : les mots tranchant le cordon ombilical avec la Mor morte.

    Pour cela, il faut créer sa propre langue, qui ne sera pas celle de Mor : « Qui m’a donné la langue en quoi je me débats ? Mor. » Entremêler les langues, donc – français, anglais, danois – pour ne pas parler la langue maternelle, langue mortelle : « Massive Mor er væk nu. Det trøster mig ikke. My pledge is devant moi. Je suis extremely surpris by my emotion. I do nearly cry. Comment pleurer ainsi cette femme qui a si furieusement ødelagt alt omkring her ? »

    Comment parler ? Car parler est une nécessité vitale. Parler pour ne pas étouffer. Parler, même si, une fois écrits, les mots apparaissent en deçà de la violence qui les a produits, l’ordre des mots étant incompatible avec le chaos. Alors il faut piéger la parole : l’obliger à jouer double, triple jeu, dans la multiplicité des traces et des vides.

    Pour que la vérité cesse de fuir. De cette fuite emblématique de l’histoire familiale. Ainsi, du père, et de « l’histoire mensongère qu’il commençait à raconter afin de mieux s’échapper. » De la mère : « C’était une mère fuyante. » Du fils : « mais quand j’avais vingt ans j’ai fui, je me suis sauvé et cela m’a sauvé. » « je devais fuir cette vieille famille sénile, fuir là-bas, fuir. »

    Car la fuite est survie. Quelle vérité est-elle si dangereuse qu’elle ne puisse être dite ou entendue qu’au risque de mourir ou de provoquer le meurtre (mord) de l’autre ?

    À l’origine est l’origine inconnue.

    « Ma Mor ne savait pas qui était son père. » De quel nom le nommer, si c’est la mort qui est au bout ? « Père/Far/Father/Papa/Daddy/Dad/Mort ». La multiplicité des signifiants enlève toute valeur au signifié, le renvoyant au néant de l’innommé.

    « Qui fut mon père sans nom ? » se demande aussi le fils, une fois que Mor est morte. Et pourtant, dit-il au moment de clore le livre : « Je suis né et mort le jour où je suis devenu père. » Donner la vie ne peut qu’être lié à la mort.

    D’avoir dit la défaillance originelle, d’avoir dit l’indicible a-t-il tué la mère, comme Hamlet tua Gertrude de lui avoir donné à voir ce qui ne devait pas être vu ? « Elle cherchait ce que je lui avais dit. Elle l’a entendu. Sauf qu’elle en est morte, peut-être, peut-être pas. »

    Au risque de la mort, il fallait, il faut, dire la violence d’avoir vu l’obscénité, l’obscénité de Mor ; et dire la violence de l’obscénité d’avoir vu. Celui qui voit est aussi coupable que celui qui montre. Représentation spéculaire qui ne peut laisser indemnes ni l’acteur ni le spectateur. Il y a ici une mise en abyme de la scène, sorte de scène primitive à laquelle convient inconsciemment Mor puis le fils, qui à son tour nous donne à voir : « cette ogresse-là, furibarde, chantant la vie à gorge déployée. Effroyable spectacle reproduit sous nos yeux incrédules. Nous qui fûmes spectateurs bafoués de cette farce obscène. »

    Ne pas mourir de voir. Sauf à nier avoir vu en Mor une femme. Sauf à nier toute filiation avec elle : on ne peut être que l’enfant d’une femme. Or « Mor n’était pas une femme. »

    Comment être « Fils de Mor ! » Fils de Mort ?

    Fils de Mor/Mort peut s’entendre comme fils qui reçoit mais aussi comme fils qui donne la mort : « la vérité au risque du meurtre. » Avec la culpabilité d’avoir enfreint l’interdit : « La petite Mor est morte, double deuil. Mor, mord, morsure, remords. » Car l’affrontement entre la « mère » (bien que ce mot ne soit jamais inscrit tel quel dans le texte) et le fils est un corps à corps sans merci. Hamlet provoque la mort de Gertrude mais celle-ci ne partira pas seule dans la mort.

    Donner à voir, c’est aussi faire que cela qu’on voit n’ait pas (eu) lieu. Ainsi l’évocation de la fausse mort de Mor, « Cette nuit cauchemar, cauchemère », dit-elle la répétition du « grand passage ». Plus que la scène primitive, la mort est le spectacle impossible à regarder. Aussi impossible que celui de sa propre mort. Reste la re-présentation de la mort pour conjurer celle-ci. Se faire démiurge pour enfin avoir pouvoir de vie et de mort.

    Et pourtant, cela est. Cela a été : « et que ma maman est morte, il y a deux ans et c’est exactement comme si c’était hier. » Alors le titre Ma Mor est morte tel le « Aujourd’hui maman est morte » de L’Étranger dit la réitération de la mort à l’infini, à la fois passé composé et présent, afin de délivrer Mor du temps.

    Ce qui est un acte d’amour pour combler le manque : manque de la Mor ; manque de l’amor.

    Ce livre est un adieu d’amour post mortem, réponse à l’au revoir de Mor : « Elle m’a dit au revoir. J’ai reçu son adieu mais je n’y ai pas répondu, je n’ai rien dit… » Silence masquant l’interrogation déchirante, impossible à énoncer, sinon outre-mort : m’a-t-elle aimé ? Mes parents m’ont-ils aimé ? Se sont-ils aimés ? Est-ce que je peux m’aimer de cet amour manquant ? Alors, il faut signifier l’amour dans les manques, dans les interstices des lettres, dans la polysémie des signifiants : Ma Mor, M’amor est morte. Mon amour est mort(e).

    De le lui dire, maintenant, toujours, conjure le « Never, never Mor, never Mor » du texte antépénultième, faisant advenir l’écrivain à sa langue.



    Évelyne Morin
    D.R. Texte Évelyne Morin
    pour Terres de femmes








    Paul de Brancion, Ma Mor est morte






    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
    Source



    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes

    [Il y a cette pluie] (extrait de Concessions chinoises)
    Ma Mor est morte (lecture d’AP)
    Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu (extrait du Marcheur de l’oubli)
    Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Tristesse du soir] (extrait de Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre)
    Cheval aquacole (extrait de Rupture d’équilibre)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site de Paul de Brancion
    → (sur le site de France Culture)
    Mor est morte, dans Pas la peine de crier, par Marie Richeux (émission du 5 janvier 2012)
    → (sur le site des éditions Bruno Doucey)
    un entretien vidéo où Paul de Brancion parle de la naissance de son recueil Ma Mor est morte
    → (sur YouTube)
    Paul de Brancion lit un extrait de son recueil Ma Mor est morte
    → (sur YouTube)
    un extrait du film Musique et poésie à Aubaron, le film de la soirée, avec les participations de Paul de Brancion et de Jacques Estager
    le site de poésie d’Évelyne Morin





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  • Corse_3 Paul de Brancion | Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu



    SUR UN BATEAU L-GER
    Ph., G.AdC





    NANT’A U LIGERU BATTELLU aghju marchjatu
    D’equilibru
    eppoi mi sò taciutu
    mi ci hè vulsutu à stridà u nome di e stelle
    à i quattru cardinali.
    Si ne sò allungati di sera
    è m’anu lasciatu spruvistu
    una stonda
    sin’à à chi u rusignolu di maghju
    si stia l’ultimu
    à accumpagnà mi
    à u neru scuru
    di a mio casa bagnata di luna.






    SUR UN BATEAU LÉGER j’ai marché
    D’équilibre
    puis me suis tu
    il m’a fallu crier le nom des étoiles
    à tous les points cardinaux.
    Ils se sont étirés vers le soir
    et m’ont laissé démuni
    un moment
    jusqu’à ce que le rossignol de mai
    demeure le dernier
    à m’accompagner
    au noir obscur
    de ma maison baignée de lune.




    Paul de Brancion, Le Soleil aveuglé in Le Marcheur de l’oubli | U Viandante di smentichezza, édition français/corse, Lanskine / Academia di i Vagabondi, 2006, pp. 76-77. Traduction en corse de Guidu Benigni.




    ____________________________________
        Note d’AP : les poèmes du Marcheur de l’oubli ont été écrits en Haute-Corse sur les sentiers de la vallée du Latiu (Balagne), près de Corbara. Imprégnés de l’âpreté de cette terre, ils évoquent le chemin parcouru pour aller au-delà de la douleur et de la perte, vers un oubli lumineux et incandescent.
        L’ouvrage ci-dessus est accompagné d’un CD de l’enregistrement du Marcheur de l’oubli, cantates profanes de Gilles Cagnard d’après les poésies de Paul de Brancion. Enregistrement effectué à l’auditorium de Pigna (Haute-Corse) le 24 avril 2004. Pour écouter un extrait, cliquer ICI. On trouvera plusieurs autres extraits sur le site de Paul de Brancion, en même temps qu’un extrait d’une courte pièce vocale de Thierry Pécou sur deux poèmes pour cinq voix : « Au-dessous des étoiles » (Le Marcheur de l’oubli), créée le 21 novembre 2007 par l’ensemble Ludus Modalis au Théâtre des Arts de Rouen (France) sous la direction de Bruno Boterf.





    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
    Source



    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes

    [Il y a cette pluie] (extrait de Concessions chinoises)
    Ma Mor est morte | lecture d’Evelyne Morin
    Ma Mor est morte | lecture d’Angèle Paoli
    Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Tristesse du soir] (extrait de Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre)
    Cheval aquacole (extrait de Rupture d’équilibre)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site de Paul de Brancion
    → (sur YouTube)
    des poèmes extraits de Temps mort, lus par Paul de Brancion






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