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[TU ES LE VEILLEUR D’UN PAYS ENGLOUTI] Tu es le veilleur d’un pays englouti. Parmi les vestiges, tu cherches une trace, celle d’un paysage, d’un visage que le temps n’a pas retenue.
Tu ne retrouveras rien : les preuves autant que les murs se sont effondrées.
Tu demeures seul, fidèle à une attente qui ne sera jamais comblée.
Tu te maintiens en-deçà de tout espoir : ton souffle ne trouble pas le vent.
De l’autre côté du miroir, tu as fondé ton éternité.
On ne te voit que par transparence, à cet endroit où s’efface le monde.
Tu parles le langage des muets : ne répondent que le vent et les arbres.
Tu as pris tes quartiers : on ne saurait te rejoindre qu’en brisant avec les vivants. Là où le temps est superflu, on se perd dans l’infini, dans les recoins de l’univers.
Il faut s’en remettre à quelques traces, remonter des chemins perdus dans leur géographie pour consentir à cette absence, y croire tout simplement. Une éternité qui commence à la source, avec le vent, avec ton visage, qui se poursuit avec le silence qui te nomme.
Une éternité que tu habites, paraît-il, et qui pourrait s’achever, éclair dispersé dans le ciel.
Max Alhau, « Le temps secret » in En cours de route, éditions L’herbe qui tremble, 2018, pp. 94-95. Peintures de Marie Alloy.
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MAX ALHAU
→ [Tu n’oses plus nommer] (poème extrait des Mots en blanc) → Le Temps au crible (lecture de Cécile Oumhani) ■ Voir aussi ▼ → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Max Alhau |
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[TU VOUDRAIS TENDRE UN CARRÉ BLANC]
Tu voudrais tendre un carré blanc au revers sombre de tes paupières fermées dans la nuit la plus noire tu voudrais prendre ce carré blanc y enfouir ton visage y glisser toute et rien ne vient qu’un bleu froissé chiffon de fatigue flottant rêveur aux cils fins de l’enfance épargnée qui mord la vie au cou hardiment à belles dents rieuses de soif rouge |
MÉRÉDITH LE DEZ Ph. © Pascal Glais Source ■ Mérédith Le Dez sur Terres de femmes ▼ → [La nuit | si je ne dors pas](extrait de Cavalier seul) → [Légende blanche de l’air](extrait de Chanson de l’air tremblant) → [Tu cherches en toi](extrait de La Nuit augmentée) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions Mazette) la fiche de l’éditeur sur Paupières closes → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Mérédith Le Dez → (sur le site des éditions de la Lune bleue) une notice bio-bibliographique sur Mérédith Le Dez |
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« VIVRE ÉCRIRE | SANS TOURMENT » Une rêverie dansée ? Une chanson triste hissée à hauteur d’absolu ? Les trois vers de Guillaume Apollinaire, extraits de « Sanglots » et inscrits en épigraphe de Voltige ! — dernier recueil d’Isabelle Lévesque —, incitent à le penser. De même la peinture qui illustre la première de couverture. On peut certes imaginer une danse, un envol, une silhouette enlevée dans le mouvement tourbillonnant d’un manège. Mais on peut aussi lire dans cette danse l’expression d’une résistance, hanches déportées et bras levés vers le ciel. Peut-être même faut-il voir dans ce déport l’expression d’une supplication ? Derrière cette silhouette tremblée de femme, on reconnaît aussitôt la créatrice Colette Deblé. Une autre silhouette féminine, du même rouge jaspe et entourée de la même nébuleuse étoilée, est insérée dans le recueil. Toutes deux renvoient à une céramique du peintre de Marsyas dont s’est inspirée Colette Deblé. La silhouette se nomme Thétis. Elle est la Néréide que Pelée a enlevée afin de l’épouser. Une légende corse prétend que les noces extravagantes entre la jeune beauté « au voile flottant » et son époux furent célébrées en mer, au large du Monte Genovese et des Agriates. Me reviennent aussi en mémoire les envolées lyriques de l’opéra vénitien de Francesco Cavalli : Le nozze di Tite e di Peleo (1639). La Thétis de Colette Deblé se tient, elle, accroupie sur ses talons ; torse tendu dans une torsion, visage au regard invisible tourné en arrière des épaules, bras écartés. Thétis résiste-t-elle en un ultime effort à l’assaut de Pelée ? Ou bien s’est-elle résignée à le suivre ? Impossible d’en décider de façon affirmée, même si l’intitulé de la toile révèle l’épisode qui précède les noces: Pelée s’empare de Thétis. Quelques vers de L’Iliade laissent échapper la plainte de Thétis. La divinité marine s’épanche sur son sort, elle qui s’est vu imposer par Zeus un époux qu’elle ne désirait pas. Ainsi la violence a-t-elle présidé à ses épousailles. Mais l’amour n’est-il pas en soi une forme de rapt ? C’est peut-être le récit d’un rapt amoureux, mais un rapt consenti, que le recueil Voltige ! va dévoiler pour nous. Dans son chemin de lecture, le lecteur croise d’autres silhouettes de femmes. Une Allégorie de la Paix d’Amiens (1802), réalisée par Pierre Lacour (1745-1814) ; une silhouette accroupie inspirée par l’artiste Elina Brotherus (Model Study) ; celle, très enlevée, de la duchesse d’Angoulême, d’après la toile du Baron Antoine Jean Gros (1771-1835) : L’Embarquement de la Duchesse d’Angoulême à Pauillac. Silhouettes ailées de femmes qui s’élancent, détachées de leur histoire, pour rejoindre l’éternelle légèreté de leur danse. Celle-là même qui préside à leur envol absolu. Voltige ! Vers quelles cimes la poète veut-elle entraîner sa suite ? Faut-il voir une incitation à un envol neuf ? Après l’idylle, l’abandon. Après le doler, un chant nouveau ? Le recueil de la poète est-il le récit d’une expérience de l’intime ? Un épithalame en l’honneur de l’amant ? Peut-être tout cela mais aussi affirmation d’un chant fondateur pour la poète : (Je suis
coquelicot.) En lisant les poèmes lyriques qui composent ce recueil, j’éprouve le sentiment diffus de renouer avec les mythes d’antan, amours sylvestres entre les mortels et les dieux. Ou encore avec les poèmes médiévaux, tels que nous les a laissés Marie de France: « le chèvrefeuille et son lai, le coquelicot le bleuet soupirs. » Ne sont pas loin, non plus, les coquelicots de Zanzotto (« Fiers d’une fièreté et d’un rut barbare ») et ceux de Giuseppe Conte (« légères fleurs de soie ») qui habitent la mémoire. Amours champêtres et floraux, la néréïde interroge. « Sais-tu », « Veux-tu », « Entends-tu », « as-tu si peur ? »… Elle n’a de cesse, dès le poème d’ouverture, de susciter la geste de l’aimé. « Tu rejoindras
les blés le pain la couleur. » Ainsi s’ouvre le chant d’amour éternel qui prend son essor au printemps et se déploie, le temps de floraisons intenses — bleuet/coquelicot — au cours d’un été : « Soif été fol il était une fois 25 août or épelé depuis midi tu es soleil jour d’or à minuit sonné. » Amour absolu qui tient entre ses mains l’éternité offerte, danse parmi les blés, naissance à l’autre et au désir, ponctuée par les silhouettes colorées et fragiles de Colette Deblé. « Jamais-toujours :
seule proposition. » Deux textes en italiques (il y en a d’autres), phrases elliptiques ou inachevées, viennent suspendre momentanément le tremblé des quatre poèmes d’ouverture. Mais toujours le vent balaie qui disperse les signes et les soumet à l’épreuve de la souffrance : « Derrière l’apparence bleue, ce signe saigne. » Quelque chose se prépare qui menace l’attente. D’un poème à l’autre, l’imperceptible poursuit sa percée, voltige modeste silencieuse entre les phrases. Les allitérations en [V] et en [Ʒ] ponctuent les poèmes, qui sèment et disséminent dans le récit de cet amour-rapt-apothéose- abandon, leurs sonorités chuintantes et ailées. Voltige / sillage / neige / songe / orange / tige / chevauche / rival / image / léger / manège / sortilège / présage / fragile / vent / vol / rêve… Cette légèreté discrète jointe au récit qui sourd derrière les vers conduit une langue nouvelle : « Ma langue nouvelle
corne ta voix (tympan de mon souffle) » La voix poursuit son appel sombre tandis que celle de la poète se fait souple, résiste à la brisure même si le parcours poétique revient sur ce qui fut de ce fusionnement ébloui, cercle des mains lieuses, habiles à la caresse. Il faut revenir sur ses pas, remonter vers le poème d’ouverture, pour entrevoir la manière subtile dont la poète entreprend de tisser son histoire. Présence d’un « nous » fusionnel et séparation annoncée du « je » et du « tu » s’entrelacent habilement. Mais ce qui s’affirme explicitement, bien avant que la séparation ait lieu, c’est la force du « je » féminin. Et l’aveu qu’il restera maître du rituel amoureux : « Je prendrai le cuir
de nos pas nus
sur la terre. » Le premier vers du poème d’ouverture « L’aurore est assoiffée » est-il l’amorce d’un avant, l’amorce d’un après ? Annonce-t-il les noces printanières, l’invention des amants, voltige haute d’un été, « danse fauve », éros sublimé « papillon nu dans le vent » ? « Ce soir, cercle clos (tes bras m’entourent). » Ou bien l’annonce du désarroi, désamour inscrit à même la danse nuptiale, sacrée par l’amante dans l’or de l’été : « La boucle des rêves s’achève,
manège, haltes brèves contre ton corps.
Danse le coquelicot !
Le vent ne peut rester debout, je cesse et libre. Voltige. » Plus loin, à l’idéal amoureux de l’amante répond le détachement déjà sensible de l’aimé. Et le regret douloureux qui accompagne l’épreuve : « Légère assonance
du manque, tes mains l’avouent.
Perdent en assurance le scandale. Tout a fondu antan. » Vient très vite l’envers de la voltige, « vacillement » « voilé ». Celui de l’arbre mort, celé dans ses cendres : « L’arbre ne renaîtra pas, squelette capricieux,
rien ne l’agite. Ses membres dessinent
la pierre d’oubli lancée,
passé voilé, vacillement d’une ombre et
ce n’est pas la nuit… » Le célèbre vers de Guillevic annonce-t-il le manque à venir ? Associée à la multiplicité d’images négatives, la prolifération insistante des assonances en [i] semble confirmer cette interprétation. Les cercles progressivement vont se dénouer, qui détisseront ce que les bras avaient voluptueusement scellé. |
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| AMINA SAÏD Ph. Michel Durigneux Source ■ Amina Saïd sur Terres de femmes ▼ → alors au pied d’un arbre (extrait de Tombeau pour sept frères) → amour notre parole (extrait de De décembre à la mer) → [de ce côté-ci du monde ou de l’autre](extrait de Clairvoyante dans la ville des aveugles) → Du Vieillard de la mer et de la Source de vie (extrait du Corps noir du soleil) → [écrire] (extrait de Dernier visage avant le noir) → enfant moi seule (extrait d’Au présent du monde) → Jusqu’aux lendemains de la vie (extrait de L’Absence l’inachevé) → l’élan le souffle le silence (extrait de La Douleur des seuils) [+ une notice bio-bibliographique] → Les Saisons d’Aden (note de lecture d’AP) → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait d’Amina Saïd (+ deux poèmes d’Amina Saïd) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions du Petit Véhicule) la fiche de l’éditeur sur Chronique des matins hantés |
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