Étiquette : Peter Brook


  • 25 mai 1960 | Peter Brook, Moderato Cantabile

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 25 mai 1960 sort sur les écrans, en Angleterre, le film de Peter Brook, Moderato Cantabile, produit par Raoul Levy.





    AFFICHE MODERATO CANTABILE
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         Deux ans après sa publication en 1958, le roman de Marguerite Duras est porté à l’écran par Peter Brook. Dialogues et scénario sont cosignés par Gérard Jarlot, Marguerite Duras ainsi que par Peter Brook. Jeanne Moreau interprète le rôle d’Anne Desbaredes et Jean Paul Belmondo celui de Chauvin. Le drame se déroule en cinq jours, sur les quais de la petite ville de Blaye, dans l’estuaire de la Gironde. La musique est d’Antonio Diabelli (Sonatine).

        La trame du récit est simple en apparence. Un meurtre vient de se produire. La leçon de piano du fils d’Anne Desbaredes a été interrompue par un long cri, très douloureux. L’enfant s’est précipité à la fenêtre. La scène s’est passée dans un bistrot, situé juste au-dessous de l’appartement du professeur de piano. Jeune femme riche et désœuvrée, exclusivement occupée de son enfant, Anne Desbaredes ― qui traîne son vide existentiel ― tente de s’approprier ce drame. Son histoire (absence d’histoire !) se superpose avec celle du couple précédent. Moyen pour elle de combler son ennui ? Volonté d’identification ? L’amour impossible d’Anne Desbaredes pour Chauvin, jeune employé dans l’usine de son mari, se construit en contrepoint avec celui qui vient de prendre fin dans le sang. La seule différence : le renoncement à l’amour au lieu de la mort. Anne Desbaredes, une héroïne à la Flaubert ? Selon Claude Roy, seul critique à soutenir avec ardeur le roman de Marguerite Duras : « Une Madame Bovary réécrite par Béla Bartok. »

        Se démarquant de la romancière, Peter Brook dote son héroïne d’une soif inextinguible de séduction. Faisant fi des convenances, elle se donne sans vergogne à Chauvin. Le décor du film est sobre : une esplanade vide, des grues, silhouettes du port. Panoramique circulaire, en contre-plongée sur la frondaison dénudée des arbres, l’hiver. Autre mouvement de caméra : travelling latéral sur les colonnettes de la terrasse, en accéléré. Les colonnettes, ainsi détachées de leur décor, se mettent à vivre, à courir, semblables aux ouvriers des arsenaux qui se déplacent, identiques, en automates (façon Magritte).

        Malgré l’admiration et l’estime qu’elle voue à Jeanne Moreau, Marguerite Duras récuse le film que Peter Brook a tiré de son propre récit. Elle affirme à plusieurs reprises que Peter Brook n’a rien compris. Elle confie à Gérard Lefort pour Libération, qu’elle aurait voulu « le tourner elle-même avec de petits moyens ». Cet échec pousse Marguerite Duras « à passer de l’autre côté de la caméra ».


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






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    Prod DB © Iena / DR
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    MARGUERITE DURAS


    ■ Marguerite Duras
    sur Terres de femmes

    Marguerite Duras, « l’autre façon de se perdre »
    4 avril 1914 | Naissance de Marguerite Duras
    5 janvier 1960 | Première création d’Un barrage contre le Pacifique
    14 janvier 1976 | Marguerite Duras, Des journées entières dans les arbres
    23 octobre 1981 | Reprise à l’Athénée de La Bête dans la jungle
    28 septembre 1983 | Création de Savannah Bay de Marguerite Duras
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait de Marguerite Duras (+ un extrait du Vice-Consul)


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans les Archives de l’INA)
    une interview de Marguerite Duras, de Peter Brook, de Raoul Levy et de Jeanne Moreau autour du film Moderato Cantabile (08/02/1960)
    → (sur YouTube)
    une scène du film Moderato Cantabile
    → (sur mySkreen)
    une autre scène de Moderato Cantabile
    → (dans la revue Synergies)
    Intimisme et psychocritique: une étude de l’œuvre Moderato Cantabile de Marguerite Duras, par Júlia Ferreira [pdf]
    le site de la Société Marguerite Duras




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  • 9 novembre 1981 | Peter Brook et Marius Constant,

    La Tragédie de Carmen

    Éphéméride culturelle à rebours




        Le 9 novembre 1981 a lieu au Théâtre des Bouffes-du-Nord, à Paris, la création de l’opéra de chambre la Tragédie de Carmen. Adaptée par Jean-Claude Carrière à partir de l’opéra de Bizet et de la nouvelle de Mérimée, la Tragédie de Carmen est mise en scène par Peter Brook et dirigée par le compositeur Marius Constant. Hélène Delavault interprète le rôle de Carmen.






    La tragédie de Carmen
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    UNE REVISITE DU MYTHE DE CARMEN


        Totalement remanié et réinventé, le mythe de Carmen fait peau neuve. Sur le plan musical, supprimant l’anecdotique, Marius Constant resserre la partition originale et réduit l’orchestre à un ensemble de quinze instruments. Les mouvements de foule, qui, chez Bizet, assuraient à la belle gitane une respiration dans son destin tragique, ont disparu de cette création. De son côté, Peter Brook, tout en prenant appui sur une figure archétypale du monde méditerranéen (un « ange noir du destin », selon l’expression d’Antoine Goléa) et sur les différentes œuvres qu’il a inspirées, l’enrichit de son imaginaire et de sa mythologie personnelle. Ainsi Peter Brook réintroduit-il des personnages et des épisodes supprimés par Bizet comme par Mérimée. Le meurtre de l’officier et la réapparition de García, premier mari de Carmen ― que Mérimée fait mourir dès le début de la nouvelle et dont Bizet ne tient pas compte ― permettent de donner davantage d’épaisseur dramatique au personnage de don José.

        Mais la plus belle innovation de Brook porte sur la modification radicale du sens du mythe de Carmen. À « travers un faux roman-vérité », Mérimée invitait le lecteur à partir à la découverte des mœurs des gitans dans l’Espagne de 1830. Bizet invitait le spectateur à l’accompagner dans une « longue méditation sur le destin d’une femme libre » (Jean-Vincent Richard). Peter Brook, lui, en supprimant toute couleur locale et en ne gardant que les épisodes les plus violents, entraîne tous ses personnages en même temps que son public « dans une foudroyante et fascinante chevauchée du côté de la mort ». Pour servir cette réflexion, Peter Brook choisit l’austérité classique : sobriété et dépouillement du décor, des costumes et du jeu des acteurs-chanteurs. Tout, dans la Tragédie de Carmen, oppose cet opéra de chambre à la luminosité méditerranéenne de la Carmen de Bizet. La création de Peter Brook atteste qu’un mythe ancien peut revivre sous de nouvelles formes et que l’art lyrique n’est pas un genre essoufflé, condamné à ronronner sur son passé.





    ■ Voir/écouter aussi ▼

    → (sur le site de l’INA)
    Peter Brook à propos du Théâtre des Bouffes-du-Nord




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