Étiquette : Poètes d’aujourd’hui


  • Alain Borne | L’eau seule est nue



    L’EAU SEULE EST NUE





    L’eau seule est nue
    dans la chaleur,
    dormeuse,
    et le désir descend des yeux,
    et le désir
    est une hache,
    arbre très calme,
    est une hache le long de toi.

    Et les joncs peuvent croître
    la source dort,
    le bel érable de ton corps,
    où la sève siffle en silence
    une musique à délivrer,
    la blanche soie de ta clarté
    endort les branches de ton sang
    dont chaque feuille reste à lire.




    Alain Borne, Terre de l’été, Robert Laffont, 1945 ; réédition Editinter, 2001. In Alain Borne par Paul Vincensini, éditions Seghers, collection Poètes d’aujourd’hui n° 224, 1974, page 107.





    Alain Borne par Paul Vincensini






    ALAIN BORNE


    Alain Borne portrait
    Source




    ■ Alain Borne
    sur Terres de femmes


    Regardez mes mains vides (poème extrait de Seuils)




    ■ Voir aussi ▼


    le site Alain Borne
    → (sur le site de la revue Les Hommes sans Épaules)
    une notice sur Alain Borne, par Christophe Dauphin






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  • Jean Rousselot | L’usage de la parole



    Une tête admirablement vide
    Ph., G.AdC







    L’USAGE DE LA PAROLE


    À Louis Parrot




    Ce qui reste c’est l’aubier sédimentaire
    Des hontes bues
    C’est entre les paillers roussis
    La ronde des enfants pauvres
    C’est le tâtonnement du petit jour
    Sur les plèvres endormies
    Ce qui reste ce qui monte
    C’est la fumée noire qui partage le jour
    C’est la main calcinée qui surgit entre des laves
    C’est la voix qui n’a rien à dire
    Et fleurit obstinément parmi les pierres
    Rien à dire car l’ombre des mots est mortelle
    Et descend toujours plus bas
    Sous les ornières des canons
    Ce qui reste c’est
    Deux bras
    Deux jambes
    Qui s’ignorent
    Une tête admirablement vide
    Qui va son chemin.



    Jean Rousselot, Le Poète restitué [Le Pain Blanc, 1941] in Jean Rousselot par André Marissel, Éditions Pierre Seghers, Collection « Poètes d’aujourd’hui », 1960, page 106.



    __________________________________
    NOTE d’AP : Jean Rousselot est né le 27 octobre 1913 à Poitiers. À l’occasion du centenaire de la naissance de Jean Rousselot paraît le 16 décembre 2013 aux éditions Rafael de Surtis : Christophe Dauphin, Jean Rousselot, le poète qui n’a pas oublié d’être.





    JEAN ROUSSELOT


    Jean Rousselot



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au poème)
    Hommage à Jean Rousselot par Christophe Dauphin





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  • Philippe Soupault | Les mains jointes






    Le silence est de rigueur
    Triptyque photographique, G.AdC








    LES MAINS JOINTES



    Dans le ciel fument de grands vaisseaux
    et sur terre il y a ce soir un homme qui écrit
    près d’une bougie
    avec un stylographe Watermann
    Il pense aux oiseaux gris
    il pense au pays qu’il ne connaît pas
    comme on pense à son chien endormi
    Il sait beaucoup de choses qui n’ont pas de nom
    sur la terre et dans les cieux
    d’où s’envolent les grands vaisseaux
    Les arbres réclament le silence et la pluie
    Il y a un homme qui écrit près d’une bougie
    près d’un chien endormi
    et qui pense à la lune
    et qui pense au Bon Dieu
    Il y a aussi ces papillons petites réclames du paradis
    maison des anges très bien mis
    propriétaires des cannes élégantes
    et de grandes voitures simples souples silencieuses
    Les anges sont des amis
    à qui l’on demande conseil pour choisir une cravate
    et qui répondent tristement
    Choisis celle qui a la couleur de tes yeux
    Les anges disparaissent dans les flammes des bougies
    et il n’y a plus que les arbres
    et naturellement les animaux que l’on oublie
    et qui se cachent
    Ces braves savent que le silence est de rigueur
    à cette heure de la nuit courageuse
    à cette heure où descendent les prières
    et les chansons sur des échelles de coton
    C’est l’heure où l’on voit aussi des yeux
    qui ne veulent pas s’éteindre
    immobiles comme des séraphins
    Anges de Paris prêtez-moi vos ailes
    prêtez-moi vos doigts
    prêtez-moi vos mains
    Faut-il que je dorme encore si longtemps
    et que ma tête soit plus lourde qu’un péché
    Faut-il que je meure sans un cri
    dans le silence que réclament les arbres
    près d’une bougie
    près d’un chien endormi



    Philippe Soupault, « Les mains jointes », in Philippe Soupault par Henri-Jacques Dupuy, Collection Poètes d’aujourd’hui, n° 58, Pierre Seghers Éditeur, 1957, pp. 130-131.







    PHILIPPE SOUPAULT


    Philippe Soupault par Bérénice Abbott
    Source



    ■ Philippe Soupault
    sur Terres de femmes

    12 mars 1990 | Mort de Philippe Soupault



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur La Pierre et le Sel)
    Philippe Soupault, un révolté désinvolte, une contribution de Jacques Décréau
    → (sur le site de l’INA)
    un entretien de Philippe Soupault avec Bernard Pivot (1er août 1980)







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  • 3 mai 1948 | Gérald Neveu, Du même côté

    Éphéméride culturelle à rebours

    « Poésie d’un jour »



    L’âme blonde du temps - dans sa cage du temps des galères - la tresser doucement sous l’eau
    Diptyque photographique, G.AdC







    DU MÊME CÔTÉ



    Dire ce qu’on dit chaque jour
    les yeux fermés les yeux ouverts
    Dire l’écharpe nouée dans l’air
    la patience enfin mariée
    enfin couverte d’agrafes
    Son ombre changée en rosée
    sa blessure dans tous les cœurs
    comme un repas en plein azur
    Une fleur terrasse le vent

    Voici les murs rendus au plaisir
    la lune ouverte à tout venant
    le sable coulant des doigts
    jusqu’au nadir

    L’âme blonde du temps
    dans sa cage du temps des galères
    la tresser doucement sous l’eau



    Je sais un être
    une corne d’élégance
    aux habitudes de fraîcheur
    incendiant les doigts du feu
    à même le silence

    Le geste illuminé
    par des rampes sourdes et fixes
    libère un cheval de duvet
    qui rencontrera le bonheur.



    3 mai 1948.



    Gérald Neveu, Comme les loups vont au désir, revue Actuel, Nos 2 et 3, 1967 [rééd. Comme les loups vont au désir. Toujours pour toi, Éditions Comp’act, 1993 ; 1996] in Gérald Neveu par Jean Malrieu, Éditions Seghers, Collection Poètes d’aujourd’hui, 1974, page 153.



    GÉRALD NEVEU


    Gérald Neveu




    ■ Gérald Neveu
    sur Terres de femmes

    Rite



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Esprits nomades)
    Gérald Neveu, une fournaise obscure
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique sur Gérald Neveu
    Portrait de Gérald Neveu par Jean Malrieu [document audio]
    → (sur enjambées fauves)
    Quelques pas encore (poème extrait d’Une solitude essentielle)





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  • Gérald Neveu | Rite

    «  Poésie d’un jour  »



    POUR G-rald Neveu
    Ph., G.AdC







    RITE



    Le blanc c’est la mer
    la mer velue qui dénombre ses
    cariatides mouvantes

    On a beau crier par-dessus
    l’écho renvoie toujours un coquillage
    rêveur
    légèrement fossilisé

    il faut maintenant passer à l’action
    empêcher à tout prix ce vent de s’incurver
    tendre les draps de lit
    contre ses muqueuses bleuâtres
    le mâter
    et puis d’un geste rayonnant
    extraire de sa pulpe une grande
    et belle porcelaine
    que l’on jettera aux orties.




    Gérald Neveu, Fournaise obscure, Pierre Jean Oswald, Collection « L’aube dissout les monstres », Honfleur, 1967, in Gérald Neveu par Jean Malrieu, Éditions Seghers, Collection Poètes d’aujourd’hui, 1974, page 116.



    GÉRALD NEVEU



    ■ Gérald Neveu
    sur Terres de femmes

    3 mai 1948 | Gérald Neveu, Du même côté



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Esprits nomades)
    Gérald Neveu, une fournaise obscure
    → (sur enjambées fauves)
    Quelques pas encore (poème extrait d’Une solitude essentielle)



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