Étiquette : Postface


  • Adeline Baldacchino, Théorie de l’émerveil

    par Angèle Paoli

    Adeline Baldacchino, Théorie de l’émerveil,
    Les Hommes sans Épaules éditions, 2019.
    Postface de Christophe Dauphin.



    Lecture d’Angèle Paoli




    Collage pour Adeline
    Collage, G.AdC







    « ÉCOUTEZ : JE RACONTE »




    Je lis je relis la « somme » poétique d’Adeline Baldacchino, récemment publiée aux éditions Les Hommes sans Épaules. Théorie de l’émerveil. Un titre qui a le pouvoir de m’aimanter entre deux pôles qui en moi lectrice s’attirent et se repoussent. Théorie|émerveil. Vais-je devoir caboter entre l’écueil de l’un et le diamant de l’autre ? « Théorie » me fait peur. Jusqu’au frisson, presque. « Émerveil » m’emplit de promesses. Jusqu’au désir. Pour me rassurer, je pourrais me reporter à la préface dans laquelle la poète se confie afin d’éclairer son propos. Mais libre je suis et pour l’heure je préfère naviguer à vue d’une section à l’autre de l’ouvrage. Lequel rassemble treize années de poiein poétique, de 2006 à 2019. Chacune des quatorze sections qui composent l’ensemble du recueil mériterait à elle seule une étude ou analyse. Je me contenterai de lancer quelques fils d’accroche qui pourraient s’agencer autour de mots pris au hasard : mer miroir margelle mémoire masque mo(r)t amour ; ou désir sidération ardeur plaisir joie ; ou encore solitude tarissement effroi oubli… Car tout, dans l’écriture d’Adeline Baldacchino, semble s’enrouler autour de deux pôles antinomiques. Désarroi (vertigineux) et jubilation (intense) :

    « J’écris ce soir pour ne pas mourir, pour ne pas en avoir envie, pour la jubilation, pour tous ces mots qui débordent au-dedans de la chair et je ne sais qu’en faire » (« Vers le cinquième soleil », « 2-Vent » in « Première treizaine », 2014).

    Une opposition qui s’abolit dans le couple « aimer, être aimé » (in « Théorie de l’émerveil », mars 2019).

    Dans « émerveil », j’entends la « mer ». Et c’est à la mer que je m’associe et que je m’arrime d’une section à l’autre. La mer, en effet, quel que soit le moment de l’écriture – quels que soient le mouvement et l’ondulation que celle-ci peut prendre – est omniprésente. Elle est l’élément primordial qui nourrit la ferveur. Une ferveur vitale traverse en effet l’œuvre polymorphe d’Adeline Baldacchino, pourtant parfois saisie d’angoisse, d’asthénie ou de chagrin. Mais toujours, comme la vague qui sans cesse ramène le galet à son point d’origine, la poète rebondit, renaissant des cendres qui la consument pour se laisser couler sur quelque p(l)age de bonheur. Soleil immensités marines amour et vent.

    Ce qui se dit – et se vit – dans ces différentes compositions, alternance de proses et de poèmes, de réflexions sur la vie/la mort, c’est, par-delà les voyages accomplis, la traversée poétique. Qui est constante recherche et cheminement en écriture. Toute la vie d’Adeline Baldacchino semble concentrée dans ce vaste recueil. Une somme d’écriture reliée à un condensé de vie.

    « J’ai pourtant promis qu’il ne serait pas question de moi dans ces lignes », confie la poète dans les premières pages de « Portraits du pays d’amour » (2007). Tout en prolongeant et en nuançant son propos, le complétant par ces mots : « Ou plutôt qu’il y serait question de ce qu’il y a de plus ouvert – de plus écartelé, de plus fragile et de plus oublieux, de plus tenace et de plus ardent en moi comme en tout être vivant : d’amour. »

    Et c’est aussi parce que la poète « aime son lecteur », qu’elle aspire à sa présence silencieuse, qu’elle l’imagine suivant ses pérégrinations et ses personnages, qu’à mon tour, étonnée, curieuse et fascinée, je me laisse happer dans son sillage. Ce n’est pas sans risque. Car que puis-je d’autre que gloser sur ce que la poète déroule de pensées, d’images, d’étincelles de talent ?

    Aussi ai-je renoncé à proposer ici une lecture fouillée de l’ouvrage que j’ai entre les mains. Et que j’étoile de coups de crayons, de griffonnages et de cryptogrammes, espérant retrouver au fil des pages mon propre fil de pensée.

    Alors cet « émerveil » ?

    Point d’« émerveil » sans émotion. Grande ou petite, l’émotion est clé de voûte de l’entreprise de la poète. L’émotion a quelque chose à voir avec la mémoire, car « toute vie s’avance vers sa mort, et tout deuil vers l’infini » (in « Théorie de l’émerveil », 2019). Émerveil ! La première occurrence de ce néologisme magique, je la trouve dans la Série 1 des « Petites peaux de poèmes » (2006) :

    « Le travail nous fatiguait refaire est sombre c’est mûrir dans l’odeur du vent qui nous intéresse et la voile qu’on saigne à blanc nous rassure. les grandes émotions le poids de l’émerveil. »

    Et, plus avant dans le livre, dans la « Quatrième treizaine », 6 – Serpent (in «  Vers le cinquième soleil ») :

    « Dehors, le ciel est limpide, l’émerveil guette dans les petites choses – les premières feuilles mortes sur un trottoir, la couleur d’une rivière, l’oiseau volage. Mais à qui en parlerons-nous ? ».

    Ou encore dans un poème de « D’écrire » (2017-2018) :

    52

    « je sais des gestations

    secrètes

    émerveilleuses

    des miracles indécents

    des lunes calfeutrées

    dans les ventres

    et des bêtes qu’on apprivoise

    et c’est encore nous

    mêmes ».

    La quête d’« émerveil » d’Adeline Baldacchino est quête rimbaldienne. Ce qui la guide, la poursuit et l’exalte, c’est le désir insatiable d’« éclat d’éternité. »

    Ainsi écrit-elle dans « La part de l’oubli » (2006) :

    « Je sus qu’il avait été vécu ; Quoi ? L’éclat d’éternité, le point de jonction : cet instant de déshérence heureuse où la conscience enfin s’abandonne pour participer pleinement au monde… ».

    Allié des « grandes émotions », l’« émerveil », parce qu’il est point de jonction de la mémoire et du désir, est aussi « point de plus grande fragilité, de plus grande beauté. »

    D’autant plus fragile qu’il est soumis à l’épreuve du temps, le « Magicien définitif. »

    Chez Adeline Baldacchino, l’émotion est donc une condition première d’écriture et de vie. Lié avec intensité à un lyrisme pleinement revendiqué et assumé, le « je » rebelle de la poète ne renonce ni à explorer l’intime ni à le dire :

    « Je mets beaucoup de force en mon désespoir comme en mon appétit. Je me veux perpétuellement du côté de l’émerveil, de la splendeur, (la part de l’oubli, l’envers et son double), je les pressens, je les,
    d’instinct, je les invente, et cela ne suffit jamais, comme si
    cela ne suffisait jamais », écrit la poète dans « Quatrième treizaine », « 3 – Vent ».

    Ou encore, dans « La Part de l’oubli » (2006), cet autre aveu :

    « Et je cherche l’écume et je fais des phrases qui prolongent un peu du désarroi de l’intime et qui ne parlent pas du monde. »

    Insatiable poète, dévorante poète, qui jamais ne se satisfait de demi-mesures ni de compromissions. Reniant les « machineries » et les « mécaniques » sociales, la rebelle choisit la révolte, le combat contre les faux-semblants. C’est que, chez Adeline Baldacchino, le combat qui la porte autant qu’elle le porte est « indéfectiblement social et politique, affectif et sensuel, autant que mystique que littéraire. »

    Le recueil que j’ai entre les mains est un kaléidoscope coloré mouvant/émouvant de ce qu’est la poète. Mises bout à bout, les tesselles poétiques recomposent la figure absente par-delà le miroir que la poète tend d’elle-même. Mais cet assemblage n’est pas né en un jour ni ex abrupto. La poète elle-même n’évoque-t-elle pas le temps que cet assemblage lui a demandé, elle qui se dit impatiente à agir, à aller de l’avant, à courir après le mouvement de flux et de reflux du temps ? L’érudition de la poète est vaste. Son champ d’exploration l’est tout autant. Philosophes de tous âges et de tous horizons, poètes persans du XIe siècle, grandes voix poétiques du monde et poètes français contemporains jouent un rôle fondamental, tant dans le cheminement personnel de la poète que dans son travail d’écriture. Ainsi de Max-Pol Fouchet, le maître en poésie. Le maître de toujours. Mais à considérer les citations qui ouvrent et accompagnent chaque section du recueil, le lecteur entrevoit un panorama aussi vaste que les mers et océans traversés par la poète. Ces citations sont autant de morceaux pertinents qui s’ajoutent à la mosaïque Adeline-Baldacchino. Elles sont toutes aussi connues que très belles, mais n’en sont pas moins lumineuses. Chacune d’elles éclaire d’un faisceau clair les aspirations et la personnalité de la poète. En voici quelques exemples qui sont autant d’amers où reposer le regard :

    « Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage […]
    Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage. »
    Pierre de Marbeuf

    « Je cherche deux notes qui s’aiment. » Mozart

    « C’est un passage qui fait semblant de passer et qui ne va nulle part. » Jankélévitch, Quelque part dans l’inachevé

    « Il faut être seul pour être grand. Mais il faut déjà être grand pour être seul. » René Guy Cadou

    Si les nombreuses pérégrinations qui la traversent nourrissent substantiellement la poésie d’Adeline Baldacchino – « Vers le cinquième soleil » (2014), « Atlantides » (2015-2017), « Poèmes de Martinique » (2017), « Poèmes de Prague » (2018), le goût de l’exploration poétique alimente tout autant l’écriture de la poète. Le champ exploratoire est vaste qui va de la prose narrative – « Vers le cinquième soleil » – au haïku – « Petite épopée » (2015-2016) – en passant par le septain (« Treize tableaux diogéniques », 2014), « Atlantides », jusqu’à la forme très élaborée des trois onzains de « La chair et l’ombre » (2017)… C’est que l’exigence de la poète répond à son désir profond de rejoindre le propos de Borges, cité dans « Portraits du pays d’amour » :

    « Les poètes ne semblent plus avoir conscience que dans le passé la narration d’une histoire était l’une de leurs tâches essentielles et que l’on ne considérait pas comme deux réalités distinctes la narration de l’histoire et la création du poème. […] Je crois qu’un jour le poète sera de nouveau le créateur, le faiseur au sens antique. J’entends qu’il sera celui qui dit une histoire et qui la chante. Et nous ne verrons pas là deux activités différentes, pas plus que nous ne les distinguons chez Virgile ou Homère. »

    Et Adeline Baldacchino de conclure : « Écoutez : je raconte ».

    Quant à moi, je poursuis ma lecture éveillée et patiente d’une section à l’autre du recueil. En prolongeant mes escales « Vers le cinquième soleil ». Section dense et complexe où va ma préférence. Où l’écriture, parfois, est portée par une voix exaltée :

    …« je deviens cette forme écrivante qui se libère de son propre néant, pendant ce très court laps d’infinitude
    logé dans le mouvement même du doigt contre un clavier sans destin. » (« 12. Silex »).



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Adeline Baldacchino  Théorie de l'émerveil.jpg 2






    ADELINE BALDACCHINO


    Adeline_baldacchino octobre 2017
    Source




    ■ Adeline Baldacchino
    sur Terres de femmes


    Le perroquet à la langue de bois (poème extrait du Chat qui aimait la nuit)
    [De l’autre côté de la nuit] (poème extrait de De l’étoffe dont sont tissés les nuages)
    Jour 7 (extrait de Théorie de l’émerveil)
    13 poèmes composés le matin (pour traverser l’hiver)[lecture d’AP]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Les Hommes sans Épaules)
    une notice bio-bibliographique sur Adeline Baldacchino
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Adeline Baldacchino
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien d’Adeline Baldacchino avec Sabine Huynh (+ 7 poèmes inédits et une notice bio-bibliographique)





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2019
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Luigia Sorrentino | Hypérion, la chute




    IPERIONE, LA CADUTA



    nulla può crescere e nulla
    può così perdutamente dissolversi
    come l’uomo

    (F. HÖLDERLIN, Iperione)




    Coro 1


    tutto stava su di lei
    e lei sosteneva tutto quel peso
    e il peso erano i suoi figli
    creature che non erano ancora
    venute al mondo
    lei stava lì sotto e dentro

    questa pena l’attraversava ancora
    quando venne meno qualcosa

    le acque la accolsero

    e quando si avvicinò alla costa
    della piccola isola, tutti
    portava nel suo grembo




    Coro 2


    c’è una notte arcaica in ognuno di noi
    una notte dalla quale veniamo
    una notte piena di stupore
    quella perduta identità dei feriti
    si popola di volti,
    quell’abbraccio mortale

    in un tempo sospeso tra mente e cuore
    mai la notte fu così stellata

    gettati in mare ingoiarono acqua
    e pietre, e strisciarono sulla sabbia
    e furono in totale discordia
    ebbero passi pesanti
    e sparirono, sottoterra

    il cenno si dissolve
    da sé cade il fragile umano
    frutto effimero, del mortale




    Coro 3


    nella cintura d’acqua
    fluttuava immenso l’indistinto
    inattuato attaccava la nebbia
    melmosa, non era ancora luce ma
    notte continua, durava
    in quello spazio la non luce

    si volse la notte si volse
    bisognosa a noi che aprimmo
    lo sguardo alla forma sollevata

    solo questo gesto che vede
    qualcosa si schiarisce
    illumina e avvicina
    nell’istante posato
    negli occhi che egli chiude




    Coro 4


    si comportava da colosso
    come se dovesse stringersi
    inghiottito dal nero della pietra
    sul confine piantava bastoni inestirpabili

    ci sorpresero le lunghe impronte
    rifugio di mole e di potenza
    fissate
    lastre di pietra

    il volto nostro sovrastò la figura
    altissima,
    negli occhi si schiuse la forma inguainata
    con braccia e gambe saldate contro il corpo

    lo sguardo nostro entrò in quel suo essere
    infinitamente mortale




    Coro 5


    la luce si disperdeva,
    cadeva la massa corporea
    appoggiato alla densità della goccia
    egli era là nel suo confine
    il mutamento fu uno svanire
    arbitrario
    dal fondo del vento sprigionava
    trascinando fuori da sé
    qualcosa che lentamente appare

    così in esso
    ciò che ripetutamente arriva
    entra nel suo sguardo

    nel sollevarsi contro la nebulosa
    divenne la brezza distesa sull’acqua
    a lei si infranse perdutamente
    alla nettezza di lei che si apriva
    davanti a lei si lasciò cadere, infine
    Iperione




    Coro 6


    abbiamo perso tutto
    caduti in un eterno
    frammento
    la prima luce su noi
    infuocata ha bruciato tutto

    la prima creatura di umana
    bellezza è morta, ignota
    a se stessa
    i popoli appartengono alla città
    che li ama
    privi di questo amore ogni stato
    scheletrisce e annera
    la natura imperfetta non sopporta
    il dolore






    IL CONFINE



    Appariva gradualmente scendendo dai ripiani delle scale. Una parte di lei era visibilmente sommersa. La città nuova costruita sulla vecchia dentro l’acqua si rifrangeva, lasciando cadere su di sé l’immagine sfigurata dell’altra. La guardai morente e mutata… se ne andava, ma dove ? Quando mi voltai mi venne di fronte nel suo biancore una divinità decapitata. Dalla roccia il giovane indicava il confine delle’orizzonte terreno, il limite a cui pian piano approdavamo, gonfi di mare.








    HYPÉRION, LA CHUTE


    rien ne peut grandir,
    rien ne peut aussi irrémédiablement disparaître
    comme l’homme

    (F. HÖLDERLIN, Hypérion)




    Chœur 1


    tout reposait sur elle
    et c’est elle qui supportait tout ce poids
    et ce poids c’était ses enfants
    des créatures qui n’étaient pas encore
    venues au monde
    elle se tenait là dessous et dedans

    ce tourment la traversait encore
    quand quelque chose vint à s’évanouir

    les eaux l’accueillirent

    et lorsqu’elle s’approcha du rivage
    de la petite île, elle les portait
    tous dans son giron




    Chœur 2


    en chacun de nous demeure une nuit archaïque
    une nuit d’où nous venons
    une nuit pleine de stupeur
    cette identité perdue des blessés
    se peuple de visages,
    cette étreinte mortelle

    en un temps suspendu entre cœur et esprit
    jamais la nuit ne fut si étoilée

    jetés à la mer ils ingurgitèrent eau
    et pierres, et rampèrent sur la grève
    et furent en totale discorde
    leurs pas étaient lourds
    et ils disparurent, sous terre

    le signe se dissout
    tombe de lui-même le fruit humain
    fragile et éphémère, du mortel




    Chœur 3


    dans la ceinture d’eau
    l’indistinct flottait, immense
    inabouti il se fondait à la brume
    fangeuse, il ne faisait pas encore jour
    mais une nuit inachevée, se prolongeait
    dans cet espace la non-lumière

    se tourna la nuit se tourna
    besogneuse pour nous qui ouvrîmes
    les yeux sur la forme en suspens

    seul ce geste qui voit
    quelque chose se met à briller
    illumine et avoisine
    dans l’instant posé
    dans les yeux qu’il ferme




    Chœur 4


    il se comportait en colosse
    comme s’il eut dû se rapetisser
    englouti par le noir de la pierre
    sur le seuil il plantait des bâtons indéracinables

    nous surprirent les longues empreintes
    refuge de poids et de puissance
    fixées
    dalles de pierre

    la figure dépassa notre visage,
    très haute,
    dans nos yeux s’entrouvrit la forme engainée
    bras et jambes soudés au corps

    notre regard pénétra son être
    infiniment mortel




    Chœur 5


    la lumière se dispersait,
    chutait la masse corporelle
    appuyée à la densité de la goutte
    il se tenait là sur le seuil
    le changement fut un évanouissement
    arbitraire
    du fond du vent se dégageait
    traînant hors de lui
    quelque chose qui lentement apparut

    ainsi en lui
    ce qui ne cesse d’arriver
    entre dans son regard

    en se soulevant contre la nébuleuse
    il devint la brise étendue sur l’eau
    éperdu il se brisa contre elle
    contre la pureté de celle qui s’ouvrait
    devant elle il se laissa tomber, enfin
    Hypérion




    Chœur 6


    tombés dans un éternel
    fragment
    nous avons tout perdu
    la première lumière sur nous
    embrasée a tout brûlé

    la toute première créature à l’humaine
    beauté est morte, sans qu’elle le sût
    elle-même
    les peuples appartiennent à la ville
    qui les aime
    privé de cet amour chacun
    devient noir squelette
    la nature imparfaite ne supporte pas
    la douleur






    LA FRONTIÈRE



    Elle apparaissait descendant pas à pas les marches d’escaliers. Une partie d’elle était visiblement submergée. La ville nouvelle édifiée sur l’ancienne se réfléchissait dans l’eau, laissant tomber sur elle l’image déformée de l’autre. Je la regardai mourante et mouvante… elle s’en allait, mais où ? Quand je me retournai me fit face dans toute sa blancheur une divinité décapitée. Depuis son rocher le jeune homme pointait la ligne d’horizon de la terre, les confins auxquels nous abordions tout doucement, gonflés de mer.




    Luigia Sorrentino, Olympia, éditions Al Manar, 2019, pp. 60-72. Dessins de Giulia Napoleone. Traduit de l’italien par Angèle Paoli. Préface de Milo De Angelis. Postface de Mario Benedetti.






    Olympia





    LUIGIA SORRENTINO


    Luigia Sorrentino
    Source



    Originaire de Naples, Luigia Sorrentino est poète et journaliste. Son métier de journaliste la conduit à réaliser des interviews de personnalités aussi éminentes que les Prix Nobel Orhan Pamuk, Derek Walcott et Seamus Heaney. Productrice de programmes culturels radiophoniques, elle anime sur Rai Radio Uno l’émission Notti d’autore, « viaggio nella vita e nelle opere dei protagonisti del nostro tempo ».

    Poète, elle a publié plusieurs recueils de poésie : C’è un padre (Manni, Lecce, 2003) ; La cattedrale (Il ragazzo innocuo, Milano, 2008) ; L’asse del cuore (in Almanacco dello specchio, Mondadori, Milano, 2008) ; La nascita, solo la nascita (Manni, Lecce, 2009) ; Inizio e Fine, Cahiers de La Collana, Stampa, 2009 ; Varese, 2016 (trad. fr. par Joëlle Gardes, éditions Al Manar, 2018) ; Figure de l’eau | Figura d’acqua, éditions Al Manar, 2017 (traduit en français par Angèle Paoli), Olimpia (Interlinea edizioni, 2013) | Olympia, éditions Al Manar, 2019 (traduit en français par Angèle Paoli).

    En août 2013 a paru aux éditions Interlinea de Novare, le recueil poétique Olimpia (Olympia) préfacé par Milo De Angelis et postfacé par Mario Benedetti. Dans la préface de l’ouvrage, Milo De Angelis souligne l’importance de ce recueil qui touche à l’essentiel, « aborde en profondeur les grandes questions de l’origine et de la mort, de l’humain et du sacré, de notre rencontre avec les millénaires. » De la poète Luigia Sorrentino, il souligne le regard visionnaire : un « regard ample, prospectif, à vol d’aigle ». Mais aussi ses « immersions imprévues dans la flamme du vers ».

    Dans ce parcours initiatique qu’est le « livre orphique » Olympia — de la grotte de la naissance jusqu’à la pleine exposition de soi dans les forces telluriques —, le lecteur est confronté à une perte irrémédiable : celle de la condition humaine. Cette quête conduit à travers un hors-temps et un hors-espace à la recherche « d’époques de notre vie ». La rencontre se fait dans une Grèce — Olympie — démesurée qui, dans les pages du recueil, ressurgit « vivante, intérieure, palpitante ». D’autres rencontres ont aussi lieu : « avec les ombres des corps que nous avons aimés ; puis, parmi les ombres, […] avec nous-mêmes  ». Il importe alors « d’assumer [son] nouveau visage : celui du souffle, de la voix, du vent, des cigales, des rochers, des oliviers ».

    Ainsi, en dépit du fait que tout est désormais accompli, au milieu de notre existence dépouillée, « s’élève un cri d’éternité et d’amour ». Comme le souligne Milo De Angelis, « Olympia parvient à exprimer ce temps absolu, et le fait de manière admirable », avec une grande puissance architectonique mais aussi « avec les éclairs fulgurants de la vraie poésie. Un Temps absolu qui contient chaque temps. » Un recueil qui nous plonge de temps à autre dans diverses périodes de notre vie, comme si nous étions à la fois « des hommes de l’Antiquité et des adolescents, sûrs » de nous et tout à la fois « perdus », et que nous nous immergions « dans ce jour chargé d’attente et de révélation, sans cesse sur le seuil d’une découverte cruciale ».




    ■ Luigia Sorrentino
    sur Terres de femmes

    [tous les jours étaient tombés sur son visage] (extrait de Début et fin | Inizio e fine)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur le recueil Olympia
    → (sur le site des éditions Interlinea)
    une page sur le recueil Olimpia
    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    une recension (en italien) d’Olimpia par Alessio Alessandrini
    le blog Poesia de Luigia Sorrentino
    → (sur le blog Poesia de Luigia Sorrentino)
    Luigia Sorrentino lit un extrait du recueil Olimpia : “Giovane monte in mezzo all’ignoto” (+ une note de lecture de Diego Caiazzo)
    → (sur Sulla letteratura | On literature)
    un autre extrait d’Olimpia traduit en anglais par Alfred Corn
    → (sur PostPopuli)
    un entretien de Luigia Sorrentino avec Giovanni Agnoloni
    → (sur Poesia 2.0)
    une recension d’Olimpia par Chiara De Luca
    → (sur le blog du Corriera della sera)
    une recension d’Olimpia par Ottavio Rossani
    → (sur YouTube)
    a creatura perpetua (une vidéopoésie de Chiara De Luca sur un extrait d’Olimpia)





    Retour au répertoire du numéro de février 2014
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Antoine Emaz | Poème-lettre



    Mur-separe-mexique-etats

    « on viendra au jour
    avec seulement
    dedans
    le temps ou l’air

    on sera devenu
    assez léger
    pour passer »

    Ph. Paul Ratje, Archives Agence France-Presse
    Source








    POÈME-LETTRE




    on est allé jusqu’à ne plus savoir
    comment
    plus loin

    un mur
    indéfiniment

    un jour
    on ira
    plus loin

    d’ici là
    le temps
    comme pauvre
    et la force prise dans l’attente
    tendue
    sans bouger

    on reste
    en face

    à la longue
    ça devrait
    déplacer
    le pays

    ou bien
    jusqu’à ne plus tenir
    n’être plus tenu

    un matin il y aura
    une mémoire d’eau
    une vaste pluie devant
    rien d’autre

    on viendra au jour
    avec seulement
    dedans
    le temps ou l’air

    on sera devenu
    assez léger
    pour passer




    Antoine Emaz, «  Poème-lettre  » [Jacques Brémond-Atelier des Grames, 1995], Caisse claire, Poèmes 1990-1997, Éditions Points, 2007, pp. 89-90. Anthologie établie par François-Marie Deyrolle. Postface de Jean-Patrice Courtois.






    Antoine Emaz  Caisse claire





    ANTOINE EMAZ


    Antoine Emaz portrait
    D.R. Ph. Dominique Houyet




    ■ Antoine Emaz
    sur Terres de femmes


    Cambouis
    Je travaille et je vois, après
    [Le faiseur]
    Un lieu, loin, ici (poème extrait de Personne)
    Plaie, XV
    Poème des dunes
    La poésie ?
    Soirs






    Retour au répertoire du numéro de mars 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Janine Gdalia | Ni d’ici ni d’ailleurs




    NI D’ICI NI D’AILLEURS




    Ni d’ici ni d’ailleurs

    Ramallah
    à la lisière de Jérusalem
    Quelques kilomètres
    Un autre monde
    Passer le checkpoint
    Entrée de prison à ciel ouvert
    Justifier de son identité, de l’objectif

    Le franchissement d’une frontière
    Une frontière entre « pays » ennemis

    La guerre dure trop longtemps
    Le cessez-le-feu remonte à
    un demi-siècle au moins

    Des Palestiniens parfois
    se transforment en assassins

    La peur est là

    Je suis de l’autre côté
    c’est ainsi que me voient les Palestiniens
    Juive soutenant Israël

    Je suis aussi de l’autre côté pour les Israéliens
    Juive soutenant les Palestiniens

    Une fois encore
    Je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs

    Je suis pour la paix
    Je suis pour le droit

    Israël a le droit d’exister et de se défendre

    Israël doit se libérer des territoires comme le disait déjà en 1967 Yeshayahou Leibowitz.

    Mon cœur a tremblé en 67
    j’ai cru à une nouvelle extermination

    Mon cœur a soupiré ensuite

    Depuis mon cœur est triste et en colère

    J’ai rêvé avec Sadate, espéré avec Arafat et Rabin.
    J’ai pleuré.
    Je pleure encore

    Aujourd’hui l’horizon est bouché

    Faut-il que des frères s’entretuent sans fin ?

    À Ramallah j’ai pu admirer la beauté de la ville, ses pierres blanches, ses façades. Sa prospérité dans un Orient moderne loin de ce que l’on dit de Gaza libéré de l’occupation israélienne depuis tant d’années.

    J’ai pu admirer ces femmes poètes, fortes sincères, ces femmes dont je me sens si proche, ces poètes de Palestine, ceux du monde arabe et d’ailleurs tous réunis en poésie pour la paix, le dialogue.

    Il manquait cependant à cette fraternité rieuse, chaleureuse, la présence de l’Autre.
    La paix aura fait un pas décisif quand ils seront réunis à Ramallah ou à Haïfa ou Tel-Aviv.
    Mes mots étaient les leurs me dirent plusieurs d’entre eux
    Ceux de leur souffrance
    Éternel déchirement de quitter le pays natal
    De vivre l’exil

    Demain on trouvera le chemin vers la paix !



    Janine Gdalia in Requiem pour Gaza (Collectif de 30 poètes), Color Gang édition, Collection Urgences, 66470 Saint-Génis-des-Fontaines, 2018, pp. 96-97. Préface d’Adonis. Postface en forme de dialogue entre Vincent Calvet et Aymen Hacen.






    Requiem pour Gaza





    JANINE GDALIA





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Color Gang édition)
    une notice bio-bibliographique sur Janine Gdalia (+ un entretien)
    → (sur le site de Color Gang édition)
    la fiche de l’éditeur sur Requiem pour Gaza
    → (sur La Cause Littéraire)
    Requiem pour Gaza, Collectif (lecture de Didier Ayres)





    Retour au répertoire du numéro de mars 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Luigia Sorrentino | [tous les jours étaient tombés sur son visage]



    [TUTTI I GIORNI ERANO CADUTI SUL SUO VISO]



    tutti i giorni erano caduti sul suo viso
    le ore di tutto l’essere erano
    invase dalla sete

    nell’angolo spento
    cercó il riflesso dell’oceano
    l’aveva attraversato uscendo dalla madre

    la pioggia di vetro sulla strada
    deserta aveva memoria di un uomo







    [TOUS LES JOURS ETAIENT TOMBÉS SUR SON VISAGE]



    tous les jours étaient tombés sur son visage
    les heures de tout l’être étaient
    envahies par la soif

    dans l’angle éteint
    il chercha le reflet de l’océan
    il l’avait traversé en sortant de sa mère

    la pluie de verre sur la route
    déserte gardait mémoire d’un homme




    Luigia Sorrentino, Début et fin | Inizio e fine, VIII, édition bilingue, éditions Al Manar, Collection Poésie, 2018, pp. 20-21. Traduction et postface de Joëlle Gardes. Encres de Catherine Bolle.






    Luigia Sorrntino  debut-et-fin






    LUIGIA SORRENTINO


    Sorrentino
    Source




    ■ Luigia Sorrentino
    sur Terres de femmes

    Iperione, la caduta (extrait du recueil Olimpia traduit par AP) [+ une notice bio-bibliographique en français]




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le blog Poesia de Luigia Sorrentino
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur français sur Début et fin de Luigia Sorrentino





    Retour au répertoire du numéro de juin 2018
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Giuseppe Bonaviri, Les Commencements

    par Angèle Paoli

    Giuseppe Bonaviri, Les Commencements,
    éditions La Barque, 2018.
    Traduction de l’italien, postface & annotations Philippe Di Meo.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « UN MOUVEMENT SANS DÉBUT NI FIN »




    Au tout commencement, il y a Mineo. Mineo, un gros bourg paysan de Sicile, proche de l’Etna, dans la région de Catane. C’est là que tout s’origine, dans ce « village solitaire de l’intérieur des terres, retranché sur un haut plateau venteux », « situé à soixante kilomètres de la mer ». Mais, pour Giuseppe Bonaviri, cela a commencé depuis fort longtemps déjà, bien avant que le poète fasse son entrée dans la vie, puis dans l’écriture. Tout était semble-t-il inscrit de longue date dans le voyage astral qui présida à sa naissance, le 11 juillet 1924. Mineo est en effet « l’épicentre » de « l’imagination circulaire » de Giuseppe Bonaviri, celui d’où partent et où se rejoignent récits et poèmes du livre Les Commencements.

    Mineo, bourg paradoxal, isolé en ses terres et pourtant, depuis sa naissance, lieu de rencontres et de transits : marchands ambulants chevriers poètes marionnettistes forgerons paysans philosophes…. Lieu de brassages de populations de langues et de religions, lieu d’où se mettent en route les émigrants pour se rendre à New York, ou bien, plus avant dans le siècle, en Éthiopie ou en Abyssinie. Lieu des retours aussi. Mais encore nœud de convergence de tous les rituels magiques de l’antique Trinacrie et de toutes les philosophies, depuis le pythagoricien Philolaos de Crotone (Ve siècle av. J.-C.) ou le présocratique Anaxagore de Clazomènes (Ve siècle av. J.-C.). En remontant jusqu’à Hésiode et à ses Théogonies (VIIIe siècle av. J.-C.), ou en passant par Straton de Lampsaque, troisième scholarque du Lycée d’Aristote. Sans oublier les mathématiciens de renom, géomètres, astronomes et ingénieurs, comme Aristarque de Samos et Archimède, auteur de La Sphère et le Cylindre, ouvrage dans lequel il expose sa connaissance de « la science dite éolienne ». Mineo, justement, est ce lieu où s’affrontent tous les vents, tous les zéphyrs, alcyons, tramontanes, vents mauvais, porteurs de « malaria maligne » et de maléfices… Tout converge vers Mineo, espace inexorablement lié, pour Bonaviri et pour nombre de Minéoliens, à une « modalité cyclique de la pensée » et à « la mémoire d’un temps immobile et sphérique » héritée du père de Bonaviri, don Nané. « Tailleur dans la Grand’rue de Mineo », don Nané croyait en l’existence d’un « temps rond, parfait, qui en chacun de ses points vibr[ait] circulairement d’harmonie ». Laquelle, si l’on prend soin d’agencer correctement tous les fils de la toile, entrelaçait « dans la même aiguillée » « artisans, femmes, paysans, animaux et arbrisseaux ».

    Dans ce « temps omniprésent » se rejoignent tous les êtres, quelle que soit l’époque où ils ont vécu, tant les femmes de Mineo nourrissant leurs poules en lançant à la volée des « kikkì kikkì » que tous ceux qui, avec l’équipage de Marco Polo, se sont rendus au royaume de Cambaluc.

    Il arrive aussi que, lors des séismes qui secouent l’île avec une régularité métronomique, la nature tout entière s’y mette, engloutie dans toutes sortes de tourbillons :

    « Autrement dit, tout à coup, la croûte terrestre se recroqueville le long d’une couche géologique, par une surrection d’un effroi incommensurable, en une seule vague, les montagnes, les fleuves, les forêts, les plateaux sont soulevés, tandis que les bâtiments s’effondrent alentour selon un mouvement sphérique. Lors d’un événement de ce type, il [mon oncle Michele] vit un jour des milliers de scarabées verts sortir du coteau de Caratabbìa, et vit, aussi, trembler le soleil dans le grand trou qu’il occupe dans le ciel. Le silence se faisait alors absolu. »

    Philippe Di Meo, traducteur émérite de cet ouvrage et auteur par ailleurs d’une brillante postface, attire particulièrement l’attention du lecteur sur le titre original de l’ouvrage : L’incominciamento. Un vocable inusité, emprunté au poète de Recanati, Giacomo Leopardi, et attesté dans Les Petites Œuvres morales. Philippe Di Meo nous renvoie à cette occasion au chapitre XIX de cet ouvrage, « Fragment apocryphe de Straton de Lampsaque » (1825), où il ressort que Leopardi fait sienne la « conception matérialiste de la nature », telle qu’enseignée par Straton. Leopardi écrit en effet :

    « De la même façon qu’elles périssent toutes et qu’elles ont une fin, les choses matérielles eurent toutes un commencement. Mais la matière elle-même n’eut commencement aucun, ce qui revient à dire qu’elle existe ab aeterno en vertu de sa propre force. »

    Dans la seconde partie des Commencements (« L’abysse et le vent »), Bonaviri se réapproprie cette conception en la faisant sienne à son tour.

    De l’italien au français, le titre passe du singulier au pluriel. C’est que le pluriel rend bien compte de la multiplicité des commencements, les uns s’imbriquant dans les autres pour former une succession de cercles concentriques. Pour ce qui concerne la narration proprement dite, s’il y a bien un premier récit, et un ultime récit, on sent bien que Giuseppe Bonaviri aurait pu poursuivre sans fin cette exploration des coutumes populaires, et des hommes qui en sont à la fois les artisans et les spectateurs, sans jamais pour autant s’imposer un fil narratif ou une chronologie obligée des faits.

    Au commencement, donc, de ces récits peu ordinaires, il y a le récit d’ouverture intitulé « New York ». À l’autre bout du monde mais en définitive pas si éloigné que cela. Une New York peuplée de Minéoliens, comme le ciel l’est d’étoiles. New York, la ville par excellence de « l’émigration de masse », cette ruée du début du XXe siècle qui vit se disperser le Vieux Monde méditerranéen et le fit basculer précipitamment dans le Nouveau Monde. Accablés par la rudesse d’une vie réduite à une pauvreté extrême et contraints par la nécessité de trouver incessamment du travail, les paysans siciliens (et les Minéoliens parmi eux) se ruèrent sur « l’insondable océan infini » et, ce faisant, précipitèrent leur « univers immuable », soumis aux vents mauvais de mars et à la course cyclique des saisons, elle aussi primitive et immobile, dans le labyrinthe inextricable de la grande métropole. C’est ainsi que la mère de Giuseppe Bonaviri, et avec elle d’autres membres de sa famille, embarqua en décembre 1919 sur l’un de ces navires qui voguaient vers New York où elle vécut quatre années durant. La vie n’était pourtant ni meilleure ni plus facile. Bien au contraire :

    « C’est véritablement dans la ténébreuse obscurité de l’esprit que devaient vivre nos pauvres méridionaux émigrés à New York où, autour de 1920, dans la 97e rue, habitaient seulement des Siciliens et des Minéoliens. »

    L’argent mis de côté permit toutefois à la mère d’offrir à son fils Giuseppe des études de médecine.

    Ce premier récit donne bien la tonalité de l’ensemble des autres récits. Avec ses tragédies et la compagnie des personnages hauts en couleur qui animent les pages qui suivent tout au long de l’ouvrage.

    Une seconde vague migratoire eut lieu à Mineo dans les années 1930. Une époque noire, cataclysmique pourrait-on dire. Elle s’annonça pourtant par un semblant de progrès — l’installation de l’électricité ainsi que de l’eau potable —, lequel entraîna dans son sillage une série de catastrophes :

    « Mais commença un autre cycle d’émigration, de guerres, de rêves, de violents vents d’automne venus des montagnes, des circuits elliptiques des planètes. Mais, comme toujours, pour chacun, tout se concluait avec le dieu noir de la mort — barque, rame ! rame, obscure — qui, par des chemins invisibles, plongeait tout homme dans le Néant incorporel.) [incipit de « L’abysse et le vent »]

    Cette époque noire fut marquée à Mineo par une succession de suicides tous plus terribles les uns que les autres. Suit dans l’ouvrage une surprenante litanie d’effrois :

    « …Les poissons cyprinidés ont peur […] les lézards verts ont peur ; ont peur les milans rapaces ou les percnoptères des Madonies […] les oliviers bruissants que massaro Filippo entendait crier. Mais pour le précité paysan, des plus effrayées encore sont les pierres grises, par nature renfermées et timides, lesquelles, lors de semblables séismes, se retirant, laissent s’échapper les lumières stellaires dont elles se nourrissent. »

    Sans doute le nouvel ordre social imposé alors, puis les conséquences de la Seconde Guerre mondiale, furent-ils partiellement à l’origine de ces dérèglements. C’est du moins ce qu’énonce Giuseppe Bonaviri :

    « Certes, ainsi que je le disais, la décadence de la vie rurale, harmonieusement réglée par les rythmes de sommeil, de travail, par les explosions périodiques de l’Etna et les marées stellaires — fit s’accroître le nombre des suicides après les années 1950-1955 : dans les campagnes, fermes, bourgs et hauteurs lointaines, parfois situés à plusieurs jours de marche à pied de mon village. »

    Le récit de clôture du recueil est quant à lui consacré au « Voyage astral » du père et au dialogue que le défunt entretient avec son fils, depuis les « infinités stellaires » qu’il a désormais rejointes. Quelque part dans la Voie Lactée, « au-delà de la galaxie d’Andromède… ». Une occasion, pour le poète, d’évoquer le rituel funéraire qui permettait jadis d’accompagner chacun à sa dernière demeure. Pour don Nané, tailleur de son état, la tradition voulait qu’il fût enseveli avec des « étoffes rougeâtres piquées de centaines d’aiguilles qui, captant les lumières des étoiles, pouvaient produire un scintillement aveuglant. »

    Ainsi « la vision éthiquement cosmologique » de Giuseppe Bonaviri s’accomplit-elle, initiée par le voyage océanique de la mère et s’achevant sur le voyage interstellaire du père.

    Entre ces deux pôles trouvent place les autres récits qui sont autant de « vignettes » ou de « panneaux imagés » propres à évoquer la vie et son déroulement. Chaque texte est composé d’une succession de scènes aisément identifiables. Comme sont identifiables les scènes colorées qui animent les charrettes siciliennes ou les cartons des marionnettistes. L’ensemble formant une vaste marqueterie où se rencontrent sur un même plan le microcosme animé des contemporains de Bonaviri, forgerons cueilleurs d’olives lavandières femmes enceintes vieilles femmes acheteurs de cheveux gangsters chanteurs ambulants poètes et rhapsodes…, tout le petit peuple sicilien actif et bienveillant d’artisans et de paysans attachés à leur terre et à leurs us et coutumes, et les héros grandioses de la geste médiévale et mythique des paladins de France, dont tous connaissent les épisodes chevaleresques. C’est toujours à la période de la cueillette des olives, vers la fin du mois d’octobre, que le montreur de marionnettes, don Mariddu, fait son entrée dans Mineo.

    « Avec deux chariots, étrangement emplis de hardes et de marionnettes. Certaines d’entre elles avaient, comme Charlemagne, un bouclier d’argent, d’autres portaient une cuirasse de cuir. Harassé par la longueur du chemin parcouru depuis environ vingt ans, de rochers en citadelles et autres bourgs siciliens, le cheval Baiardo le suivait […] ».

    L’Opera dei pupi se met en place, auquel Giuseppe Bonaviri participait, enfant, en portant sur ses épaules « les panneaux colorés qu’il fallait afficher par les rues. »

    Nombreux sont les originaux, poètes, chanteurs ambulants, rhapsodes, qui colportent avec eux leurs fantaisies et bizarreries. La période du carnaval est idéale pour se lancer sur les chemins charretiers, se rendre à Mineo et réjouir la population friande de curiosités et d’aventures. Chacun apporte dans son bagage un savoir particulier : combinaisons étranges de la nature, fécondations des plantes, périodes propices aux greffes… Chacun dispense ses théories cycliques sur les germinations, sur l’art de combiner vie et mort. Des hybridations de la nature à celles du langage, la différence n’est pas bien grande. Le champion en la matière, un paysan d’origine espagnole, était un polyglotte dont le parler courant résultait d’un savant « mélange d’au moins cent langues siciliennes ». Entre autres fantaisies, il présentait la particularité d’arriver à Mineo « déguisé en Mahomet… ou en Jésus-Christ ».

    L’ouvrage de Giuseppe Bonaviri regorge de détails savoureux ou cruels sur « l’épicentre » de Mineo. Mais le regard d’ethnographe de l’écrivain (médecin de son métier, comme l’était Carlo Levi auquel il fait parfois songer) est aussi celui d’un poète. Il faut dire que Bonaviri a été à bonne école puisqu’enfant, déjà, au mois d’août, il avait l’occasion d’entendre les déclamations des poètes venus de tous les horizons de Sicile :

    « […] des foules de poètes dialectaux convergeaient à Mineo pour se réunir autour de la pierre de la poésie sur le haut plateau caillouteux de Camuti : le poète Paolo Maura, mort à Mineo en 1711, se bâtit une maisonnette tout près de là, dit-on.

    Il semblait que se renouvelât le mythe des religions du sous-sol, comme en Grèce, à Delphes, ou à Dodone, toute bruissante de chênes. »

    Pour Giuseppe Bonaviri, la poésie est un état d’esprit, présent en lui de longue date. Néanmoins, s’il est poète, il n’appartient à aucune école, et sa démarche comme ses intuitions ne relèvent d’aucun engagement particulier. Le poète est d’autant plus atypique que sa recherche en poésie est indissociable de celle qui motive son écriture narrative. Avec Les Commencements, l’écrivain parvient à concilier les inconciliables. Textes narratifs en prose (et quelle prose !) et poèmes. Conjointement ou simultanément. Chaque récit en prose est en effet suivi d’un poème qui lui fait écho, tant dans la thématique que dans le narré de certaines vignettes. Sans pour autant qu’il y ait la moindre redondance. Et c’est sans doute dans la coexistence et la concomitance de ces deux spécificités que se trouve la plus grande originalité de cet ouvrage. Peut-être même dans l’interlignage silencieux qui sépare une forme textuelle de l’autre. Et dans la tension qui les tient à distance tout en les rapprochant.

    À première lecture, les poèmes peuvent surprendre, voire dérouter. Le lecteur d’aujourd’hui, habitué aux spécificités de la poésie contemporaine et à sa diversité, se trouve désarçonné par une poésie qui ne répond à aucune définition et ne correspond à aucune des sensibilités qui sont les nôtres. Pourtant, au fil de la lecture, alternée ou non d’un texte à l’autre, l’œil prend ses marques, repère les thématiques communes, s’exerce à étudier ce qui est repris ou au contraire délaissé. Un peu comme dans les planches de dessins humoristiques, avec leurs variantes disséminées sur la page, et que le lecteur s’amuse à découvrir. Sous des thématiques semblables se retrouvent une même atmosphère, les mêmes détails, une même philosophie. Les mondes se juxtaposent, qui mêlent hommes et époques. Celui, par exemple, des gangsters de New York et celui d’Hésiode ; celui du meurtre d’un jeune Sicilien dans la 97e rue et celui des femmes en deuil déambulant au son d’un tambour — celui du « Cubain Amstrong, au coin de la 97e rue avec sa trompette ». La fusion des mondes se joue particulièrement dans la cinquième strophe du poème :

    « Légère, la cithare

    d’Hésiode, tonitruante

    la trompette

    d’Amstrong sur des eaux fluviales

    reflétant ossements et gratte-ciel.

    « Il y eut d’abord les ténèbres

    d’où naquirent stryges et dieux,

    dans ta main brune fermée tu as

    des compañeros muertos qui callan ». »

    De très haute volée, ce livre admirable, loin de nous tenir à distance des préoccupations d’aujourd’hui, tout au contraire nous en rapproche. La petite ville de Mineo n’est-elle pas aujourd’hui un important centre d’accueil de migrants, pour la plupart d’origine subsaharienne ? Ainsi s’établit-il un lien étroit entre la Mineo d’aujourd’hui et celle d’hier. Un lien qui passe par les mouvements en spirales — inversés — des flux migratoires. La vision de Giuseppe Bonaviri semble de ce fait confirmée par ce constat qui unit passé et présent en « un mouvement sans début ni fin. »

    « Nous pourrions ainsi définir la culture des jeunes gens du sud d’autrefois non comme linéairement homogène, mais circulaire dans la mesure où, aucun point de cette connaissance n’étant privilégié, elle peut contenir en puissance tous les autres points. »

    Mais c’est dans « les vacuités des cercles planétaires », entre les espaces interstitiels prose/poésie et la dynamique que ceux-ci engendrent, que se joue la luxuriance des mondes et des êtres qui l’habitent.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Giuseppe Bonaviri  Les Commencements 2






    GIUSEPPE BONAVIRI


    Bonaviri3
    Source




    ■ Giuseppe Bonaviri
    sur Terres de femmes

    Le printemps (extrait des Commencements de Giuseppe Bonaviri)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La Barque)
    la fiche de l’éditeur sur Les Commencements de Giuseppe Bonaviri
    → (sur lemonde.fr)
    un article nécrologique sur Giuseppe Bonaviri, par René de Ceccatty
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    un notice bio-bibliographique sur Giuseppe Bonaviri
    → (sur Les Lettres françaises)
    Le village universel de Bonaviri par René de Ceccatty
    → (sur En attendant Nadeau)
    Bonaviri au pays des merveilles, par Linda Lê




    Retour au répertoire du numéro d’ avril 2018
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sylvie Fabre G. | Lettre des neiges éternelles




    LETTRE DES NEIGES ÉTERNELLES





    À Valérie Rouzeau





    Quand je me deux dans ton pays, je sens très bien qu’il est aussi un peu à tous, même si La poésie c’est pas donné à tout le monde, toi tu nous l’offres et nous embarques à la rencontre de nos visages traversiers, de leurs paroles muettes, sonores comme l’esprit et la matière. Va où la vie, qui va qui vient, on ne sait d’où, on ne sait où, sauf que la mort l’accompagne dans la mémoire de la terre et la danse de la langue. Dessus dessous de ta voix occupée à chercher la direction et le sens au rythme syncopé de la marche, mots et mains jouant sur tes pages. En un seul corps, plusieurs cœurs et leur tempo, tu fais entendre le rossignol de l’amour et les canons de la douleur.

    Selon l’état qui t’étreint, selon les ères et la saison, tu te meus et t’émeus, et on avance à tes côtés, montée, descente et remontée, tu parcours des années-lumière pour t’arrêter quelques secondes dans un poème. On y sent la poussière d’étoiles qui nous constitue, toute la nuit qui nous emporte lustres après lustres, feu, silence et mystère dans la création et le passage du vivant. Ton écriture n’oublie ni le poids des choses, ni la dignité des êtres, ni le pourquoi qu’on ne peut dire et qui si fort hante nos mots. Dans tes livres on ressent tous les possibles et mal possibles bonheurs des jours, toutes les catastrophes, annoncées ou pas. Il y a aussi qui les traverse cette toute petite fille, l’espérance, elle tient par la main la beauté de l’univers, la fidélité des bêtes et attend des hommes la bonté, contrée étrange où tout se tait, comme te l’a soufflé un poète.

    Il est quelle heure, je suis heureuse, il y a un arbre / La guerre, le nucléaire, il y a un arbre / Un arbre, un arbre, voyageur impeccable… À l’instant du souvenir, de la contemplation et de l’écriture, le monde et le temps féroces s’oublient, reste l’ouverture de qui aime et voudrait être aimée. Tu remercies ainsi l’ami perçu au doux fond du ciel, il te ressemble car lui aussi, par gros temps, le nombre des cumulus, la force contraire des vents bien souvent le font ployer ou reculer mais non rompre sous la menace.

    Chutes de moral ou de vers : tu erres au centre des cités énormes, dans leurs rues aux cris d’éclopés, où les mendiants, les sans-logis, les mal ou pas du tout payés n’arrêtent guère les urbains pressés vers les entreprises, les commerces, puis les transports. On y entend les discours de haine, les paroles du mépris qui attaquent en toi la vie. Le vert rouille sur l’impassibilité de la pierre ou dans la violence de l’hiver. Poète et femme, femme et poète, tu es étourdie de tant d’injustices et de mochetés. Menu flocon parmi les autres qui n’en peuvent mais, d’empathies en chamboulements, Neige rien que tes vers pauvres pour témoigner, parce que tu n’es bonne qu’à ça et pas fichue d’interrompre en toi la rumeur silencieuse de la plainte ou de la révolte.

    Le monde, sa ritournelle, ses ténèbres et son néant, pratique avec toi le télescopage et le broyage. Un pied dans la vie et l’autre dans la mort, grand écart avec compactage du réel, des joies et des déchirures. L’enfance a tous les âges, elle ferraille en nous, jeunes et vieux. Elle mène aussi la course contre le perdu. Un visage naît, brille puis disparaît et c’est si dur. A l’azur blessé / de plus jamais plus, les absents règnent, père mort ou amant parti, le chagrin en toi trouve sa place avec la mélancolie et tu sens ta solitude jusqu’aux ailes de ton nez. On cherche à jamais les cœurs dans les bouquets, anémones enchantées des ciels.

    Mais voilà qu’un jour encore tu t’extasies devant le chat et la fleur parfaite, ou pour le prince qu’on sort et l’enfant, merveilles de tes poèmes passés, présents et à venir. Ton cœur à toi, et le nôtre, n’ont-ils pas des veines pour la sève et des baumes pour la blessure ? Au cimetière tu trouves la paix, une forme de sérénité, dans tes rêves les mains toujours bonnes de l’aïeule et dans un train très auroral le petit gars solitaire aux yeux bleus qui partage les biscuits Lu de ton paquet puis s’endort, dans la simplicité d’exister là où la vie et l’autre vie sont sempiternellement humaines.




    Sylvie Fabre G., « La Vie réinventée (Lettres) » in La Maison sans vitres, éditions La passe du vent, 2018, pp. 82-83-84. Postface d’Angèle Paoli.






    Sylvie Fabre G.  La Maison sans vitres 2





    SYLVIE FABRE G.


    Sylvie Fabre G.





    ■ Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes


    Piero, l’arbre (autre extrait de La Maison sans vitres)
    Retournement du chant [hommage à Maurice Benhamou] (autre extrait de La Maison sans vitres)
    Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat] (autre extrait de La Maison sans vitres)
    [À l’orée] (poème issu du recueil L’Intouchable)
    L’Approche infinie (note de lecture d’AP)
    Sylvie Fabre G. par Sylvie Fabre G. (auto-anthologie poétique comprenant plusieurs extraits de L’Approche infinie)
    [C’est un matin doux et amer](poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Trouver le mot (autre poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Dans l’attente d’un prolongement qui se meurt (note de lecture d’AP sur Corps subtil)
    Corps subtil (poème issu du recueil Corps subtil)
    La demande profonde
    Frère humain (note de lecture d’AP)
    Frère humain (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [La pensée va, et vient à ce qui revient] (poème issu du recueil Frère humain)
    Celle qui n’était pas à sa fenêtre (extrait issu du recueil Le Génie des rencontres)
    L’Intouchable (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    Pays perdu d’avance (note de lecture d’AP)
    Quelque chose, quelqu’un (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [Plus forte que la forêt] (poème issu du recueil Tombées des lèvres)
    [Bien sûr le chant s’apaise dans le soir] (poème issu du recueil La Vie secrète)
    Maison en quête d’orient (poème issu du recueil Les Yeux levés)
    Caroline Boidé, Les Impurs, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre par Sylvie Fabre G.
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Dhainaut, Après, par Sylvie Fabre G.
    Alain Freixe, Vers les riveraines, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle, Ici en exil, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Angèle Paoli, Lauzes, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, Enfance obscure, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’État du ciel, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’Œil de la nuit, par Sylvie Fabre G.
    Fabrice Rebeyrolle, un peintre gardien du feu, par Sylvie Fabre G.
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer, par Sylvie Fabre G.
    Roselyne Sibille, Entre les braises, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Marie de Crozals & Sylvie Fabre G. | [La montagne bascule]
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    L’au-dehors
    → (dans les Chroniques de femmes)
    L’Amourier | Le Jardin de l’éditeur par Sylvie Fabre G.
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Anne Slacik par Sylvie Fabre G. : Anne, la sourcière
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Ludovic Degroote | Retisser la trame déchirée, par Sylvie Fabre G.
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Une terre commune, deux voyages
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sylvie Fabre G. (+ poème issu du recueil L’Approche infinie)



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La passe du vent)
    la fiche de l’éditeur sur La Maison sans vitres de Sylvie Fabre G.






    VALÉRIE ROUZEAU

    Valérie Rouzeau- photo Michel Durigneux
    D.R. Ph. Michel Durigneux
    Source




    ■ Valérie Rouzeau
    sur Terres de femmes

    [J’aime aller dans la rue avec en tête un chant] (extrait de Sens averse)
    une fiche bio-bibliographique sur Valérie Rouzeau
    À me bercer (extrait de Va où)
    Nous nous serions perdus (poème de jeunesse)
    Oie rêve à l’azur (note de lecture d’AP sur Apothicaria)
    25 décembre | Valérie Rouzeau, Quand je me deux
    Quand je passerai
    Vrouz (lecture de Tristan Hordé)
    [Tout s’écaille] (extrait de Vrouz)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Dans le vent d’hiver
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait de Valérie Rouzeau (+ un extrait de Va où)






    Retour au répertoire du numéro d’ avril 2018
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Giuseppe Bonaviri | Le printemps



    LE PRINTEMPS




    […] Le plus grand représentant et spécialiste du printemps fut, pour ainsi dire, le maître artisan Ciccio Privitera — garibaldien* au temps de sa jeunesse —, qui habitait une des ruelles qui s’enchevêtrent derrière la dernière partie de Via Roma, près de l’église Santa Maria, où nidifient des centaines de pigeons gris. Maître Ciccio dormait, entre autres, avec son premier cercueil, ou tabbutu, sous son lit (sur ce fait, j’écrivis une nouvelle à l’âge de seize ans). Il avait l’habitude de dire : « L’homme doit être chaque jour fin prêt pour son départ, toujours douloureux, qui disperse les êtres dans le Vide où il n’est plus de lois géométriques. » De fait, lui, qui en mars emplissait son tabbutu de beaux feuillages, d’inflorescences et de cèdres phéniciens, nous expliquait comment chaque fleur avait une disposition spatiale particulière, véritablement donnée à l’avance et géométrisable, existant en essences de formes errantes, antérieurement à la naissance du monde. En outre, selon maître Ciccio, maître maçon, chacun pouvait utiliser un végétal, ou un buisson : le sacristain choisit l’armoise parce que, de ses touffes manches, il peut moucher les bougies dans l’église, afin que s’en répandent les arômes ; la bourrache, sous laquelle les scarabées déposent leurs œufs, est utile au vilain qui la mange en bouillie et assaisonnée d’huile, la menthe, non l’aqueuse du rivage des torrents, mais celle des montagnes, est utilisée par les vieilles femmes pour se rafraîchir l’odorat et leur esprit engourdi ; les herbes dites oiselles — les si fines — sont utiles aux oiseaux de la campagne, et, aux merles, les maquis ensoleillés ; le chat malade se soigne avec les feuilles caduques du soi-disant arbre d’or, etc.

    Une fois le printemps arrivé avec les fumées des chevriers, la chose qui piquait davantage notre curiosité, de nous autres les enfants, était le conseil donné par Privitera : aller laisser nos maladies aux vieilles gens qui, y étant habituées, s’en plaignaient peu. Il suffisait de frapper aux portes et de dire : « Prenez ma toux parce que je n’en veux pas ; que mes plaies apparaissent sur vous, parce que je n’en veux pas. » Je crois qu’il s’agissait d’une pensée archaïque médico-empirique, transportée en Sicile par les Latins : une véritable technique de transfert d’une maladie.

    Quand le soir arrivait avec la constellation du Bélier qui, bleuâtre, pouvait être entrevue depuis les cheminées, dans ces dédales de ruelles étroites, tout en nous la montrant, maître Ciccio nous invitait à nous agenouiller devant sa porte et à prier en attendant l’arrivée du Messie, comme il l’avait vu faire à New York aux juifs qui, des pains azymes à la m ain, marchaient à la queue leu-leu sur le rivage marin.




    Le printemps




    Sur les murs éclosent les câpres et la rose
    purpurine ;
    des femmes cueillent de la menthe le long d’un très blanc
    ruisseau
    parmi cinq cents beaux ventelets.
    Sur son œuf, chante l’alouette dans les blés.

    L’homme savant en ellébore
    noir
    écoute les enfants jouer de la harpe
    qui endort
    les vieilles gens sur leurs grabats, très fine
    dans la maie est la farine.

    Depuis le nôtre, lointain est le royaume du Bélier
    sans
    rue** très fleurie, sans ombres de canisses ;
    l’oreille
    dans les feuilles, saint François mesure les bleus clairs
    à travers les vacuités des cercles planétaires.




    Giuseppe Bonaviri, Les Commencements [L’incominciamento, Sellerio editore, Collana La memoria, Palermo, 1983], Éditions La Barque, 2018, pp. 52-55. Traduction de l’italien, postface & annotations Philippe Di Meo.



    _____________________________________________________
    *garibaldien : autrement dit, ayant participé à l’expédition des Mille (1860) de Giuseppe Garibaldi, ou l’ayant activement soutenue, synonyme de chemise rouge.
    **Rue, ou ruta graveolens : semi-arbrisseau qui possède des vertus aromatiques et médicinales.





    Giuseppe Bonaviri  Les Commencements





    GIUSEPPE BONAVIRI


    Giuseppe bonaviri
    Source




    ■ Giuseppe Bonaviri
    sur Terres de femmes

    Les Commencements (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur lemonde.fr)
    un article nécrologique sur Giuseppe Bonaviri, par René de Ceccatty
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    un notice bio-bibliographique sur Giuseppe Bonaviri
    → (sur le site des éditions La Barque)
    la fiche de l’éditeur sur Les Commencements de Giuseppe Bonaviri





    Retour au répertoire du numéro d’ avril 2018
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 8 février 2008 | Friederike Mayröcker, Scardanelli

    « Poésie d’un jour

    Éphéméride culturelle à rebours



    SUR LE COBENZL



    ce petit coin de terre où l’hydrant peint
    en bleu : clapote tandis que les cimes des chênes
    vers le Cobenzl : gravissant le sentier forestier presque plat bordé
    d’enclos à chevaux où aussi ânesses et chèvres
    rouges puis gagnant le rondeau belvédère où le regard vagabonde
    des hauteurs obscures aux vallées éclatantes : uni mur-
    mure du fleuve entre leurs bras, plus tard
    la part sombre de la forêt où PARENTES voix de miel d’oiseaux
    jusqu’au sentier où les humides (phalliques) racines
    tandis que du ravin terriblement surgi à
    droite les bêtes dociles : brebis laineuses remontaient comme
    si des ailes leur étaient poussées — ah cette urgence de saisir ta
    main pour ne pas devoir céder au besoin
    de me précipiter dans l’abîme (à celui dépourvu de fleurs)
    lorsque l’œil malade le gauche se mit à larmoyer : le cil
    1 pure fontaine battante 1 ondée de larmes les lachrymae,
    John Dowland

    8.2.08



    Friederike Mayröcker, Scardanelli [Suhrkamp Verlag, Berlin, 2012], Atelier de l’agneau éditeur, Collection transfert, 2017, page 22. Traduit de l’allemand (Autriche) par Lucie Taïeb. Postface de Marcel Beyer.






    Scardanelli 2





    FRIEDERIKE MAYRÖCKER


    Friederike Mayrocker
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur En attendant Nadeau)
    Dans les jardins étrangers (lecture de Scardanelli de Friederike Mayröcker par Mireille Gansel)
    → (sur aller aux essentiels)
    d’autres extraits de Scardanelli



    Retour au répertoire du numéro de février 2018
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Isabelle Lévesque, Voltige !

    par Angèle Paoli

    Isabelle Lévesque, Voltige !
    éditions L’herbe qui tremble, 2017.
    Peintures de Colette Deblé. Postface de Françoise Ascal.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « VIVRE ÉCRIRE | SANS TOURMENT »




    Une rêverie dansée ? Une chanson triste hissée à hauteur d’absolu ? Les trois vers de Guillaume Apollinaire, extraits de « Sanglots » et inscrits en épigraphe de Voltige ! — dernier recueil d’Isabelle Lévesque —, incitent à le penser. De même la peinture qui illustre la première de couverture. On peut certes imaginer une danse, un envol, une silhouette enlevée dans le mouvement tourbillonnant d’un manège. Mais on peut aussi lire dans cette danse l’expression d’une résistance, hanches déportées et bras levés vers le ciel. Peut-être même faut-il voir dans ce déport l’expression d’une supplication ?

    Derrière cette silhouette tremblée de femme, on reconnaît aussitôt la créatrice Colette Deblé. Une autre silhouette féminine, du même rouge jaspe et entourée de la même nébuleuse étoilée, est insérée dans le recueil. Toutes deux renvoient à une céramique du peintre de Marsyas dont s’est inspirée Colette Deblé. La silhouette se nomme Thétis. Elle est la Néréide que Pelée a enlevée afin de l’épouser. Une légende corse prétend que les noces extravagantes entre la jeune beauté « au voile flottant » et son époux furent célébrées en mer, au large du Monte Genovese et des Agriates. Me reviennent aussi en mémoire les envolées lyriques de l’opéra vénitien de Francesco Cavalli : Le nozze di Tite e di Peleo (1639). La Thétis de Colette Deblé se tient, elle, accroupie sur ses talons ; torse tendu dans une torsion, visage au regard invisible tourné en arrière des épaules, bras écartés. Thétis résiste-t-elle en un ultime effort à l’assaut de Pelée ? Ou bien s’est-elle résignée à le suivre ? Impossible d’en décider de façon affirmée, même si l’intitulé de la toile révèle l’épisode qui précède les noces: Pelée s’empare de Thétis. Quelques vers de L’Iliade laissent échapper la plainte de Thétis. La divinité marine s’épanche sur son sort, elle qui s’est vu imposer par Zeus un époux qu’elle ne désirait pas. Ainsi la violence a-t-elle présidé à ses épousailles. Mais l’amour n’est-il pas en soi une forme de rapt ? C’est peut-être le récit d’un rapt amoureux, mais un rapt consenti, que le recueil Voltige ! va dévoiler pour nous.

    Dans son chemin de lecture, le lecteur croise d’autres silhouettes de femmes. Une Allégorie de la Paix d’Amiens (1802), réalisée par Pierre Lacour (1745-1814) ; une silhouette accroupie inspirée par l’artiste Elina Brotherus (Model Study) ; celle, très enlevée, de la duchesse d’Angoulême, d’après la toile du Baron Antoine Jean Gros (1771-1835) : L’Embarquement de la Duchesse d’Angoulême à Pauillac. Silhouettes ailées de femmes qui s’élancent, détachées de leur histoire, pour rejoindre l’éternelle légèreté de leur danse. Celle-là même qui préside à leur envol absolu.

    Voltige ! Vers quelles cimes la poète veut-elle entraîner sa suite ? Faut-il voir une incitation à un envol neuf ? Après l’idylle, l’abandon. Après le doler, un chant nouveau ? Le recueil de la poète est-il le récit d’une expérience de l’intime ? Un épithalame en l’honneur de l’amant ? Peut-être tout cela mais aussi affirmation d’un chant fondateur pour la poète :

    (Je suis

    coquelicot.)

    En lisant les poèmes lyriques qui composent ce recueil, j’éprouve le sentiment diffus de renouer avec les mythes d’antan, amours sylvestres entre les mortels et les dieux. Ou encore avec les poèmes médiévaux, tels que nous les a laissés Marie de France:

    « le chèvrefeuille et son lai, le coquelicot le bleuet

    soupirs. »

    Ne sont pas loin, non plus, les coquelicots de Zanzotto (« Fiers d’une fièreté et d’un rut barbare ») et ceux de Giuseppe Conte (« légères fleurs de soie ») qui habitent la mémoire.

    Amours champêtres et floraux, la néréïde interroge. « Sais-tu », « Veux-tu », « Entends-tu », « as-tu si peur ? »… Elle n’a de cesse, dès le poème d’ouverture, de susciter la geste de l’aimé.

    « Tu rejoindras

    les blés    le pain    la couleur. »

    Ainsi s’ouvre le chant d’amour éternel qui prend son essor au printemps et se déploie, le temps de floraisons intenses — bleuet/coquelicot — au cours d’un été :

    « Soif été fol        
    il était une fois

    25 août

    or épelé      depuis midi tu es
    soleil jour d’or
       à minuit sonné. »


    Amour absolu qui tient entre ses mains l’éternité offerte, danse parmi les blés, naissance à l’autre et au désir, ponctuée par les silhouettes colorées et fragiles de Colette Deblé.

    « Jamais-toujours :

    seule proposition. »

    Deux textes en italiques (il y en a d’autres), phrases elliptiques ou inachevées, viennent suspendre momentanément le tremblé des quatre poèmes d’ouverture. Mais toujours le vent balaie qui disperse les signes et les soumet à l’épreuve de la souffrance :

    « Derrière l’apparence bleue, ce signe saigne. »

    Quelque chose se prépare qui menace l’attente. D’un poème à l’autre, l’imperceptible poursuit sa percée, voltige modeste silencieuse entre les phrases. Les allitérations en [V] et en [Ʒ] ponctuent les poèmes, qui sèment et disséminent dans le récit de cet amour-rapt-apothéose- abandon, leurs sonorités chuintantes et ailées. Voltige / sillage / neige / songe / orange / tige / chevauche / rival / image / léger / manège / sortilège / présage / fragile / vent / vol / rêve…

    Cette légèreté discrète jointe au récit qui sourd derrière les vers conduit une langue nouvelle :

    « Ma langue nouvelle

    corne ta voix (tympan de mon souffle) »

    La voix poursuit son appel sombre tandis que celle de la poète se fait souple, résiste à la brisure même si le parcours poétique revient sur ce qui fut de ce fusionnement ébloui, cercle des mains lieuses, habiles à la caresse. Il faut revenir sur ses pas, remonter vers le poème d’ouverture, pour entrevoir la manière subtile dont la poète entreprend de tisser son histoire. Présence d’un « nous » fusionnel et séparation annoncée du « je » et du « tu » s’entrelacent habilement. Mais ce qui s’affirme explicitement, bien avant que la séparation ait lieu, c’est la force du « je » féminin. Et l’aveu qu’il restera maître du rituel amoureux :

    « Je prendrai le cuir

    de nos pas nus

    sur la terre. »

    Le premier vers du poème d’ouverture « L’aurore est assoiffée » est-il l’amorce d’un avant, l’amorce d’un après ? Annonce-t-il les noces printanières, l’invention des amants, voltige haute d’un été, « danse fauve », éros sublimé « papillon nu dans le vent » ?

    « Ce soir, cercle clos

    (tes bras m’entourent). »

    Ou bien l’annonce du désarroi, désamour inscrit à même la danse nuptiale, sacrée par l’amante dans l’or de l’été :

    « La boucle des rêves s’achève,

    manège, haltes brèves contre ton corps.

    Danse le coquelicot !

    Le vent ne peut rester debout, je cesse et libre.

    Voltige. »

    Plus loin, à l’idéal amoureux de l’amante répond le détachement déjà sensible de l’aimé. Et le regret douloureux qui accompagne l’épreuve :

    « Légère assonance

    du manque, tes mains l’avouent.

    Perdent en assurance le scandale.

    Tout a fondu     antan. »

    Vient très vite l’envers de la voltige, « vacillement » « voilé ». Celui de l’arbre mort, celé dans ses cendres :

    « L’arbre ne renaîtra pas, squelette capricieux,

    rien ne l’agite. Ses membres dessinent

    la pierre d’oubli lancée,

    passé voilé, vacillement d’une ombre et

    ce n’est pas la nuit… »

    Le célèbre vers de Guillevic annonce-t-il le manque à venir ? Associée à la multiplicité d’images négatives, la prolifération insistante des assonances en [i] semble confirmer cette interprétation. Les cercles progressivement vont se dénouer, qui détisseront ce que les bras avaient voluptueusement scellé.

    Restent les mots du poème pour dire le froissé éternel du coquelicot. La passion secrète qu’il porte en lui. Et ce désir irréalisable qui taraude et qui creuse l’écriture :

    « Vivre écrire — sans tourment

    pure perte

    pétales nus loin des blés. »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Voltige !






    ISABELLE  LÉVESQUE


    Isabelle Lévesque
    Source



    ■ Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes

    [Oh, ce désordre de disparaître !] (extrait de Nous le temps l’oubli)
    C’est tout c’est blanc
    [Entends, c’est jour, la forme aimantée du point] (poème extrait de Ravin des Nuits que tout bouscule)
    Chemin des centaurées (lecture de Pierre Dhainaut)
    Chemin des centaurées (lecture d’AP)
    Mai | La Ronde (extrait de Chemin des centaurées)
    [Les feuilles envolées du peuplier] (extrait d’ En découdre)
    [Nous vaut la force courant le vent] (poème extrait de Va-tout)
    [Oh, ce désordre de disparaître !] (poème extrait de Nous le temps l’oubli)
    Nous le temps l’oubli (note de lecture d’AP)
    Ossature du silence (note de lecture d’AP)
    [Ouvre et lis entre les lignes] (poème extrait du Fil de givre)
    Le Fil de givre (lecture d’AP)
    Le Fil de givre (lecture de Jean Marc Sourdillon)
    [Peine singulière] (poème extrait d’Un peu de ciel ou de matin)
    Ravin des Nuits que tout bouscule (note de lecture d’AP)
    [Les serments] (poème extrait de Le tue braccia saranno)
    Va-tout (note de lecture de Jean-Louis Giovannoni)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Territoire
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Isabelle Lévesque (+ un poème extrait de Va-tout)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Texture)
    une recension de Voltige ! par Jean-François Mathé
    → (sur le site de la revue Terre à ciel)
    une recension de Voltige ! par Claudine Bohi
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Isabelle Lévesque, de la terre à la lumière, par Pierre Kobel
    → (sur Recours au Poème)
    une notice bio-bibliographique sur Isabelle Lévesque
    → (sur Recours au Poème)
    trois lectures de Voltige !, par Hervé Martin, Marie-Hélène Prouteau et Lucien Wasselin




    ■ Notes de lecture (55) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





    Retour au répertoire du numéro d’avril 2017
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes