Étiquette : Propos 2 éditions


  • Sophie Braganti | [Des fois je regarde la vie avec ses absences]



    [DES FOIS JE REGARDE LA VIE AVEC SES ABSENCES]



    Des fois je regarde la vie avec ses absences.
    Un trou sur lequel j’ai une vue plongeante.
    Du cimetière ce qu’il en reste.



    Sous l’eau.
    Sous les bateaux les pédalos de l’été.
    Une fontaine.
    Un lavoir.
    Des dalles de béton au ras de l’eau se soulèvent.
    Un château de cartes qui s’effondre. Sans pelle ni râteau.
    Armatures de fer rouillé.
    Comme l’après d’une guerre. Ses frappes.
    Le silence entre deux guerres.


    Le sable gris se craquèle et c’est un puzzle qui se déroule à l’infini.
    On enjambe. On marche dessus.
    Le silence ça commence en 61.
    C’est une plage de silence.
    De croûtes.
    Il y aura l’été. L’été se posera dessus tout ça.
    La douceur dans l’air.
    L’été sur l’eau profane qui tout aura lavé.
    Comme sur les tombes et à l’intérieur.
    L’eau aura tout lavé.
    À l’intérieur.
    Vidé.
    Des os voyagent.
    Les familles se mélangent.
    Encore.
    La marche des eaux.
    La neige comme un édredon.
    L’été comme un pansement.
    Avec des matelas.
    L’eau y est trop bleue.
    On pourrait presque saisir et tirer sa nappe.
    Le ciel tendu comme un drap sec.
    D’un autre bleu. Propre au ciel.
    Le lac on peut y nager.
    S’y voir.
    Peut-être flotter.
    Avec le regard.
    Avec les os.
    Ça n’arrête pas.




    Sophie Braganti, Avant le lac, Propos 2 éditions, Collection Propos à demi, 2018, pp. 43-45.







    Sophie Braganti  Avant le lac






    SOPHIE BRAGANTI

    Sophie Braganti
    Ph. Eric Caligaris
    Source





    ■ Sophie Braganti
    sur Terres de femmes

    [On dit souvent] (extrait de Crac)




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Sophie Braganti
    → (sur le site de Sophie Braganti)
    une bio-bibliographie de Sophie Braganti
    → (sur le site de Propos 2 éditions)
    la fiche de l’éditeur sur Avant le lac de Sophie Braganti
    → (sur remue.net)
    Sophie Braganti | Avant le lac, par Katy Remy





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  • Stéphanie Ferrat | Magali Ballet, Cette surface bordant le noir

    Stéphanie Ferrat | Magali Ballet,
    Cette surface bordant le noir,
    Propos 2 éditions, Collection Le Mur dans le miroir,
    Manosque, 2013.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Magali Ballet
    Source






    DANS CE RAI DE LUMIÈRE QUI TROUE L’OPACITÉ



    Certains textes sont un murmure. Chuchotement de voix pour dire le silence douloureux du monde. Parfois des photos en noir et blanc accompagnent le texte, comme en écho assourdi. Ligne de partage des mots et des images, une lumière filtre entre les feuillages, espaces de respiration qui animent la page.

    Ainsi de ce petit opus, Cette surface bordant le noir, ouvré par Stéphanie Ferrat (pour le texte) et Magali Ballet (pour les photos), publié chez Propos 2 éditions, dans la collection Le Mur dans le miroir.

    Les photos ― forêts et feuillages, clairières, buissons, trouées de lumière, trajectoires, débris de branchages et troncs ― dans le tremblé indistinct des formes, sont comme prises de vitesse dans/par l’objectif.

    La mort, présente sous la blancheur, palpite encore entre les branches. Des pas (absents) crissent dans la neige, traversent le bois comme on traverserait un miroir. La vie est là, aussi, qui cherche à se saisir du moindre indice. Comprendre. « Cette ouverture dans l’absence ». Quelque chose est advenu, qui n’a laissé de sa présence que sa « disparition ». « Le bois s’écarte, laisse apparaître l’absence. »

    Les photos, dominante de gris, une vitre qui ne restitue qu’un contour voilé. Les poèmes― des strophes brèves disséminées, une phrase en italiques, quelques mots égarés sur la page ― disent, sous le murmure, la crainte de déranger les âmes en sommeil. Les « êtres pressentis » se taisent entre présence et absence. Les yeux cherchent et fouillent « cette surface bordant le noir ». Les paroles échangées s’épuisent de ne pouvoir cerner ce qui tient de l’indicible. Toute chose se dérobe devant l’accélération de la chute, laissant place à l’obscur.

    « Tout est rayé

    je ne vois plus où commence le monde. »

    Il n’y a de réponse que dans ce chuchotement qui bruit entre les pages, dans ce rai de lumière qui troue l’opacité, dans le partage des mots.

    Voix feutrée.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Cette surface bordant le noir



    Propos 2 éditions







    ■ Voir aussi ▼

    le site de Magali Ballet
    le site de Stéphanie Ferrat
    le site de Propos 2 éditions



    ■ Stéphanie Ferrat
    sur Terres de femmes

    Abîmer de jour (extrait)
    [Nous aimerions savoir] (poème extrait de Roncier)
    Stéphanie Ferrat | Jean-Louis Giovannoni, « Les Moches » (note de lecture d’AP)





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