Étiquette : Rachel Blau DuPlessis


  • Rachel Blau DuPlessis | [It’s hard for me to talk about poetry]




    J’ai mis des mots au plus profond des poèmes  Comme au fond d’un tunnel
    Ph., G.AdC






    [IT’S HARD FOR ME TO TALK ABOUT POETRY]



    27.




    Il m’est difficile de parler de poésie. De sa singularité. Mon sentiment à l’encontre de toute raison consommable, c’est qu’elle importe. Tant de choses sont en jeu. Tant de chantiers abandonnés. Le oui et le non, en simultanéité. Le combat pour arriver à réparer, simplement même pour dire ce qui est, comment c’est, et pourquoi cela submerge d’émotion, ça, de questions constantes et jamais résolues.


    Quand je rencontre les professionnels dont le travail est d’évaluer le développement, l’aide, l’impact sur la santé, les fonctionnement des infrastructures, et l’éducation scolaire, qui vont étudier l’inégale répartition des maladies dans le monde, qui ont besoin de services, de responsabilités sociales, de changements de politique, qui mettent l’accent sur les articulations minimes qui modulent de nouveaux résultats à partir de résultats dévastateurs, qui veulent identifier l’endroit où une modification est possible, qui veulent évaluer, au moyen de critères assurés d’entrées et de sorties, le travail accompli…


    j’en reviens à mon admiration, à mes questions. Comment faire que la confrontation dont la poésie est l’expression d’une force à une intervention — de façon qu’on sente le tout en son entier


    différemment. Au-delà d’un seul, mais au-dedans aussi.


    Comment parler de niveau de l’art comme sol à partir d’où faire lever.
    Compassion, empathie, résistance. Respect pour l’inconnu, l’inconnaissable, même. Voie d’accès à l’intime complexité des langues et des structures, dans les mailles des grammaires musicales.
    Comment aller au-delà de la « technologie des solutions » en faisant de l’analyse elle-même saturation verbale. Comment produire de la résonance.


    Je me suis donc mise à écrire dans le dedans des poèmes
    J’ai mis des mots au plus profond des poèmes
    Comme au fond d’un tunnel


    pour le dire à mots très noirs.




    Rachel Blau DuPlessis, « Brouillon 85 : Tirage/Épreuve, Section 27 » [Draft 85: Hard Copy], in Brouillons, Éditions Corti, Série américaine, 2013, pp. 195-196. Traduit par Auxeméry avec la collaboration de Chris Tysh.







    DuPlessis, Brouillons






    RACHEL BLAU DUPLESSIS


    RACHEL BLAU DuPLESSIS
    Source



    ■ Rachel Blau DuPlessis
    sur Terres de femmes

    Image persistante (extrait de Tabula rosa)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions Corti)
    la page de l’éditeur sur Brouillons de Rachel Blau DuPlessis
    → (sur remue.net)
    Rachel Blau DuPlessis, Brouillons, par Sereine Berlottier
    → (sur Conjunctions)
    le texte intégral (en anglais) du Brouillon 85
    → (sur Electronic Poetry Center)
    une bio-bibliographie de Rachel Blau DuPlessis
    → (sur PennSound)
    un très grand nombre d’archives sonores et vidéos
    → (sur PennSound)
    Rachel Blau DuPlessis disant le Brouillon 85 [Section 27] ci-dessus [It’s hard for me to talk about poetry]





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2013
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Rachel Blau DuPlessis | Image persistante

    «  Poésie d’un jour  »



    Point de fuite
    Ph., G.AdC







    IMAGE PERSISTANTE



    Il s’est avancé dans l’espace entre

    lui-même

    et son agonie

    ce souffle par lequel

    sans patrie

    les eaux nacrées remontent pour se muer en boue.

    Sans plan. Cette terre

    n’a pas de nom.

    Profond huileux
    passage, plus d’élément

    primitif, ni

    retours ni

    reculs, loin

    d’obscure découverte.






    Entre ténèbre et lumière

    avant que le fil blanc puisse être distingué

    du noir avant qu’il soit

    palpable, comment les distinguer

    l’un l’autre comment

    la sente noire pourrait-elle être

    blanche, le champ ténébreux du miroir distingué

    semi-vide, comment s’échiner et ne pas S’en

    trevoir ?






    Champ ténébreux, blanc miroir semi-vide il y
    a là un point de fuite.

    Tes yeux ouverts, vers l’intérieur,
    tes yeux fixent tes yeux te
    fixent encore
    complice, exclu.

    Puits
    de fuite d’un lieu sondé.

    Douce
    au flanc de la colline s’émiette        la faille brune
    humide

    en-dedans ;
    mares d’eau nue         l’écume verte monte
    du fond.






    Parce que
    cela n’avait pas de lieu
    et ne pouvait monter ni choir quelle que soit
    la poussée

    il marche,
    avançant calmement
    vers quoi

    excédé par l’ennui
    la banalité la
    paix. Le temps.



    Rachel Blau DuPlessis, « Image persistante » (1986), Tabula rosa, Potes and Poets Press, 1987, traduit par Yves di Manno in 49 + 1 Nouveaux Poètes américains choisis par Emmanuel Hocquard et Claude Royet-Journoud, Un bureau sur l’Atlantique & Éditions Royaumont, 1991, pp. 79-80-81.




    ___________________________________________________________
    Note d’AP : le texte « Image persistante » (1986) de Rachel Blau DuPlessis a été repris dans l’ouvrage d’Yves di Manno : Objets d’Amérique, José Corti, Collection Série américaine, 2009, pp. 205-213.






    RACHEL BLAU DUPLESSIS

    RACHEL BLAU DuPLESSIS
    Source



    Rachel Blau DuPlessis est née en 1941 à Brooklyn, New York.

    « J’écris ce que j’ai besoin de lire. Je travaille à partir d’une poétique de critique. Il me paraît essentiel dans mon écriture, de continuer à inventer les pratiques expérimentales et novatrices du modernisme — la prose polyvocale, le collage, l’hétéroglossie, le métissage générique, la diction créolisée — tout en les imprégnant d’une éthique et d’une sincérité qui viennent des traditions objectiviste et féministe-humaniste » (id., page 314).



    ■ Rachel Blau DuPlessis
    sur Terres de femmes

    [It’s hard for me to talk about poetry] (extrait de Brouillons)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Electronic Poetry Center)
    une bio-bibliographie de Rachel Blau DuPlessis
    → (sur PennSound)
    un très grand nombre d’archives sonores et vidéos






    Retour au répertoire du numéro de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes