Étiquette : revue


  • Cédric Demangeot, D’un trou d’aujourd’hui dans la tête


    Héraud 6 bis
    Bois original tiré sur Chine de Jean-Paul Héraud
    in Cédric Demangeot, Chantier de tête, livre d’artiste,
    éditions Trames, 2020.
    Source








    D’UN TROU D’AUJOURD’HUI DANS LA TÊTE
    (extrait)





    Tête hérissée de racines de titane
    foreuse en bas de la chose – excave

    avec ce strict instinct de machine
    un cœur vieux de quatorze épaisseurs

    dans un vacarme de poulies
    organiques de mauvaise volonté

    dans un nuage de suspendues
    poussières qui scintillent encore

    à la verticale d’une montagne d’
    inachevés gravats à venir



    *



    Le rongement de toute une corderie
    c’est un travail de rat de choc.

    On peut en démissionner tous les jours.

    Mais en vérité— on ne peut pas.
    Tous les jours on ne peut pas. Sinon

    ce sont les cordes qui nous mangent.



    […]



    *



    Le rongement— la fibre— la stupeur.

    La tête est le fruit
    de l’intersection forcée
    d’ensembles en guerre.

    Irréconciliables et veufs.

    Le bruit qu’ils font en se frottant
    coagule en boule

    et comme la boule ne s’étoile jamais
    que vers l’intérieur

    ses propres rayons la blessent à mort.





    Cédric Demangeot, D’un trou d’aujourd’hui dans la tête [Chantier de tête, livre d’artiste, éditions Trames, mai 2020], in Revue Europe, revue littéraire mensuelle n° 1103, mars 2021, pp. 246-248.






    Chantier de tête





    CÉDRIC DEMANGEOT (1974-2021)


    Cédric Demangeot denim 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au Poème)
    Cédric Demangeot, dans la densité du silence
    → (sur le site Occitanie Livre & Lecture)
    hommage à Cédric Demangeot, par François Bordes





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  • Louise Glück | Snowdrops


    Louise Gluck Nobel
    Les ouvrages de Louise Glück, tels qu’exposés à l’Académie suédoise de Stockholm,
    lors de l’annonce, le 8 octobre 2020, du prix Nobel de Littérature 2020.
    Ph. © HENRIK MONTGOMERY / AFP.
    Source







    SNOWDROPS




    Do you know what I was, how I lived? You know
    what despair is; then
    winter should have meaning for you.

    I did not expect to survive,
    earth suppressing me. I didn’t expect
    to waken again, to feel
    in damp earth my body
    able to respond again, remembering
    after so long how to open again
    in the cold light
    of earliest spring —

    afraid, yes, but among you again
    crying yes risk joy

    in the raw wind of the new world.




    Louise Glück, The Wild Iris, New York: Ecco Press, HarperCollins Publishers, 1992, page 6. The Pulitzer Prize for Poetry 1993.






    Louise Glück  The Wild Iris







    PERCE-NEIGES




    Sais-tu ce que j’étais, et comment je vivais ? Tu sais
    ce qu’est le désespoir, alors
    l’hiver devrait avoir du sens pour toi.

    Je ne m’attendais pas à survivre,
    tant la terre me réprimait. Je ne m’attendais pas
    à m’éveiller de nouveau, à sentir
    dans la terre humide mon corps
    capable de répondre à nouveau, se rappelant
    après si longtemps comment se rouvrir
    dans la lumière froide
    des tout premiers jours du printemps —

    apeuré, oui, mais de nouveau parmi vous
    pleurant oui risque joie

    dans le vent cru du nouveau monde.




    Louise Glück, L’Iris sauvage in Revue Europe, n° 1009, mai 2013, page 307. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie De Biasi.






    PERCE-NEIGES




    Sais-tu ce que je fus ? comment je vécus ? Toi qui sais
    ce qu’est le désespoir ; alors,
    l’hiver devrait avoir un sens pour toi.

    Je ne m’attendais pas à survivre,
    la terre m’ayant supprimé. Je ne m’attendais pas à
    m’éveiller à nouveau, sentir
    dans la terre humide mon corps
    capable de réagir à nouveau, se souvenir
    après si longtemps comment éclore à nouveau
    dans la lumière froide
    du printemps précoce —

    apeuré, oui, mais à nouveau parmi vous
    à pleurer, oui, risquer la joie

    dans le vent cru du nouveau monde.




    Louise Glück, L’Iris sauvage, édition bilingue, poèmes, éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2021, page 35. Traduit de l’anglais (États-Unis) et préfacé par Marie Olivier.






    Louise Glück  L'Iris sauvage




    LOUISE GLÜCK


    Louise Glück
    Ph. © Katherine Wolkoff





    Louise Glück
    sur Terres de femmes


    Vespers (poème extrait de L’Iris sauvage)





    Voir aussi ▼


    → (sur Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique sur Louise Glück
    → (sur ActuaLitté)
    La poétesse américaine Louise Glück, Prix Nobel de Littérature 2020
    → (sur cairn.info)
    d’autres poèmes issus de L’Iris sauvage, traduits et présentés par Marie Olivier
    (in Po&sie 2014/3-4 [n° 149-150], pp. 46 à 53)






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  • Édith Azam | Suis-moi




    Canif A Muvra
    Prends ton canif :
    ta langue !
    Découpe tous les liens
    découpe aussi mon ombre
    Ph., G.AdC







    SUIS-MOI



    Suis-moi !
    Suis-moi que je m’efface
    Prends ton canif :
    ta langue !
    Découpe tous les liens
    découpe aussi mon ombre
    mon sac à peau
    mes osselets
    mes tendons et mes lignes !
    Suis-moi :
    pour me faire taire !
    Ouvre le vide que je suis
    ouvre ma voix
    déchire mes :
    infinitifs
    que mon corps devienne autre chose !
    Suis-moi
    que je m’écarquille !
    Je te dirai tout bas
    que parfois des mains poussent
    à l’intérieur du cœur
    et qu’elles recousent :
    les cicatrices !
    je te dirai
    à fleur de peau
    que c’est normal tout ça
    qu’il faut me couvrir de silence
    mettre un mouchoir de sable dessus
    qu’un jour on n’en parlera plus
    que tu peux avancer sans crainte
    et bien mieux que me suivre
    tu me dépasseras !
    Suis-moi passe devant
    que je reprenne :
    mon innocence
    mes mots informes
    au noir squelette
    mes morts terreux
    mes morts que j’aime.
    Allez allez passe devant !
    Offre un vertige à la lumière
    ouvre mes yeux que je la voie !
    Suis-moi :
    suis-moi que je sois seule.



    Édith Azam, « Suis-moi », in revue Sarrazine n° 18, 2018, pp. 9-10.






    Sarrazine 18





    ÉDITH AZAM


    Edith Azam
    Source




    ■ Édith Azam
    sur Terres de femmes


    [Tout s’ouvre et c’est dedans](extrait de Bestiole-moi Pupille)
    « Je voudrais devenir oiseau » (lecture de Décembre m’a ciguë par AP)
    Décembre m’a ciguë (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Je dis le mot : mourir] (extrait de Décembre m’a ciguë)
    Il n’y a cette perte de moi (extrait du Mot il est sorti)
    [Je regarde mes mains] (extrait d’Oiseau-moi)
    Édith Azam | Bernard Noël | [comment ça s’ouvre un corps] (extrait de Retours de langue)
    Édith Azam | Bernard Noël | Retours de langue (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    IL RESTERA MON SIGNE





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  • Élisabeth Chabuel | Et ils sont (extrait)



    ET ILS SONT
    (extrait)




    au bout de l’aveuglement

    nous sommes des branches de bois sec
    devenus
    cassants comme du verre

    cassés

    plus bons qu’à disparaître


    sous nos yeux vides
    la mer régurgite un corps d’enfant

    et nous crions




    nous crions le nom de l’enfant

    nous regardons l’enfant
    nous mettons la photo de l’enfant sur nos murs

    nous transférons la photo de l’enfant
    nous transférons à tout va la photo de l’enfant
    nous transférons
    la photo de l’enfant

    et nous crions
    nous crions le nom de l’enfant
    nous crions à tout va le nom de l’enfant
    nous crions
    le nom de l’enfant

    nous crions et nous crions
    petit enfant à bouchon sur le sable
    à fleur d’écume
    tout mouillé
    on dirait qu’il dort

    notre petit dormeur du sable



    Élisabeth Chabuel, « Et ils sont » (extrait) in revue Voix d’Encre n° 56, mars 2017, pp. 52-53. Photographies d’Alain Blanc.






    Voix d'encre 56 2






    ÉLISABETH  CHABUEL


    Chabuel portrait
    Source





    ■ Élisabeth Chabuel
    sur Terres de femmes

    Intime violence
    Veilleur (lecture d’AP)
    Je (extrait du Veilleur)
    [on ne pense pas au présent] (extrait des Passagers)
    17 juillet 1944 | Élisabeth Chabuel, 7 44
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Le Moment




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Voix d’encre)
    la fiche de l’éditeur sur le numéro 56 de la revue Voix d’encre






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  • Claire Genoux | Dans les voilures du soir [extrait]



    DANS LES VOILURES DU SOIR
    (extrait)




    Longtemps je demeurerai sur ta tombe
    cette enfant endormie
    à la bouche balancée entre les ombres
    cette enfant blanche
    avec rien d’autre qu’un corps
    comme un vent qui passe
    sous les lunes mouillées




    À ta lèvre
    le suspens des nuits
    et quelque chose — qui sait —
    qui palpite en diastole et systole




    Je te cherche dans le profond des trous
    dans la tourbe qui s’effrite
    tout un troupeau d’os est en marche
    et frappe les bouches qui tombent
    les fleuves clairs de dessous la terre




    Je choisis des boucles et des colliers
    de quoi couvrir ton front
    appelé si haut
    de quoi remplir ton monde
    de sources enfermées




    […]




    La nuit des adieux
    quelque chose se transvase
    de tendu et de plein comme des cercles
    des noms étranges sont prononcés
    et j’écris
    pendant que tu t’éloignes
    de la rive chaude du monde.




    […]



    Claire Genoux, « Dans les voilures du soir », in La Traverse du Tigre, numéro hors-série de la revue Les Carnets d’Eucharis, « Poésie suisse romande », 2017, pp. 43-44.






    Traverse du Tigre






    CLAIRE  GENOUX


    Genoux 2
    Ph. Bastien Genoux
    © Horst Tappe / CH- 1820 Montreux
    Source





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur viceversa littérature.ch)
    une notice bio-bibliographique sur Claire Genoux
    → (sur Terres de femmes)
    un autre poème issu de l’anthologie de la poésie suisse romande La Traverse du Tigre : Mary-Laure Zoss | [butés à l’arrière]





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Nazih Abou Afach | La porte de l’étable



    Laissez-nous la porte de l’étable
    Ph., G.AdC







    LA PORTE DE L’ÉTABLE




    Prenez la terre et ce qu’il y a dessus
    et laissez-nous le nuage…
    prenez les cieux et ce qu’il y a dessous
    et laissez-nous le babil de l’oiseau
    prenez le fruit et la branche
    et la rumeur verte dans la feuille de la vie
    et laissez-nous l’ombre de l’arbre
    prenez la maison le jardin la clôture
    les chandeliers de l’autel et le licol de l’âne
    le rire du ruisseau et la chambre à coucher de la chèvre
    prenez toutes choses et toutes choses
    et laissez-nous la porte de l’étable
    afin que nous y collions l’acte de décès de nos morts

    (Journal Al-Akhbar, 2011)




    Nazih Abou Afach in Oïkoumène — Cahier « Voix poétiques de Syrie » (présentation, choix et traduction de Saleh Diab), Revue Nunc, n° 37, octobre 2015, Éditions de Corlevour, page 98.







    Nunc 37 2





    NAZIH ABOU AFACH


    Nazih Abou Afach
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poetry International)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Nazih Abou Afach
    → (sur le site des éditions Alidades)
    une page sur Nazih Abou Afach
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Actu-poème de Nazih Abou Afach
    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    les pages sur la revue Nunc





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Salah Al Hamdani | Saison du sel



    Une femme au visage d'argile
    Ph., G.AdC








    SAISON DU SEL


    à Isabelle


    Je voudrais offrir à tes yeux des rivières
    des roses absolues
    des années labourées sans récolte de cendres
    Je voudrais remonter notre destin de l’abîme
    préserver la mémoire de l’euphorie
    loin des rêves pris entre les plis du silence
    d’exilés morts à force de regret

    Tu vois que les caprices de notre automne ne mènent à rien
    Les saisons n’ont pas laissé de traces
    et la rivière étirée en cortège d’ombres blanches
    parle de blessures
    comme de cendres après la pluie

    Ce sont de vieux jours incendiés de haines
    qui nous ont permis d’apprivoiser la paix
    Jours en mouvement lent
    comme des restes de braises
    dans la nuit morte

    Il nous échoie la blancheur du sel
    que le destin a tissé au royaume du vent
    aussi haut que mes jours torturés

    Avec ta sève
    et ce sel perdu dans les pentes et l’ombre éblouie
    de tes hanches
    que mon corps sans cesse conquérant
    remonte
    la forêt écimée dans l’immensité
    nue face à la mer
    témoignera un jour
    que le vent a humé les pierres
    et dispersé les nuits brisées
    d’une femme au visage d’argile



    Salah Al Hamdani in Revue Sarrazine n° 13, Papier(s), 2012, pp. 54-55.








    SALAH AL HAMDANI


    Salah Al Hamdani  NB2
    Ph. H. Schneese



    Poète et écrivain de langue française et arabe, Salah Al Hamdani est né en 1951 à Bagdad. Exilé en France en 1975, il a commencé à écrire en prison politique en Irak vers l’âge de 20 ans. Il est aujourd’hui l’auteur de nombreux ouvrages littéraires (romans, poésies, nouvelles et récits) écrits et publiés pour la plupart en arabe ou en français. En 2008, Emmanuèle Lagrange a réalisé un documentaire sur lui : Bagdad-Paris, Itinéraire d’un poète.



    ■ Salah Al Hamdani
    sur Terres de femmes

    Bagdad, désespérément (extrait de Rebâtir les jours)
    Le début des mots (extrait de Bagdad mon amour)
    Isabelle Lagny — Salah Al Hamdani | [Dans la lumière blanche] (extrait de Contrejour amoureux)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Salah Al Hamdani
    → (sur YouTube)
    un entretien avec Salah Al Hamdani





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