Étiquette : Revue Nunc


  • Karen Alkalay-Gut, Survivre à son histoire

    par Angèle Paoli

    Karen Alkalay-Gut, Survivre à son histoire,
    poèmes d’Holocauste, édition bilingue,
    Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2020.
    Traduction de l’anglais par Sabine Huynh.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « JE CHERCHE… CETTE PARTIE D’EUX QUI ME COMPLÉTERAIT »




    Karen Alkalay-Gut est l’auteure d’un nombre considérable d’ouvrages. Recueils de poèmes, textes critiques et biographiques. Écrits en hébreu ou en anglais, certains de ces textes ont été traduits en yiddish, roumain, italien, polonais, russe… Grâce au remarquable travail de traductrice entrepris par Sabine Huynh, un premier ouvrage de Karen Alkalay-Gut est aujourd’hui disponible en langue française : Survivre à son histoire. Un recueil de vingt-six poèmes qui vient tout juste de paraître aux éditions de Corlevour.

    En première de couverture, une photo en noir et blanc, légendée Mother ans sisters. Ils sont sept, enfants et adolescents (ou jeunes adultes). Un jeune homme et six filles. La même photo est reproduite au cœur du livre, en regard du poème « Old Photo ». Chacun des protagonistes y est présenté par la poète. Resitué en quelques vers dans son contexte ou dans ses actes. Ainsi de la mère, identifiée par la main que sa sœur Frida pose sur son épaule, la poète écrit-elle :

    « ma mère, qui réchappera de tous

    les obstacles de la vie quels qu’ils soient. »

    Une fois achevée la présentation de sa famille maternelle, la poète conclut par deux vers où sont inclus les vivants qui la lisent/regardent :

    « Les voici maintenant, chacun d’eux vous scrutant

    depuis leur monde entier respectif. »

    Au sein du même poème, la poète précise :

    « À peine

    deux décennies après ce cliché plus aucun

    des frères et sœurs n’était encore en vie. »

    Immédiatement identifiable, le contexte historique est celui de la Shoah, ce que le sous-titre, Poèmes d’Holocauste, indiquait déjà.

    C’est sur le poème intitulé « Dédicace » que s’ouvre le recueil. Dans ce poème à la manière de Czeslaw Milosz, la poète s’adresse aux siens, à ces proches qu’elle n’a pas connus, emportés par les violences et furies de l’Histoire. Parmi tous les visages disparus émerge celui de la grand-mère, laquelle revient à plusieurs reprises sous la plume de sa petite-fille. Notamment dans le poème intitulé « Photo ». La photo correspondante, sur la double page qui précède le poème, a été prise à Lida en 1916 par un soldat allemand. La poète, qui s’appesantit sur le regard de sa grand-mère, prend le lecteur/spectateur à témoin :

    « Ses yeux

    voyez comme ils jaugent froidement

    le soldat qui pouvait décider

    de pointer sur elle son arme plutôt que

    son objectif […] ».

    Dans l’émouvant poème qui ouvre le recueil (« Dédicace »), où Karen Alkalay-Gut rend un hommage plein d’affection aux oncles et tantes « emportés » avant sa naissance, la poète s’interroge sur l’héritage qui est le sien et sur l’importance qu’il a pour elle ; sur la place qu’il occupe dans sa vie et sur celle qu’il occupera à l’avenir. Et quelle part d’imaginaire, de cauchemars, de souvenirs accorder à l’écriture ?

    Ce que fut la réalité des siens, et qui nourrit sa souffrance, la poète l’évoque sans pathos, avec un détachement froid, dans le poème « Stutthof » :

    « Ma grand-mère a été changée en savon.

    Il était clair qu’elle était trop faible pour travailler

    c’est pourquoi les docteurs l’ont emmenée à l’infirmerie

    lui ont fait une injection mortelle

    puis l’ont convertie en quelque chose d’utile. »

    Un espoir toutefois, un mince espoir, réside dans la pensée affectueuse de la poète. L’espoir que peut-être, grâce à la flamme d’une chandelle, la grand-mère « profite de chaque instant de lumière. » De sorte que poursuivre par la démarche poétique ce qui a pour toujours disparu perpétue cet espoir :

    « À ma mort mes poèmes sur vous seront des graines

    semées sur des tombes perdues à jamais. »

    Raconter alors. Raconter pour survivre par-delà ce que d’autres ont vécu. Raconter pour retrouver les chemins de l’Histoire. Et des histoires. Car qui dit histoire dit aussi récit. Mettre des mots sur ce qui ne peut être dit. Dénoncer les violences d’hier et celles insidieuses d’aujourd’hui. Dénoncer par exemple la violence de l’indécence du « tourisme holocaustique », mis au goût du jour. Raconter pour exhumer les visages du passé, ré-animer le peu qu’il reste de ce qui a été emporté dans la tragédie. Rendre la parole aux survivants et se risquer à retracer. Tenter de retracer pour comprendre. Par où commencer ? Quand cela a-t-il commencé et comment ? La poète cherche. Sa recherche est multiple, sa recherche est constante. Elle se poursuivra par-delà le dernier poème qui clôt le recueil. Jamais elle ne prendra fin, sinon à la disparition de la poète.

    « Je suis toujours à la recherche de mon cousin —

    celui qui se trouvait à l’école

    et a réchappé au massacre. »

    Et le dernier poème se clôt sur cet aveu :

    « Je ne sais par où commencer. »

    Car c’est avec le nombre que cela commence. « Mathématique ».

    « Un plus un plus un plus un —.

    Compte les êtres humains exterminés ».

    Échapper au nombre. À la dictature du nombre. Et retrouver les visages et les êtres disparus. La poète fouille. Passé et mémoires. Vieilles photos délavées. Elle met des noms sur les visages. Mira Basha Motel Malcah… Outre la grand-mère, il y a la mère et ses sœurs, le père et le grand-père, il y a le frère, les cousins et les voisins. Il y a Willy Neisner, « seul survivant de sa famille » et que l’on a retrouvé pendu. Tous sont à la recherche d’un des leurs. Ou de plusieurs d’entre eux. Il y a aussi le traitre — Berke Karpaiski — et Mengele le tortionnaire qui poursuit la voisine de palier, devenue folle, dans ses cauchemars. Tous ces gens ont habité des lieux précis. Lida, Minsk, Ochmiany, en Biélorussie… Dantzig — Gdánsk en polonais — et le Stutthof. Lieux de ghettos, lieux de tortures et de « mort certaine ». Lida. Sorte de monstre avide, « cimetière à ciel ouvert » ; piège prêt à se refermer sur ceux qui tentent d’y revenir. Et pourtant le dilemme est cruel, qui met la poète face à ses contradictions insolubles :

    « il m’est aussi impossible d’y retourner

    que de ne pas le faire. »

    En lisant ces deux derniers vers me revient en mémoire le très beau récit de Cécile Wajsbrot, Mémorial (éditions Le Bruit du temps, 2019), qui met la narratrice devant les mêmes choix impossibles.

    Il existe parfois plusieurs versions de la même histoire, qui varient en fonction de leur narrateur. Les témoignages divergent sur si peu de choses. Ce qui les relie les uns aux autres, c’est l’abomination qui les caractérise. Car les histoires sont toutes plus horrifiantes les unes que les autres. Des histoires monstrueuses. Ainsi de ces deux bébés, sauvagement assassinés. Abraham et Macha. Leur sang versé coule dans le sang de la poète.

    « Si je peux écrire sur ces bébés,

    je peux supporter le reste », confie-t-elle.

    Comment même imaginer semblables cruautés ? Comment supporter l’insupportable ? Comment en rendre compte quand on ne sait pas raconter ? Chacun tente à sa manière de survivre à cette histoire commune. Chacun cherche à échapper à sa solitude, à ses souvenirs, à son passé, à sa folie. Raconter, alors, ravauder les pans de récits les uns aux autres, comme le fait ici la poète. Chaque poème est un élément du puzzle. Dans chaque poème se dessinent des ébauches de portraits, suffisamment poignants et réalistes pour qu’ils deviennent familiers à celui qui les croise. La poète est hantée. Elle laisse les ombres la traverser, traverser ses rêves.

    En réalité, quoi qu’elle dise, la poète raconte. Et elle raconte éperdument. Elle se fait passeuse. Sa mémoire rejoint et prolonge celle des siens. Même si elle est née en Angleterre en 1945, elle porte en elle le poids d’un récent passé qui n’est pas tout à fait le sien mais qui lui a été transmis par les siens. La guerre est encore trop à vif dans ses veines et dans ses larmes pour qu’elle fasse abstraction d’un passé « confiné » dans les « rêves » de ceux qui « n’osaient même pas raconter ».

    « Enfant de réfugiés, je cherche leurs secrets, leurs doux souvenirs,

    le chagrin qu’ils taisaient, exprès et involontairement,

    cette partie d’eux qui me compléterait. »

    Il m’est difficile de refermer ce livre et de me détacher des visages qui émergent d’un poème à l’autre. Tant est grande l’émotion. Et puissante la présence poétique de Karen Alkalay-Gut qui illumine ce recueil.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    Survivre à son histoire




    KAREN ALKALAY-GUT


    Karen_Alkalay-Gut portrait
    Source




    ■ Karen Alkalay-Gut
    sur Terres de femmes


    Exil (un poème extrait de Survivre à son histoire)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Corlevour)
    la fiche de l’éditeur sur Survivre à son histoire
    → (sur Terre à ciel)
    Karen Alkalay-Gut, traduite par Sabine Huynh






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  • Karen Alkalay-Gut | Exil


    EXILE




    My mother strode forward with her jaw uplifted.
    She made sure we found a place in every new world.
    My father lagged behind with steps longing only to return.
    But there was never a place to go back.
    Home no longer existed the minute you needed to leave.
    You could grieve all you like but you had to keep breathing.
    Their pasts were reserved only for their dreams.
    They didn’t even dare tell. Who knows what would occur
    If they tried to bind old faiths with new lives.
    A child of refugees, I seek their secrets, their sweet memories,
    The suffering they hid, willingly and unwillingly,
    The part of them that would make me whole.








    EXIL




    Le menton levé, ma mère avançait d’un pas décidé.
    Elle s’assurait que nous trouvions notre place dans chaque monde nouveau.
    Mon père traînait des pieds qui languissaient après le retour.
    Mais il n’y avait jamais nulle part où revenir.
    La maison n’existait plus à partir du moment où vous deviez partir.
    Vous pouviez pleurer tout votre saoul mais vous deviez continuer à respirer.
    Leur passé était confiné dans leurs rêves.
    Ils n’osaient même pas raconter. Qui savait ce qui pouvait arriver
    s’ils essayaient de lier de vieilles croyances à de nouvelles vies.
    Enfant de réfugiés, je cherche leurs secrets, leurs doux souvenirs,
    le chagrin qu’ils taisaient, exprès et involontairement,
    cette partie d’eux qui me compléterait.




    Karen Alkalay-Gut, Survivre à son histoire, poèmes d’Holocauste, édition bilingue, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2020, pp. 24-25. Traduction de l’anglais par Sabine Huynh.





    Survivre à son histoire




    KAREN ALKALAY-GUT


    Karen_Alkalay-Gut portrait
    Source




    ■ Karen Alkalay-Gut
    sur Terres de femmes


    Survivre à son histoire (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Corlevour)
    la fiche de l’éditeur sur Survivre à son histoire
    → (sur Terre à ciel)
    Karen Alkalay-Gut, traduite par Sabine Huynh





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  • Benjamin Guérin | [Je me suis arrêté au bord des grands hêtres]



    [JE ME SUIS ARRÊTÉ AU BORD DES GRANDS HÊTRES]




    Je me suis arrêté au bord des grands hêtres
    ces arbres dont la tête ressemble tant à ma main
    ouverte et lacérée sans fin
    des lignes de la vie.

    En ces troncs j’ai creusé mon abri, qui m’isole et protège,
    pendant mon sommeil, comme un père, attendri.

    En ce lieu, l’habitant est nu
    il doit trouver seul son habit.
    Les pierres les premières y pourvoient
    elles façonnent la voûte de son pied
    et les chutes épaississent ses chairs.
    Il s’habille de cuir. Il est sans habitudes.
    Les chemins accordent son souffle
    et sans cesse à contre-courant
    il tend ses nerfs comme les haubans
    jusqu’à la rupture jusqu’au cri
    pour encore remonter le vent.




    Benjamin Guérin, « Chants de la tour » in Chants du voyageur, poèmes, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2019, page 58. Encres de Jean-Gilles Badaire.





    Benjamin-guerin-chants-du-voyageur





    BENJAMIN  GUÉRIN


    Benjamin Guérin





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    la fiche de l’éditeur sur Benjamin Guérin
    → (sur La Cause Littéraire)
    une recension de Chants du voyageur par Didier Ayres
    → (sur Presque dire)
    une recension de Chants du voyageur par Sabine Huynh





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  • Marion Richard | [Un écho dans la montagne]


    [UN ÉCHO DANS LA MONTAGNE]



    Sophie Brassart Marion
    Encre de Sophie Brassart
    in Marion Richard,
    Désirer danser, page 80.







    Un écho dans la montagne

    dans le creux de la montagne
    augmente

    qui seul sait d’où il vient.

    Il vient d’un autre écho

    lui-même né d’un autre écho
    et c’est ainsi                    depuis la mer.



    À l’origine

    il semble que c’était un murmure

    ̶  peut-être un clapotis au coin des galets

    ̶  peut-être un sifflement dans les aiguilles des sapins

    quelque chose de joli

    d’un peu gênant mais doux

    Ce dont on fait des chansons aux enfants

    celles sur les bateaux

    celles sur les moulins

    et sur les nez coupés

    les tout petits poissons

    et les chasseurs qu’on tue.


    Ensuite

    il roula parmi forêts et vallées,

    dans les creux des cavernes,

    charriant des ombres en pagaille

    pendant des lunes.

    cela semble un écho mais c’est bien le tonnerre

    de la plaine à la mer

    et contre la montagne


    ̶  Faudra-t-il qu’elle                   éclate en galets

    pour qu’à nouveau

    murmure l’écume




    Marion Richard, « Les murs livides          tremblent », X, Désirer danser, poèmes, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2019, pp. 23-24. Encres de Sophie Brassart. Première sélection du Prix Mallarmé 2019.






    Marion Richard  Désirer danser





    MARION RICHARD

    Marion Richard portrait
    Ph. Rémy Thellier




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poezibao)
    Marion Richard, Désirer danser (lecture de Pascal Boulanger)





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  • Béatrice Libert | [Les pierres et les mots]



    [LES PIERRES ET LES MOTS]




    Les pierres et les mots remplissent notre vie
    Les unes pour la fermer les autres pour l’ouvrir

    Nous les semons devant nous
    Sans pouvoir contre le chagrin et la nuit

    Parfois certains d’entre eux
    Soulèvent notre montagne intérieure
    Remuent notre pauvre syllabaire

    Où les mots défaits se recomposent
    Où les pierres affligées se changent en sable

    Où le vent malgré sa surdité
    Ranime quelquefois un semblant de poésie





    Béatrice Libert, Battre l’immense, poèmes, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2018, page 27.






    Beatrice Libert  Battre l'immense 2





    BÉATRICE LIBERT


    Beatrice Libert
    Source




    ■ Béatrice Libert
    sur Terres de femmes


    Chansonnier : arbre lyrique (extrait d’Arbracadabrants)
    [Il y a dans le vent qui passe] (extrait de L’Aura du blanc)
    Nous traversons l’abîme (+ une notice bio-bibliographique)
    [Peut-être est-ce dans l’arbre ?] (extrait d’Un arbre nous habite)
    Très souvent (extrait d’Être au monde)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Attente
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un Portrait de Béatrice Libert (+ un extrait d’Être au monde)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    une fiche bibliographique sur Béatrice Libert





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  • Nicolas Waquet | [c’est l’automne, le ciel est creux]


    [C’EST L’AUTOMNE, LE CIEL EST CREUX]



    c’est l’automne, le ciel est creux
    et c’est l’après-midi

    de grands arbres tumultueux
    au bois dur, parfumé
    diffusent une lueur de peine

    et l’amant, par ces allées
    où la lumière se traîne

    erre, discret dans cette douleur
    vacante, cherchant, meurtri
    à se vêtir d’obscurité

    dans le ciel égorgé

    ce soir encore
    tu fonds sur mon épaule

    amour au plumage enflammé

    tu t’accroches
    morsure dans ma chair

    brûlure amère des jours perdus

    des joies limpides
    auxquelles je n’ai su boire

    la nuit
    lenteur

    le monde en équilibre

    les choses
    éclosent

    j’oublie ma densité

    j’avance

    un pas
    un mot

    sur le fil du poème

    la langue
    un gouffre

    et le sens un vertige

    je veille

    j’attends
    les yeux ouverts

    le vol des rêves
    et son bruissement aveugle

    la lune

    — un instant —
    crève les nuages

    me poignarde innocente
    insensée

    moi — rien
    que cette coïncidence



    Nicolas Waquet, Puisqu’il fait jour, 7, Éditions de Corlevour | Revue Nunc, 2017, pp. 51-52-53-54.






    Nicolas Waquet Puisqu'il fait jour





    NICOLAS WAQUET


    Waquet-Nicolas-portrait2014





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au poème)
    une page sur Nicolas Waquet





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  • François Amanecer | Quatrième nuit, I



    NUE Amanecer
    « toi, nubile et nue
    et grise au regard divergent »
    Source








    QUATRIÈME NUIT




    I


    J’avais coupé d’eau les couleurs pour ne point altérer
    la tendresse de ton portrait — toi, nubile et nue

    et grise au regard divergent

    Tu avais revêtu le vêtement d’une autre
    et senti son effluve remonter par tes jambes musclées

    jusqu’à ta gorge

    Ayant du vêtement palpé l’étoffe, étrangère à toi-même
    et maintenant proche d’elle —

    Dans la maison, plus aucun bruit, seul le sifflement
    du vent se glissant sous la porte par le rai

    du jour

    Stridence dont l’écho a ricoché sur un verre
    sans tain — le carreau

    l’a répercuté en une image

    Qui s’est éparpillée à la surface étincelante de

    l’eau



    François Amanecer, « Quatrième nuit », I, Le Corbeau interrompu, in Le Corbeau interrompu, poème, précédé de Vu d’en haut — poétique, Revue NUNC | Éditions de Corlevour, 2017, page 39.



    ________________________________________
    NOTE : ouvrage disponible en librairie le 4 janvier 2018.




    FRANÇOIS AMANECER


    Amanecer

    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    une notice bio-bibliographique sur François Amanecer





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  • Anne Teyssiéras | [Nos doutes étaient comme l’écume de la mer]




    [NOS DOUTES ÉTAIENT COMME L’ÉCUME DE LA MER]




    Nos doutes étaient comme l’écume sur la mer, répandue partout, étalée, allant et venant sur le sable gorgé de coquilles et de mousse.

    Notre anxiété était pareille à une nuée de criquets, si dense qu’elle voilait un moment le soleil et s’abattait dans un grand bruissement métallique sur les cultures et les jardins.

    Attachés aux jeux de la mort, la vague, la nuée, le vent tirant par les cheveux ce qui encombre son passage, renversant, entraînant, navrant, déracinant…

    L’un de nous intervenait : « Cessons de dire comment nous ressentons les choses, cela ne peut faire que les retourner. » L’une d’entre nous ajouta : « Écrire est dangereux. Les métaphores donnent de l’air mais font des trous dans la pensée. Il faut raccommoder les trous, colmater les brèches, combler les sillons pervers que font les images. En pure perte d’ailleurs. Nous n’échapperons pas à notre destinée. »



    Anne Teyssiéras, Un présent sans mémoire, 42, poèmes, Revue NUNC | Éditions de Corlevour, 2017, page 51.






    Anne Teyssiéras  Un présent sans mémoire 3





    ANNE TEYSSIÉRAS


    Anne Teyssiéras




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur La Cause Littéraire)
    une notice bio-bibliographique sur Anne Teyssiéras
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique sur Anne Teyssiéras
    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    la fiche de l’éditeur sur Un présent sans mémoire





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  • Nuno Judìce | Un thé dans la véranda





    Nuno Judice devant le stand des éditions de Corlevour (Marché de la Poésie  Paris  samedi 10 juin 2017)

    Nuno Judice devant le stand des éditions de Corlevour
    (Marché de la Poésie, Paris, samedi 10 juin 2017)
    Ph. D.R.








    UM CHÁ NA VARANDA




    E enquanto as ondas rebentavam na linha da praia,
    e o vento soprava nas frestas das portas e das janelas
    da varanda, a senhora de vestido de flores
    mexia devagar o chá que arrefecia, e nem
    se dava conta de que a mão que fazia o gesto
    de mexer o chá seguia o erguer dessa onda que
    se fez mais lenta para que ela não parasse o movimento
    do braço, e os dedos segurassem com
    mais força a colher. Talvez um piano, escondido
    na sua cabeça, seguisse o ritmo desses dedos
    que eu via, do meu canto, encostado à porta
    que o vento insistia em abrir para chegar
    até à mesa onde a senhora se sentava,
    e agitar o vestido até que as flores se desfizessem,
    deixando cair as pétalas na chávena
    de chá de onde ela tirou a colher, para
    beber o seu chá de flores olhando
    para as ondas que rebentam na linha da praia.



    Nuno Judìce, Navegação de Acaso, Dom Quixote, Lisboa, 2013.






    Nuno Navegaçao







    UN THÉ DANS LA VÉRANDA




    Pendant que les vagues éclataient sur le bord de la plage,
    et que le vent soufflait dans les rainures des portes et fenêtres
    de la véranda, la femme vêtue de fleurs
    remuait lentement le thé qui rafraîchissait, et ne
    se rendait pas compte que la main qui faisait ce geste
    suivait le lever de cette vague se faisant
    plus lente afin de ne pas arrêter le mouvement
    du bras, et que les doigts puissent suivre avec plus
    de force la petite cuiller. Peut-être qu’un piano, caché
    dans sa tête, suivait le rythme de ses doigts
    aperçus, dans mon coin, appuyé à la porte que
    le vent persistait à ouvrir, pour aller jusqu’à
    la table où la femme s’était assise, et à agiter
    le vêtement jusqu’à ce que les fleurs se défassent,
    laissant tomber les pétales dans la tasse
    de thé d’où elle avait tiré la cuiller, pour
    boire son thé de fleurs en regardant
    les vagues déferler sur le bord de la plage.



    Nuno Judìce, Naviguer à vue, poèmes, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2017, page 33. Traduit du portugais par Béatrice Bonneville-Humann et Yves Humann.






    Nuno Judice  Naviguer à vue





    NUNO JÚDICE


    Nuno_judice1
    Source




    ■ Nuno Júdice
    sur Terres de femmes

    Désir (poème extrait de Geometria Variável)
    Deus (poème extrait de Meditação sobre Ruínas)
    Lisboaxaca (poème extrait de Guia de Conceitos Básicos)
    Semiología (poème extrait de o movimento do mundo)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    la page de l’éditeur sur Naviguer à vue
    → (sur BiblioMonde)
    une notice bio-bibliographique sur Nuno Júdice
    → (sur La Pierre et le Sel)
    une page sur Nuno Júdice
    → (sur lepetitjournal.com)
    un portrait de Nuno Júdice
    → (sur le site de la Fondation Calouste Gulbenkian)
    une bio-bibliographie (en portugais) de Nuno Júdice
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Nuno Júdice dits par l’auteur
    → (sur Recours au Poème)
    cinq poèmes de Nuno Júdice traduits du portugais par Béatrice Bonneville et Yves Humann





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  • Ariel Spiegler | [Je vais ramasser dans mes paumes]



    [JE VAIS RAMASSER DANS MES PAUMES]



    Je vais ramasser dans mes paumes
    l’eau vive sortie des promesses.
    L’orage tombera ce soir,
    me laissera les yeux fermés,
    les yeux ouverts ; et ma vieillesse.

    Je n’attends plus de savoir vivre ni
    de prévoir : la sagesse fait dormir.
    Je boirai cette eau dans mes paumes
    comme on oublie que l’on titube
    et elle blanchira mes mains
    que j’ai enivrées trop souvent.
    J’avais vu l’ombre et la menace,
    les yeux ouverts, et ma vieillesse.



    Ariel Spiegler, C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment, poèmes, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2017, page 45.






    Ariel Spiegler, C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment, poèmes, Revue Nunc Éditions de Corlevour, 2017.






    ARIEL  SPIEGLER


    Ariel Spiegler




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Place de la Sorbonne)
    plusieurs poèmes d’Ariel Spiegler
    → (sur Recours au Poème)
    cinq poèmes d’Ariel Spiegler
    → (sur la revue Ce Qui Reste)
    Ariel Spiegler & Zoé Landry





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