Étiquette : Richard Rognet


  • Richard Rognet | [Depuis ce matin, une tourterelle]



    [DEPUIS CE MATIN, UNE TOURTERELLE]



    Depuis ce matin, une tourterelle
    lacère ma solitude,
    plus elle crie plus je m’effondre
    au centre de l’étang noir
    où la mort fignole son œuvre,
    tourterelle, tu accumules
    tant de ténèbres sur ma vie !
    épargne la glycine mauve
    qui effile si bien la clarté,
    n’éveille pas le chat qui dort
    dans la soie d’une ombre bleue,
    tourterelle, je suis ton complice,
    j’égarerai les voyageurs
    qui luttent entre absence et remords.




    Richard Rognet, Lutteur sans triomphe in Béatrice Marchal, Richard Rognet ou « l’ailleurs qui veut vivre », suivi de Richard Rognet, Lutteur sans triomphe, éditions L’herbe qui tremble, Collection Trait d’union, 2018, page 222.
    [en librairie le 15 octobre 2018]







    Rognet Marchal






    RICHARD ROGNET


    Richard Rognet 2
    Source




    ■ Richard Rognet
    sur Terres de femmes

    [Le lierre] (extrait d’Élégies pour le temps de vivre)
    Un peu d’ombre sera la réponse (lecture de Sylvie Besson)




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    Richard Rognet, poète vosgien (par Jean Gédéon)
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    une page sur Richard Rognet (par Patricia Laranco)
    le site des éditions L’herbe qui tremble



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  • Richard Rognet | [Le lierre]


    [LE LIERRE]




    Le lierre — puis l’église et ce qui tourne
    en nous, la vie patiente, les histoires
    anciennes, chats bottés, bois dormants,
    ombres retranchées dans les tremblements

    du soir — et les massifs de fleurs qui
    tentent de résister sous les crocs
    de la pluie, ces chants qui s’élèvent dans
    la mémoire et repoussent l’oubli, ces

    chants, éclaireurs de nos songes,
    paroles premières, mots d’amour
    sous l’usure de nos paupières, mots

    recueillis sur la feuille précocement
    brunie qui tombe du tilleul et laisse
    comme une trace dans l’air étonné.



    Richard Rognet, Élégies pour le temps de vivre, éditions Gallimard, 2012, in Élégies pour le temps de vivre, suivi de Dans les méandres des saisons, Éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2015, page 72. Préface de Béatrice Marchal.






    A46747






    RICHARD ROGNET


    Richard rognet




    ■ Richard Rognet
    sur Terres de femmes

    [Depuis ce matin, une tourterelle] (extrait de Lutteur sans triomphe)
    Un peu d’ombre sera la réponse (lecture de Sylvie Besson)



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  • Richard Rognet, Un peu d’ombre sera la réponse

    par Sylvie Besson

    Richard Rognet, Un peu d’ombre sera la réponse,
    éditions Gallimard, Collection blanche, 2009.



    Lecture de Sylvie Besson




    Ombre
    Ph., G.AdC










    « Si tu me demandes où / Est la vie promise, / Dans les méandres / Des saisons, un peu / D’ombre sera la réponse »


    Faire l’expérience du noir, saisir le moment où la nuit pénètre le jour, percevoir une ombre comme s’il s’agissait d’une lueur, tel est l’univers de Richard Rognet dont la voix tente d’émerger d’une Nuit profonde, dont la parole chante autant l’obscur qu’elle est chant de l’obscur ; et lorsque la Lumière laisse ses ombres envahir la page, on le suit dans l’Ombre et on ne sait plus où l’on est. Peu importe que ce soit sur terre ou ailleurs, l’intérêt sera alors de se frayer un chemin dans cette obscurité, car cette nuit est aussi celle du travail de création en train de se faire. Quelque chose cherche à apparaître dans le doute et la fragilité, dont rien ne garantit l’épanouissement, l’œuvre posant à la fois la question fondamentale de la création et, en double fond, celle du non-retour, d’un présent obscurci par la composition du monde, personne ne pouvant précipiter son avènement ou son retour : « tu sais que venu / de la nuit, tu / reviendras en elle ». D’un côté, le combat avec sa propre voix, ses dérobades, la tentation du découragement, de l’autre, celui avec un réel insaisissable, marqué par l’imprécation, le cri, un tragique toujours latent. Ainsi se croisent des univers si proches, le cheminement du poète et l’errance de l’homme, un tutoiement peuplé d’ombres, dialogue entre le dedans et le dehors, entre l’intime et le cosmique :


    Tu prends des notes
    le matin, pour mieux
    regarder, mieux entendre,


    tu griffonnes, tu
    gribouilles, comme
    si tu raturais les
    bavures de ton lever, […]


    mais ce matin, tu le sens
    dans ton corps, c’est pour
    bien t’appuyer sur la vie.


    De tous côtés les souvenirs douloureux surgissent, et notamment l’incapacité à en signifier la vérité, à en retrouver l’évidente beauté. Deux voix se répondent comme pour s’effacer et découvrir un autre seuil à franchir au-delà de l’insatisfaction et de l’inachèvement. L’écriture, éminemment lyrique, d’une incroyable lucidité, exprime de manière bouleversante les sentiments qui nous pénètrent de part en part ; le verbe sert une pensée forte et structurée, traversée par la précarité de la vie ; le chant prend tout son sens dès que le poète se trouve dans ce temps qu’il interroge, entre silence et mélancolie, dans une poésie qui désigne l’évanescent, questionne l’éphémère, incarnés par l’illusion du jour naissant et de tous les commencements frauduleux. La parole éperdue du Poète est ainsi jetée au vent et à un ciel assombri comme une brûlure à la face du monde :



    ce noir absolu qui
    t’emporte, plus loin
    que les lointains, où
    tout se prépare en ce
    qui disparait


    La poésie de Rognet est certes habitée par un double noir d’où émanent quelques énigmes sur l’être, mais le langage recrée des énigmes, l’aporie se referme lourdement sur l’espérance. Être poète de l’ombre, c’est donc être dans l’instable, c’est être dans la préhistoire de soi afin d’échapper à l’histoire d’une naissance qui compose l’être, puis dépasser également les mots habituels et avoir confiance en ce qui fuit l’homme. La démarche poétique retrouve l’immémorial silence, marque de la poésie la plus achevée, aux frontières mêmes du rien. :



    La nuit — la nuit
    glaciale, paisible,
    et tellement d’étoiles,
    là-bas, au fin fond


    du temps, au fond de
    mes yeux où s’écrasent
    tant de lueurs ignorées —
    c’est le noir entre
    elles qui m’attire […]


    le noir, comme les
    trous de ma mémoire plus
    ancienne et libre que moi.


    La lumière poétique, terreuse et transparente à la fois, cherche à précipiter loin, et l’écriture donne des coups de butoir au bord du gouffre, insistant sur le tragique d’un temps qui passe irrémédiablement et celui d’un espace incertain. Le poème s’érige en élégie, une longue méditation dans laquelle la nature est plus reposoir qu’incantation, prétexte davantage à retrouver un visage familier, une origine somme toute nostalgique :



    …et la rouille de l’automne
    entêté ! ça claque au
    vent
    ça se brouille !
    ça grelotte ! ça proteste !


    Où sont donc nos
    anciennes cachettes,
    si chaleureuses, si
    discrètes ?


    On croit encore que c’est une ombre mais à cette ombre s’attachent un corps, des pierres, des feuilles, des cris, une chaleur, comme un rien qui insiste, qui cherche et qui perce un mystère. Et ce corps ombrageux entre dans le regard, en un instant on est lui. Rognet nous fait ainsi sauter par-dessus la clôture : on court, on lève les bras pour porter un ciel moins lourd, les yeux se ferment et on voit ; ça danse, ça gesticule, ça vit comme une gerbe de couleurs, un rire en grelots d’enfance. Rognet tente alors de remonter les lunaisons, de raviver les parole éteintes, mais l’âge avançant (« l’âge, cette / mort à contre-jour »), les allées s’encombrent de cadavres et la mémoire devient un terrifiant sanctuaire à sauvegarder, un effeuillement d’ombres plus saisissantes les unes que les autres :



    nous entrerons dans
    la nuit sans rien dire,
    sans murmurer, nous
    laisserons nos souvenirs
    se pencher sur nous.


    Entre défloration des signes et chant occulte de l’être, la flamboyance noire d’images dévoile ce qui blesse et déchire, il faut in fine célébrer des mondes perdus qui ne reviennent que dans le sillage des pensées les plus sombres, les plus sauvages, donnant à nous reconnaître au fil d’images effrayantes, mais ô combien révélatrices !



    On dirait que le silence
    qui vient de naitre
    incise les ombres
    pour retrouver la vie.


    Dépouillement, mais non décharnement, la poésie de Richard Rognet possède une vigueur liée à sa force musicale, le poète cultive la répétition, la forme se fait obsessionnelle dans son intensité, sa hauteur d’exigence se réalise dans l’obsession de la matière, d’une matière noire de la parole qui finit, à force de fulgurances et de persévérance, par trouver sa voie. Au parcours obscur et magnifique de ce poète, rien n’indique le chemin, un peu d’ombre seulement, à moins que ce ne soit la présence de « ce rien » qui finisse par flamber au-dessus du silence : « Il faut arracher / à nos paroles / le nom lumineux / d’un monde prochain ».



    Sylvie Besson
    D.R. Texte Sylvie Besson
    pour Terres de femmes




    ________________________________________________
    NB : Dernière œuvre de Richard Rognet : Élégies pour le temps de vivre, Gallimard, Collection blanche, 2012.






    Richard Rognet, Un peu d'ombre sera la réponse, éd. Gallimard, 2009.






    RICHARD ROGNET


    Richard rognet





    ■ Richard Rognet
    sur Terres de femmes

    [Le lierre] (extrait d’Élégies pour le temps de vivre)
    [Depuis ce matin, une tourterelle] (extrait de Lutteur sans triomphe)




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    sur Terres de femmes

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