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  • Federico García Lorca | La nonne gitane

    «  Poésie d’un jour  »




    LA NONNE GITANE Les_sept_oiseaux_du_prisme



    Silence de chaux et de myrte.
    Mauves dans les herbes fines
    Sur une toile jaune paille
    la nonne brode des giroflées.
    Volent dans le lustre gris
    les sept oiseaux du prisme.
    Tel un ours panse en avant
    loin de là grogne l’église.
    Comme elle brode ! Quelle grâce !
    Sur la toile jaune paille
    elle aimerait bien broder
    des fleurs à sa fantaisie.
    Quel tournesol ! Quel magnolia
    de faveurs et de clinquant !
    Quels safrans et quelles lunes
    sur la nappe de l’autel !
    Cinq oranges en compote
    cuisent dans l’office proche :
    ce sont les plaies du Christ
    cueillies près d’Almeria.
    Dans le regard de la nonne
    galopent deux cavaliers.
    Une rumeur dernière et sourde
    lui décolle la chemise,
    la vue des monts et des nuées
    dans les lointains arides
    fait qu’alors son cœur se brise,
    son cœur de sucre et de verveine.
    oh, quelle plaine escarpée
    sous l’éclat de vingt soleils !
    Quelles rivières soulevées
    entrevoit sa fantaisie !
    Mais à ses fleurs elle s’applique
    tandis que debout dans la brise
    l’éclat du jour joue aux échecs
    par les fentes de la jalousie.



    Federico García Lorca, Romancero gitan, Seghers, Collection Poètes d’aujourd’hui, 1973, pp. 135-136. Traduction d’Armand Guibert.







    À José Moreno Villa


    LA MONJA GITANAQuels_safrans_et_quelles_lunes




    Silencio de cal y mirto.
    Malvas en las hierbas finas.
    La monja borda alhelíes
    sobre una tela pajiza.
    Vuelan en la araña gris,
    siete pájaros del prisma.
    La iglesia gruñe a lo lejos
    como un oso panza arriba.
    ¡ Qué bien borda ! ¡ Con qué gracia !
    Sobre la tela pajiza,
    ella quisiera bordar
    flores de su fantasía.
    ¡ Qué girasol ! ¡ Qué magnolia
    de lentejuelas y cintas !
    ¡ Qué azafranes y qué lunas,
    en el mantel de la misa !
    Cinco toronjas se endulzan
    en la cercana cocina.
    Las cinco llagas de Cristo
    cortadas en Almería.
    Por los ojos de la monja
    galopan dos caballistas.
    Un rumor último y sordo
    le despega la camisa,
    y al mirar nubes y montes
    en las yertas lejanías,
    se quiebra su corazón
    de azúcar y yerbaluisa.
    ¡ Oh!, qué llanura empinada
    con veinte soles arriba.
    ¡ Qué ríos puestos de pie
    vislumbra su fantasía !
    Pero sigue con sus flores,
    mientras que de pie, en la brisa,
    la luz juega el ajedrez
    alto de la celosía.





    FEDERICO GARCÍA LORCA


    Lorca_par_aguijarro
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    ■ Federico García Lorca
    sur Terres de femmes

    Croix (poème extrait de Suites)





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