Étiquette : Salah Stétié


  • Salah Stétié, Le Voyage d’Alep, XII


    Alep 1
    Citadelle d’Alep
    Source




    LE VOYAGE D’ALEP, XII




    Sur les plateaux, le printemps grave est d’herbe pure. Nul arbre, ici, pour limiter le rêve. Les lignes douces des collines me brûlent. Une noirceur gagne les dunes mauves.

    La terre est rousse et mal verdie souvent. Trésor du géologue. Elle est grosse de mystère et de clés. Elle échappe à sa toison domestique. Qu’elle est belle de couleur intégrale !

    Les villages de la paix dorment dans la lumière fraîche. Nul bruit n’en vient. Nul prophète ne les a dénoncés. L’homme même est accordé au silence.

    Partout l’œil touche une pensée prochaine. Et la lumière est toute pénétrée d’ombre…

    Des nuages me traversent, pleins d’oiseaux. Une fraîcheur débouche de la nuit. Les forces nues du monde chantent.

    Ici, tout pousse l’homme à partir. Tout l’incite à ne jamais s’attacher.

    Cela commence.

    Le jour se referme à regret sur l’origine.



    Salah Stétié, Le Voyage d’Alep, XII, éditions Fata Morgana, 2002 ; 2017 (nouvelle édition), pp. 29-30. Dessins de Jean Capdeville. In En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009, page 807.







    Alep 2
    Citadelle d’Alep
    Source




    [ALEP EXISTE-T-IL ENCORE ?]



    Alep existe-t-il encore ? J’entends parler de la vieille, très vieille ville autour de son cœur de grès doré et de merveilleuse pierre grise et rosâtre, cette hautaine citadelle, que le soleil et la lune, puissants messagers astraux, venaient chaque jour et chaque nuit lécher de leur langue immatérielle comme une chatte son chaton préféré sous la main suzeraine des divinités d’antan, du Dieu d’après.

    […]

    Alep a reçu des tonnes d’obus, des tonneaux débordant de roquettes tous les jours pendant des années plus nocives et dévastatrices que les siècles. Des avions syriens ont rasé la ville, la tendre ville des hommes, des femmes et des enfants autant qu’ils ont pu le faire. Combien d’années ces siècles ? Sept, bientôt huit. […] Je pleure désormais en relisant ces quelques pages que j’ai écrites jadis dans le bonheur de vivre l’Orient et Alep en particulier dans leur splendeur. La splendeur n’est rien, rien, si elle ne signifie pas en son sein le beau et possible rayonnement de l’homme.

    Le Tremblay-sur-Mauldre, le 11 août 2017.



    Salah Stétié, avant propos de la nouvelle édition (2017) du Voyage d’Alep, pp. 10-11.





    Alep montage




    SALAH STÉTIÉ (1929-2020)


    Salah Stétié portrait
    Source




    ■ Salah Stétié
    sur Terres de femmes


    Méditation sur la mort d’une figue (extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Mes oiseaux, mes enfants (autre extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Tranchant de l’aube
    Une lampe sous l’orage (contribution de Nathalie Riera sur En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009)




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel de Salah Stétié





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  • Antoine Raybaud | Lied



    LIED, II
    (extrait)




    Dyonisos 1 : matinale





    La légèreté
    des cascades dégorgeant
    de leur source, lé-

    gèreté de l’homme,
    mais plus légère la danse
    des mailles de l’eau

    aérienne, aimant
    la pesanteur s’en défaire,
    allégée de sa

    chute, d’un bond haute
    à ses échelles d’aube, aux
    drisses d’ipomées

    voile hissée de
    la légèreté liquide
    vibrante aux manœuvres




    2 : méridienne





    Le torrent qui danse
    le scintillant qu’un coude
    du roc emprisonne,

    truite contre la
    pierre noire, une impatience
    frémit, étincelle,

    bondit jusqu’au noir
    miroir, tain de granit comme
    un lait de violettes

    où sombre la rose
    de midi dans la touffeur
    du jour pourrissant___

    remonter aux sources
    d’ondoiements frais de l’incom-
    mencement de tout !




    3 : nocturne





    Je lève les yeux,
    des mers lumineuses roulent
    là-haut,___ silence

    ___nuit,___fracas
    mortellement silencieux,
    scintillante lente-

    ment jusqu’à moi une
    constellation descend,
    j’épelle des signes,

    ___nécessité,
    je t’aime,___ éternité,
    je serai ton oui,

    tu ne grondes plus,
    un retable pur, je t’aime
    ___éternité



    Antoine Raybaud, « Lied, II » in Stimmen, Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 227, 2016, pp. 72-73-74. Préface de Salah Stétié. Postface de Jean-Claude Mathieu.







    Antoine Raybaud, Stimmen





    ANTOINE RAYBAUD


    Raybaud_Marseille_2011-2
    Antoine Raybaud, Marseille (été 2011)
    D.R. Ph. Sylviane Dupuis
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site d’Alain Paire)
    Antoine Raybaud, Aix-en-Provence et Genève, par Alain Paire





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  • Francesca Y. Caroutch | Lisière de l’aube



    LISIÈRE DE L’AUBE



    Le silence coupe en deux la chambre
    vide comme le plein
    où nous nous aimons

    Vieux sage asiatique
    le chat qui feint de dormir
    contemple la scie qui mord
    dans une planche

    Transparence des objets
    après une averse
    Le génie du lieu surgit
    çà et là sur le lac
    Portique ensorcelé des saisons
    Béance spatiale de la rose
    ouvrant un chemin de métaphores

    Un ange s’égare un instant
    dans une taverne
    illuminée de chaux
    où rôde la mort sans anecdote



    Francesca Y. Caroutch, L’Or des étoiles, Éditions du Cygne, Collection « Poésie francophone », 2015, page 47. Préface de Salah Stétié.






    Francesca Y. Caroutch






    FRANCESCA  Y.  CAROUTCH


    Francesca Y. Caroutch 2
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Francesca Yvonne Caroutch
    → (sur le site des Éditions du Cygne)
    une page sur Francesca Yvonne Caroutch
    → (sur Salon littéraire)
    une lecture de L’Or des étoiles par Jean-Paul Gavard-Perret




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  • Maram al-Masri | [elle a légué à ses enfants une mère qui rêve]



    Une mere qui...
    Ph., G.AdC





    [ELLE A LÉGUÉ A SES ENFANTS UNE MÈRE QUI RÊVE]




    Elle a légué à ses enfants

    une mère qui rêve

    qui danse,

    qui sourit…

    Une mère qui pleure,

    qui désire…

    Une mère sans argent,
    qui ne reprise pas les chaussettes

    Une mère qui écrit des poèmes,
    dans une langue qu’ils ne comprennent pas…




    Perdante,
    comme une pouliche
    montée par un
    mauvais cavalier…




    Maram al-Masri, Je te regarde, Al Manar, Collection Méditerranées, 2007, pp. 75-76. Préface de Salah Stétié. Traduit de l’arabe (Syrie) par François-Michel Durazzo en collaboration avec l’auteur. Dessins de Youssef Abdelké.





    Maram al-Masri, Je te regarde
    Source





    MARAM AL-MASRI


    Maram Morges
    Ph. : angelepaoli
    Morges, avril 2015





    ■ Maram al-Masri
    sur Terres de femmes


    Un furesteru mi feghja (extrait de Cerise rouge sur un carrelage blanc)
    Métropoèmes (lecture de Michel Ménaché)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Babelmed)
    Rouge poétique sur grisaille quotidienne
    → (sur Interromania, Centru culturale Università di Corsica)
    plusieurs pages sur Maram al-Masri (+ vidéo)



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  • Salah Stétié | Tranchant de l’aube

    « Poésie d’un jour »
    dédiée à Sabine H.



    Deux hommes seulement, mais représentatifs de beaucoup
    « Deux hommes seulement, mais représentatifs de beaucoup »
    Source







    TRANCHANT DE L’AUBE


    À Naïm Kattan



    Cet homme nous vient du fond des terres, du fond des âges,

    Cela fait des milliers d’années qu’il est Juif

    Et cela fait des siècles qu’il est Arabe,

    Il vient de Bagdad entre Tigre et Euphrate sous les palmiers, de Bagdad ville abasside, ville éternelle…

    Il écrivit d’abord en arabe et, parce que Paris est Paris et que la France est ce qu’elle est :

    Le cœur de la culture, le cœur du monde,

    Il écrivit ensuite en français, comme tous ceux, venus de l’Ailleurs, pour qui cette langue est l’Ici et l’Ailleurs, et dont le cœur bat au rythme du monde,

    En français, il écrivit en français, et il continue d’écrire dans cette langue,

    Ainsi qu’un nouveau flux de sang doublant le beau sang rouge de l’origine,

    Idées, souvenirs, enfance, personnages, poésie et rêve de poésie, tout lui arrive toujours comme tout lui est arrivé sur un demi-siècle d’étalement créateur

    Dans cette langue, la sienne à jamais, et la mienne,

    Sans que ni lui ni moi n’ayons renié ni lui sa judéité ni moi mon arabité à l’horizon de cette langue qui nous est convergence,

    Et dans la convergence, il y a l’amitié et la foi, la confiance dans ce qui va venir, dans ce qui doit venir :

    La paix dans le cœur et l’esprit, la fraternité inaltérable, au-delà de la stupidité des massacres,

    Parce que la vérité et la justice sont plus fortes et plus conséquentes que le déchirement, le délabrement des consciences, et la brutalité de tous ceux dont la mâchoire est lourde et le front bas,

    Et que la main de l’homme juste ne peut reposer que dans la main de l’homme juste, pour que s’arrêtent le cactus des barbelés et l’affreux crachat des canons,

    Abraham-Ibrahim, l’Ami de Dieu dans ton cœur, Naïm Kattan du Québec, et dans mon cœur aussi, moi qui suis fils d’un Liban dont nous est venue la Fiancée,

    Abraham pleure sur la Palestine en deuil, et qui resplendira plus tard nécessairement, parce que, parmi d’autres, deux hommes d’amitié ont vécu, rêvé, et souffert en même temps,

    Et qu’ils n’ont pas perdu, pour autant, la confiance l’un dans l’autre,

    Hommes seulement présents à la vérité de l’Esprit qui est une et indéfectible, quand elle existe, là où elle existe,

    Deux hommes seulement, mais représentatifs de beaucoup, qui croient comme eux, avec eux, que la parole est fondement, fondation et refondation,

    Et qui attendent du salut promis et donc en marche,

    Nécessairement en marche, l’achèvement de la longue nuit stérile

    Et la sortie, au vif tranchant de l’aube et du Livre, du premier jumeau délivré.




    Salah Stétié, “Tranchant de l’aube”, in Revue littéraire Les Écrits, n° 136, novembre 2012, Montréal, pp. 89-90.






    Ecrits  136





    ___________________
    NOTE d’AP : le 7 décembre 2012 à 18h30, vernissage de l’exposition « Stétié et les peintres » au musée Paul-Valéry de Sète. Cette exposition est ouverte au public du 8 décembre 2012 au 31 mars 2013.



    SALAH STÉTIÉ (1929-2020)


    Salah Stétié portrait
    Source




    ■ Salah Stétié
    sur Terres de femmes


    Méditation sur la mort d’une figue (extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Mes oiseaux, mes enfants (autre extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Une lampe sous l’orage (contribution de Nathalie Riera sur En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009)
    Le Voyage d’Alep, XII




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel de Salah Stétié





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  • Salah Stétié | Une lampe sous l’orage

    (contribution de Nathalie Riera)

    Chroniques de femmes – EDITO/SOMMAIRE

    Salah Stétié, En un lieu de brûlure,
    éditions Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009.



    Lumiere affranchissement
    Ph., G.AdC







    UNE LAMPE SOUS L’ORAGE


    Contribution de Nathalie Riera





    « Dans une époque où le nom même de l’Être, celui du sens et de l’essence sont devenus objets de répulsion, de dérision et finalement d’une étrange amnésie, Salah Stétié ose dire que seule une poésie prenant appui sur les grandes interrogations fondamentales est susceptible d’éclairer la condition des hommes et de nous prémunir contre ces maladies mortelles que sont les certitudes sans horizon, les cynismes affamés, les divertissements de littérateurs enfilant des perles d’insignifiance, ou l’abandon blasé à l’esclavage de l’immédiat. » [1]

    La récente publication d’En un lieu de brûlure (éditions Robert Laffont, oct. 2009) est l’occasion de consacrer ces quelques lignes à une personnalité intellectuelle aussi éminente et lumineuse que Salah Stétié, poète libanais de tradition culturelle sunnite, né à Beyrouth le 28 décembre 1929.

    Celui qui avoue son arabité lui être corps et cœur, et qui milite activement pour une Méditerranée « frémissante de grands mythes », éprouve une vraie fascination pour la vertu de transparence de la langue française. Autant que le poète a foi en la lumière de la langue, en ses « chevaux tremblants ». Lumière de l’affranchissement.

    Si Salah Stétié n’hésite pas à se positionner comme « double exilé », ou comme « invité de la langue française », il met volontiers en exergue sa grande amitié pour la poésie et pour les grands poètes européens que sont Pierre-Jean Jouve, René Char, Henri Michaux, André Pieyre de Mandiargues, Yves Bonnefoy, E. M. Cioran… et son si cher Georges Schehadé, sans oublier sa grande affection pour Gérard de Nerval.

    Deux figures majeures marqueront la vie intellectuelle du poète : Gabriel Bounoure (lors de leur rencontre à l’École Supérieure des Lettres de Beyrouth, en 1947), puis Louis Massignon (au Collège de France). De l’un comme de l’autre, il recevra une véritable initiation à la littérature européenne. L’Eau froide gardée est le premier recueil publié en 1973, que Pierre Brunel [2] considère d’aussi grande facture que le recueil d’Yves Bonnefoy Du mouvement et de l’immobilité de Douve. À l’occasion des quatre-vingts ans du poète, il convient de dire que Salah Stétié a construit une œuvre de poésie et de prose des plus cohérentes et des plus généreuses. Aucune place à l’enflure, à la gloriole, au lyrisme ravi, à l’intellectualisme maniéré, mais place à la finesse et à la fraîcheur, à la « beauté convulsive » et à la tension de la célébration. Salah Stétié déplore cette guerre de l’homme contre l’Être, c’est-à-dire contre ce qui détourne l’humain de sa vérité tragique. Et face à la dévastation, qui nous fait rompre avec notre ouverture à l’Être, il convient de demeurer dans la vigilance et dans la résistance contre le formalisme, l’anecdotique, la pensée en régression, la métaphysique de pacotille, et contre tout ce qui participe insidieusement à l’extension du désastre.


    Lampe infléchie parmi les écritures
    À cause du renversement nocturne
    De branche verte ― et ses roses séchées.
    Rocaille haute que torture une pensée
    Fermée sur la poésie de mille olives
    Feintes par l’arbre en attente de blessure
    ― Selon l’antique prophétie éblouissant
    Les chèvres de subtilité du sel


    L’Être poupée, XXXIII



    Dans Les Parasites de l’improbable, qui regroupe des textes inédits [3], Salah Stétié se demande si notre modernité est réellement excessive, et de quelle nature est son rapport au désir. À cette « modernité ravagée de tics », la réponse ne s’attarde pas : « Excessive, notre modernité ? Elle n’aurait été, aux yeux ravagés de Nietzsche, l’eût-il connue, qu’une serre à cultiver des fleurs mineures, provocatrices d’un style de scandale somme toute acceptable et intégrable. » Et ce qu’il faut entendre par « désir », précise t-il, ce n’est certainement pas « ce désir affecté et tout compte fait limité et médiocre, épuisé, essoufflé, dont nous rebattent les oreilles tant de petits romans excités de notre modernité pauvrement désirante et souffreteusement érotique, bien éloignée, en tout état de cause, de la tentation panique et de l’intensité imaginative, seuls moteurs de la vie en sa haute projection poétique. » Lieu de l’urgence sont l’amour et le désir, nous dit le poète, et il n’est pas déplacé d’affirmer que c’est à Jouve que la poésie de Stétié doit non pas sa sensualité, mais plutôt « une légitimation advenue et une confirmation du fait que la voie du poétique devait tenir compte de tous les mouvements profonds de la chair, des pulsions les plus noires, ainsi que de la splendeur avouée du corps, du « vrai corps » adorable et périssable ». [4]

    Son éminence, Salah Stétié ne la tient pas seulement de ses innombrables lectures, de sa passion ou de son obsession de la parole poétique, il la tient avant toute chose de son goût et de son respect pour l’absolu. Ainsi cette humble résolution à dire le peu, cette offrande d’un chant sans artifice, cette connaissance par les gouffres pour s’opposer à tous les faux jardins de la consolation. Ainsi ce silence dont on ne cesse d’accueillir les mots, fruit d’or de la parole. Car, en poésie, il n’est pas question de parler ni de se taire, pas plus que de répondre, nous dit Stétié, mais seulement de questionner sans fin. Le questionnement n’est-il pas déjà une forme de savoir ?

    En un lieu de brûlure nous offre un poète homme de deux rivages, qui ne se révèle pas seulement lecteur attentif des plus importants poètes des temps classiques ou des temps contemporains de sa génération. Une sorte de providence lui aura surtout offert complicité et proximité avec la poésie des hommes, dont celle de Pieyre de Mandiargues, de Jouve, de Cioran, et de tant d’autres alliés, aussi farouches furent-ils, quand l’art et la poésie ne sont plus affirmation et beauté de l’existence, mais ne servent qu’à de bien sombres perditions au compte de ceux qui ne savent trouver jouissance que dans les scories du scandale. Ainsi, comment ne pas approuver Cioran, cité par Stétié, dans sa manière de définir les poètes, et sans que cela mette en doute son profond attachement à la poésie :

    « Je viens de parcourir un livre de X, avec la plus grande répulsion. Je ne peux plus supporter l’inflation poétique. Chaque phrase se veut une quintessence de poésie. Cela fait artificiel, cela n’exprime rien. On pense tout le temps à l’inanité des mots recherchés. ― Depuis longtemps déjà, j’abhorre tous les « styles » ; mais celui qui me semble de loin le pire, c’est celui des poètes qui n’oublient jamais qu’ils le sont. » [5]


    Nathalie Riera
    © Nathalie Riera, 2010



    [1] Marc-Henri Arfeux, Salah Stétié, éditions Seghers, 2004, page 13.
    [2] Pierre Brunel, « Salah Stétié sur sa rive » (en guise de préface), in Salah Stétié, En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, 2009.
    [3] Salah Stétié, « Les parasites de l’improbable », in Salah Stétié, En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, 2009, page 884.
    [4] ibid., page 927.
    [5] ibid., page 971.






    Salah Stétié  En un lieu de brulure





    SALAH STÉTIÉ (1929-2020)


    Salah Stétié portrait
    Source




    ■ Salah Stétié
    sur Terres de femmes


    Méditation sur la mort d’une figue (extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Mes oiseaux, mes enfants (autre extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Tranchant de l’aube
    Le Voyage d’Alep, XII




    ■ Voir aussi ▼


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