Étiquette : Sanda Voïca


  • Sanda Voïca, Trajectoire déroutée

    par Murielle Compère-Demarcy

    Sanda Voïca, Trajectoire déroutée,
    éditions LansKine, 2018.



    Lecture de Murielle Compère-Demarcy




    Dans les poèmes de Sanda Voïca résonne — irrévocablement, « asymptotiquement » — une Voix. Voïca Sanda : vox poetica.

    Les mots surgissent, points asymptotiques vers la courbe inaccessible. Résurgence d’une douleur intérieure submergeant la mère-poète en 2015 à la perte de sa jeune fille de 21 ans. Mère-poète écrivant son chaos finalement (heureusement pour nous), hors du lit du silence-sirène qui tend souvent les nasses de son chant, aux nageurs/radeaux/brins scintillants que nous sommes, opiniâtres errants de l’absurdité du vivre. Pour tenter de les entraîner vers l’abîme de folie où le cœur parfois trouve sa raison de survivre.

    Mais la mère-poète reconquiert raison de vivre. Poussant depuis le rien sa « tête vive » hors de la fenêtre qui n’était plus qu’elle-même, ouverte sur le vide, « son squelette récent », son squelette survivant à l’avidité du vivre

    « Crépitement montant de la journée

    qui dévalise.

    Ogresse, elle.

    Moi aussi ogresse.

    Qui mangera qui ? ».

    Le corps, effrité, dans le délitement de tout son être à la perte de « la fille disparue », qui vient posséder le corps et l’esprit maternel pour s’y réincarner, pour être de nouveau portée par la mère, se reconstruit rose inerme d’où repousser un cœur-fossile, cœlacanthe vivant.

    La mère renaît dans une nouvelle espèce panchronique de son être, « la fille disparue » réintégrée dans sa chair son souffle, mère de sa fille éteinte et fille de sa fille. Toutes deux revenues de la disparition de l’une d’elles pour ressurgir autre et deux en une, mère-fille, ombilic renoué.

    « La fille disparue » est comme une apparition après sa disparition brutale, dont la mère nourricière, dépossédée, figurée de manière métonymique par un « pis », allaite la mort au breuvage du jour éprouvant/incessant où retrouver source. Dans l’absence. Du puits perdu. Dans le hurlement d’éclore retenu par les lèvres arrachées à leur monde, ce cosmos symbiotique de l’enfant-mère relié par la respiration ininterrompue d’un même souffle.

    Comment dire, comment écrire l’oraison sans sombrer dans la parole funèbre, sans se pencher dangereusement sur les reflets d’une noyade hallucinante, à fleur de la brèche subitement ouverte dans le corps de la mère déchirée ? Comment pouvoir continuer d’articuler le monde, de formuler le langage immergé dans la douleur innommable d’avoir perdu son enfant, sans que le sens des courants du vivre ne vous « abyme » ?

    « Quel cri avant

    quel cri après ? »

    Comment retrouver la « trajectoire » en route depuis la blessure originelle, le cri primal, jusqu’à l’engouffrement, la perte fatale, sans perdre trace du monde autour, trace de soi-même égaré dans un monde devenu sans miroir depuis la séparation d’avec son enfant ? Comment ne pas chuter dans la totalité sidérante de son tremblement d’être ?

    « que penser de celle qui flambe

    après la fille qui a flambé ?

    Qui peut le penser ?

    Qui pourra les penser

    dans le même contour

    dans le même découpage-dépeçage ? ».

    LA réponse s’énonce/se formalise/se vocalise dans la possibilité de son rebond face à l’intarissable appel de la vie, dans le désir ardent de l’Écrire. La douleur capitale rassemble le cœur de l’être effrité dans l’appel et dans l’éblouissement d’une parole-balise recadrant la trajectoire par sa digue poétique. Poésie garde-fou où relever de nouvelles lignes

    « La justesse du regard tombé

    dans un nouveau filet ».

    La mère-poète recommence de zéro son ascension du Vivre, femme-Sisyphe, toujours asymptotiquement, sa fille réarticulée en sa parole poétique :

    « L’AU-DELÀ DE TOUT TREMBLEMENT. »



    Murielle Compère-Demarcy
    D.R. ©Murielle Compère-Demarcy (M©Dĕm)
    pour Terres de femmes








    Sanda Voica 2




    SANDA VOÏCA


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    ■ Sanda Voïca
    sur Terres de femmes

    [Que faire de la fille partie ?] (poème extrait de Trajectoire déroutée)
    une lecture d’Épopopoèmémés par AP
    Les Maîtres et les Autres (poème extrait d’Épopopoèmémés)
    La rose inerme (poème extrait d’Exils de mon exil)



    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Levure Littéraire)
    une notice bio-bibliographique sur Sanda Voïca
    Paysages écrits, le site de la revue de Sanda Voïca & Samuel Dudouit
    → (sur le site des éditions LansKine)
    Paysages écrits, la fiche de l’éditeur sur Trajectoire déroutée
    → (sur le site des Découvreurs | éditions LD)
    Paysages écrits, une lecture de Trajectoire déroutée par Georges Guillain
    Sanda Voïca sur Radio Libertaire (émission Bibliomanie : dialogue avec Valère-Marie Marchand – jeudi 8 novembre 2018)





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  • Sanda Voïca | [Que faire de la fille partie ?]




    [QUE FAIRE DE LA FILLE PARTIE ?]




    Que faire de la fille partie ?
    Je la mets-ci,
    Je la mets-là,
    Jamais à la bonne place.
    Je rogne les cases,
    les jours et les nuits,
    je grave son nom
    mais il ne reste pas.
    Je la repose sans fin
    dans des lieux très différents
    sans qu’elle y reste.
    Sans place
    Sans endroit.
    Elle flotte
    Je flotte
    Nous traversons les airs
    les terres
    les chemins battus
    et inconnus.
    Nous ne sommes jamais
    à notre place.





    Chaque poème est une navette,
    cet outil à passer le fil
    dans le métier à tisser.

    Pour quel tissu ?

    Plusieurs navettes qui se croisent,
    pour passer le fil à peine différent
    de la même canette
    pour un seul tissu.

    Lequel ?




    Sanda Voïca, Trajectoire déroutée, Éditions LansKine, 2018, pp. 46-47.






    Sanda Voica 2





    SANDA  VOÏCA


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    ■ Sanda Voïca
    sur Terres de femmes

    Trajectoire déroutée (lecture de Murielle Compère-Demarcy)
    Les Maîtres et les Autres (poème extrait d’Épopopoèmémés)
    une lecture d’Épopopoèmémés par AP
    La rose inerme (poème extrait d’Exils de mon exil)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Les Découvreurs/éditions LD)
    une lecture de Trajectoire déroutée par Georges Guillain
    Paysages écrits, le site de la revue numérique de Sanda Voïca & Samuel Dudouit





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  • Sanda Voïca, Épopopoèmémés

    par Angèle Paoli

    Sanda Voïca, Épopopoèmémés,
    éditions Impeccables, 2015.



    Lecture d’Angèle Paoli



    RESTER VRAIE DANS LA VÉRITÉ DU VENT




    Devenir immortelle ou comment rejoindre l’immortalité en un recueil de 37 poèmes ? En un certain nombre de jours inclus entre le 28 novembre 2011 et le 3 février 2015. Non pas en quatre années consécutives, mais en deux années — 2011/2012 —, deux années suivies d’une ellipse de deux autres années et d’une reprise avec un seul poème pour ouvrir et clore l’année 2015. Trente-sept poèmes écrits entre états de veille et insomnies, jours qui s’étirent entre neige, pluies et vents, chat qui sommeille sur le divan, jardin où s’ébrouent arbres et oiseaux où nichent/nident pigeons et mouettes, où s’élucubrent les pensées trébuchantes et néanmoins sonnantes de Sanda Voïca. Est-ce cela le rêve susceptible de raccommoder la fêlure, de recoudre les bords d’une faille profonde ensemencée de souvenirs de guerre, d’exils liés à « l’adolescentine » mémoire ? Voïca Sanda se dit, s’écrit, pas encore assez nue, dans son Épopopoèmémés, jouant et se jouant des redondances syllabiques, hésitant/roulant entre épopée personnelle du quotidien et poèmes se coulant en elle entre veille et sommeil. Poèmes de mère/mémé/mémère aussi bien ? Ou de quelque aventurière un brin pied-noir s’évertuant dans son é-po-po-po (dis, mon frère ! la parenthèse est de moi) pour s’étonner en pataouète de ce qui surgit à l’intérieur du cadre bien sage de la page et se livrer à l’invention ? Nenni, mais plutôt immortalisée dans son poison/poisson fugu japonais sur lequel la poète clôt son livre :

    « un poison à moi-même : j’ai besoin d’être toxique/mortelle pour devenir immortelle », conclut-elle.

    Immortelle/immortalisée, elle l’est peut-être aussi par le poisson stylisé — une marène lisse et droite à queue pourtant fourchue — qui traverse l’admirable composition triangulée de Pablo Dúran sur la première de couverture de cet ouvrage des éditions Impeccables.

    Immortelle ? Impeccable ? Faut-il voir dans ce livre un péché délogé/racheté par l’impeccabilité  ? Et la Sanda qui se « voïcise » ou la Voïca qui se « sandalise » vise-t-elle la perfection, l’absolu d’un idéal à atteindre, poursuivant sa quête de proème en proème, mélange fusionnement de prose poétique poésie narrative plus proche de la prose que « du » poème auquel les textes datés et titrés tenteraient d’échapper ?

    Quoi qu’il en soit, ce recueil très sérieux échappe. Il échappe aux règles, aux pensées formatées et normées. Il échappe aux multiples conventions du ποιεῖν, poiein, que tout un chacun pratique. Il échappe parce que Sanda Voïca est libre. Évoluant dans ses digressions avec une aisance et une désinvolture tout aussi inégalées que déconcertantes.

    « Je vous le dois, ce récit du jour.
    Des courses, il ne faut pas oublier le récit des courses :
    D’abord les betteraves — je vais pisser rouge pendant deux jours.
    Avocats, pas assez mûrs, que je palpe
    Et sous ma paume droite leurs écailles saillantes sont comme la chair de poule des fesses de mon mari sous mes caresses.
    Du pain : de campagne et polka : la même pâte, le même prix et des noms différents :
    La croûte de l’un lisse, de l’autre incisée par des traits croisés :
    Dormez ou dansez — j’ai pris les deux, sans différence de prix.
    Et je l’écris – je l’aurais écrit, même si je ne te l’avais pas dû.
    Dû et pendu : c’est fait et fini. » (in 6e poème, Je te le dois*) « Quel doigt », ajoute-elle en note clin-d’œil ?

    Inventant des néologismes, des listes cocasses jeux de mots à foison, glissant d’une idée à l’autre sans se préoccuper de bienséance, ponctuant certains textes de refrains, Sanda Voïca baroquise. « Je baroquise énormément. Art florissant. » (in 16e poème, Le tour du monde en 80 poèmes). Et c’est jubilatoire. Rien n’arrête Sanda. Elle est libre Sanda. Ce pourrait être le titre chanté d’un de ses « épopopoèmémés », sur le modèle de « Il est libre Max » d’Hervé Cristiani. Elle est inventive drôle inattendue protéiforme, et l’on rit en la lisant. Même si elle doute s’interroge se regarde et pleurer et rire. Même si elle est aux prises avec une inquiétude existentielle. Ou identitaire :

    « Je le crois, oui : je tombe de plus en plus souvent dans une sanda ou dans une voïca inconnues à mon adresse —
    Mais que j’explore avec plaisir.
    Ou avec tremblements : je tremble, jour et nuit — j’ai la tremblote.
    Mais pourquoi ceci ? Ni peur, ni malheur, ni soucis — juste l’inquiétude d’être. Ici.
    La vieille inquiétude fait peau neuve.
    Je m’assandisse de plus en plus.
    Ni Sandra, ni Alexandra — je tremble.
    Ni Săndica, ni Sandokan ou sandalette — je tremble… » (in 24e poème, Je m’a-sandisse ou voïcise de plus en plus.)

    Elle est lucide aussi. Car, malgré tous ses efforts, elle ne peut échapper totalement à la théorie de l’« innutrition » littéraire dont elle dénonce le carcan. Car Sanda Voïca est bigrement cultivée. Ses lectures sont innombrables et sa culture — plurielle — très originale. D’ailleurs, le lecteur croise dans son univers nombre de patronymes qui lui sont inconnus et sur lesquels il lui faut prendre le temps de se renseigner. Mais des Maîtres dominent, qui mènent la danse de l’écriture. Non pas Émile Faguet qui la poursuit de ses théories, mais plutôt Isidore Isou, que l’on rencontre en chemin, avec son film Traité de bave et d’éternité. Et Roland Barthes, Maurice Blanchot, Philippe Sollers et tant d’autres. Même si la poète cherche à se dégager de l’emprise que tous ont sur elle, si elle cherche à les tenir en respect et à distance, ils sont là. À ses côtés, lovés dans son subconscient, qui ne demandent qu’à se manifester à l’improviste. Il y a Maître Sam (il y en a même deux, Sam Beckett et Sam Dudouit), il y a Maître Popol (Ioan Es. Pop), grand poète roumain. Il y en a beaucoup d’autres, disséminés dans les textes. Peintres artistes romanciers musiciens. Il y a aussi et surtout le poète et ami Alain Jouffroy, avec qui Sanda Voïca entretenait une correspondance suivie. Il y a les livres de chevet — Berlin Alexanderplatz, d’Alfred Döblin — qui sans cesse reviennent sous la plume. Et toutes sortes de leitmotive qui imposent leur rythme et leur écran d’images au fur et à mesure que surviennent les poèmes. Et, avec tout cela, la musique la pluie le vent la ville de Coutances le domaine du Vaudon, où vivent Sanda Voïca son mari et son chat. C’est là que se déroule le quotidien encombré d’actes et de gestes incompatibles avec le retrait en soi-même que nécessite l’écriture. Mais il faut bien vivre et faire acte de présence :

    « Qu’est-ce que tu fais ? » [lui demande Samuel dans le 5e poème, Je suis ici]
    Je lui réponds : « Je suis ici ». Et je sais que je suis ici, sans trop de mots. »

    Elle est ici, parmi nous, pareille à une poupée russe, la plus grande enfermant en elle la poupée d’avant, celle qui vivait en Roumanie, et, s’imbriquant l’une dans l’autre, toutes les autres poupées qui lui ont succédé depuis. Comment reconnaître la Sanda d’aujourd’hui parmi les autres ? Laquelle est la vraie, tant aujourd’hui et hier se chevauchent s’éludent, veille et lendemain croisant leur inanité sonore, leur vacuité, dans le silence de la forge créatrice de Sanda Voïca :

    « Il fallait me croire : la poupée russe c’était moi il y a vingt ans :
    Le même regard concentré, fixé, intériorisé, halluciné même,
    La même façon de me tenir debout et surtout de serrer entre les bras-mains
    Moi — mon blouson en cuir, la poupée — ses roses ; plutôt son propre corps est fait de roses,
    Elle les serre de tout son corps.
    Leurs plis en tourbillon infini ressemblent aux plis de mon blouson,
    en plis finis ». (in 8e poème, Souffler n’est pas jouer. Et pourtant…)

    Dans cet ensemble d’« épopopoèmémés » la poète dessine pour nous une série d’autoportraits à géométrie variable. Autoportrait en « fumeuse d’opium potentielle » ; autoportrait de « baroquisante » ; autoportrait d’une femme à l’étroit dans son entonnoir (passage d’une année à l’autre où rien ne se passe et où tout passe…) ; autoportrait à la poire, où se bousculent allusions et références. Les deux Sam, Blanchot et Barthes, Ryoko Sekiguchi, Ludovic Janvier, Alfred Döblin, Thibaut (de Champagne ?), Sollers, Alain Jouffroy, Pablo Dúran, Marcelin Pleynet, Mozart et Godard, Saint Augustin… et Guillaume Apollinaire :

    « Enchanteresse, non pas pourrissante, à la Apollinaire (voir son Enchanteur pourrissant !)
    Mais… puante : je pue de plus en plus la littérature ! » (in 10e poème, Le Roman de la poire continue). Toujours cette obsession de l’innutrition. « Je m’innutritionne énormément », confie-t-elle dans Blowin’ in the wind (12e poème).

    Autoportrait en ignorante. Le 17e poème, Poème de l’ignorance est un sommet !

    « Trouve les auteurs : injonction soudaine et éternelle.
    Je me soumets à l’ordre, car il converge à l’ordre de mon crâne… »

    La poète dresse alors une liste substantielle de titres et d’auteurs d’horizons divers. On pense à ces exercices où il convient de cocher la bonne case ou de corréler par une flèche un auteur et un titre. Drôle de jeu qui en laisserait plus d’un(e) sur la rive !

    Minaudière désirante incandescente inventeresse insaisissable rabâchante. « On a le droit de rabâcher, je vous ai déjà dit tout ça hier », insiste-t-elle. Adepte du ressassement (inclus dans le titre-même), la poète inextricable privilégie les associations/répulsions des contraires (« nourrissant » / « pourrissant »), laisse fuser jusqu’à elle, par la cavité malodorante de la bouche, ou assise sur la cuvette des water-closets, les inventions qu’aucune barrière ni censure ne viennent endiguer. Champ de bataille de l’écriture, le lit est le lieu privilégié de Sanda Voïca, celui où elle vocalise verbalise vocifère ses gloses, affirmant et revendiquant ses droits à la mollesse, aux « équilibres singuliers ».

    Au-delà de toutes ses jongleries et inventions, derrière les masques dont le visage se recouvre — « Je garde mes masques même dans mes poèmes » — se perçoivent des accents déchirants qui pétrifient l’âme et bouleversent :

    « Ma vie toute entière tartinée de marmelade de prunes.
    Quel ange restaurais-je avec cela ? », conclut la poète dans le 16e poème (in Le tour du monde en 80 poèmes)

    Ou encore, cette phrase déchirante :

    « Ma parole d’aujourd’hui vous restera à jamais étrangère » (15e poème in Parle, Charles, parle !)

    Heureusement, il y a la tempête il y a le vent. « Le vent qui va et vient ». Dans sa vérité. C’est en lui que se trouve la voie :

    « Rester vraie dans la vérité du vent » (16e poème).

    Et, pour le lecteur (que Sanda Voïca se détrompe !), le plaisir inépuisable de lire et de relire ces fascinants poèmes. Ces épopopoèmémés, jamais lus ni rencontrés ailleurs que sous la plume poissonneuse de la poète, offrent une traversée du langage foisonnante. Et jubilatoire.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Sanda Voïca, Épopopoèmémés





    SANDA  VOÏCA


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    ■ Sanda Voïca
    sur Terres de femmes

    Les Maîtres et les Autres (poème extrait d’Épopopoèmémés)
    La rose inerme (poème extrait d’Exils de mon exil)
    Trajectoire déroutée (lecture de Murielle Compère-Demarcy)
    [Que faire de la fille partie ?] (poème extrait de Trajectoire déroutée)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Secousse, 18)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par François Bordes
    → (sur Encres Vagabondes)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Geneviève Huttin
    → (sur Libr-critique)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Didier Ayres
    → (sur Levure Littéraire)
    une notice bio-bibliographique sur Sanda Voïca
    Paysages écrits, le site de la revue numérique de Sanda Voïca & Samuel Dudouit
    le blog des impeccables





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  • Sanda Voïca | Les Maîtres et les Autres



    [2011.12.12. Sanda Voïca en 11e poème]




    LES MAÎTRES ET LES AUTRES





    Il y a Maître Sol, Maître Breb, Maître Popol, Maître Sam,
    Et il y a les Autres.
    Je ne suis pas riche, je ne suis pas à Paris,
    Je suis une des Autres.
    Ni apprentie, ni esclave : je suis ici, dans mon Poème.
    Je ne veux plus tourner autour du pot ou du poteau — rose ou noir, ou vert.
    Lierre, disait une poète roumaine*, est le poète : la nature agrippante de l’écrivain.
    À chacun son entêtement vertical — et à chacun son tuteur. Mais pas de Maître Tuteur.
    Le moteur de mes épopopoèmés ?
    Un tsunami dans les plis — les plis de mes matins,
    Les plis de mes nuits.
    Les jours avec des rides.
    Passé-je de la tristesse domestique, à la Tzara, à la tristesse sauvage, à la Voïca ?
    Le séisme doit être là — dans un pli, du matin ou du soir.
    L’écriture — faire l’amour au texte, après un viol : telle Ryoko Sekiguchi qui parle de sa Tokyo violée,
    Mais aussi ce poète symboliste roumain, Macedonski, qui, dans son Calvaire du feu, écrit directement en français et publié en France en 1906, viole son langage.
    Pour lui, contrairement à Simona Popescu, l’artiste en Roumanie, à son époque, « lotus ou mimosa, végète lentement. »
    Sa volubilité reste encore à découvrir.
    Je suis encore dans mon roman de la poire — ou le viol de la poire.
    Je m’enfonce dans mon viol — la victime est la poire.
    Mais je ne suis pas encore dans la poire. Je ne suis pas non plus la poire.
    Je suis moi aussi une poire.
    Je fais toujours ma poire — ah oui, ça oui, hohohoho !
    Une poire en lutte avec elle-même.
    Au fond de la poire.
    Ou : à fond, la poire !
    Je suis ici, dans mon poème-poire.
    Ni esclave, ni apprentie — une sorcière, peut-être.
    Et surtout une poire.
    Poire qui poire,
    Ici, aux dernières portes de l’Occident— face à l’Atlantique.
    Je n’entends pas crier ou chuchoter VOÏCA.
    Je ris et je le sais, moi. Que moi.
    Ni moi, ni toi, je suis un tiers attentif aux Autres.
    Et une des Autres.
    Je suis mon propre chat sans l’être.
    Je fais sortir la neige de la fin du film For ever Mozart de Godard
    Et je la mets dans mon jardin— le fort soleil ne la fond pas.
    Moi et une Autre. Jeu.
    Maître Sol, Maître Breb, Maître Popol et Maître Sam se voilent la face — eux entre eux, à la bonne franquette.
    Je ris toute seule — encore une fois je fais la poire.
    Face to face.
    Une double vie — et pour sortie : la folie.
    Petite tête, de plus en plus petite, sur un gros cou, de plus en plus gros — une poire.
    Victime de cette maladie littéraire théorisée par Émile Faguet, l’innutrition littéraire.
    En le citant ici, je le prouve encore une fois : mes livres regorgent de références — sans que je me montre personnelle.
    Nue, mais pas assez !
    Sans imiter personne, je ne m’imite pas assez moi-même :
    Je reste… une petite poire, tombée devant moi. Et blette : bonne à croquer.



    Sanda Voïca, Épopopoèmémés, Éditions Impeccables, 2015, pp. 57-58-59.




    * Simona Popescu.






    Sanda Voïca, Épopopoèmémés




    SANDA VOÏCA


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    ■ Sanda Voïca
    sur Terres de femmes

    une lecture d’Épopopoèmémés par AP
    La rose inerme (poème extrait d’Exils de mon exil)
    Trajectoire déroutée (lecture de Murielle Compère-Demarcy)
    [Que faire de la fille partie ?] (poème extrait de Trajectoire déroutée)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Encres Vagabondes)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Geneviève Huttin
    → (sur Libr-critique)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture d’Épopopoèmémés, par Didier Ayres
    → (sur Levure Littéraire)
    une notice bio-bibliographique sur Sanda Voïca
    Paysages écrits, le site de la revue numérique de Sanda Voïca & Samuel Dudouit
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  • Sanda Voïca | La rose inerme


    LA ROSE INERME



    J’ai toujours manqué d’épines.
    En bouton, j’ai embaumé
    et éclaté au crépuscule.
    Les pétales tournoyaient au bout
    de la tige inerme.
    Bonne sève, bon goût – frôlant la confiture.
    Des feuilles brillantes.
    Tous admiraient la rose inerme,
    appréciaient la tige si lisse.
    Jamais deviné la grande menace :
    Dans la fleur même
    une grande épine.
    Je me retire, je vous salue,
    et je maintiens mon cap.

    Un dard en fleur.



    Sanda Voïca, Exils de mon exil, Passage d’encres, Collection Trait court, 2015, page 18.





    SANDA  VOÏCA


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