
D.R. Ph.
ESSAI IV
la lumière arrive frontale et pose une grande chape de silence amer / l’amertume c’est ce goût de silence quand la parole s’est terrée au fond de la bouche
la lumière arrive / elle plie le jour à une mesure sans mesure / la lumière n’a pas de bord / ne borde pas / elle remplit ce qui n’a pas de forme et on la reconnaît à sa texture dans la gorge ou sur la peau / il y a des jours où on ne supporte plus son poids ni son regard trop profond / on va alors dans un intérieur et on rêve d’hirondelles sans envol / on plonge dans une ombre apaisante pour la parole et seul l’évitement a lieu / il ne reste que l’ivresse du ciel extérieur et la ligne d’horizon de la porte fermée / le jour grince et la mémoire s’affole / ne peut plus voyager / trop lourde/ la monnaie d’étincelles n’est plus qu’argent sans éclat / il faudrait un peu de silence gratuit / de la simple présence pour que le jour se lève et que ce soit l’aurore / il faudrait / il faudrait / on ne sait pas tous les désormais qui sommeillent en nous / comme nous ne verrons jamais la lumière en face sans peur de disparaître dans sa violence
Jeanne Bastide, Intimité de la lumière, sérigraphies de Yves Picquet, Édition Double Cloche, 2007.
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