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  • Jeudi 11 décembre 1969 | Lettre de Paul Celan à Ilana Shmueli

    Éphéméride culturelle à rebours




    11. 12. 69




    Ilana, chérie,



    Ta lettre « factuelle », ce matin. Puis, à midi, à la radio, la nouvelle annoncée de façon alarmiste du bombardement de Damas par des avions israéliens. Ce n’est que dans l’après-midi que la nouvelle s’est révélée exagérée ; auraient été « bombardés », d’après Le Monde, des cibles militaires en Syrie. J’ai toujours toutes ces choses présentes à l’esprit, quand je pense, quand je pense à toi, à vous tous en Israël.

    Ainsi donc tu fais de la magie — oui, Ilana, fais de la magie. (Je savais moi aussi en faire, autrefois.) Et fais aussi apparaître par un tour de magie le mot qui doit tomber du tambour de la loterie, choisis ce mot, je le mettrai à la place de ce « Deut » qui m’a déplu dès que je l’ai écrit. Tu écris avec moi, n’est-ce pas, alors viens avec cela également, avec ce mot. Ou bien dois-je absolument abolir le tambour de la loterie, l’évacuer ?

    Je voudrais pouvoir te gratifier, Ilana, de beaucoup, de tout.

    C’est de tes lettres que je vis, alors ne renonce pas à les écrire !

    Quelles sont ces significations qui auraient changé ? — Je n’ai pas bien compris ces lignes de ta lettre. Ou bien t’ai-je blessée de quelque manière ? Dis-le-moi sans ambages.

    Bien entendu, tu peux faire virer l’argent à mon adresse — il faut seulement que tu le fasses virer à mon nom d’état civil — Paul Antschel —, c’est en effet ce nom qui figure sur mes papiers. Ou bien, peut-être est-ce le plus simple, à ma banque : Crédit Privé, 5 rue Louis-le-Grand, Paris 2e, compte n°80-306-071 (également au nom de Paul Antschel). Mais l’argent pour l’Angleterre, il est sans doute plus avantageux de le faire virer directement à Londres.

    Ilana, je me réjouis que ton travail porte ses fruits, que l’occasion te soit donnée d’élargir tes connaissances et qu’on t’estime. Et une fois à Londres, tu seras plus proche, plus facile à joindre. Je pense à ta santé, elle sera parfaite, je te le souhaite de tout cœur.

    Permets que je t’embrasse, maintenant aussi

    Paul



    Paul Celan | Ilana Shmueli, « lettre 56 », Correspondance (1965-1970) éditée par Ilana Schmueli et Thomas Sparr, Seuil, Collection La Librairie du XXIe siècle, 2006, pp. 98-99. Traduit de l’allemand par Bertrand Badiou.






    Paul Celan Ilana Shmueli





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