Étiquette : Stefanu Cesari


  • Stefanu Cesari | [On sent peser sur soi un vêtement immatériel]



    [SI SENTI CH’IDDU PESA, STÙ VISTITU IMMATERIALI]



    Si senti ch’iddu pesa, stù vistitu immateriali, hè sudori, è tutti i culori d’un ghjornu chì compii, a favugna, l’alonu di a luci, da sbianchiscia tuttu. No àchimu ‘avali l’alboriu d’una ghjuvantù, è s’impiarà d’animali di mani zitiddeschi ch’ùn sani ancu ricunnoscia, ne pilamu lutinosu, ne l’ova giaddi di i muschi chì ci voli à caccià cù dui dita. Sò sonnia di quiddi fatti in una barracca in legnu, in l’umbra calda è puzzinosa, duva tuttu à bulighju caghja pianamenti, nant’à i tàvuli incatramati, da a carri à i lìquidi, da l’animali à l’animali torna, da a forma à a materia incerta chì si manteni, in u ventri tèpidu, quidda illusioni posta nant’à l’infinitu d’un paesu. Comu sarà che no li scappèssimu, un àttimu, à a so mimoria, no chì semu sciuma in bucca à i bestii addurmintati ?





    ON SENT PESER SUR SOI UN VÊTEMENT IMMATÉRIEL



    On sent peser sur soi un vêtement immatériel, la sueur et le temps, toutes les couleurs d’une fin de jour, un halo de lumière blanchissant tout. Si nous avions l’image maintenant d’une enfance, elle se remplirait d’animaux. Des mains malhabiles à savoir le pelage secret caché sous la crasse de la route, les œufs jaunes des insectes, qu’il faut enlever entre deux doigts. Ces rêves embarqués depuis tant de jours, dans l’ombre chaude d’une baraque en bois, là où tout s’agglomère, au travers des planches goudronnées, de la chair aux liquides, de l’animal à l’animal encore, de la forme à la matière incertaine qui demeure, dans le ventre tiède, cette illusion posée sur l’infini d’un pays. Comment se fait-il que nous échappions un temps à sa mémoire, nous-mêmes écume aux lèvres des bêtes assoupies ?



    Stefanu Cesari, Prighera par l’armenti, 1, Cahiers de l’Approche | Quaderni di l’Avvicinera, 16000 Angoulême, 2018, pp. 2-3. Traduit du corse par l’auteur.






    STEFANU CESARI


    Stefanu Cesari
    Source




    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes


    Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
    [Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    [In un libru à a cuprendula russa] (un extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [Nivi, nò?] (un autre extrait d’U Mìnimu Gestu)



    ■ Voir aussi ▼


    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari






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  • Carine Adolfini-Bianconi | Je t’aime pour tes silences



    [JE T’AIME POUR TES SILENCES]



    Je t’aime pour tes silences tes rêves et ta patience
    pour notre alliance muette que l’infini reflète
    pour tes craintes, tes batailles, tes cognées tes entailles
    nos glissées dans l’aurore, ce que j’ignore encore
    pour tout ce qui m’échappe et loin de moi t’attire
    et pour les rares éclairs qui te font revenir.







    [TI TENGU CARU PÀ I TO SILENZII]



    Ti tengu caru pà i to silenzii sonnia è pacenzia
    pa’ a noscia allianza muta chi l’infinitu speria
    par ciò chì tu temi, I to bataglii piulati è trippi
    i nosci affaccati in l’albori, ciò ch’ùn cunnoscu ancu
    par tuttu ciò chì mi scappa è t’attira à longa di mè
    è pà l’arcìnditi rari chì ti fàcini vultà.




    Carine Adolfini-Bianconi, Ma béance ta demeure | A me spaccatura a to dimora, A Fior di Carta Éditions, 2018, pp. 84-85. Préface et traduction (français-corse) de Stefanu Cesari.






    Ma Béance 2





    CARINE ADOLFINI-BIANCONI


    Carine Bianconi
    Ph. D.R.




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Isularama)
    une recension de Ma béance ta demeure par Xavier Casanova
    → (sur le site des éditions A Fior di Carta)
    la fiche de l’éditeur sur Carine Adolfini-Bianconi





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  • Stefanu Cesari, Bartolomeo in cristu

    par Angèle Paoli

    Stefanu Cesari, Bartolomeo in cristu, poèmes,
    édition bilingue (corse-français), éditions Éoliennes, 2018.
    Prix du poème en prose Louis-Guillaume 2019.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Cesari Louis Guillaume








    AU CŒUR DE LA FLEUR INVERSE




    Le pays qui accueille le visage de Bartolomeo est un pays bien étrange. Âpre, écorché de mille blessures silencieuses et immobiles, pris entre sècheresse de biens et de mots, il est pays de traces et de signes invisibles, pays de l’attente. D’interrogations sans réponses. Une voix anonyme parle, qui guide le lecteur curieux dans ce mystère de pierres sèches que souligne la présence fidèle d’un « arbre vivant, d’un arbre mort ». Un cheminement vers une œuvre à venir. Un possible. Mais voici qu’un autre fait irruption, qui se fraie sa route dans le paysage et s’avance. Qui est-il ? Nul ne le connait. Aucun nom ne vient à la bouche. Il n’a laissé de lui que son rêve, inscrit à même la chaux. Derrière lui se tient le poète, entre ombre et lumière, silence et questionnement. Stefanu Cesari. C’est son nom. Il a dialogué avec le saint. Il a dialogué avec l’autre. De cet échange naît le poème, tout aussi mystérieux et intemporel que la fresque anonyme qui a inspiré ce recueil. Il lui donne un nom. Le nom de son poème. Bartolomeo in cristu.

    Il suffit au visiteur-poète de pousser les portes de la chapelle romane San Pantaleu di Gavignanu, en Castagniccia (Pieve di Rustinu en Haute-Corse), pour rencontrer, à l’instant du face-à-face, le regard singulier de saint Barthélemy. La fresque est un appel réitéré, une vocation. Une offrande peut-être, vécue pour la seconde fois. La première, c’était dans des temps anciens, au XVe siècle, lorsque le fresquiste s’est lancé dans son travail :

    « Il y a une rage qui sourd de l’intonaco et c’est le premier geste, la trace du charbon comme on devine un visage avant le corps entier, avant qu’il ne se fige […]. »

    La seconde fois est ce moment de la double rencontre : entre le poète et le saint, le poète et le fresquiste, chacun enclos dans le secret de sa mémoire. Le poète marche sur les pas du peintre, se glisse sous sa peau, s’empare de ses pensées jusqu’au point de fusionnement des unes avec les autres :

    « Si tu veux prendre la main tendue de l’œuvre, alors lève-toi, avant que le pays entier ne se mette à brûler sans ombre, tu as seulement quelques heures pour poser au blanc du mur l’étrangeté presque vivante, la parenté des hommes avec ce qui demeure. »

    La rencontre a lieu dans un échange sans fureur ni éclat, dans l’économie et le presque dénuement, à souffle retenu. Le poète interroge les couleurs qui surgissent de l’ombre, le rouge sur le blanc, le noir de la peau et celui de ce trait qui contient l’œuvre entière, corps circonscrit dans ses limites. C’est là que le saint s’abandonne, livre une part de lui-même. Le poète, témoin de ce qu’il voit, lève le voile. Révélation :

    « Tu te révèles dans l’abandon. Tu te révèles ainsi brisé, brisé et reconstitué d’un tracé très fin, un noir qui te contient. Le rouge des jours et de l’éternel, entre la nuit absolue et l’absolue lumière, c’est ta peau marquée d’un tatouage définitif. »

    La révélation est progressive. Elle se fait dans une lenteur intemporelle, dans cet espace qui s’étire entre les confins arborés, « au pied d’un arbre vivant […] au pied d’un arbre mort. » Symbole de régénérescence, l’arbre, même mort, est animé d’un souffle autre qui respire sous l’écorce comme la fresque respire sous la couleur. Le poète-témoin est en recherche. De quelque chose de plus, de quelque chose qui le dépasse. Sa quête est identique à celle de l’anonyme, identique aussi à celle de Bartolomeo. Au cœur de la quête se trouve « la fleur inverse de l’affresco. » On ne peut que penser ici à Jacques Roubaud, à cette œuvre majeure qu’est sa Fleur inverse. Laquelle renoue avec la quête d’absolu de Rimbaut d’Orange, prince des troubadours et de l’art du trobar. Cependant, « la fleur inverse » de Stefanu Cesari ne s’éloigne nullement de l’idéal du poète, différent de celui des poètes du Moyen Âge.

    « De révélation ton sang, ombre au mur inassouvie d’une quête, la fleur inverse de l’affresco. »

    Moment de beauté intense que ce moment précis du recueil qui dévoile ce qui le motive.

    Le poème dit l’histoire du saint — son enfance et ses marches, son martyre —, telle que le poète la reçoit et la vit dans son imagination, confrontant les sources contradictoires, les énigmes imaginées par les hagiographies successives, avec ses propres sentiments, son propre arrière-pays mental, sa propre sidération. Les poèmes en regard — cinquante-neuf en tout (en langue corse page de gauche, en français page de droite) — sont des proses poétiques brèves, des pavés justifiés de seize lignes pour la plupart. L’histoire du saint se résume dans la peau d’écorché jetée sur son épaule, sa « carcasse » d’étranger. « Tu n’es pas de ce pays. On t’y a accueilli en échange de ta peau. »

    C’est cela aussi que dit la fresque — l’affresco — , ce martyre silencieux dont le saint porte avec lui la relique corporelle, inséparable de lui-même, symbole de sa vie ancienne et de sa souffrance. Elle l’accompagne dans son voyage, dans « l’intimité du rouge ». Jusque dans ce paysage qui prend forme « sur la fleur sèche de la pierre. »

    Le récit ? Une voix qui se faufile sous l’incarnat de la peau.

    « Entre la peau et le couteau il n’y a personne il y a juste un temps plein de silence, et le rouge écrit sur la page, la tache d’encre dans le récit. »

    Pour le lecteur tant soit peu accoutumé aux écrits de Stefanu Cesari, rien qui surprenne dans cette fascination du poète pour les commencements. Et pour le geste fondateur qui préside à la création de toute chose. « U minimu gestu | Le moindre geste. » Si menu soit-il, si infime soit-il, ce geste est celui qui retient l’attention du poète :

    « Ce regard, tout ce qui est dit et que l’on n’entend pas les voix mêlées les chants d’une agitation fervente, c’est l’histoire de ce qu’il y a eu, un premier geste hésitant. »

    Il en est de même de la question du nom. Primordiale et biblique, cette question revient comme une offrande, sans laquelle exister ne se peut :

    « Tu as donné un nom à chaque pierre. Toi, qui as encore une jeunesse dans les mains, tu l’as posée sur le travail à venir. En esprit tu as jugé du poids de chaque chose. »

    Ainsi transparaît la pensée profonde, intime, du poète, au fil des pages. Drainant avec elle ses attentions, ses interrogations multiples sur le sens de la vie, sur le passage des hommes, sur l’affleurement de leur histoire. Les sensibilités s’intriquent, inscrites dans un topos qui n’a pas besoin de livrer son nom, mais qui se reconnaît dans la présence liminaire de l’arbre :

    « Toi ce pays entre un arbre vivant, un arbre mort »

    Le rappel de cet entre-deux agit comme un refrain susurré qui se glisse pour redire, ici et là, l’axe du poème, son enracinement dans la déprise essentielle d’avec la réalité matérielle :

    « Le récit Bartolomeo : maison et lieu, troupeaux en estive, c’est là que tu habites entre un arbre vivant et un arbre mort, le poumon du monde. »

    Ou encore, dans le même poème :

    « [C]e pourrait être une chanson revenue sur les lèvres, nous enracinant là d’une saison à l’autre, ce pourrait être vivre, l’apprentissage du vivre, d’une certaine façon maison et lieu rendus à leur nudité première entre deux arbres, voilà ce que nous pourrions connaître, de nom, mais rien qui nous appartienne. »

    Parfois émergent des instants lumineux, des instants de suspens, où vivre entre deux points d’un même axe conduit à une plénitude proche du bonheur :

    « Beaucoup aimé le temps passé sous les amandiers entre un arbre vivant et un arbre mort. C’est au début de la vie, les yeux par terre, c’est la saison, on ramasse le fruit tombé. Des fois il a toujours sa peau sur lui, des fois c’est une pierre pour la fronde, pour le fer que l’on bat. »

    Lire les lignes du voyage, laisser parler les signes, affleurement d’images complexes qui s’emboîtent les unes dans les autres pour dire un mystère plus grand encore. C’est cela qui habite le poète. Se faire le « témoin » de cette histoire à imbrications plurielles le conduit à s’interroger sur le langage, plénitude et vide, un flux qui porte en lui « la simple possibilité de chaque chose » :

    « Le langage ici toujours rouge la parole, sans jamais finir nous revient, nous emplit la bouche. »

    Et en finale du même poème :

    « Le langage, il y a dans son sang comme dans ses manques la simple possibilité de chaque chose. »

    Avant de clore la lecture d’un ouvrage aux pistes indénombrables et à la langue infiniment belle, il me faut aborder une autre particularité. D’une page l’autre court, en bas de page, à l’envers des poèmes, un autre texte. En contrepoint. Ces phrases sont incluses dans un à-plat dont la couleur « terre d’ombre brûlée » tranche avec la couleur ivoire de la page. Une ligne continue d’horizon, « fil ténu de la route », cloisonne les phrases. « Remonter le cours du récit » et de la fin signer le commencement, c’est « pénétrer dans le labyrinthe », confie le poète. Poème ouroboros. Poème intemporel. Que l’on peut lire dans un sens puis dans un autre, à l’affût des voix qui se parlent et qui conversent. Inverser le regard, lire dans les deux sens, la fin du poème rejoignant le début du texte en prose, lequel tourne le dos à l’image de Bartolomeo. Et pourtant, c’est bien à un mystérieux rendez-vous avec une image que convie cette lecture. Et, au-delà, à une rencontre avec l’autre « visage ». Celui peut-être du poète. Qui entretient avec le visage de Bartolomeo, « ciel et sang », un dialogue intérieur d’une intense richesse. Une prière, « une rêverie longue des siècles », célébration méditative sur des fragments de lumière chaude exhumés de la chaux. « Appels et répons » pour une parole « sans fin ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Stefanu Cesari  Bartolomeu in cristu






    STEFANU CESARI


    Stefanu Cesari
    Source




    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes

    [Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
    [In un libru à a cuprendula russa] (extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [Nivi, nò?] (autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)



    ■ Voir aussi ▼

    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari





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  • Stefanu Cesari | [Jeune […] autant que l’eau]



    [GHJOVANU […] QUANT’È L’ACQUA]



    Ghjòvanu quant’è a petra posta lungu ’lla strada quant’è l’acqua. L’òmini passendu ani sempri ridrizzatu u muru chì si n’era falatu, ani postu i so mani nant’à u fiori di a petra asciuta, chì sò di stu regnu accittatu, fintantu ch’iddu dura. Ceri volti li veni di pinsà à l’acqua chì curri, parch’iddi t’ani a siti, o chì ci voli à richjarà i minuci, parchì ci si attinghji u sensu di a a vita è quiddu di a morti, è certi volti u sguardu di a fèmina. Da chì tù se statu vistu sutt’à a fica — quant’anni t’avii? hai crettu par via di l’umbra è di l’àrburi, hai crettu ch’iddu ti tuccaia à mova, pà una tarra stranieri fatta d’acqua è di petra. Di stu paesu ùn se micca, ma se statu accoltu, barattènduci a to peddi.





    [JEUNE […] AUTANT QUE L’EAU]



    Jeune, autant que les pierres posées le long du chemin autant que l’eau. Les hommes en passant ont toujours redressé les murs qu’ils faisaient tomber, ils ont posé leurs mains, l’un après l’autre sur la fleur sèche de la pierre. Ils sont de ce règne, pour autant qu’il dure. Quelquefois ils pensent à l’eau vive, parce qu’ils ont soif, parce qu’il faut rincer les abats, parce qu’on y puise et la vie et de la mort, parce qu’on y croise une femme. Depuis que l’on t’a vu sous le figuier, quel âge avais-tu ? Tu as cru à cause de l’ombre et de l’arbre, tu as cru qu’il fallait se lever et partir. Vers une terre étrangère faite de pierre et d’eau. Tu n’es pas de ce pays. On t’y a accueilli en échange de ta peau.



    Stefanu Cesari, Bartolomeo in cristu, poèmes, 24, édition bilingue (corse-français), éditions Éoliennes, 2018, pp. 52-53.






    Stefanu Cesari  Bartolomeu in cristu





    STEFANU CESARI


    Stefanu Cesari
    Source




    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes

    Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
    [In un libru à a cuprendula russa] (un autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [Nivi, nò?] (un autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)



    ■ Voir aussi ▼

    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (sur le site des éditions Éoliennes)
    la fiche de l’éditeur sur Bartolomeo in cristu de Stefanu Cesari
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari





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  • Corse_3 Stefanu Cesari | [Nivi, nò?]







    NIVI, NÒ?
    Ph., G.AdC








    [NIVI, NÒ]



    Nivi, nò? daret’à no. a falda di u vosciu manteddu vi scappa
    u bracciu circa, in vanu, è parichji volti. ùn si sà micca bè
    chì strada ’ddu sigueta u sangu ’n a pitturiccia nè chì gestu pà appacià u timpurali,
    ch’iddu ùn nascissi, ch’iddu ùn vinissi à batta i narba contr’à i vitrati tosti.
    l’ochji nudu à u mari
    si ghjaccia.
    u tigliolu si ni sfaci.

    ùn era po’ quì chè no erami? erami
    ’n a luci. abbaraculati. ci sintiami guasgi
    nascia l’arba sutt’à i peda,
    in u calacciu.

    nò. ci sbagliaia a friscura. ci sbagliaia tuttu ciò chì merza.
    ma era propriu quì.


    à mumenti v’hà da purtà calchissia chè vo ùn cunnisciti micca.
    v’aghjustarà a villetta. dumandarà com’hè
    u vosciu nomu, soca nivarà più forti







    IL NEIGE, NON ?
    Ph., G.AdC








    [IL NEIGE, NON ?]



    Il neige, non ? dans notre dos. un pan de votre manteau vous échappe.
    le bras cherche en vain un moment, on ne sait pas bien
    quelle course suit le sang dans la poitrine ni quel geste adresser à la tempête,
    l’empêchant de naître, de venir battre les nerfs aux baies vitrées froides.
    l’œil nu sur la mer
    se glace.
    le tilleul se défait.

    n’était-ce pas ici ? nous étions
    dans la lumière, attentifs
    à l’herbe naissante parmi les fruits morts.

    non, la fraîcheur nous trompait, le pourrissement.
    mais c’était ici même.


    quelqu’un vous emmènera bientôt, que vous ne connaissez pas
    vous aidera à passer un châle, il demandera
    votre nom. neige. encore



    Stefanu Cesari & Badia, U Mìnimu Gestu | Le Moindre Geste, Colonna édition, octobre 2012, pp. 50-51.





    Le-moindre-geste-u-minimu-gestu




    _________________________________
    NOTE d’AP : Stefanu Cesari a reçu en 2013 le prix du livre corse et le prix Don Joseph Morellini (prix littéraire du conseil général de Haute-Corse) pour son ouvrage U Mìnimu Gestu.








    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes

    [In un libru à a cuprendula russa] (un autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
    [Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)



    ■ Voir aussi ▼

    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (dans Quaderni di traduzioni, X, ottobre 2011)
    des extraits d’U Mìnimu Gestu, traduits en italien par Francesco Marotta [PDF]
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari





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  • Corse_3 Stefanu Cesari | [In un libru à a cuprendula russa]




    Le moindre geste 2






    [IN UN LIBRU À A CUPRENDULA RUSSA]



    In un libru à a cuprendula russa, ci hè un pocu di tarra chì lucichighja
    s’e no vuddemu i pàgini.


    una stodia tutti ’ssi parlachjimi, davant’à no, i ziteddi chì sò com’è l’aceddi.
    i so noma in sta lingua chè vo impiigheti sò scunnisciuti.
    piumi grisgi è verdi.
    passioni pà a furmicula russa, assuciata à a sciappitera d’un focu


    richjudimu u libru senza d’avè sisitu a lèttera nè sappiutu.
    u ghjornu batti sempri largu. ci dumandemu.
    s’e pà ugni chjama ci sarà una risposta, pà ugni filu di boci
    una tissatura






    [DANS UN LIVRE À LA COUVERTURE ROUGE]



    Dans un livre à la couverture rouge, ce peu de terre,
    brille quand on tourne les pages.


    une histoire de petites voix, les enfants comme des oiseaux.
    leurs noms sont méconnaissables.
    leur plumage, bleu et vert.
    cette passion pour la fourmi rouge c’est aussi le crépitement d’un feu
    dans une histoire


    on referme le livre sans avoir saisi la lettre, sans avoir su.
    encore le battement du jour. On se demande.
    quelle parole sera entendue, quel fil de voix
    sera tissé



    Stefanu Cesari & Sylvie Badia, U Mìnimu Gestu | Le Moindre Geste, Éditions Jean-Jacques Colonna, octobre 2012, pp. 26-27.




    _________________________________
    NOTE d’AP : Stefanu Cesari a reçu le prix du livre corse 2013 pour son ouvrage U Minimu Gestu.





    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes


    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
    [Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
    [Nivi, nò?] (autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)




    ■ Voir aussi ▼


    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (dans Quaderni di traduzioni, X, ottobre 2011)
    des extraits d’U Mìnimu Gestu, traduits en italien par Francesco Marotta [PDF]
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari





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  • Corse_3 Stefanu Cesari | Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu



    je peux dire que je perds toujours ta trace
    Ph. angèlepaoli






    Incù ciò chi tu m’ha’ lacata i socu custruitu un linguaghju.
    si pudarà di ch’iddu m’apparteni ?
    s’e riflettu, ùn vicu più chì visu t’avii, nè chì boci ― una prisenza in u verbu o’ tantu : a certitudina chì, un ghjornu, sè statu chivi.
    ti possu invintà in a spaddera di certi omini, s’è voddu, ma chì bisognu ci hè ?
    da tandu aghju imparatu ch’iddi si sìccani fàciuli i padola.
    ch’un paesu intrevu pò nascia nant’à a stancàghjina di l’ochja ― silinziosu.
    infini, credu. silinziosu soca parchì ùn lu capiscu micca.
    nasciarii torra, tu, nant’à i me ochja ?
    par cunfidenza ùn ti sunniighju mai. ma socu àbuli un pocu à i to staghjoni. ùmidi.
    possu dìche perdu sempre a to traccia.
    a dicu, ed hè tuttu ciò chì ferma.




    Avec ce que tu m’as laissé, j’ai construit un langage.
    pourra-t-on dire qu’il m’appartient ?
    si j’y pense, je ne sais plus quel visage tu avais, ni quelle voix — une présence dans le verbe, sans doute : la certitude qu’un jour, tu as été là.
    je peux t’inventer aux épaules d’autres hommes. à quoi bon ?
    j’ai appris depuis qu’on assèche facilement les marais.
    qu’une ville peut naître sur des yeux fatigués — silencieuse.
    je ne comprends rien — c’est sûr.
    pourquoi ne renais-tu pas, toi, sur mes yeux ?
    pour confidence : je ne te rêve jamais, mais je connais un peu tes saisons. humides.
    je peux dire que je perds toujours ta trace.
    je le dis. et c’est tout ce qui reste.



    Stefanu Cesari, Genitori, Éditions Les Presses Littéraires, 66240 Saint-Estève, 2010, pp. 20-21.






    Genitori





    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes


    Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
    [In un libru à a cuprendula russa] (extrait d’U Mìnimu Gestu)
    Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
    [Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
    [Nivi, nò?] (autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur L’Or des livres)
    une lecture de Genitori par Emmanuelle Caminade
    Gattivi Ochja, la revue en ligne de poésie de Stefanu Cesari
    → (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances)
    quatre poèmes de Stefanu Cesari
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari



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  • Stefanu Cesari | Ti scrivaraghju in faccia

    «  Poésie d’un jour  »


    Stefanu_cesari
    Stefanu Cesari lisant un poème
    de son avant-dernier recueil Forme animale
    Canari (Haute-Corse)

    Ph., G.AdC





    J’ECRIRAI SUR TON VISAGE


    J’écrirai sur ton visage des mots qui ne servent à rien
    tu ne parleras dans le regard des autres
    qu’une langue incertaine
    aux mensonges forcés
    à même la peau

    l’inutile douleur du tatouage
    pour tout dire







    TI SCRIVARAGHJU IN FACCIA


    Ti scrivaraghju in faccia tanti paroli vani
    chi’n u sguardu di l’altri parlarani
    una fabeta di lingua
    a fior’ di visu una bucìa un calcosa
    o micca, a saparé tu
    calchì dulori ghjustu
    capaci à dì
    u guasgi tuttu





    Forme_animale_2
    Ph., G.AdC




    Stefanu Cesari, Forme animale, A Lingua lla bestia (édition bilingue corse-français), A Fior di Carta éditions, Collection Puesia, Barrettali (Haute-Corse), mars 2008, pp. 24-25. Prix des lecteurs de Corse 2009.







    Joute poétique
    Joute poétique sur la Terrasse au tilleul d’Angèle Paoli
    (Canari, 15 mars 2008)
    A gauche (prenant la parole), Yves Thomas, éditeur webmestre de TdF,
    au centre Angèle Paoli et Stefanu Cesari,
    sur le rocher à droite Hélène Sanguinetti

    Ph., G.AdC





    ■ Stefanu Cesari
    sur Terres de femmes


    Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu (extrait de Genitori)
    [In un libru à a cuprendula russa] (extrait d’U Mìnimu Gestu)
    Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
    [Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
    [Nivi, nò?] (autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
    [On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)




    ■ Voir aussi ▼


    Gattivi Ochja, la revue de poésie en ligne de Stefanu Cesari
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari





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