Étiquette : Sylvie Durbec


  • Sylvie Durbec | Carré music


    CARRÉ MUSIC



    L’un ne lit que de la poésie crée des drôles d’outils de jardinage qu’il met ensuite dans des cadres carrés puis un autre est entré et a demandé de la poésie rien que de la poésie je viens de perdre ma mère il a acheté trois livres d’un coup l’oiseleur nous l’avions fait entrer dans ce paradis parce que le peintre et moi venions de perdre chacun notre mère presque en même temps et cet éden dont se pare le titre une sorte d’hommage à nos mères puissantes à leur goût d’ordonner nos vies tel le jardinier dans son potager ordonne les carrés selon qu’il y sème des salades des carottes et des choux gui et moi étions des enfants tant que nos mères étaient en vie elles sont comme ça ensuite nous avons grandi d’un seul coup comme les cèpes dont parle si éloquemment handke qui en une nuit triplent de volume car nous devenus grands si subitement que nos têtes se cognaient au ciel tandis que nous tentions de fuir notre chagrin alors nous avons voulu ce livre pour moins nous blesser aux arêtes des carrés que nous dessinions chacun à notre manière lui les couleurs moi les lettres crier nos Cicatrices tant est violent l’attachement maternel et plus grand encore peut-être l’arrachement filial délier défaire défier ce qui longtemps a constitué la base de l’édifice et se voir nu sans rien pour masquer la nudité de nos corps d’orphelins ceux qui se gaussent de nous savent-ils vivre comme des enfants sans mère motherless child chanson que mahalia jackson chantait sur le tourne-disque gris et rouge offert par ma mère pour ma communion solennelle à marseille arrivé chez nous (mon père avait-il joué un rôle dans cet achat) en un carton carré



    Sylvie Durbec, Carrés, éditions Faï fioc, 2020, page 40.






    Sylvie Durbec  Carrés 2



    SYLVIE DURBEC


    DURBEC 5
    Source




    ■ Sylvie Durbec
    sur Terres de femmes


    Conte oriental
    Sylvie Durbec | Déjanire, Lucetta Frisa | Deianira
    Marseille, Éclats & quartiers (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pour García Lorca, te quiero verde
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un court extrait de Marseille, Éclats & quartiers




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Sylvie Durbec





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  • Florence Noël, L’Étrangère

    par Angèle Paoli

    Florence Noël, L’Étrangère,
    Bleu d’encre Éditions, 5500 Dinant (Belgique), 2017.
    Dessins de Sylvie Durbec.



    Lecture d’ Angèle Paoli



    EN ATTENDANT « LE VENT SEC/DES RÉDEMPTIONS »



    Elle est « L’Étrangère », si étrange être de poésie. Est-ce elle, est-ce une autre ? Elle, c’est Florence Noël, poète. L’autre, c’est L’Étrangère. Celle qui n’existe que dans les « entailles » où elle trouve asile. L’autre, c’est la poète.

    Les poèmes, que Florence Noël voudrait « secs », ne le sont pas vraiment, du moins pas tout à fait. Tout au plus sont-ils menus, économes en mots, friands de brièveté. C’est sa manière à « elle » d’exister, sans excès ni débordements, sans lyrisme incongru. Pour ne pas « inexister », « elle » écrit, et pour écrire, « elle » se cherche des points d’étayage, des encrages amis. Elle, Florence Noël. Les poètes qu’elle convoque ont pour nom Emily Dickinson, Geneviève d’Hoop, José Saramago. Et d’autres encore. Ils ont aussi pour nom Marc Claude et Sylvie. C’est à eux qu’est dédié ce recueil : L’Étrangère. Il y a aussi des morts anonymes à ses côtés, en une proximité singulière :

    « parfois

    je séjourne comme

    les morts

    la tête obstinément fixée vers un ciel

    alors animé

    d’astres vertigineux

    d’autres fois

    je m’essaye à rester debout »

    Ainsi sommes-nous invités à accompagner la poète dans son univers. Et l’on sent bien qu’il faut peser ses mots. En dire trop ne peut convenir. Mieux vaut opter pour la brièveté tout en s’offrant quelques gambades, comme le suggèrent les dessins de Sylvie Durbec qui ponctuent le recueil de leur fantaisie. Légèreté, drôlerie, humour. De quoi jouer les funambules entre les mots, entre ces « riens qui la rendaient/partout/étrangère ». Se glisser à son tour dans la faille entrouverte sur « la liturgie des malheurs ».

    L’Étrangère (ou son double poète) a une écriture étrange. Je ne suis pas sûre d’en cerner toutes les subtilités, toutes les nuances, tant celle-ci surprend. Ce que je pressens, c’est la souffrance, la douleur. Mais de quoi souffre-t-elle ? Du manque d’amour ou du trop d’amour ? Ou du trop d’imperfection dans l’amour ?

    « je vous écris

    d’entre les lèvres d’une blessure », confie-t-elle.

    Ailleurs, elle s’interroge :

    « — comment aimer

    sans l’aune de la perte — »

    Et la poète de poursuivre, dans le même poème :

    « si j’y vais

    ce ne sera pas sans

    ce sac épais

    d’os et de larmes

    ma boiterie les sanglots longs

    et ce regard perdu

    que tu m’offris un jour

    en guise d’alliance »

    On le voit, on croise au passage d’autres amis, notamment Jacob et sa « boiterie », héritage du combat nocturne avec l’Ange et signe de l’Alliance avec Dieu ; un Jacob laïcisé cependant en guise d’amant ; Verlaine aussi, et les « sanglots longs » de la « Chanson d’automne » ; ainsi que le compositeur et interprète israélien Asaf Avidan : My tunnels are long and dark these days. Le tragique est au cœur et la poète oscille entre mélancolie et tonalités plus austères.

    « L’Étrangère » voudrait faire d’elle un « poème possible ». Elle hante les morts et les fréquente. Sa poésie est vertigineuse car insaisissable, intraduisible avec les mots courants, les pensées ordinaires. Ses mots sont si simples, pourtant ! Mais ils disent un ailleurs inconnaissable, qu’elle seule semble pouvoir aborder. Le poème emprunte cependant, parfois, des phrases entendues dans la conversation courante, mais celles-ci n’en deviennent que plus singulières. D’autres fois, la poète évoque de lointaines comptines d’enfance. Ce que l’on peut dire, c’est que cette poésie se dérobe. Ses mots bercent en même temps qu’ils raniment d’anciennes blessures qui ne demandent qu’à affleurer. Une grande tristesse respire entre les pages, qui résistent, un peu rêches, un peu grenues au toucher. À l’identique des mots qui s’ébrouent pour confier au poème à la fois la blessure et cette soif d’absolu (qui en est peut-être l’une des composantes primordiales).

    Je feuillette à nouveau le recueil pour saisir les inflexions d’une voix, et voici ce qui s’offre à moi :

    « l’inflexion d’une main

    inconnue

    exécutant la danse

    qu’un rêve nous

    offrit »

    Plus loin, cette découverte interrogative incroyable d’où surgit le plaisir paradoxal :

    « c’est un peu fou d’inexister

    avec tant de ferveur

    de densité rêveuse

    ça doit être cela, ce sourire

    parfois »

    Le sourire, c’est celui du chat du Cheshire.

    Dans ce recueil, ce qui prédomine, c’est l’image de l’envers. La chute dans le vide, la catabase, tête première, mais aussi l’enroulement de l’écuyère ou de la trapéziste. Tant de mystère dans la poésie de L’Étrangère, tant de poésie indicible qui se déroule, encercle, enlève, enlove, ailleurs, au-delà, dans un univers qui n’existe peut-être que dans les rêves ou dans l’imaginaire poétique. Car elle est bien étrange celle qui se définit ainsi :

    « elle est une farce

    une anomalie »

    et qui plus loin écrit :

    « elle n’écrit que dans

    l’insondable tristesse

    ou l’insondable joie

    là ce qui n’a Nom

    réside

    amoureusement »

    Faut-il voir un zeugma entre « ce qui n’a nom » et ce qui tient à l’imprononçable ? Le Nom de Yahweh ? Tenter de donner une réponse transparente serait contraire à la vision et à la démarche de la poète, et à celle de la dessinatrice. Il faut donc se résoudre à suivre la ligne de la poète sans vouloir apporter de réponse tranchée :

    « et vous cherchiez encore

    quel sens

    lire par là »

    L’essentiel n’est-il pas de suivre les gués qui s’offrent en cours de chemin et de faire halte ? De prendre le temps de la méditation avant de poursuivre ?

    « dans l’écriture

    des choses brèves lui viennent

    inaugurant des ponts

    tendus entre embrasements

    et néants

    ces passerelles

    continuent à se balancer

    à l’aplomb des gouffres

    où mystères et indicible

    se disputent

    les dents des morts »

    En attendant « le vent sec/des rédemptions ». Ou peut-être cet « appel » qui ouvre sur l’espoir :

    « il reste des mots pour

    communier à l’allégresse »

    Riche d’échos auxquels nos esprits cartésiens sont devenus trop souvent insensibles, la poésie de L’Étrangère est une poésie troublante et exigeante. Imprégnée de spiritualité, de délicatesse et de douceur. Lente et extrême. Une poésie inspirée, une poésie des contrées hautes. Une anabase.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Florence Noël  L'Etrangère  Bleu d'encre Editions  2017 4






    FLORENCE NOËL


    Florence Noël 3





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin






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  • Florence Noël | [parler de soi]


    [PARLER DE SOI]



    parler de soi
    c’est si facile
    nous sommes des constellations
    de peu dit
    des myriades d’étincelles
    aussi brèves
    que brûlantes
    vastes comme un peuple
    un océan
    un univers

    et quel que soit le voyage entrepris
    nous ne tournons
    qu’autour de ce même petit
    moi pale
    et troublant




    je vous écris
    d’entre les lèvres d’une blessure




    Florence Noël, L’Étrangère, Bleu d’encre Éditions, 5500 Dinant (Belgique), 2017, pp. 73-74. Dessins de Sylvie Durbec.






    Florence Noël  L'Etrangère  Bleu d'encre Editions  2017 4






    FLORENCE NOËL


    Florence Noël 3





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    Initiation au crépuscule
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin






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  •      | rouge |

    Il y a bientôt neuf ans
    avait lieu une rencontre poétique avec James Sacré,
    à la Petite Librairie des Champs de Boulbon,
    chez Sylvie Durbec et dans la maison de Michèle,
    sous les remparts du château de Grimpelune,
    les 11, 12 et 13 décembre 2009.
    Ci-dessous, en témoignage,
    le texte que j’ai écrit sur mes Carnets.


    Le rouge des couleurs mélange de bleu et d'oranger la couleur rouge dans quel mot la retrouver. quelque chose du rouge dans le grain de la voix.
    Ph., G.AdC






    | ROUGE |



    . Que reste-t-il ce soir de tout ce vécu de mots qu’on a engrangé
    chacun pour soi ?


    Un peu de poème « avec toute sa guenille de mots ».



    « Des mots
    comme du rouge qui respire ».




    .Le rouge des bleus de Matisse      intérieurs et jardins
    qui viennent à la rencontre
    et le rouge du feu qui poudroie dans les mots.


    .des mots comme du rouge qui respire
    dans le vieux broc tout émaillé
    comme posé là en attente d’un bouquet de cicindèles
    ou même des flammes anacoluptères
    que les mots grésillent d’une bûche à l’autre
    la respiration comme un souffle de vie à peine
    retenu dans le silence gris du jour
    et la promesse de neige peut-être
    sous la vitre.


    .et devant moi encore le rouge d’une étole
    en jeté sur l’épaule et autour de la nuque aussi
    comme un abandon de plis qu’on ne saurait dire


    et celui plus carminé de la passion
    d’un pendentif au lobe d’une oreille
    que tellement ça bouge pour un rien
    pour un mot qui passe tout au plus.


    .qui saura dire un jour quel fleuve
    traverse le géant christophore
    surgi à la croisée des rues dans le blanc de la roche rongée
    et pourquoi au bou du bou du bou
    le nom du village interrompu coupé
    par qui pour quoi le sait-on ?
    panneau sans fléchage et il faut inventer le chemin taillé
    dans le gris lent de l’encoule
    dans l’à-vif de la montagne blanche mêlé aux ocres chaudes
    des pisés forteresses du Maroc.


    .Sidi Slimane n’est jamais bien loin.


    .le vieux campanile monte dans le peu de lumière derrière la vitre
    au plus serré de la rencontre de ce jour.


    .et le mot rouge un peu plus rouge pris dans les nappes et les tentures
    et soudain dans celui plus doré du pain d’épices de Noël
    qui effrite ses tranches sous les doigts
    le rouge des couleurs mélange de bleu et d’oranger
    la couleur rouge dans quel mot la retrouver
    la rendre à sa rondeur première
    à son origine dans la rouille
    rouge pâle des tuiles sur les toits qui étirent
    leur feuilleté dans la fraîcheur
    et les murets décrépis
    à quel temps abandonné depuis tant.


    .le feu crépite rouge sang d’elfe chaude et d’éventail
    que dis-tu en écrivant ces mots sinon le vide des images
    qui ne parlent à personne
    que lisent les regards sous les paupières closes
    derrière la pluie des mots qui tombe en gouttes
    de pétales rouges.


    .quelque chose se vit comme un peu de souvenir effacé
    que chacun garde au creux de sa propre chaleur
    quelque chose se dit de l’intime
    coule sa langue douce sous la langue autre
    comme une odeur d’enfance à cueillir sous les mots
    dans un jardin d’hier une langue d’avant
    de Vendée ou d’ailleurs
    tendue aux quatre coins d’une lessive fraîche.



    crire comme une affaire de désir
    comme une affaire de rencontre
    un désir de poussière
    et de paradis minuscule
    quelque chose du rouge dans le grain de la voix.





    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    JAMES SACRÉ


    James Sacré par le photographe Olivier Roller
    Ph. © olivier roller
    Source





    ■ James Sacré
    sur Terres de femmes


    [Dans la pointe exiguë d’un pays qui est de la campagne] (extrait d’Écrire pour t’aimer)
    [Il y a le menhir] (extrait d’Et parier que dedans se donne aussi la beauté)
    James Sacré, Le paysage est sans légende (lecture de Tristan Hordé)
    Dans le format de la page (extrait de Le paysage est sans légende)
    Le désir échappe à mon poème
    Figure 42 (poème extrait de Figures qui bougent un peu)
    Je t’aime. On n’entend rien
    Parfois
    James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur remue.net)
    James Sacré/Un paradis de poussières (article de Jacques Josse)
    → (sur Loxias) une
    bio-bibliographie de James Sacré
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    un article de James Sacré (« Une boulange de lyrisme critique »), texte paru dans la revue Le Nouveau Recueil (éditions Champ Vallon)






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    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • Sylvie Durbec/Pour García Lorca, te quiero verde


    Printemps des poètes 2010 – « Couleur femme »
    Anthologie poétique Terres de femmes (28) »  »  »



    Durbec mais quoi verte vraiment cette encre ce mot cette lettre
    Ph., G.AdC





    Pour García Lorca, te quiero verde



    V

    vivre dans la couleur verte de la voix revivre vivante cette voix
    et voir et voir encore la volonté de vivre dans la voix de l’encre vive voix
    et de cette violence vocale énervée par le voisinage du vent
    venir de Venise et arriver dans la ville des souvenirs que personne ne peut voir
    tant nous sommes aveugles et elle invisible
    dans le voir et le venir dans le revoir et l’avenir de cette lettre violette
    comme l’encre des vieilles manières de l’arrivée en ville des vieillards
    comme une vipère un violon une venimeuse voisine un voyage à venir
    comme
    mais quoi
    verte vraiment
    cette encre ce mot cette lettre


    V

    que nous visiblement voyons se vriller dans la voix de la presque vive
    et elle ivre et violente dans sa vie s’esquive dans sa voix
    disparaît invisible
    revive cette voix
    et l’herbe verte
    recouvrira les voies
    victoire des vivants
    sur le navire des avanies
    vox populi
    vertigineuse vacance des morts

    vienne le vert
    vienne le ver
    viennent les vers
    qui nous achèvent !



    Sylvie Durbec
    D.R. Texte inédit
    Sylvie Durbec/Terres de femmes






    SYLVIE DURBEC

    Sylvie Durbec
    Source

    Voir aussi :

    – (sur Terres de femmes)
    Sylvie Durbec/Conte oriental ;
    – (sur Terres de femmes)
    Sylvie Durbec, Marseille, Éclats & quartiers (note de lecture) ;
    – (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    un court extrait de Marseille, Éclats & quartiers ;
    – (sur Terres de femmes)
    Sylvie Durbec/Déjanire Lucetta Frisa/Deianira ;
    – (sur Poezibao)
    Sylvie Durbec et les éditions Cousu Main ;
    « Sylvie Durbec, libraire au milieu des champs », article de Thomas Wieder paru dans l’édition du Monde du 15 août 2008 (fichier Word) ;
    – (sur Chapitre Nature)
    une bio-bibliographie de Sylvie Durbec ;
    le blog de La petite librairie des champs ;
    – (sur le site de L’Atelier photographique N 89 Vauvert Gard)
    Sylvie Durbec photographiée par Didier Leclerc.

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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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  • Sylvie Durbec, Marseille, Éclats & quartiers

    par Angèle Paoli

    Sylvie Durbec, Marseille, Éclats & quartiers,
    Éditions Jacques Brémond,
    Remoulins-sur-Gardon (Gard), 2009.
    Dessins de l’auteur.



    Lecture d’Angèle Paoli




    Durbec Marseille 4








    LA GRANDE FLEUR OÙ S’ORIGINE L’ÉCRITURE



    Éclats & quartiers. Le sous-titre est déjà en lui-même une invite à la plongée dans la mémoire. Mémoire d’une ville, mémoire de Marseille. « Éclats & quartiers », cela claque comme le vent dans les vergues des bateaux amarrés, cela résonne en rafales de mistral sur le pavé de la ville. Les éclats se rassemblent, se rejoignent en quartiers, la ville a un visage. Un nom. C’est Marseille. Le Marseille de Sylvie Durbec, « maître d’histoires » depuis la haute enfance. Conteuse. Cela dérange aussi, peut-être. Car Sylvie Durbec, à la fois éprise de la blancheur mystique d’Emily Dickinson et des splendeurs d’Orient, place Marseille, Éclats & quartiers sous l’égide de la grande poète américaine. Et choisit pour exergue le fameux « Fame is a bee ».

          Dès que l’on entre dans le livre, entrée au scalpel puisqu’elle réclame le coupe-papier, les éclats réapparaissent. Éclats de papier, éclats de quartiers, poèmes et proses, éclats de lignes aussi qui enchevêtrent leurs géométries pour recréer autrement « la cité achélème », sous la pointe du poète-dessinateur.

    Six quartiers en tout, depuis le quartier Saint-Jérôme, quartier des tout commencements où l’enfant de la cité achélème des Tilleuls, s’éblouit des magnolias de rêves dont le nom à lui seul enrichit la misère ; jusqu’au quartier des îles, les îles du Frioul, visitées un jour de tempête avec le père. Initiée par celui qui tint promesse et fut « l’homme-fée » de ce jour, l’adulte écrit :

    « Un jour entier

    j’ai été poète du bord de mer

    et me suis baignée

    dans l’eau des commencements

    celle qui permet le poème ! »

    Entre le quartier de Saint-Jérôme et le quartier des îles, d’autres quartiers encore. Celui de La Viste, « Envers du monde » qui semble hésiter entre « montagne et désert », celui, mitoyen, de Saint-Antoine, que la conteuse convoque de ses incantations. Afin qu’il lui accorde de retrouver « la fille-maître des histoires », envolée et perdue au seizième étage de l’achélème de La Viste. D’errance en errance, d’un quartier l’autre, peuplé de ses images propres, ce qui subsiste de Marseille, « gâteau cassé sur la toile cirée du café des Voyageurs », ce sont les « éclats et quartiers de fruits et de billes jetés. »

    Pourtant la vie de la conteuse « s’ouvre ». La fleur de magnolia s’agrandit pour laisser venir des quartiers nouveaux. Celui de Vauban et de Notre-Dame-de-la-Garde, lourds de mauvais souvenirs ; celui de la Plaine, « radeau envasé » qui regorge de secrets de mystères et de morts. La Plaine et ses alentours qui transforment la petite fille en « indien des grandes plaines » et faiseuse de pluie. Viennent enfin les quartiers du Port et de la Joliette, jadis ouverts sur les ardeurs d’Orient et sur ses travailleurs de la mer ; aujourd’hui blessés et avilis par les verrues de notre temps.

    D’autres textes ― cinq au total ― qui oscillent entre prose autobiographique et poésie, prolongent ce voyage à travers les quartiers de Marseille. D’autres mots pour dire, à même la peau de l’enfant, le commencement de Marseille. Et fondre, en une grande déesse-mère, protectrice et prometteuse, les figures tutélaires de l’enfance – le père et ses mystères –, les chimères qui sculptent la ville et les rêves de la magicienne.

    Poème des origines où s’origine l’écriture, Marseille, Éclats & quartiers a été récompensé par le Prix Jean-Follain 2008.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    SYLVIE DURBEC


    Sylviedurbec
    Source




    ■ Sylvie Durbec
    sur Terres de femmes


    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un court extrait de Marseille, Éclats & quartiers
    Carré music (extrait de Carrés)
    Conte oriental
    Sylvie Durbec | Déjanire Lucetta Frisa | Deianira
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pour García Lorca, te quiero verde




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Sylvie Durbec



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  • Sylvie Durbec | Déjanire

    Lucetta Frisa | Deianira

    «  Poésie d’un jour  »





    poignées d-olives mises à sécher au soleil
    Ph., G.AdC






    DÉJANIRE



    déjà des mains maladroites ou au contraire très habiles ont
    attrapé la tunique
    l’ont plongée dans une décoction d’amère solitude
    et l’ont mise à sécher sur les oliviers

    plus tard une jeune fille au regard comme la colère est
    venue la chercher
    sa plainte a grandi sous ses doigts noircis de haine et de
    jalousie bleutée

    ses mains ont glissé sur le tissu si doux des regards de
    laine et de soie
    quand l’homme-héros reviendra
    la tunique l’embrasera ce sera sa fin
    et mon commencement

    que deviendrai-je ensuite vent ? nuage ? ou encore océan
    d’ires et de larmes ?
    poignées d’olives mises à sécher au soleil ?


    Sylvie Durbec, 3, édition bilingue, éditions Cousu Main, 84200 Carpentras, 2006.






    Fiamma crepita nascosta agli angoli
    Ph., G.AdC






    DEIANIRA


    Minima fiamma
    crepita nascosta agli angoli
    ancora domabile
    si allarga si gonfia serpeggia
    sulle pareti incupiti gli inermi tendaggi
    si schianta
    tra scale frenetiche
    sotto il silenzio feroce dei soffiti.

    Io che non so le quiete ragioni
    dell’acqua, le miti attese e il sonno,
    con mani arroventate preparo
    la veste del tuo ritorno ― chiara e casta.
    Dentro già sento il tuo corpo
    agitarsi.
    Le mie carezze
    infuriano sulla tua carne.


    Lucetta Frisa, 3, édition bilingue, éditions Cousu Main, 84200 Carpentras, 2006.





    NOTE D’AP :

         Née à Gênes (où elle réside), traductrice et poète, lauréate du Prix Lerici 2005, Lucetta Frisa est l’auteur d’une œuvre poétique importante. Elle a notamment publié La follia dei morti (Campanotto, 1993), Notte Alta (Book, 1997), L’altra (Manni, 2001), Siamo appena figure (GED, 2003) et Se fossimo immortali (Joker, 2006).
         Dans le recueil poétique réalisé par Caroline Leboucq pour les éditions Cousu Main, Lucetta Frisa se livre à une interprétation personnelle des poèmes de Sylvie Durbec. Tandis que Susanna Lehtinen, plasticienne et illustratrice finlandaise, ponctue les évocations des trois héroïnes antiques de ses propres incantations. Trait et couleur. Quatre femmes, quatre passions pour rendre à Alceste, Cassandre et Déjanire une part de leur visage.



    SYLVIE DURBEC


    PORTRAIT DE SYLVIE DURBEC
    Image, G.AdC




    ■ Sylvie Durbec
    sur Terres de femmes


    Carré music (extrait de Carrés)
    Conte oriental
    Marseille, Éclats & quartiers (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pour García Lorca, te quiero verde
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un court extrait de Marseille, Éclats & quartiers




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Sylvie Durbec



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  • Sylvie Durbec | Conte oriental

    «  Poésie d’un jour  »


    Il y a toujours une ombre à approcher de la lumière.
    Ph., G.AdC






    CONTE ORIENTAL
    (extrait)

    Regarder apaise notre attente.

    Émergent au loin d’étranges silhouettes.
    On dit que ce sont les hommes du vent.
    Il existe au nord des pays de neige aussi blancs que des salines.
    C’est ce que racontent les oiseaux lorsqu’ils reviennent nous voir.
    Ceux que je préfère, ce sont les roses, ils nous ressemblent.

    À personne ici, je n’oserai dire que nous ressemblons à des oiseaux.
    Nous, si petits, si friables sous les doigts.
    Crispés en notre état de cristaux.
    Mouvants comme le flux et le reflux dans les canaux.
    Et pourtant si incapables de nous mouvoir.

    Il y a toujours une ombre à approcher de la lumière.
    Ici, en plein soleil.
    Ou en pleine nuit sur la saline,
    lune blanche.

    Parfois une peur nous vient.
    Bruit terrifiant des machines à trier le sel.
    Mais nous, si jeunes encore dans le monde,
    Si neufs et puis tout se finit dans un sac,
    Disent certaines voix : pourquoi ? […]



    Sylvie Durbec, « Conte oriental », in La Revue des Archers, Publication littéraire semestrielle, N° 16, Éditions Titanic-Toursky, mai 2009, page 170.



    SYLVIE DURBEC


    DURBEC 5
    Source




    ■ Sylvie Durbec
    sur Terres de femmes


    Carré music (extrait de Carrés)
    Sylvie Durbec | Déjanire Lucetta Frisa | Deianira
    Marseille, Éclats & quartiers (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pour García Lorca, te quiero verde
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un court extrait de Marseille, Éclats & quartiers




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Sylvie Durbec






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