Étiquette : Sylvie Nève


  • Sylvie Nève | Le Désert



    LE DÉSERT
    (extrait)
    à Rimb





    Le désert — jamais vide
    limon crevassé
    plateau de Transjordanie
    à la base de l’escarpement jusqu’à
    la limite de partage des eaux entre
    l’Ouadi Araba et la mer Morte
    le désert — jamais vide
    manteau de limon
    série plissée, étroit sentier
    métamorphique, gneiss et schistes cristallins
    bordé de marécages aux extrémités
    des laves et intrusions ou extrusions de
    granodiorites et de granites
    porphyres et rhyolites et quartz
    limon de langues
    tronc de tamaris, lit crevassé,
    vallées, rares, et la route principale
    bande de terre dans un pays de déserts
    désert égyptien du Sinaï
    mauve, rose, violet
    désert de Judée
    désert de Qumran près de la mer Morte
    désert du Néguev, pâle et monochrome
    recouvert de lœss, désert disert
    — jamais vide
    branches traversent le sable
    oueds crevassant
    manteau de limon de langues
    ressac ressassé…

    Le désert n’est jamais vide
    socle cristallin y est partout
    sensible socle affleure, on est près d’un accord
    fantôme d’occident rabâché
    ferment de limon de langues
    lacunes stratigraphiques, discordance
    siège des observateurs de l’ONU
    convoi suivant, baril litigieux
    affleure, cactus
    séparent l’utopie de la réalité
    noueuse et ravinée, socle
    longue cicatrice sur la paroi
    la part des fractures et celle des plis
    celle des mouvements d’ensemble de soulèvement
    longue vallée étroite
    descend de nos jours
    le désert…

    Désert disert— jamais vide
    socle cristallin affleure
    entre le golfe d’Aqaba et la Mer
    perpendiculaire aux plis
    détermine parfois de vrais fossés
    bassin au sud délimité
    plus au sud, domaine par-delà
    demi-steppe ponctuée
    quelques buissons isolés, quelques
    bois de pins d’Alep surplombent
    désert de Judée surplombe
    la mer, le désert
    surplombe la Mer
    sombre combe
    ombre sonore
    Morte mer
    morte…



    Sylvie Nève, Bande de Gaza, poèmes de partout, Atelier de l’Agneau, Collection architextes, 2015, pp. 66-67.






    Sylvie Nève, Bande de Gaza







    SYLVIE NÈVE


    Sylvie Nève
    Source



    ■ Sylvie Nève
    sur Terres de femmes<

    [Bacchus cœur nu] (extrait d’Érotismées)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ode à Oum Kalthoum



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site d’Atelier de l’Agneau éditeur)
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  • Sylvie Nève | Ode à Oum Kalthoum



    KalsoumF2
    Jiri Vortruba, Um Kalthum, 2007,
    acrylique sur impression numérique, 45,5 x 65,5 cm
    Source







    ODE À OUM KALTHOUM




    Al aoud malouf Oum
    Kalthoum chante
    toute la tessiture du luth hante
    l’âme-foule jusqu’à l’extase.
    Son corps drape le bois et l’ouïe
    l’orient Kalthoum toute
    enchante syllabes au cœur-oud
    la gamme orientale éclate
    sanglots ourlés brodés jusqu’
    Oum orne le temps.


    Depuis longtemps l’oud,
    l’ancêtre oud :
    de la tombe de Pharaon
    à la Chanson de Roland,
    al aoud taqsim ud
    chevillier renversé en arrière
    table percée de trois roses
    demi poire profonde –
    maqâm taqasim El Sett Oum
    Kalsoum tarab chante !


    Chanteuse Oum ancêtre oud,
    oud et Oum,
    omeyyades aux longues cordes libres,
    se mesurent se récitent
    le plus ancien chant du désert,
    nouba de suites larges perpétuées
    modulations inlassables hanches,
    se mesurent au temps :
    Oum orne oud ordonne
    le temps.


    Oum Kalthoum orne le temps
    andalouse sans quitter le Caire,
    femme récite le plus ancien désir :
    voix moire, soie blanche, foulard
    heurte cascade le rythme d’étoffes
    touffeur, odeur des sons, ardue
    gorge sculpte accorde les mots
    souffle fleuve, ardeur des sens, art du
    ouï, bois, ancêtre, bleu
    tarab !


    Modulations inlassables hanches
    nouba de suites larges, perpétuées
    simple ou double plectre pince
    oud ordonne Oum ourle corde
    bourdonne, Kalsoum hausse
    chante le temps.


    Al-salâm muezzin foule
    cantillations dans les mosquées
    ardeur du sens se fond Allah
    seule voix d’homme, nul oud
    appel Allah prière de bien
    psalmodier, narrer, minaret,
    sauf Oum, déguisée en garçon
    dans les mosquées par le père.


    Longtemps, l’enfant Oum
    a psalmodié longtemps psalmodié
    Oum d’abord grimée en garçon
    bédouin…


    Fatima Ibrahim la petite
    fille aux joues rebondies,
    petite fille au koutab
    l’école est coranique
    imam papa chante
    mariages, cérémonies, petite ville
    du delta du Nil.


    Longtemps l’enfant Oum
    psalmodie longtemps psalmodie Oum
    comme son frère psalmodie
    déguisée en garçon l’enfant Oum
    fille pourtant, mieux que son frère,
    chante
    dans les mosquées par le père.


    Chansons du père
    ce chant son père,
    ce que chantait son père, elle le chant
    que chantait son père la fille
    le chantait.
    Le perroquet du père
    dit-elle
    de la petite fille de la voix
    prêtresse
    ou des oiseaux.




    Le père était gêné que la fille
    surnommée la petite fille
    à la voix puissante sa fille
    sa fille devant des hommes qu’il ne connaissait pas
    chante
    enchante Oum fille déjà
    charme son temps.


    Rien qu’un regard
    un regard et Oum
    ouvrent la mélodie des égyptiens
    disent : musique
    les égyptiens disent musique muette
    la musique sans le chant
    d’Egypte le chant
    est la musique.


    Sur un gramophone
    la première fois qu’Oum
    Kalsoum entend
    sa voix.


    Poème qu’elle chante
    commençait chanson
    se répétait phrase dix fois douze fois
    se décalait subtilement improvisait
    devenait transe
    devenait théâtre.




    Ode à oud, oud à Oum
    oud à l’âme à l’astre nommant
    la mer, le fleuve, l’enfant du delta
    son chant trouve le temps
    secoue l’espoir entre Cordoue et ciel
    du Bosphore au gramophone
    inaugure en 1934 la première émission
    de la radio nationale
    voix d’Oum tachetée blanche, joie glotte
    le Nil cadence les grands soirs
    de Castille, Bagdad, Istanbul,
    Tripoli, Rabat, Agadir, Gaza
    de partout Yasmine adorne les grottes
    mourhalef, lèvres gercées, Sahel
    Hatchepsout erre sans visa
    son visage – martelé
    Yasmine, fatma, Nasser, Nil, El Sadate…


    Babouche oud Isis sise,
    enchante l’ouïe l’oasis-Oum
    al-salâm ‘alaykum
    Ell Sett Oum Kalsoum !





    Sylvie Nève
    texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)







    SYLVIE NÈVE


    Sylvie Nève
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    ■ Sylvie Nève
    sur Terres de femmes

    [Bacchus cœur nu]



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  • Sylvie Nève | [Bacchus cœur nu]




    Gemmes
    Source







    [BACCHUS CŒUR NU]



    Bacchus cœur nu que
    j’aime
    lèvre-pied griffes chues
    gemmes
    faste ses fesses que
    j’aime
    faune mon faune si
    lène
    seiche aeschne chat sans
    gêne
    ses griottes en mes grottes
    siennes
    ses abricots sur ma motte
    s’y frottent m’y pique
    dard-dard

    nuques à cru mon cœur
    queuu queuu que
    j’aime
    glauconies et rubis
    germent
    louve grenouille loutre
    chienne
    gémir acquiesce hoque
    tant j’aime
    tête bêche dard-dard nos
    bête tête arbre ardre nos

    gemmes



    Sylvie Nève, Érotismées, Atelier de l’Agneau, 2006, pp. 19-20. Dessins de Mireille Désidéri.







    Sylvie Nève, Erotismées







    SYLVIE NÈVE


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