Étiquette : Thierry Gillybœuf


  • Antonia Pozzi, La Vie rêvée

    par Angèle Paoli

    Antonia Pozzi, La Vie rêvée,
    Journal de poésie 1929-1933,

    éditions Arfuyen,
    Collection Neige, volume 32, 2016.
    Traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Chant de ma nudité
    Ph., G.AdC





    UNE ÂME EN PROIE À L’APPEL DU NAUFRAGE




    Née le 13 février 1912, Antonia Pozzi est âgée de dix-sept ans lorsqu’elle se lance dans l’écriture de son Journal de poésie. C’est avec « La mascarade des pêcheurs », un tout petit poème très ramassé mais dense, écrit à Sorrente le 2 avril 1929, qu’elle donne sa tonalité à La Vie rêvée. La vie est déjà perçue, ce jour-là, comme une mascarade – envers du rêve. Éprise d’absolu et de pureté, torturée par le doute et par le sentiment exacerbé d’une « inanité convulsive », la jeune femme est confrontée très tôt à une inquiétude existentielle, à l’angoisse et au déchirement. Et ce, jusqu’à sa mort, onze ans plus tard. Antonia Pozzi choisit en effet de disparaître en mettant fin à ses jours. Le 2 décembre 1938.

    Le premier tome de La Vie rêvée couvre cinq années. De 1929 à 1933. Années adolescentes au cours desquelles la jeune fille écrit sa vie au fil des jours sous forme de poèmes. De manière régulière, presque quotidiennement durant l’année 1929, avec des ellipses plus importantes au cours des quatre années suivantes. Chaque poème, précisément daté, fait le plus souvent mention du lieu où il a été écrit. Milan, la ville natale d’Antonia Pozzi, étant le plus représentée. Mais aussi Pasturo, lieu privilégié des vacances familiales dans la Valsassina ; Santa Margherita, Silvaplana, Varese, Campiglio… Palermo, Kingston, Siracusa… Il arrive que le lieu d’écriture diffère du lieu évoqué par le poème. C’est le cas du poème « La petite gare de Torre Annunziata », sise aux pieds du Vésuve, poème sans doute écrit à Milan, au lendemain d’une escapade napolitaine, le 17 avril 1929.

    Tous ces points confortent le lecteur dans l’idée que l’ouvrage est bel et bien un « journal ». Quand bien même Eugenio Montale, dans un article rédigé en 1945, a refusé de voir dans cette œuvre un « journal de l’âme ». Montale proposant dans ce même article de lire le recueil comme un « livre de poésie », « témoignage des œuvres de notre temps ». Dans sa préface à La Vie rêvée, Thierry Gillyboeuf, traducteur de cette œuvre imposante, foisonnante et bouleversante, définit (subtilement) l’écriture d’Antonia Pozzi comme une « sorte de poésie diariste ». Se fondant, pour le choix de cette expression, sur le sous-titre — Diario di poesia — sous lequel l’éditeur Mondadori avait publié Parole en 1943.

    Certains poèmes ont un ou une dédicataire. Par exemple, les initiales L. B. sont celles de Lucia Bozzi, l’amie de cœur, la grande confidente d’Antonia Pozzi. Mais on trouve le plus souvent l’adresse Ad A.M.C. Ainsi le poème « Offrande à une tombe », dédié à Antonio Maria Cervi, professeur de latin-grec du lycée Manzoni. La tombe étant celle du frère de Cervi, tué pendant la Première Guerre mondiale. Fascinée par l’érudition de son professeur (de seize ans son aîné), par sa culture, par le raffinement de ses goûts, par sa passion à enseigner, la jeune fille tombe amoureuse. Avec le renoncement à cette idylle, contrariée par un veto paternel, prend fin « la vie rêvée », en 1933.

    « Oh ! pour t’avoir rêvée,

    ma chère vie,

    je bénis les jours qui restent —

    la branche morte de tous les jours qui restent,

    qui servent

    à te pleurer. »

    (25 septembre 1933)

    Quels que soient l’époque ou les lieux évoqués, une même ligne de force traverse le paysage mental d’Antonia Pozzi et l’ensemble du livre. La mort y est omniprésente. Elle se manifeste sous des formes ou métaphores diverses — « lierre noir », « chrysanthèmes », « cimetière » de rochers… — une mort que la jeune femme semble désirer. Ou, du moins, appelle de ses vœux.

    Ainsi dans « Alpage » :

    «… qu’il serait bon

    de se fracasser sur un rocher,

    et la mort serait

    vie lumineuse et certaine, à défaut d’esprit

    qui dit qu’ici Dieu n’est pas loin. »

    (Pasturo, 28 août 1929, p. 89)

    Le poème le plus impressionnant est sans nul doute « Chant sauvage », écrit un mois plus tôt. Il préfigure la mort réelle de la poète, non pas qu’il l’annonce mais parce qu’il en suggère par anticipation la trame. La poète, exaltée par la joie que lui a procurée son excursion en montagne, évoque la vision idéalisée de sa propre mort :

    « Au loin, dans un triangle de vert,

    le soleil s’attardait. J’aurais voulu

    bondir, d’un seul élan vers cette lumière ;

    m’allonger au soleil et me dénuder,

    pour que le dieu mourant s’abreuve

    de mon sang. Et puis rester, la nuit,

    étendue dans le pré, les veines vides :

    les étoiles — lapidant folles de rage

    ma chair desséchée, morte. »

    (Pasturo le 17 juillet 1929, p. 71)

    Antonia Pozzi mettra en scène sa mort le 2 décembre 1938, dans la belle nature de l’abbaye cistercienne de Chiaravalle où elle a coutume de se rendre. « Là elle avale plusieurs comprimés de barbituriques et s’allonge dans un pré voisin en attendant la mort. » (Préface de Thierry Gillybœuf ). Là, peut-être, pour la première fois, rêve et réalité se rejoignent-ils pour former un visage unique.

    Chez la jeune poète, la pensée de la mort s’accompagne de visions de pureté, de nudité, de virginité. Visions non dénuées d’érotisme, qu’elle synthétise dans les derniers vers de « Chant de ma nudité » :

    « Aujourd’hui, je me cambre nue, dans la pureté

    du bain blanc et je me cambrerai nue

    demain sur un lit, si quelqu’un

    me prend. Et un jour nue, seule,

    je serai étendue sur le dos sous un trop plein de terre,

    quand la mort aura appelé. »

    (Palerme, 20 juillet 1929, p. 77)

    La mort semble être l’aboutissement ultime et recherché de l’exaltation qui habite Antonia Pozzi. Exaltation liée à l’ascension. Réelle en montagne et requérant l’effort, l’ascension fait partie intégrante du rêve. Elle s’accentue à la tombée du jour avec le battement des cloches — « inexorables les cloches » — et culmine avec les images de mort.

    « Les cloches scandent pour moi le rythme

    d’une ascension ce soir.

    […]

    Mes pas ne quittent pas le rythme

    des cloches, ce soir :

    cloches aussi graves, pénibles et lentes

    que mon ascension.

    Soudain, au loin

    une cloche

    résonne plusieurs fois.

    Je suis au terme de mon ascension ;

    je me dépêche, j’arrive sur la cime la plus haute.

    Cela tonne. C’est la tempête sur les sommets.

    […]

    Au matin on nous retrouvera morts.

    Morts parmi les rhododendrons.

    Morts parmi les rochers

    aux visages des tombes.

    Morts par une nuit de tempête.

    Morts d’amour. »

    (Pasturo, 23 juillet 1930, pp. 103-105)

    Mourir d’aimer. Un rêve inatteignable pour Antonia Pozzi. Le plus souvent exalté par la solitude, par une mélancolie de l’âme que rien ne parvient à calmer, l’amour l’est aussi par un désir exacerbé qui transparaît dans les poèmes. Dans « Bénédiction », poème aux accents de prière et de sensualité, la poète confie à Lucia Bozzi la fièvre qui s’empare d’elle. Au point qu’il est difficile de savoir de qui parle vraiment Antonia Pozzi :

    « Tempe contre tempe

    se transfusent

    nos fièvres

    […]

    Loin,

    une grande voix d’eau

    éclate en paroles incomprises

    et te bénit peut-être,

    douce sœur,

    au nom de mon amour et de ta tristesse,

    toi, aile blanche

    de mon existence. »

    (Pasturo, 7 septembre 1929, p. 91)

    La fièvre qu’éprouve la jeune femme s’accompagne aussi d’images d’impureté qui viennent contrarier l’aspiration à la blancheur et à la légèreté de l’aile.

    Pour calmer les ardeurs de son âme incandescente et contradictoire, Antonia Pozzi échafaude un plan de fuite avec Antonio Maria Cervi. Ainsi évoque-t-elle dans « Fuite » les différentes étapes de ce plan, bâtissant au futur les gestes en partage avec son amant : « nous foulerons la couche molle/des aiguilles » ; « nous trébucherons/sur les racines »/« nous nous collerons/aux troncs » ; « et nous fuirons »…

    Le poème se clôt sur une distribution des rôles et sur l’aveu d’un rêve idyllique :

    « Et toi, tu seras

    dans la pinède, le soir, l’ombre penchée

    qui veille : et moi, rien que pour toi,

    sur la route douce et sans but,

    une âme accrochée à son amour ».

    (Madonna di Campiglio, 11 août 1929, p. 81)

    Ailleurs, dans le poème intitulé « Paix », antérieur de quelques jours, la poète invite son amant à jouir avec elle de la douceur et de la sérénité qu’elle veut lui offrir en partage.

    « Donne-moi la main : je sais combien ta main

    a souffert sous mes baisers. Donne-la-moi.

    Ce soir mes lèvres ne me brûlent pas.

    Marchons ainsi : la route est longue.

    […]

    Mais viens : marchons ; même l’inconnu

    ne m’effraie pas, si je puis être près de toi.

    Tu me rends bonne et blanche comme un enfant

    qui dit ses prières et s’endort. »

    (Carnisio, 3 juillet 1929)

    Chez Antonia Pozzi, la paix de l’âme est éphémère. Son esprit enfiévré veille, qui la met au bord de l’abîme. La folie guette, obsession liée au désir et à l’appel de la chair. Ainsi dans « Solitude », poème adressé à Antonio Maria Cervi, la poète énumère-t-elle une suite de désirs – « je voudrais attraper…/me ruer…/lutter…sombrer…/me replier…/dormir ». Et rejoint-elle, dans les derniers vers, une forme de délire pathologique :

    « J’ai les bras douloureux et alanguis

    par un désir inepte d’étreindre

    quelque chose de vivant, que je sens

    plus petit que moi […]

    Non : je suis seule. Seule je me pelotonne

    sur mon maigre corps. Je ne me rends pas compte

    qu’au lieu d’un visage endolori,

    j’embrasse comme une démente

    la peau tendue de mes genoux. »

    (Milan, 4 juin 1929)

    « Recopiés sur un cahier d’école », les « poémicules » (poesucciole) d’Antonia Pozzi portent la marque permanente d’une « âme » en proie à l’appel du naufrage. La tonalité souvent élégiaque de ses poèmes rend compte de la mélancolie qui habite la jeune femme. Mais le regard aigu qu’Antonia Pozzi porte sur elle-même et sur l’existence lui permet d’éviter l’écueil d’une spontanéité qui la conduirait inéluctablement vers un excès de lyrisme. Et même si des accents autres que les siens l’habitent par moments — les poètes Gozzano, Pascoli, Rilke, Dickinson… —, la voix qui sourd d’un poème à l’autre est légère et fluide, portée par une traduction qui l’est tout pareillement. La poésie d’Antonia Pozzi est riche de promesses auxquelles une mort précoce a mis un terme. Mais traverser la vie de la poète au rythme lent de la lecture du diario de La Vie rêvée est une aventure tendre et émouvante. Rendons hommage à Thierry Gillybœuf de s’être attelé à ce travail de tout premier ordre, et à Cécile de le lui avoir inspiré (Pour Cécile à qui ce livre doit tout). Qu’ils en soient l’un et l’autre chaleureusement remerciés.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Antonia Pozzi, La Vie rêvée





    ANTONIA POZZI


    Antonia Pozzi.5




    ■ Antonia Pozzi
    sur Terres de femmes

    Paura | Incantesimi



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la fiche de l’éditeur sur La Vie rêvée
    le site (en italien) consacré à Antonia Pozzi
    → (sur books.google.fr)
    Antonia Pozzi ou la nuit du cœur, par Hélène Leroy
    → (sur wikipedia.it)
    l’article (en italien) consacré à Antonia Pozzi
    → (sur Chroniques italiennes | Université de la Sorbonne nouvelle)
    Antonia Pozzi, une biographie intellectuelle, par Hélène Leroy
    → (sur Nel mondo di Krilu)
    une note sur Antonia Pozzi (+ de nombreuses photographies)
    → (sur YouTube)
    un court extrait du film-documentaire de Marina Spada présenté hors-concours au Festival de Venise 2009
    → (sur YouTube)
    un extrait du livre-CD Antonia Pozzi: …verso l’ultimo sogno di sole





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  • Fabiano Alborghetti | Canto 13






    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif les dimanches de foi
    Ph., G.AdC







    CANTO 13.


    Divagava con lo sguardo nel mimare l’attenzione
    le domeniche di fede, il vestito tra gli scranni
    moglie e figlio giusto accanto

    se devoti o ammaestrati non sapeva. Interrogando
    il volto in croce interrogava il come il quando
    e se qualcosa per preghiera gli venisse ritornato

    e quante occhi può contare chi dall’alto vede e veglia
    e vede tutti per davvero? C’è premura di salvezza offerta in cielo?
    Questa è vita da canile sussurrava non sentito:

    siamo in mano alla pietà, ringraziamo dei frammenti
    che pensiamo siano ascolto. Cosa resta della fame non saziata?
    Imparare a comportare è la questione:

    nel bisogno ognuno un credo, un estrarre un amuleto
    che risveglia a giorni alterni un potere d’intervento.
    Son diverso ripeteva a bassa voce, son diverso

    e guardava gli esegeti di quel Cristo appeso in croce
    reso quota per martirio: si chiedeva e se non basta?
    Basta credere nell’uno si diceva calcolando

    o più efficace l’occasione, tutto il caso degli opposti?


    Fabiano Alborghetti, Registro dei fragili, 43 canti, Edizioni Casagrande, 2009, pagina 30. Prefazione di Fabio Pusterla.






    Fabiano_alborghetti_registro_11







    CHANT 13.



    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif
    les dimanches de foi, les beaux habits dans les travées
    épouse et fils juste à côté

    sans savoir s’ils étaient pieux ou bien dressés. Interrogeant
    le visage en croix il interrogeait le quand et le comment
    lui demandait si la prière lui vaudrait quelque chose en retour

    et combien d’yeux peut-il compter celui qui d’en haut voit et veille
    et les voit-il tous pour de vrai ? Se soucie-t-on d’un salut offert au ciel ?
    C’est une vie de chien murmurait-il sans qu’on l’entende :

    nous sommes aux mains de la piété, nous remercions pour les fragments
    où nous croyons voir une écoute. Que reste-t-il de la faim inassouvie ?
    Il faut apprendre comment se comporter :

    dans le besoin chacun son credo, sortir une amulette
    qui réveille un jour sur deux une force d’intervention.
    Je suis différent répétait-il à voix basse, je suis différent

    et il regardait les exégètes de ce Christ en croix
    devenu cote par le martyre : il se demandait et si ça ne suffit pas ?
    Suffit-il de croire en un seul se disait-il en calculant

    ou plus efficace selon les circonstances, tout le débat des contraires ?


    Fabiano Alborghetti, Registre des faibles, 43 chants (Registro dei fragili, 43 canti), Éditions d’en bas, Collection bilingue, Lausanne, 2012, page 43. Traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf. Préface de Fabio Pusterla. Coédition avec Le Centre de traduction littéraire de Lausanne et Le Service de presse suisse.







    Alborghetti, Registre










    FABIANO ALBORGHETTI


    Fabiano Alborghetti.2
    [Ph. Alain Intraina – Fotostellanove – DR]
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site officiel de Fabiano Alborghetti
    → (sur RTS.ch)
    Fabiano Alborghetti, David Collin et Jean Richard (directeur des Éditions d’en bas) dans Entre les lignes (une émission du 4 mars 2013)
    → (sur YouTube)
    Fabiano Alborghetti lit un extrait de Registro dei fragili (Canto 17)



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo







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  • Carl Sandburg | Under A Hat Rim



    Marilyn Monroe and Carl Sandburg by Arnold Newman
    « Des yeux comme un lac
    Où gronde une tempête »

    Ph. © Arnold Newman/Liaison Agency, 1961, december
    Source







    UNDER A HAT RIM




    While the hum and the hurry
    Of passing footballs
    Beat in my ear like the restless surf
    Of a wind-blown sea,
    A soul came to me
    Out of the look on a face.


    Eyes like a lake
    Where a storm-wind roams
    Caught me from under
    The rim of a hat.
                  I thought of a midsea wreck
                  and bruised fingers clinging
                  to a broken state-room door.








    Sousle rebord d’un chapeau
    Ph., G.AdC






    SOUS LE REBORD D’UN CHAPEAU




    Tandis que les bruits de pas
    De la foule pressée
    Résonnaient dans mes oreilles comme le ressac incessant
    D’une mer battue par le vent,
    Une âme vint jusqu’à moi
    À travers un simple regard.


    Des yeux comme un lac
    Où gronde une tempête
    Ont croisé mon regard sous
    Le rebord d’un chapeau.
                  J’ai pensé à un naufrage en pleine mer
                  et à des doigts contusionnés se cramponnant
                  à la porte brisée d’une cabine de luxe.




    Carl Sandburg, Chicago Poems, édition bilingue, Le Temps des Cerises, 2011, pp. 134-135. Traduit et présenté par Thierry Gillybœuf.





    CARL SANDBURG


    Carl Sandburg
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Carl Sandburg (+ de nombreux poèmes)
    → (sur poemhunter.com)
    Carl Sandburg Home (National Historic Site)
    → (sur poemhunter.com)
    tous les poèmes (en anglais) de Carl Sandburg
    A Research Website for Sandburg Studies





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  • Cécile A. Holdban, Ciel passager

    Cécile A Holdban, Ciel passager,
    L’Échappée Belle édition, 2012.



    Présentation publique
    de Thierry Gillybœuf *


    Ciel passager
    Ph. M.-H. G.
    Tous droits réservés







    NOCTURNES



        Ciel passager est le premier recueil de Cécile A. Holdban. C’est même sa première publication sur papier. Au cours du Marché de la Poésie 2011, quelques-uns de ses poèmes avaient été lus en public et c’est cette lecture qui attira l’attention de quelques personnes, parmi lesquelles Angèle Paoli, qui (en juillet 2011) publia l’un de ces poèmes dans sa revue numérique Terres de femmes.

        Ciel passager regroupe une soixantaine de poèmes, tous composés entre 2010 et 2011. Leurs sources d’inspiration sont à la fois très personnelles et universelles. Mais la poésie n’est-elle pas ni plus ni moins que le mode d’emploi du monde visible et invisible qui nous entoure ? Et la voix poétique de Cécile A Holdban est avant tout celle d’une femme qui déploie toute la palette de sa féminité – une palette qui passe par la sensibilité, la sensualité, l’amour physique, la maternité, la fillette qu’elle fut et, bien entendu, la femme en tant que matrice de la vie, en parfaite adéquation avec la Terre-mère.

        Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est leur grand naturel. Comme s’ils allaient de soi, comme s’ils coulaient de source, alors qu’ils sont le fruit d’un lent travail. D’ailleurs, la façon d’écrire de Cécile A Holdban me fait songer à une phrase du poète espagnol Juan Ramón Jiménez : « On n’achève pas un poème, on l’abandonne ». Et l’écriture poétique étant un acte des plus solitaires, on reste forcément bouleversé quand on s’aperçoit que ces poèmes, qui puisent leur sève dans ce que l’on a de plus intime, trouvent une résonance chez autrui.

        Ciel passager commence et se termine par un poème intitulé « Nocturne ». On sait depuis Chopin que le nocturne est une mélodie très simple, plutôt lente, avec, au milieu, une accélération du tempo. Et c’est précisément le rythme, la partition de ce recueil. Mais ce que l’on sait moins, c’est que le nocturne était, au XVIIe siècle, une pièce musicale pour un petit ensemble, exécutée en plein air et de nuit. En plein air et de nuit : tel est véritablement le décor de l’univers poétique de Cécile A Holdban, qui aime à regarder et à imaginer le monde qui l’entoure sous l’éclairage complice de la lune, astre ô combien féminin, et astre tutélaire de Cécile A Holdban – sans compter que hold signifie « lune » en hongrois…

        Si ces poèmes sont récents ― comme la plupart d’entre nous, Cécile A Holdban a commencé à écrire à l’adolescence ―, ce qui fait la singularité de ces poèmes, c’est que, composés dans son pensionnat bavarois, ils ont été écrits en hongrois, sa langue maternelle. Loin d’être anecdotique, ce détail a son importance, parce que l’oreille de Cécile A Holdban s’est d’abord formée à cette langue liquide et saccadée, à très forte tradition orale, à travers les poèmes, les contes ou les chansons que sa mère et sa grand-mère lui récitaient ou lui interprétaient. Et c’est bien cette fluidité cadencée que l’on retrouve dans le style de Cécile A. Holdban, fluidité qui lui confère cette musicalité propre, cette mélancolie radieuse et bigarrée qui fait songer aux tableaux de Marc Chagall.

        Cécile A Holdban est elle-même une grande lectrice de poésie, et ses goûts vont de la poésie médiévale aux grands noms de la poésie hongroise – Attila Joszef, Pilinzky Janos ou Weöres Sándor, dont elle a entrepris la traduction (une très belle traduction de ce poète qui lui est cher est d’ailleurs incluse dans le recueil) –, en passant par la poésie traditionnelle japonaise, ou encore celle de René Char, d’E.E. Cummings, de Sylvia Plath ou de Valérie Rouzeau. Mais, pour autant, on ne trouvera pas chez Cécile A Holdban de réflexion sur l’art poétique. Sa poésie, tout sauf cérébrale, répond pleinement à la magnifique formule de Pierre Reverdy : « cette émotion appelée poésie ».

        C’est sans doute la raison pour laquelle cette poésie nous parle d’emblée. Parce que son langage est simple. Mais que l’on ne s’y trompe pas : il n’y a rien de plus difficile que la simplicité. Les poèmes de Cécile A Holdban ne sont pas des poèmes que l’on lit, mais que l’on relit. Car ils creusent en nous, font résonner en nous leur petite mélodie, et parce qu’à chaque lecture, on est surpris par la richesse des trouvailles métaphoriques. Et pour le coup, on est en plein dans la formidable définition de Max Jacob : « La poésie, c’est quand deux mots se rencontrent pour la première fois ». Or, dans ce Ciel passager, il y en a beaucoup qui font connaissance.

        La poésie de Cécile A. Holdban est nourrie de forces telluriques, car elle est elle-même tout entière porosité et réceptivité à ce qui l’entoure. Et l’on sait que la poésie naît en amont du langage, quand le réel et l’imaginaire échangent leurs silences. Elle peut se perdre, s’abîmer dans la contemplation d’un bourgeon, des effilochures d’un nuage ou des dessins d’une mousse sur un vieux mur de pierre. Son imaginaire, qui a su préserver sa part d’enfance, fait le reste et sait tirer d’un « instant d’Éternel », d’un « morceau d’Infini », de nouveaux Fioretti. Car Cécile A. Holdban ne se contente pas de voir, elle sait, comme disait Paul Éluard, nous donner à voir. Que l’on ne se méprenne pas pour autant : il ne s’agit en rien d’une poésie bucolique, mais plutôt de la revendication d’une modeste appartenance à l’Univers, d’une humble inscription dans le Cosmos, toute fourmi qu’elle soit, pour paraphraser l’un de ses poèmes. Ainsi, dans la grande tradition de la poésie féminine, l’écriture de Cécile A. Holdban obéit-elle à une intuition poétique semblable à celle de grandes poètes comme Sylvia Plath ou Emily Dickinson.


    Thierry Gillybœuf
    D.R. Texte Thierry Gillybœuf
    pour Terres de femmes




    _________________________________________
    * NOTE d’AP : cette présentation du recueil Ciel passager de Cécile A. Holdban a été lue en public par Thierry Gillybœuf à l’occasion de la soirée de lancement du recueil, le 10 mars 2012, à Bagnolet.





    CÉCILE A. HOLDBAN


    Cecileaholdban





    ■ Cécile A. Holdban
    sur Terres de femmes

    À la fenêtre (poème extrait du recueil Ciel passager)
    [Il n’est pas d’autre lieu que celui de l’absent] (poème extrait de La Route de sel)
    Poèmes d’après suivi de La Route de sel (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Poèmes d’après suivi de La Route de sel (lecture d’Emmanuel Merle)
    Hiéroglyphes (poèmes extraits du recueil L’Été)
    Toucher terre (lecture d’AP)
    Îles (poème extrait du recueil Toucher terre)
    [Suspendre ma voix] (poème extrait du recueil Un nid dans les ronces)
    Xénie
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Je ne tuerai point]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de l’échappée belle édition)
    une page sur Ciel passager de Cécile A Holdban





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  •          Stanley Kunitz | The Quarrel



    Stanley Kunitz, image







    THE QUARREL



    The word I spoke in anger
    weighs less than a parsley seed,
    but a road runs through it
    that leads to my grave,
    that bought-and-paid-for lot
    on a salt-sprayed hill in Truro
    where the scrub pines
    overlook the bay.
    Half-way I’m dead enough,
    strayed from my own nature
    and my fierce hold on life.
    If I could cry, I’d cry,
    but I’m too old to be
    anybody’s child.
    Liebchen,
    with whom should I quarrel
    except in the hiss of love,
    that harsh, irregular flame?




    Stanley Kunitz, “The Quarrel” in Passing Through. The Later Poems, New and Selected, W.W. Norton & Company, New York, 1995, page 102.




    NOTE d’AP : Le poème “The Quarrel” a été publié pour la première fois en janvier 1979 dans The Atlantic Monthly.







    Stanley Kunitz, Passing Through







    LA DISPUTE



    Les mots que j’ai dits en colère
    pèsent moins qu’une graine de persil,
    mais une route passe par eux
    qui mène à ma tombe,
    ce terrain acheté et payé
    sur une colline saupoudrée de sel à Truro
    où les pins de Virginie
    surplombent la baie.
    À mi-chemin je suis assez mort,
    éloigné de ma propre nature
    et de ma féroce emprise sur la vie.
    Si je pouvais pleurer, je pleurerais,
    mais je suis trop vieux pour être
    l’enfant de quelqu’un.
    Liebchen,
    avec qui me disputerais-je
    sinon dans le sifflement de l’amour,
    cette flamme âpre et irrégulière.




    Traduction inédite de Thierry Gillybœuf
    pour Terres de femmes







    Motherwell, The Quarell, 1983
    Robert Motherwell (1915-1991)
    The Quarrel by Stanley Kunitz, 1983
    Lithograph, composition 36, 91.7 x 65 cm
    The Philip and Lynn Straus Foundation
    Fund and Gift of the Dedalus Foundation
    New York, The Museum of Modern Art

    Source





    STANLEY KUNITZ


    Stanley Kunitz
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poetry Foundation)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Stanley Kunitz
    → (sur poets.org)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Stanley Kunitz (+ plusieurs poèmes, dont “The Portrait” lu par Stanley Kunitz)
    → (sur The Paris Review No. 83, Spring 1982)
    une interview [The Art of Poetry No. 29] de Stanley Kunitz, réalisée durant l’été 1977 par Chris Busa
    → (sur le site de Bill Moyers)
    Sounds of Poetry : un portrait vidéo [26 min 32 s] de Stanley Kunitz (7 novembre 1999). Parmi les poèmes lus par Stanley Kunitz : “The Quarrel”
    → (sur Inspirational)
    21 poèmes de Stanley Kunitz
    → (sur YouTube)
    Stanley Kunitz lit son poème “The Layers” (extrait aussi du recueil Passing Through)
    → (sur YouTube)
    5 poems by Stanley Kunitz



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Fabiano Alborghetti | Canto 13
    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas

    « Poésie d’un jour »
    choisie par Thierry Gillybœuf



    A  Scrivo parole e analogie
    Ph., G.AdC






    IL SILENZIO NON M’INGANNA



    Distorto il battito
    della campana di San Simpliciano
    si raccoglie sui vetri della mia finestra.
    Il suono non ha eco, prende un cerchio
    trasparente, mi ricorda il mio nome.
    Scrivo parole e analogie, tento
    di tracciare un rapporto possibile
    tra vita e morte. Il presente è fuori di me
    e non potrà contenermi che in parte.
    Il silenzio non m’inganna, la formula
    è astratta. Ciò che deve venire è qui,
    e se non fosse per te, amore,
    il futuro avrebbe già quell’eco
    che non voglio ascoltare e che vibra
    sicuro come un insetto della terra.




    Salvatore Quasimodo, Dare e Avere, Mondadori, Milano, 1966 in Salvatore Quasimodo, Tutte le poesie, con uno scritto di Elio Vittorini, Oscar grandi classici, Oscar Mondadori Editore, 1995, pagina 246.








    B  Le silence ne me trompe pas
    Ph., G.AdC






    LE SILENCE NE ME TROMPE PAS



    Déformé le battement
    de la cloche de San Simpliciano
    est recueilli par les vitres de ma fenêtre.
    Le son n’a pas d’écho, il prend un cercle
    transparent, me rappelle mon nom.
    J’écris les mots et les analogies, tente
    de tracer un rapport possible
    entre vie et mort. Le présent est hors de moi
    et ne pourra me contenir qu’en partie.
    Le silence ne me trompe pas, la formule
    est abstraite. Ce qui doit venir est ici,
    et si ce n’était pour toi, mon amour,
    le futur aurait déjà cet écho
    que je ne veux pas écouter et qui vibre
    à l’abri comme un insecte sous terre.




    Traduction inédite de Thierry Gillybœuf
    pour Terres de femmes




    ___________________________________
    Note d’AP : en 2007, Thierry Gillybœuf a fait paraître chez La Nerthe la traduction française de trois des recueils de Salvatore Quasimodo ― Giorno dopo giorno (1947), La vita non è sogno (1949) et Il falso e vero verde (1954) ―, rassemblés sous le titre Ouvrier des songes. La traduction française de La terra impareggiabile [La Terre incomparable] (Mondadori, Milan, 1958) et de Dare e avere [Donner et avoir ] (Mondadori, Milan, 1966) est en attente de publication.






    SALVATORE QUASIMODO


    Quasimodo
    Source



    ■ Salvatore Quasimodo
    sur Terres de femmes

    20 août 1901 | Naissance de Salvatore Quasimodo (+ notice bio-bibliographique)
    Et bientôt c’est le soir
    Isola
    22 octobre 1959 | Salvatore Quasimodo, Prix Nobel de littérature
    21 mars | Salvatore Quasimodo, La Terre incomparable



    ■ Voir | écouter ▼

    → (sur YouTube)
    un extrait d’une interview de Salvatore Quasimodo



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Fabiano Alborghetti | Canto 13
    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Andrea Zanzotto | Così siamo

    « Poésie d’un jour »
    choisie par Thierry Gillybœuf

    Hommage à Andrea Zanzotto (III)



    Andrea Zanzotto...
    Source







    COSÌ SIAMO



    Dicevano, a Padova, «anch’io»
    gli amici «l’ho conosciuto».
    E c’era il romorio d’un’acqua sporca
    prossima, e d’una sporca fabbrica:
    stupende nel silenzio.
    Perché era notte. «Anch’io
    l’ho conosciuto».
    Vitalmente ho pensato
    a te che ora
    non sei né soggetto né oggetto
    né lingua usuale né gergo
    né quiete né movimento
    neppure il né che negava
    e che per quanto s’affondino
    gli occhi miei dentro la sua cruna
    mai ti nega abbastanza

    E così sia: ma io
    credo con altrettanta
    forza in tutto il mio nulla,
    perciò non ti ho perduto
    o, più ti perdo e più ti perdi,
    più mi sei simile, più m’avvicini.




    Andrea Zanzotto, Intermezzo, IX Egloghe, Mondadori, Milano, 1962, in Andrea Zanzotto, Tutte le poesie, Oscar Mondadori, Collezione Oscar poesia del Novecento, 2011, p. 196.*



    Note d’AP : cet ouvrage est disponible en librairie (en Italie) depuis le 10 octobre 2011.






    NOUS SOMMES COMME ÇA



    À Padoue, ils disaient, les amis :
    « moi aussi, je l’ai connu ».
    Et il y avait le grondement tout proche d’une eau
    sale et d’une usine sale :
    prodigieux dans le silence.
    Parce que c’était la nuit. « Moi aussi,
    je l’ai connu ».
    Avec force j’ai pensé
    à toi qui désormais
    n’es ni sujet ni objet
    ni langage courant ni jargon
    ni repos ni mouvement
    pas même le ni qui niait
    et pour lequel mes yeux
    s’enfoncent dans son chas
    sans jamais te nier suffisamment.

    Qu’il en soit ainsi : mais moi,
    je crois avec d’autant plus
    de conviction dans tout mon néant ;
    c’est pour cela que je ne t’ai pas perdu
    ou plutôt, que plus je te perds plus tu te perds,
    plus tu me ressembles, plus tu m’es proche.




    Traduction inédite de Thierry Gillybœuf
    pour Terres de femmes





    ANDREA ZANZOTTO


    Andrea Zanzotto
    Source



    ■ Andrea Zanzotto
    sur Terres de femmes

    10 octobre 1921 | Naissance d’Andrea Zanzotto (+ un poème extrait de Fosfeni)
    18 octobre 2011 | Mort d’Andrea Zanzotto (+ un poème extrait de La Beltà)
    (Anticicloni, Inverni) (poème extrait de Fosfeni)
    Cantilene londinese d’Andrea Zanzotto (extraite de Filò, La Veillée pour le Casanova de Fellini)
    Comment puis-je oser vous appeler ici (poème extrait d’Idioma)
    Filò, la Veillée
    Ticchietto (extrait de Meteo)
    Verso i Palù (poème extrait de Surimpressions)
    Vocatif, suivi de Surimpressions (lecture d’AP)
    Vocativo (extrait)(Hommage à Andrea Zanzotto [I])
    A.Z. [Andrea Zanzotto], par Jacqueline Risset (Hommage à Andrea Zanzotto [II])


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur YouTube)
    Ritratti – Andrea Zanzotto (un film di Carlo Mazzacurati e Marco Paolini, regia di Carlo Mazzacurati, 2000)[49min 28′ => fiche du film]
    → (sur YouTube)
    Onstage Outstage (omaggio ad Andrea Zanzotto)
    → (sur Books.google)
    Jean Nimis, « Un processus de verbalisation du monde » : perspectives du sujet lyrique dans la poésie d’Andrea Zanzotto, Franco Italica, 2, Peter Lang, 2006



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Fabiano Alborghetti | Canto 13
    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Robert Lowell | Burial

    « Poésie d’un jour »
    choisie par Thierry Gillybœuf



    Une guêpe intarissable se heurte contre moi
    Source






    BURIAL


                     [FOR ————- ]


    Six or seven swallows drag the air,
    their fast play of flight unbroken
    as if called by a voice―
    the flies become fewer about my head.

    A longwinded wasp stumbles on me,
    marauding, providing, as if about to sting―
    patting, smelling me, caught
    in the carnivorous harmony of nature.

    The small girl has set a jagged chip
    of sandstone on the grave of a crow,
    chalked with white Gothic like a valentine:
    “For Charlie who died last night.”

    Your father died last month,
    he is buried. . . not too deep to lie
    alive like a feather
    on the top of the mind.




    Robert Lowell, Day by Day, Farrar, Straus & Giroux, New York 10003, 1977, p. 41.







    FUNÉRAILLES


                     [POUR ————-]


    Six ou sept hirondelles sillonnent les airs,
    le jeu rapide de leur vol ininterrompu
    comme si elles étaient appelées par une voix –
    les mouches deviennent moins nombreuses autour de ma tête.

    Une guêpe intarissable se heurte contre moi,
    maraudant, reculant, comme si elle s’apprêtait à piquer –
    me touchant, me sentant, prise
    dans l’harmonie carnivore de la nature.

    La fillette a mis un fragment dentelé de grès
    sur la tombe d’un corbeau, avec écrit à la craie
    en gothiques blanches comme une carte de Saint-Valentin :
    “Pour Charlie qui est mort la nuit dernière”.

    Ton père est mort le mois dernier,
    il est enterré… pas trop profond pour reposer
    aussi vivant qu’une plume
    sur le sommet de l’esprit.




    Traduction inédite de Thierry Gillybœuf.





    ROBERT LOWELL


    Robert-Lowell-005
    Source


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique sur Robert Lowell
    → (sur Modern American Poetry)
    plusieurs pages sur Robert Lowell
    → (sur Poets.org)
    une notice bio-bibliographique sur Robert Lowell et de nombreux poèmes dont deux dits par Robert Lowell





    THIERRY GILLYBŒUF

    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Fabiano Alborghetti | Canto 13
    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose



    Sinisgalli
    Ph., G.AdC






    NOMI E COSE



    I nomi si sono scollati
    dalle cose. Vedo oggetti
    e persone, non ricordo
    più i nomi. A piccoli
    passi il mondo
    si allontana da noi,
    gli amici scendono
    nel dimenticatoio.







    NOMS ET CHOSES



    Les noms se sont décollés
    des choses. Je vois des objets
    et des personnes, je ne me rappelle
    plus les noms. À petits
    pas le monde
    s’éloigne de nous,
    les amis descendent
    dans les oubliettes.




    Leonardo Sinisgalli, Oubliettes [Dimenticatoio, Mondadori, Milano, 1978], Atelier La Feugraie, 2003, pp. 108-109. Traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf.





    LEONARDO SINISGALLI

    Leonardo__sinisgalli
    Source


    ■ Leonardo Sinisgalli
    sur Terres de femmes

    L’aurora appena



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Fabiano Alborghetti | Canto 13
    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo






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