Étiquette : Thierry Gillybœuf


  • Derek Walcott | To Norline



    Plage Norline
    Ph. angèlepaoli







    TO NORLINE



    This beach will remain empty
    for more slate-coloured dawns
    of lines the surf continually
    erases with its sponge,

    and someone else will come
    from the still-sleeping house,
    a coffee mug warming his palm
    as my body once cupped yours,

    to memorize this passage
    of a salt-sipping tern,
    like when some line on a page
    is loved, and it’s hard to turn.







    POUR NORLINE



    Cette plage restera vide
    pour de nouvelles aubes couleur ardoise
    des lignes que le ressac efface
    sans cesse avec son éponge,

    et quelqu’un d’autre viendra
    de la maison encore endormie,
    une tasse à café chauffant dans sa main
    comme autrefois mon corps se lovait sur le tien,

    pour mémoriser ce passage
    d’une sterne sirotant le sel,
    comme quand on aime une ligne
    sur une page, et qu’il est difficile de la tourner.




    Derek Walcott, La Lumière du Monde, Éditions Circé, 2005, pp. 118-119. Traduit de l’anglais par Thierry Gillybœuf.





    DEREK WALCOTT

    Derek Walcott. NB
    Source


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Nobelprize.org)
    une biographie de Derek Walcott
    → (sur poets.org)
    une bio-bibliographie de Derek Walcott (+ plusieurs poèmes, dont certains dits par Derek Walcott)
    → (sur Lyrikline.org)
    plusieurs poèmes dits par Derek Walcott



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Fabiano Alborghetti | Canto 13
    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Andrea Zanzotto | Così siamo





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  • 15 novembre 1887 | Naissance de Marianne Moore

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 15 novembre 1887 naît à Kirkwood, dans le Missouri, Marianne Craig Moore.





        Marianne Moore, dont la notoriété remonte à 1921, date de la publication (sur les conseils d’Ezra Pound et à l’insu de l’auteure) de vingt-quatre de ses poèmes, sous le titre Poems chez Egoist Press, à Londres, est l’auteure d’un singulier « curriculum poetae », une « note autobiographique » écrite le 7 octobre 1951 pour la New York Herald Tribune Book Review, l’année même où elle reçut trois des plus hautes récompenses en matière de poésie (le Pulitzer de poésie, le National Book Award et le Bollingen Prize). Une autobiographie « à l’image de la poésie de Marianne Moore, tout en exubérance, en fantaisie et en espièglerie ».







    Je_vis_brooklyn_dans_un_immeuble_de
    Ph., G.AdC







    NOTE AUTOBIOGRAPHIQUE


        « Je suis née dans le Missouri en 1887, j’ai été diplômée de Bryn Mawr en 1909 et je vis à Brooklyn dans un immeuble de six étages en brique jaune et en pierre à chaux dans un lieu connu sous le nom de La Colline.

        Mes loisirs sont le théâtre, le tennis, la navigation, la lecture et le cinéma ― des documentaires animaliers, des documentaires touristiques, de temps à autre un film français et les actualités.

        J’aime les foires à la campagne, les montagnes russes, les manèges, les expositions canines, les musées, les avenues d’arbres, les vieux ormes, les véhicules, les expériences concernant le temps comme les deux roulements à bille en chute gravitationnelle, en synchronisation avec un rouage tournant verticalement que l’on trouvait dans notre ex-Musée de la Science et des Inventions. J’adore les animaux et montre un intérêt démesuré pour les mangoustes, les écureuils, les corbeaux, les éléphants. Je lis peu de magazines mais serais perdue sans journaux. Mes auteurs favoris, je crois, sont Chaucer, Molière et Montaigne. Je suis attachée au Dr Johnson ; j’aime aussi Xénophon, Hawthorne, Landor et Henry James. Je nourris un intérêt particulier pour les récits de voyage, les livres pour enfants et ne me lasse jamais de Béatrix Potter. Ma lecture préférée est presque n’importe quel type de biographie- Ellen Terry, Cellini, les mémoires de guerre de Churchill, Le Mangeur d’Hommes de Kumaon du Cap. Corbett, Eimi de E.E. Cummings, Pantomime de Wallace Fowlie, Fuir avec Moi de Sir Osbert Sitwell.

        Je travaille mieux le matin mais il m’arrive de poursuivre, rarement, l’après-midi et le soir. Je me sers très peu de mon bureau (j’écris sur un bloc ou un portfolio). À mes yeux, je me fais l’effet d’une observatrice, un plumitif intéressé plutôt qu’un auteur, mais je suis une extrémiste en ce qui concerne l’affirmation précise ; on a dit de moi que j’avais dit : « J’écris des exercices de composition » ; peut-être ai-je dit : « Je considère mes vers comme des exercices de composition. » Quand j’ai fini une chose c’est, pour autant que je sache, la dernière chose que j’écrirai ; mais si ce qui me charme ou m’émeut me fait l’oublier, je puis la récrire.

        C’est un coup dur pour moi qu’il y ait dans le monde peu de vrais ennemis de l’esclavage et que certains d’entre eux soient des généraux ― le Général Eisenhower, le général MacArthur et le Général de Tassigny ; qu’il y ait peu d’hommes à la sagesse socratique parmi nous, comme le Professeur Macmurray, le Professeur Niebuhr, le Professeur Hocking ; que peu de vrais artistes soient vivants aujourd’hui ― Casals, Soledad, E. McKnight Kauffer, Hans Mardersteig, Alec Guinness, les cavaliers de Lipizzan. »


    Marianne Moore, Poésie complète, Licornes et sabliers, Éditions José Corti, 2004, pp. 386-387. Édité et traduit par Thierry Gillybœuf.





    MARIANNE MOORE


    Marianne Moore
    Source



    ■ Marianne Moore
    sur Terres de femmes

    5 février 1972 | Mort de Marianne Moore



    ■ Voir aussi ▼

    → la
    fiche des éditions José Corti sur : Marianne Moore, Poésie complète, Licornes et sabliers
    → (sur Poezibao) une
    fiche bio-bibliographique sur Marianne Moore (+ deux extraits)
    → (sur Terres de femmes)
    Elizabeth Bishop | Invitation to Miss Marianne Moore
    → (sur le site de la photojournaliste Esther Bubley)
    trois photographies de Marianne Moore, dont une dans son appartement de Brooklyn en 1953





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  • 5 février 1972 | Mort de Marianne Moore

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 5 février 1972 meurt à New York la poète Marianne Moore, née le 15 novembre 1887 à Kirkwood (Missouri).






    Marianne_moore_1
    Source






                                                         SON BOUCLIER


    Le torque-épine ou porc piquant
               (le porc hérissé appelé à tort hérisson) avec tous ses tranchants dehors,
           échidné et échinoderme en manteau
    de fourrure d’épines de pelote d’épingles, le porc épineux ou porc-épic,
               le rhinocéros au museau cornu ―
           tout est paré pour la bataille.

    La fourrure de porc n’ira pas, je me
               ceindrai de peau de salamandre comme Jean Presbyteros*.
           Un lézard au cœur des flammes, un brandon
    qui est la vie, aux yeux d’asbeste**, aux oreilles d’asbeste, au pelage tatoué
               et au cochon permanent sur
           le cou-de-pied ; il peut résister au

    feu et ne se noiera pas. Dans son
               pays inconquérable au sobre enthousiasme,
           l’or était si banal que nul ne s’y intéressait ; la cupidité
    et la flatterie étaient inconnues. Bien que des rubis gros comme des balles
               de tennis s’agrégeassent dans les ruisseaux de sorte
           que la montagne semblait saigner,

    la salamandre
               inextinguible ne se faisait appeler que presbytère. Son bouclier
    était son humilité. En manteau de lin
    carpasien, flanquée par sa maisonnée de lionceaux et son cortège
               sable, elle révéla
    une formule plus sûre que

    celle de l’armurier ; le pouvoir de renoncer
               à ce qu’on voudrait garder ; c’est ça la liberté. Deviens crâne de
    dinosaure, garni de piquants ou de laine de salamandre, plus chaussé de métal
    et vêtu de javelines qu’un bataillon de hérissons en acier, mais sois
               terne. Ne sois pas envié ni
    armé d’un mètre d’arpenteur.


    Marianne Moore, Nouveaux Poèmes (1951) in Poésie complète, Licornes et sabliers, José Corti, 2004, pp. 168-169. Édité et traduit par Thierry Gillybœuf.



    *Jean Presbyteros : Jean l’Évangéliste (mort v. 100), un des douze apôtres, auteur du quatrième Évangile et à qui l’on attribue aussi l’Apocalypse.
    ** Asbeste : Minéral du groupe des Silicates, à structure filamenteuse, assez souple et résistante, dont on se servait autrefois pour fabriquer des tissus, des mèches de lampes et des explosifs.





    Marianne_moore_corti_4





    EN REGARDANT MISS MOORE…


        Miss Moore portait une longue robe crépusculaire à mince col blanc, et sa chevelure s’enroulait autour de sa tête en une tresse lustrée. Elle essayait de me sourire ; mais sourire lui était fort difficile avec ces petites lèvres tristes et ces grands yeux tourmentés.
         En regardant Miss Moore, je me sentais entraîné dans un âge révolu, peut-être le quinzième siècle, voire le onzième. Elle évoquait les grottes ombreuses d’une abbaye carolingienne, ou l’agate éclairée par une lampe d’une chapelle de Ravenne. Ses fins cheveux translucides semblaient de verre filé, et ses lèvres étaient ciselées dans de petits coraux timides.
         ― Vous préférez les choses aux gens, n’est-ce pas, Miss Moore ?
         ― J’aime bien les choses, oui, en effet ; il est si rare qu’elles aient un aiguillon perfide, comme en ont si fréquemment les gens avec leurs étiquettes et leurs attitudes ! Toutes les attitudes ont un certain aiguillon perfide ; mais hélas ! il est malaisé de vivre sans attitudes, n’est-ce pas ?
         ― Pourtant, les objets ont aussi des attitudes, vous ne croyez pas, Miss Moore ?
         ― Les objets ont souvent quelque chose d’humain aussi bien que l’animal. J’avais autrefois un panier en peau de tatou. Il m’avait été donné par un prêtre qui arrivait du Mexique. C’était un animal, voyez-vous, mais également humain puisqu’il s’agissait d’un panier. Les zébrures, l’étrangeté du dessin, la texture rêche, tout cela m’enchantait. L’odeur de la bête demeurait intacte en dépit de l’attitude humaine.
         ― Avez-vous écrit un poème sur le tatou ?
         ― Oh ! c’était beaucoup trop bonnet blanc et blanc bonnet !
    Les gens disaient : « Elle a donc enfin écrit un poème sur un tatou. Il était inévitable qu’elle écrivît un poème sur un tatou ! »
        Les curieux poèmes pareils à des crabes que j’avais de longue date découverts dans un livre intitulé Observations m’avaient plongé dans un ravissement perplexe. Ils se mouvaient avec une oblique délicatesse en remuant leurs antennes annelées, et semblaient rôder vers quelque exactitude sous-marine. Les motifs changeants de leurs assonances évoquaient des algues marines balancées dans l’eau. « Son bouclier » me plaisait surtout, qui parlait d’une salamandre à laquelle il donnait tout un spectre de couleurs changeantes :

    Des rubis gros comme des balles
    de tennis avaient beau s’unir en coulées telles     
    que la montagne semblait saigner,         

    l’inextinguible
        salamandre ne se qualifiait que d’ancienne. Son bouclier,
    c’était son humilité.


        Miss Moore essaya de sourire : elle sentait peut-être que je la considérais comme une salamandre ; mais le sourire s’évanouit dans l’air, et elle dit :
        ―…Maintenant, il faut que je rentre.


    Frederic Prokosch, Voix dans la nuit, 10/18, Librairie Arthème Fayard, 1984, pp. 190-191. Traduit de l’anglais par Léo Dilé.




    Salamandre
    Image, G.AdC





    MARIANNE MOORE


    Marianne Moore
    Source



    ■ Marianne Moore
    sur Terres de femmes

    15 novembre 1887 | Naissance de Marianne Moore



    ■ Voir aussi ▼

    → la
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    → (sur Poezibao) une
    fiche bio-bibliographique sur Marianne Moore (+ deux extraits)
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    Elizabeth Bishop | Invitation to Miss Marianne Moore
    → (sur le site de la photojournaliste Esther Bubley)
    trois photographies de Marianne Moore





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