Étiquette : Traces


  • Samira Negrouche | [Un doigt réaligne les fils]


    Postic 3
    Nathalie Postic in Samira Negrouche, Traces
    « La surface immobile
    qui vibre, qui vibre
    qui fait voile au-dedans
    souffle au-dedans. »









    [UN DOIGT RÉALIGNE LES FILS]




    Un doigt réaligne les fils /// un doigt coupe /// un doigt retourne /// un doigt presse /// un doigt glisse /// un doigt va et revient /// un doigt retourne les fils /// un doigt voltige /// un doigt te donne à boire /// un doigt goûte /// un doigt mesure /// un doigt trempe dans le mercure /// un doigt enroule les fils /// un doigt te suit /// un doigt te mesure et en te mesurant, il mesure la distance /// un doigt te scrute à la loupe /// un doigt te repose la question /// un doigt file les fils /// un doigt secoue /// un doigt rabote /// un doigt essuie le coin de l’œil /// un doigt te signe l’invitation /// un doigt te traverse.





    Mes mains se balancent, elles répètent sans cesse les mêmes gestes, ils sont inscrits en moi.
    Le geste est nombreux.
    Dedans les gestes, il y a un amoncellement de gestes, que je répète. Je ne me souviens pas les avoir appris, ils sont entrés en moi, par magie ou par nécessité.

    Il n’y a pas eu d’effraction entre nous, pas de viol.

    Les gestes que je répète sont comme le silence, ils ne me dérangent pas, ils ont leur propre vie, j’ai la mienne qui observe le marécage, l’enfant sorti traîner dans le marécage qui ramasse ce qu’il ne devrait pas ramasser, sur cette surface chargée de ce qui ne devrait pas être là.
    L’enfant sorti flâner ramasse.





    Le geste est nombreux
    il fait silence en moi
    et c’est ainsi que je vois.
    C’est ainsi que je te vois
    nombreux.
    C’est ainsi que je te touche.
    La surface immobile
    qui vibre, qui vibre
    qui fait voile au-dedans
    souffle au-dedans.





    Samira Negrouche, Traces, 6, Fidel Anthelme X, Collection “La Motesta”, Marseille, 2021, pp. 23-25. Photographies de Nathalie Postic (3).






    Traces 5




    SAMIRA NEGROUCHE


    Samira Negrouche Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Samira Negrouche
    sur Terres de femmes


    [J’aborde la plus haute rive](extrait de Quai 2 | 1)
    Six arbres de fortune autour de ma baignoire (lecture d’AP)
    [Des sillons se creusent] (extrait du Jazz des oliviers)
    Tes vagues (+ notice bio-bibliographique) [extrait d’Iridienne]
    [Tu ne te résignes pas] (extrait de Six arbres de fortune autour de ma baignoire)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Il se peut




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Samira Negrouche – Portrait d’une poétesse (Voix de la Méditerranée, Lodève, juillet 2011. Réalisation de Sonia Viel. Propos recueillis par Thierry Renard. Production Espace Pandora)





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  • Auxeméry | tes haillons, bonhomme…


    TES HAILLONS, BONHOMME…



    tes haillons, bonhomme

    ton chant de gorge, ton étouffoir

    pendant que les grains naissent

    là-bas, où le ciel mûrit ses hivers

    que les averses giclent sur les plaines

    où les troupeaux paissent les graminées —

    tes vêtements de sable & d’argile friable, toi

    tes sandales harassées, tes poches creuses

    & ta faiblesse, demeurer — quand le ciel se fige,

    quand ton ennui brasse ses nostalgies

    que tu voyages encore à la rame de guingois

    & et que les vents nés d’ailleurs s’en viennent trépasser

    au coin de ton bureau d’idéologue du train-train de scribouillage

    voyons,

    les bêtes lentes plaquent leurs bouses avec plus d’à-propos

    les ruminants défèquent entre les herbes des semences plus pertinentes

    monseigneur le rapace déchire mieux les entrailles des antilopes

    son compère le lion rote plus heureusement sa ripaille de boyaux

    on rêve d’oripeaux trop nobles sur ce coin de table, on est gris de vins frelatés
    on empeste du gosier, on se drape de frusques au rabais

    frappe

    ta monnaie de main moins lâche, s’il te plaît, coche ta flèche au mitan de la cible
    où un tantinet de sang viendra perler autrement que pour la séduction des goules

    un soupçon de cruauté vraie, mon cher

    au diable ces striges, ces effraies de carnaval

    tu es le masque, toi — patient cadavre, œil ouvert sur le mur clos

    là derrière, la monnaie sonne clair, le sang rissole à plaisir, les babines chuintent

    & là-bas oui, les pluies encore, espèces de déluges longs, avec les animaux
    tout à leur industrie                                    avec ces meurtres & ces digestions

    imite ce festin, falsifie & tu deviendras vrai



    Auxeméry, Lignes de failles in Failles/traces, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2017, pp. 92-93.






    Auxeméry  Failles






    AUXEMÉRY


    Auxemery
    Ph.© Corneloup
    Source




    ■ Jean-Paul Auxeméry
    sur Terres de femmes

    la mort des êtres…
    petits animaux



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Flammarion)
    plusieurs pages de Failles/traces [PDF]





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